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Pensées 41 à 45

M :Montesquieu 1726/1727-1755.
D :Bottereau-Duval 1718-1731.
E :1734-1739.
U :1739.
H :1741-1742.
J :1742.
K :1742-1743.
F :1743.
I :1743.
L :1743-1744.
O :1745-1747.
P :Damours 1748-1750.
Q :1750-1751.
R :Saint-Marc 1751-1754.
S :1754-1755.
V :1754.
JB :Jean-Baptiste Secondat ?-1795.
T :écriture des manchettes 1828-1835

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M : Montesquieu.
D : Bottereau-Duval_1721-1731.
H : 1741-1742.
P : Damours_1748-1750.
E : 1734-1739.
L : 1742-1744.
O : 1745-1747.
T : écriture des manchettes
JB : Jean-Baptiste_Secondat.
J : 1742.
K : 1742-1743.
F : 1743.
E2 :
I : 1743.
R : Saint-Marc_1751-1754.

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Pensées, volume I

41

36

{p.45} Voici comme il me paroit comment lqu’on a accourci les tems et comment la difference du calcul des Septante d’avec celui du texte hebreu s’est introduite[1]. Lors de la venuë de J. C. et longtems aprés il y avoit une tradition que le monde ne devoit durer que six mille ans, lorsque J. C. vint au monde on comptoit que la fin du monde etoit proche c’est a dire que les six mille ans etoient fort avancés c’est ce qui a fait parler a st Paul de l’accompli la consommation des siecles des derniers tems[2], st Barnabé suit la même idée dans l’epitre qu’on lui attribuë[3] selon Tertullien, on faisoit des premieres[4] publiques pour reculer cette fin du monde oremus etiam pro imperatoribus, pro statu sæculi, pro rerum quiete, pro morâ finis[5].
{p.46} Dans le 3e siecle comme cette fin n’arrivoit pas et que personne ne vouloit qu’elle arrivât si tôt on ne compta que cinq mille cinq cens ans et c’est la chronique de Jules africain[6].
Dans le 5e siecle il falut reculer encore personne ne voulant voir cette fin du monde, de manière qu’on ne mit plus que de cinq mille deux cens ans.
Lactance suivant le calcul de Jules africain et sur la pensée que le monde ne devoit durer que six mille ans ecrivant l’an 320. dit que le monde ne devoit durer encore que 200 ans[7]. Enfin comme le tems ne venoit pas prescrit se passoit il fallut reculer encore et ne mettre jusqu’à la venuë de J. C. que 4000 ans, et vers la fin du 7e siecle on trouve dans le {p.47} Talmud la tradition de la maison d’Helie qui porte que le monde doit durer 6000 ans, 2000 ans d’inanité[8], 2000 ans sous la loi, 2000 ans sous le messie, ce qui donne bien du tems avant que les 6000 ans ne soient finis.
On voit donc qu’a mesure que le tems depuis J. C. augmentoit il falloit que le tems avant J. C. diminuât. Remarqués que les retranchemens ont eté faits fort a l’aise parce qu’ils ont eté faits sur des tems vuides. Remarqués aussi combien cette division de la durée du monde de 2000 ans en 2000 ans est bien ajustée.
Na que c’est la lecture de l’extrait de la Deffense de l’antiquité des tems de la Bibliotheque universelle p. 104. tom. 24. fevrier an 1693 qui m’a donné occasion de produire cette idée voyes ma remarque avec une asterisque sur le racourcissement des temps elle est je croy je croy a l’ocasion de la chronologie perse ou arabe qui ou l’on met je croy Abraham et ensuite David voyes donc la dessus ou l’extrait de l’Alcoran ou de Chardin ou de Hide[9] j’ay même une remarque la dessus quelque part voyes aussi mon extrait de Justin l 36 p 65[10]. L’histoire de Joseph y est raportée avec asses d’exactitude il dit que Moise fut son fils preuve que l’ignorance de l’histoire fait plutost l’effect d’abreger les temps que de les allonger. Voyes p 209[11]

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{p.48} Les Espagnoles. Le pays d’Espagne est chaud et les femmes sont laidesainsi le climat est fait en faveur des femmes, mais les femmes sont faites contre le climat[1].

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Ce que c’est que les choses qui font chés nous les distinctions les plus personelles, le relachement de deux ou trois fibres auroit pû rendre Madame de Mazarin une femme trés degoutante[1].

