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Pensées 640 à 644

M :Montesquieu 1726/1727-1755.
D :Bottereau-Duval 1718-1731.
E :1734-1739.
U :1739.
H :1741-1742.
J :1742.
K :1742-1743.
F :1743.
I :1743.
L :1743-1744.
O :1745-1747.
P :Damours 1748-1750.
Q :1750-1751.
R :Saint-Marc 1751-1754.
S :1754-1755.
V :1754.
JB :Jean-Baptiste Secondat ?-1795.
T :écriture des manchettes 1828-1835

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M : Montesquieu.
D : Bottereau-Duval_1721-1731.
H : 1741-1742.
P : Damours_1748-1750.
E : 1734-1739.
L : 1742-1744.
O : 1745-1747.
T : écriture des manchettes
JB : Jean-Baptiste_Secondat.
J : 1742.
K : 1742-1743.
F : 1743.
E2 :
I : 1743.
R : Saint-Marc_1751-1754.

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Pensées, volume I

640

{f.455r} Morceaux qui n’ont pu entrer dans les Lettres de Kanti[1] :

Le pouvoir n’est point a moy je n’en ay que l’usage et ne l’ay que pour un moment.
Si quelque estre pouvoit abuser de sa puissance ce seroit le ciel qui estant æternel voyant voit toutes les creatures passer devant lui mais il se conduit avec autant d’ordre et de regle que si sa puissance estoit dependante.
Ne montrez

Mis dans les princes

ma justice qu’avec ma clemence ; faites come le ciel qui ne lance son tonerre sur un criminel que pour en avertir plusieurs

Je croy que je l’oteray.

- - - - -

Main principale M

641

{f.455v}

Histoire de Charles XII

Histoire de Charles 12[1]. Il y a un morceau admirable ecrit aussi vivement qu’il y en ait ; c’est la retraite de Schuilembourg[2] l’autheur manque quelques fois de sens come lorsqu’il dit que Patkul fut etoné lorsqu’on lui aprit qu’il alloit estre roüé lui qui avoit esté brave dans les combats ; come si la mort et le genre de mort n’estoint pas deux choses differentes[3]

Mort et genre de mort

:

- - - - -

Main principale M

642

Faire sa cour

Quand dans un royaume il y a plus d’avantage a faire sa cour qu’a faire son devoir tout est perdu

Main principale M

643

{f.456r} Question[1]

Torture

Chaque province a establi des tourmens particuliers pour la question et c’est un spectacle affligeant que de repasser dans son esprit la foecondite des inventions a cet eguard la plus part absurdes[2] en des endroits on allonge avec une roue un criminel come faisoit Procuste[3] on a establi qu’on feroit faire 12 tours pour la question ordinaire 24 pour l’extraordinaire[4]
On voit bien qu’on a voulu doubler les peines mais on les a multipliees plus que quadruplées, le 13[e] tour estant sans doutte le plus cruel :

- - - - -

J’ay remarqué que de 10 persones condamnées a la question il y en a neuf qui la souffrent si tant d’inocens ont esté condamnés a une si grande peine quelle cruauté ! si tant de criminels ont echapé a la mort, quelle injustice :

- - - - -

Mais on ne peut pas dira t on rejetter une pratique authorisée par tant de loix. Mais par la meme raison il n’auroit pas falu abolir la preuve tirée du fer chaut de l’eau froide, des duels[5], ny l’absurde et infame congrés[6], il faudroit encor punir come sorciers touts les gens maigres ou qui ont un poumon fait de maniere a les tenir sur l’eau[7]

- - - - -

{f.456v} Menochius L. 1er quest 89 traite des indices pour la torture il en met d’absurdes come ceux tires de la mauvaise fisionomie ex nomine turpi de ce que l’accusé a fait couler le sang d’un cadavre[8]

- - - - -

Torture

La question vient de l’esclavage servi torquebantur in caput dominorum[9] et cela n’est pas etonant on les foitoit et tormentoit en cette occasion come on faisoit en touttes les autres et pour les moindres fautes come ils n’estoint pas citoyens on ne les traitoit pas come homes : cela n’estoit pas plus extraordinaire que la loy qui mettoit a mort touts les esclaves de celui qui avoit esté assassiné quoyque l’on conut le coupable[10]

- - - - -

Main principale M

644

Le celebre autheur du Tableau de l’inconstance des demons et des sorciers qui fait veiller un home qui disoit qu’il avoit esté au sabat et n’avoit pas bougé de son lit l’autheur il dit que le diable avoit mis un corps fantastique en sa place : la force du préjuje empêchoit le juje de se rendre à la seule preuve que les criminels accusés pouvoint avoir de leur innocence[1]

- - - - -

Main principale M


640

n1.

Le titre Lettres de Kanti correspond à un projet d’ouvrage que Miguel Benitez a rapproché d’un manuscrit postérieur manipulé et composite, Les Lettres de Cang-Ti Grand Mandarin de la Chine (Bruxelles BR, ms 5716) ; Miguel Benitez, « À la recherche d’un manuscrit perdu de Montesquieu », CM, nº 5, 1999, Montesquieu. Les années de formation (1689-1720), p. 187-203. Ces remarques seront reprises dans l’article des Pensées nº 1986, partie d’une séquence intitulée « Reflections sur le prince qui n’ont pu entrer dans mes Romains, mes loix et Arsame » (nº 1983).

641

n1.

Voltaire, Histoire de Charles XII, roi de Suède, Basle [Rouen], C. Revis [Jore], 1731 ; cf. nº 140.

641

n2.

