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Pensées 773 à 777

M :Montesquieu 1726/1727-1755.
D :Bottereau-Duval 1718-1731.
E :1734-1739.
U :1739.
H :1741-1742.
J :1742.
K :1742-1743.
F :1743.
I :1743.
L :1743-1744.
O :1745-1747.
P :Damours 1748-1750.
Q :1750-1751.
R :Saint-Marc 1751-1754.
S :1754-1755.
V :1754.
JB :Jean-Baptiste Secondat ?-1795.
T :écriture des manchettes 1828-1835

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M : Montesquieu.
D : Bottereau-Duval_1721-1731.
H : 1741-1742.
P : Damours_1748-1750.
E : 1734-1739.
L : 1742-1744.
O : 1745-1747.
T : écriture des manchettes
JB : Jean-Baptiste_Secondat.
J : 1742.
K : 1742-1743.
F : 1743.
E2 :
I : 1743.
R : Saint-Marc_1751-1754.

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Pensées, volume I

773

Fragmens

Je dirois sur les fragments du livre de la Republique de Ciceron[1].
Nous devons beaucoup de ces fragmens a Anonius Nonius qui pour nous donner des mots nous a conservé des choses[2]. Je suis naturellement curieux de tous les fragmens des ouvrages des anciens auteurs. Come sur les rivages on aime a trouver les debris des naufrages que la mer a laissés. Ciceron selo

Cicéron

Ciceron selon moi est un des grans esprits qui aye jamais êté[3]. L’ame toûjours belle lorsqu’elle n’etoit pas foible

Main principale E

774

{p.504}

Mis dans le liv 10me des Loix

La Suede depuis environ un siecle a fait de grandes choses mais ses ressources s’epuisent aisement, la pauvreté l’empéche de reparer ses pertes. Ses voisins la craignent et ses ennemis eclairés sont toûjours encouragés par des ennemis secrets.
Elle n’est propre qu’a servir aux desseins de quelque grand êtat mais si elle a des succés, elle est bientot arretée par la puissance même qui la fait agir.
Charles XII qui n’employa que ses seules forces[1] determina sa chute en formant des desseins qui ne pouvoient être exécutés que par une longue guerre chose dont son royaume n’étoit point capable.
Ce n’etoit pas un empire qui fut dans la decadence qu’il entreprit de renverser mais un empire naissant : les Moscovites se servirent de la guerre qu’il leur faisoit comme d’une école a chaque defaitte ils s’approchoient de la victoire et perdant au dehors ils apprenoient a se deffendre au dedans.

Roi de Suede

Charles se croioit le maitre du monde dans les deserts de la Pologne ou il erroit et dans lesquels la Suede êtoit comme repanduë pendant que son principal ennemi[2] se fortifioit contre luy, serroit son royaume, s’etablissoit sur la mer Baltique detruisoit ou prenoit la Livonie.
La Suede ressembloit a un fleuve dont on coupoit les eaux dans sa source et dont on les detournoit dans son cœur cours
{p.505} Ce ne fut point Pultova qui perdit le roi de Suede ; s’il n’avoit pas êté detruit dans ce lieu, il l’auroit êté dans un aûtre ; les accidens de la fortune se reparent aisement, ceux de la nature des choses ne se reparent point
Mais la nature ni la fortune ne furent jamais si fort contre lui que lui même.
Il ne se regloit point sur la disposition actuelle des choses mais sur un certain modele qu’il avoit pris, encor le suivoit il tres mal, il n’êtoit point Alexandre mais il auroit êté le meilleur soldat d’Alexandre[3].
Le projet d’Alexandre ne reussit que parce qu’il êtoit sensé.
Le mauvais succés des Perses dans les invasions qu’ils firent de la Grece les conquestes d’Agesilas et la retraite des dix mille avoitent fait connoitre au juste la superiorité des Grecs dans leur maniere de combattre et dans le genre de leurs armes et l’on sçavoit bien que les Perses êtoient incorrigibles.
Ils ne pouvoient plus troubler la Grece par ses divisions, elle êtoit alors reunie sous un chef qui ne pouvoit avoir de meilleur moyen pour la contenir que de l’ebloüir par la destruction de ses ennemis éternels, et l’esperance de la conqueste de l’Asie.
Un empire cultivé par la nation du monde la plus industrieuse et qui travailloit les terres par principe de religion, fertile et abondante en toutes choses donnoit a un même ennemi toutes sortes de {p.506} facilités a pour y subsister.
On pouvoit juger par l’orgueil des de ces rois toûjours vainement mortifiés par leurs defaittes qu’ils précipiteroient leur chûte en donnant toûjours des batailles et que la flatterie ne permettroit jamais qu’ils pussent douter de leur grandeur.
Et non seulement le projet êtoit sage, mais il fut sagement executé : Alexandre dans la rapidité de ses actions, dans le feu de ses passions mêmes avoit si j’ose me servir de ce terme une saillie de raison qui le conduisoit et que ceux qui ont voulu faire un roman de son histoire et qui avoient l’esprit plus gaté que luy n’ont pû nous derober.