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39

Voyés le 33e Journal des sçavans de l’an 1720. in 4º p. 516[1]. ou on fait la description des differens lits et couches de terre qui se trouvent dans le territoire de Modene au nombre de sept ou huit et une ville a 14 pieds {p.49} et à 50 pieds un fleuve souterrain dont on entend le bruit ; quand on creuse jusqu’au lit de sable un peu trop bas souvent il penetre le sable et au grand danger des ouvriers il remplit l’excavation et va jusqu’au toit des maisons voisines. Je crois qu’il pourroit se faire que le fleuve souterrain enflé par quelque accident se soit fait de tems en tems quelques ouvertures par ou les eaux ayant passé, se soient elevées et couvert le pays et fait successivemt les nouvelles couches ses eaux se retirant ou le passage se bouchant lorsque la cause qui faisoit enfler les eaux souterraines a cessé.
Non le terrain s’est affaisse voyes mon itineraire sur Viterbe ou aupres[2].
Voyes la dessus mon extrait Bernardi Ramazini De fontium mutinensium admirandâ scaturigine[3]

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{p.50} Les richesses consistent en fonds

Mis dans les loix

de terre ou en effets mobiliers[1] ; les fonds de terre sont ordinairement possedés par les regnicoles[2], chaque etat ayant des loix qui degoutent les etrangers de l’acquisition de ses terres, ainsi ces sortes de richesses appartiennent a chaque etat en particulier : pour les effets mobiliers tels que sont l’argent, les billets lettres de change ou actions sur les compagnies toutes les ces marchandises ils sont en commun au monde entier qui par ce raport ne compose qu’un etat dont les autres etats sont les membres ; l’etat qui possede le plus de ces effets mobiliers du monde est le plus riche ; la Hollande et l’Angleterre en ont une immense quantité ; chaque {p.51} etat en acquiert par ses denrées, par le travail de ses ouvriers, par son industrie, par ces ses decouvertes, par le hazard même, et l’avarice des nations se dispute les meubles[3] de l’univers ; il se peut trouver un etat si malheureux que non seulement il sera privé de tous les effets des tou autres etats, mais aussi de presque tous les siens mêmes, de maniere que les proprietaires des fonds de terre ne seront que les colomnes[4] des etrangers. Cet etat sera miserable manquant de tout et etant privé de tous les moyens pour acquerir : il peut arriver quelquefois que des etats ou le commerce fleurit voyent pour quelque tems leur argent s’evanoüir ; mais il revient aussi tôt, parce que les pays qui par quelque raison d’interêt l’ont pris le doivent et sont obligés de le rendre. {p.52} Mais dans les pays dont nous parlons l’argent ne revient jamais parce que ceux qui le prennent ne leur doivent rien.

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Main principale D


41

n1.

Montesquieu démarque ici en partie le compte rendu de la Défense de l’antiquité des temps du père Pezron (Paris, J. Boudot, 1691) paru dans la Bibliothèque universelle et historique de Jean Le Clerc (vol. 24, février 1693, p. 103-151 – Catalogue, nº 2569). La chronologie « rétablie » du père Pezron consistait à suivre la version des Septante contre celle du texte hébreu et de la Vulgate, pour calculer le temps avant Jésus-Christ. Selon Pezron, les juifs modernes avaient raccourci ce temps d’environ quinze cents ans pour prétendre que le Messie n’avait point paru parce que son temps n’était pas arrivé. Pour défendre le christianisme et pour établir la religion chez les Orientaux, en particulier chez les Chinois, par une chronologie qui puisse cadrer avec les antiquités de ces nations, Pezron jugeait ce rétablissement indispensable (L’Antiquité des temps rétablie et défendue contre les juifs et les nouveaux chronologistes, Paris, A. Lambin, 1687, avertissement non paginé – Catalogue, nº 2654). La crainte de la fin du monde chez les premiers chrétiens prouve, selon Pezron, que ceux-ci et les anciens juifs ont compté six mille ans ou cinq mille cinq cents ans jusqu’à la venue du Messie, comme les Septante. Cette crainte, dont il donne plusieurs témoignages, accrédite donc sa chronologie. Montesquieu y voit la raison pour laquelle on a cherché par la suite à raccourcir le temps compté depuis Jésus-Christ de six mille à quatre mille ans. À la mauvaise foi des juifs, alléguée par Pezron pour expliquer le « raccourcissement des temps », il substitue la nécessité où étaient les premiers chrétiens d’expliquer le maintien du monde après six mille ans.

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n2.

Hébreux, IX, 26. Montesquieu reprend les termes de la Bibliothèque universelle et historique de Jean Leclerc (vol. 24, février 1693, p. 107), résumant le commentaire du verset par Pezron (Défense de l’antiquité des temps, Paris, J. Boudot, 1691, p. 7).

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n3.

Barnabé, Épître, 15, 4b-c. Sur ces lignes et celles qui suivent, cf. Bibliothèque universelle et historique, vol. 24, février 1693, p. 107-115.

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n4.

Lire : prières.

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n5.