Voltaire, Histoire de Charles XII, roi de Suède, Basle [Rouen], C. Revis [Jore], 1731, p. 101-104. Le comte Jean-Mathias de Schulembourg (1661-1747), général resté au service du roi Auguste II de Pologne, attaqué le 7 novembre 1704 par Charles XII en personne et ses 10 000 cavaliers, fit une retraite si glorieuse derrière l’Oder que le roi de Suède lui-même, selon Voltaire, se considéra comme vaincu.

641

n3.

Voltaire, Histoire de Charles XII, roi de Suède, Basle [Rouen], C. Revis [Jore], 1731, p. 125-126 : « Quand […] il vit les roues et les pieux dressés, il tomba dans des convulsions de fraïeur » ; cf. nº 734. Jean Reinold Patkul (1660-1707), patriote livonien passé au service du roi de Pologne puis du tsar Pierre Ier, fut sacrifié à des calculs diplomatiques et livré à son ennemi, Charles XII, qui le condamna à être roué et écartelé.

643

n1.

Cf. EL, VI, 17, et XXIX, 11. La torture inhérente au système de preuve du droit romain (voir le 48e livre du Digeste et le 9e livre du Code de Justinien, que le jeune Montesquieu avait lus et annotés pendant ses études de droit : Collectio juris, OC, t. 11, p. 543-546 ; OC, t. 12, p. 904-905), se maintint en France dans l’ordonnance criminelle de 1670 (Adhémar Esmein, Histoire de la procédure criminelle en France et spécialement de la procédure inquisitoire, depuis le XIIe siècle jusqu’à nos jours, Paris, Larose et Forcel, 1882, p. 276-283) mais était en net recul en Europe depuis le début du XVIIe siècle face aux évolutions du régime de la preuve (John H. Langbein, Torture and the Law of Proof, Chicago, The University of Chicago Press, 2006 [1re éd. 1976], p. 50-55).

643

n2.

En dépit de la volonté d’uniformisation exprimée lors de la rédaction de l’ordonnance criminelle de 1670, les pratiques continuèrent de différer : on utilisait selon les régions l’eau, les brodequins, l’extension, etc. (Adhémar Esmein, Histoire de la procédure criminelle en France et spécialement de la procédure inquisitoire, depuis le XIIe siècle jusqu’à nos jours, Paris, Larose et Forcel, 1882, p. 239-242).

643

n3.

Sur ce personnage et le supplice qu’il infligeait, voir nº 35, note 2.

643

n4.

Sur cette distinction résidant dans l’intensité des tourments infligés, voir Benoît Garnot, Histoire de la justice, France, XVe-XXIe siècle, Paris, Gallimard, 2009, p. 615.

643

n5.

L’ouvrage de Louis Le Gendre (Mœurs et coutumes des Français dans les différents temps de la monarchie française, Paris, [J. Collombat] – Catalogue, nº 2949), paru en 1712, mentionné dans le deuxième volume des Pensées (nº 1540, autographe parmi les interventions de L, 1743-1744), évoque ces preuves divines (ordalie, duel judiciaire…). Leur existence et leur abolition sont étudiées dans les chapitres de L’Esprit des lois consacrés aux preuves judiciaires à l’époque féodale (XXVIII, 14-31) ; sur le rapport entre l’abandon de l’ordalie, le système des preuves légales et le recours à la torture, voir Adhémar Esmein, Histoire de la procédure criminelle en France et spécialement de la procédure inquisitoire, depuis le XIIe siècle jusqu’à nos jours, Paris, Larose et Forcel, 1882, p. 363 ; John H. Langbein, Torture and the Law of Proof, Chicago, The University of Chicago Press, 2006 (1re éd. 1976), p. 4-12.

643

n6.

Le congrès était la preuve de la puissance ou de l’impuissance des gens mariés, aboli en 1677 : voir LP, 84 (86), p. 370, note 8.

643

n7.

Dans les procès de sorcellerie, flotter lorsqu’on était jeté à l’eau (preuve par l’eau froide) témoignait d’une connivence avec le Malin ; voir nº 1540.

643

n8.

Jacopo Menochio, Commentarius de praesumptionibus, conjecturis, signis et indiciis, Lyon, 1588, Liber I, Quaest. LXXXIX, § 128, 130, 131 – Catalogue, nº 969.

643

n9.

« Les esclaves étaient torturés lorsqu’il s’agissait de condamner leurs maîtres à mort » (nous traduisons). Dans l’Antiquité, la déclaration des esclaves, arrachée par la torture, constitue une preuve, au même titre que le témoignage d’hommes libres, dans les causes capitales concernant leur maître (in caput domini) ; voir Ulpien, L’Office de proconsul, L, 8 ; Digeste, XLVIII, 18, 1, 1.7-8. 11-12.

643

n10.

Il s’agit du sénatus-consulte syllanien, dont Montesquieu expliquera la logique dans L’Esprit des lois (XV, 16 ; cf. nº 1838).

644

n1.

Pierre de Lancre (1560-1630), conseiller au parlement de Bordeaux, auteur du Tableau de l’inconstance des mauvais anges et démons, où il est amplement traité des sorciers et de la sorcellerie [1613], dont Montesquieu possédait la troisième édition (1712, in-4º – Catalogue, nº 2597), écrivait en effet : « […] c’est un simulacre du corps que le Diable nous fait voir… » (N. Jacques-Chaquin (éd.), Paris, Aubier, 1982, 2nd liv., discours II, p. 124). Montesquieu, dans les notes de son séjour à Naples, donne une explication rationnelle du phénomène (Voyages, p. 302).