- - - - -

Main principale E

775

[Passage à la main M]

Descartes

Descartes a enseigné a ceux qui sont venus apres lui a decouvrir ses erreurs memes[1] : je le compare a Timoleon

Timoléon

qui disoit je suis ravi que par mon moyen vous ayés obtenu la liberte de vous opposer a mes desirs[2] :

- - - - -

Passage de la main E à la main M

776

[Passage à la main E]

Commerce

Ce qui fait que les gens de commerce sont plus independants c’est que leurs biens sont plus hors de portée des mains du souverain[1].

Passage de la main M à la main E

777

{p.507} Pufendorf dans son histoire[1] dit : que dans les êtats ou les citoyens sont renfermés dans une ville les peuples sont plus propre a l’aristocratie et a la democratie car si quelqu’un gouverne tyranniquement une ville les peuples peuvent se reunir

Mis dans les loix :

en un instant contre lui au lieu que dans les païs dispersés ils ne peuvent s’unir. *[2] J’en donne une autre raison quand celui qui n’a qu’une ville est chassé par ses sujets le procés est fini lors qu’il a plusieurs villes et provinces et qu’il est chassé d’une[3] le projet n’est que commencé et c’est une mauvaise disposition au royaume de Naple ou presque la moitié d’un royaume est dans la ville. 245[4].
En Suede dit Pufendorf ou il y a peu de villes les paysans assistent aux êtats faisant car ils font plutot le corps de la nation que la bourgeoisie ils y assistent pour donner leur consentement aux impositions seulement[5].
* J’ajoûte que la Suede n’ayant pas êté subjuguée comme la Moscovie Hongrie, Pologne, Boheme, Silesie et autres pays d’Allemagne prés la mer Baltique les paysans n’en ont pas êté faits esclaves p. 269.

- - - - -

Main principale E


773

n1.

Jusqu’au début du XIXe siècle (découverte d’un palimpseste par Angelo Mai), le traité de Cicéron n’était connu que par des fragments transmis par des grammairiens et compilateurs comme Nonnius, par des auteurs chrétiens, Augustin et Lactance, et par Macrobe pour le célèbre « Songe de Scipion ».

773

n2.

Nonius Marcellus, grammairien latin du IVe siècle, auteur d’un De compendiosa doctrina, ou De proprietate sermonum, titre de l’édition possédée par Montesquieu (Paris, P. Chevillot, 1586 – Catalogue, nº 1932), traitant de locutions archaïques, du changement de sens et du genre des mots, des synonymes et comportant des fragments d’œuvres disparues.

773

n3.

Voir Patrick Andrivet, Dictionnaire électronique Montesquieu, art. « Cicéron » [en ligne à l’adresse suivante : http://dictionnaire-montesquieu.ens-lyon.fr/index.php?id=93].

774

n1.

Première version de l’état définitif du chapitre 13 du livre X de L’Esprit des lois, dans lequel se trouve omis le début sur la Suède. Sur Charles XII, voir nº 140 et 641.

774

n2.

Pierre le Grand, tsar de Russie, allié des rois de Pologne et du Danemarck, vainqueur à Poltova (1709) et qui s’empara, sur la côte baltique, de la Livonie et de la Carélie.

774

n3.

La formule a été biffée sur le manuscrit qui n’a pas repris le parallèle entre Charles XII et Alexandre (De l’esprit des loix (manuscrits), I, OC, t. 3, Chapitre 14, p. 210, l. 54-55).

775

n1.

L’idée que le libre examen, initié par Descartes, peut être retourné contre les thèses du philosophe, est commune : cf. Malebranche (De la recherche de la vérité, liv. VI, 2e partie, chap. IV, § 339) ; Voltaire, Lettres philosophiques, 14e lettre : « Il apprit aux hommes de son temps à raisonner, et à se servir contre lui-même de ses armes » (Amsterdam, E. Lucas, au Livre d’or, 1734, p. 152 – Catalogue, nº 2315) ; nº 1445.

775

n2.

Plutarque, Vie de Timoléon, XXXVII, 2 et 3.

776

n1.

Allusion probable aux lettres de change. Cf. nº 77 et 280 ; EL, XXI, 20.

777

n1.

Pufendorf, Introduction à l’histoire des principaux royaumes et États, tels qu’ils sont aujourd’hui dans l’Europe, Leyde, P. Van der Aa, 1710, t. I, p. 46-48 – Catalogue, nº 2709. La réflexion sur le rapport entre unité politique de la cité et république sera poursuivie dans le livre VIII de L’Esprit des lois (chap. 16). Cf. Romains, IX, p. 154-156.

777

n2.

Appel pour lire ici la dernière phrase du fragment.

777

n3.

Sous-entendre : ville.

777

n4.

Pufendorf remarquait que la « capitale [du Royaume de Naples] est si puissante qu’à peine trois Citadelles suffisent pour contenir le peuple dans son devoir » (Introduction à l’histoire des principaux royaumes et États, tels qu’ils sont aujourd’hui dans l’Europe, Leyde, P. Van der Aa, 1710, t. I, p. 177 ; les numéros de pages précisés ne sont pas ceux de l’édition possédée par Montesquieu, peut-être ceux de l’extrait mentionné au nº 380).

777

n5.

Pufendorf, Introduction à l’histoire des principaux royaumes et États, tels qu’ils sont aujourd’hui dans l’Europe, Leyde, P. Van der Aa, 1710, t. II, p. 450.