« Nous prions aussi pour les empereurs, pour l’état présent du siècle, pour la paix du monde, pour l’ajournement de la fin » (Tertullien, Apologétique, J.-P. Waltzing (éd. et trad.), Paris, Les Belles Lettres, 1929, p. 82). Le texte original de Tertullien, comme la citation du compte rendu de la Bibliothèque universelle et historique (vol. 24, février 1693, p. 108), donne oramus (XXXIX, 2 – Catalogue, nº 382-384).

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n6.

Jules Africain est l’auteur d’une Chronographie mentionnée par Eusèbe de Césarée dans son Histoire ecclésiastique (VI, 31, 2 – Catalogue, nº 204-206 et 208).

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n7.

Lactance, Institutions divines, VII, 25 – Catalogue, nº 357.

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n8.

Le temps d’inanité désigne dans la Tradition juive les années du monde écoulées depuis la création jusqu’à la loi de Moïse (Paul Pezron, Défense de l’antiquité des temps, Paris, J. Boudot, 1691, chap. II, § IV).

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n9.

L’Alcoran de Mahomet dans la version de Du Ryer (1re éd. 1647 – Catalogue, nº 585) ; Jean Chardin, Journal du voyage du chevalier Chardin en Perse et aux Indes orientales (Lyon, T. Amaulry, 1687 – Catalogue, nº 2738 et nº 2739 pour l’édition d’Amsterdam, [J.-L. de Lorme], 1711) ; Thomas Hyde, Historia religionis veterum Persarum eorumque majorum (Londres, 1700). Montesquieu a fait des extraits, aujourd’hui perdus, des trois ouvrages qui pouvaient le renseigner sur les chronologies perse et arabe (voir CM, nº 7, 2001, p. 283 ; Spicilège, nº 402 ; Geographica, p. 415).

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n10.

Justin, Histoire universelle, 36, 2 (Catalogue, nº 2845-2846) ; extrait perdu (Pensées, nº 102 et 139).

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n11.

Nº 206 (p. 208 du manuscrit).

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n1.

Mme d’Aulnoy avait publié dans sa Relation du voyage d’Espagne une description des dames madrilènes, maigres, brunes et plates (Paris, C. Barbin, 1691, t. II, p. 242-243) ; voir aussi, sur la rareté des beautés espagnoles, Saint-Simon, IV, p. 544.

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n1.

Hortense Mancini, duchesse de Mazarin (1646-1699), dont la beauté exceptionnelle a été soulignée par ses contemporains ([Marquis de La Fare], Mémoires et réflexions sur les principaux événements du règne de Louis XIV, Rotterdam, G. Fritsch, 1716, p. 151 – Catalogue, nº 2989).

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n1.

Le Journal des savants du 26 août 1720 (p. 513-520) rend compte de l’ouvrage de Nicolas Madrisio, Voyages d’Italie, de France et d’Allemagne (Venise, G. G. Hertz, 1718), contenant l’observation « vraiment curieuse » que l’auteur fait de terrains près de Modène. Celui-ci s’est intéressé aux questions hydrauliques posées par ce phénomène, présentées par Bernardino Ramazzini (1633-1714) dans De fontium mutinensium admiranda scaturigine tractacus physico-hydrostaticus (Modène, Suliani, 1691).

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n2.

Sur une ville engloutie, localisée à la sortie de Viterbe, voir Voyages, p. 241.

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n3.

Bernardino Ramazzini, De fontium mutinensium admiranda scaturigine tractacus physico-hydrostaticus (Modène, Suliani, 1691). De ce célèbre médecin modénois mentionné dans les Voyages (p. 370), Montesquieu possède les Opera omnia (Genève, Cramer et Perachon, 1717 – Catalogue, nº 1184), ouvrage dont il aurait fait un extrait aujourd’hui perdu (Spicilège, nº 15).

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n1.

Ce passage constitue le noyau central du chapitre 23 du livre XX de L’Esprit des lois.

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n2.

« […] Se dit de tous les habitants naturels d’un Royaume, par rapport aux privilèges dont ils sont en droit de jouir […] » (Académie, 1718, art. « Regnicoles »), terme remplacé dans L’Esprit des lois par celui d’« habitans » (EL, XX, 23).

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n3.

Au sens de : biens meubles.

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n4.

Le mot sera corrigé en « colons » par le secrétaire L dans le manuscrit de L’Esprit des lois (OC, t. 4, p. 515, l. 26). Le terme, au sens de « celui qui cultive une terre » n’est pas attesté dans les dictionnaires avant 1762 (Académie), sinon dans l’article « Métayer » de celui de Ménage (Dictionnaire étymologique, Paris, J. Anisson, 1694). Dans l’Empire romain et au Moyen Âge, le colon est esclave, non du maître, mais de la terre qu’il doit cultiver à perpétuité, lui et sa descendance (Derathé, t. I, p. 489-490, note 4).