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[1193-1199, 3 juin]

Gautier, archevêque de Rouen, Garin, évêque d’Évreux, et R[aoul], archidiacre d’Évreux, dans une lettre, interdisent à Henri, évêque, Henri, chantre et R[aoul], archidiacre de Bayeux d’entendre l’affaire opposant les moines de la Croix-Saint-Leufroy et l’abbé de Saint-Ouen de Rouen à propos de l’élection de l’abbé de la Croix. Ils disent en effet avoir reçu un mandat apostolique pour entendre cette affaire. Le texte de ce mandat n’est pas inséré dans la lettre.

Tableau de la tradition

Indication(s)

Dissertation critique

Le passage proposé ici est un extrait d’une longue bulle d’Innocent III en date du 3 juin 1199, récapitulant toutes les étapes de l’affaire opposant les moines de la Croix-Saint-Leufroy et ceux de Saint-Ouen à propos de l’élection de l’abbé de la Croix (les moines de la Croix ont élu leur nouvel abbé, suscitant l’opposition de l’abbé de Saint-Ouen, mettant en avant le fait que l’abbé de la Croix doit toujours être choisi par les moines de Saint-Ouen). Le mot eis de la première phrase renvoie aux juges délégués par le pape qui entendent l’affaire à ce moment-là : Henri, évêque, Henri, chantre, et R. (probablement Raoul), archidiacre de Bayeux. La production, par le procureur de l’abbé de Saint-Ouen, de la lettre conjointe de l’archevêque de Rouen, de l’évêque et de l’archidiacre d’Évreux, constitue manifestement une tentative de manœuvre dilatoire, qui n’est apparemment suivie d’aucun effet, pour retarder ou empêcher le traitement de l’affaire par les juges délégués bayeusains. Le fait que le procureur de Saint-Ouen refuse de produire le mandat pontifical qui aurait été donné à l’archevêque de Rouen, à l’évêque et à l’archidiacre d’Évreux amène à s’interroger : ce mandat a-t-il bien existé ? Et la lettre de ces trois personnages était-elle bien authentique ? Quelques décennies plus tôt, dans une affaire les opposant à l’archevêque de Rouen, les moines de Saint-Ouen étaient accusés d’avoir produit de faux documents (Arch. dép. Seine-Maritime, 14 H 18, p. 191).
Le terminus a quo est donné par le début de l’épiscopat de Garin. Le terminus ad quem est la date de la bulle pontificale mentionnant la lettre épiscopale. Il est très probable que l’acte a été donné à la fin de la fourchette de datation proposée.
R. monachus, procurator dicti abbatis Sancti Audoeni, eis, venerabilis fratris nostri Rothomagensis archiepiscopi, episcopi Ebroicensis et dilecti filii R. Ebroicensis archidiaconi patentes litteras præsentavit ne in causa procederent inhibentes, pro eo quod super ejusdem causæ discussione, mandatum se dicebant apostolicum recepisse. Verum, quia tenor mandati litteris illis non erat insertus, nec procurator, licet sæpius requisitus, originale ostendere voluit vel rescriptum, eorum prohibitione postposita, probationem vestram oblatam sæpius super electione canonica decreverunt pariter admittendam (...).