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Pensées 18 à 22

M :Montesquieu 1726/1727-1755.
D :Bottereau-Duval 1718-1731.
E :1734-1739.
U :1739.
H :1741-1742.
J :1742.
K :1742-1743.
F :1743.
I :1743.
L :1743-1744.
O :1745-1747.
P :Damours 1748-1750.
Q :1750-1751.
R :Saint-Marc 1751-1754.
S :1754-1755.
V :1754.
JB :Jean-Baptiste Secondat ?-1795.
T :écriture des manchettes 1828-1835

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M : Montesquieu.
D : Bottereau-Duval_1721-1731.
H : 1741-1742.
P : Damours_1748-1750.
E : 1734-1739.
L : 1742-1744.
O : 1745-1747.
T : écriture des manchettes
JB : Jean-Baptiste_Secondat.
J : 1742.
K : 1742-1743.
F : 1743.
E2 :
I : 1743.
R : Saint-Marc_1751-1754.

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Pensées, volume I

18

15

{p.11}

Fables

On cherche les autheurs des ancienes fables ce sont les nourrices des premiers temps et les vieillards qui amusoint leurs petits enfens au coin du feu[1] il en est come de ces comptes que tout le monde scait quoy qu’ils ne méritent d’estre scus de persone des meille la beauté d’un meilleur n’estant pas si bien sentie par les gens grossiers moins on avoit de livres plus on avoit de ces sortes de traditions un Locman un Pilpay un Esope les ont compilles[2], ils peuvent meme y avoir ajouté des refflections car je ne scay chose au monde sur laquelle un home mediocrement moral ne puisse faire des speculations
C’est faire trop d’honneur aux fables que de penser que les Orientaux les ont inventées pour dire aux princes des verites detournées[3] car si elles pouvoint recevoir une application particuliere on n’y gagnoit {p.12} rien car dans ce cas une verité detournée chne choque pas moins qu’une directe et et souvent meme choque davantage car il y a eu la deux offences la principalle l’offence meme et la pensée qu’a eüe celui qui l’a faitte que l’on qu’elle trouveroit un home asses stupide pour la recevoir sans la sentir.
Que si ces verités n’estoint que generales il estoit encor inutile de prendre le detour d’une allegorie. Car je ne scache pas qu’il y ait jamais eu de prince au monde qui ait esté choqué d’un traité de moralle.

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Main principale M

19

16

Abus reconnus utiles

Que d’abus qui ont esté introduits come tels et tollerés come tels qui se trouvent avoir esté dans la suitte tres utiles et plus meme que les loix les plus raisonables[1] par exemple {p.13} il n’y a guere d’home de bon sens en France qui ne crie contre la voenalité des charges et qui n’en soit scandalisé cependant si l’on fait bien attention a l’indolence de païs voisins ches lesquels toutes les charges se donnent[2] et qu’on la compare avec notre activité et notre industrie on verra qu’il est infiniment utille d’encourager dans les cytoyens le desir de faire fortune, et que rien n’y contribue plus que de leur faire sentir que les richesses leur ouvrent le chemin des honeurs[3] dans touts les temps dans touts les gouvernemens on s’est pleint que {p.14} les gens de merite parvenoint moins aux honeurs que les autres, il y a bien des raisons pour cela sur tout une qui est bien naturelle c’est qu’il y a beaucoup de gens qui n’ont point de merite et peu qui en en aint il y a meme souvent beaucoup de difficulté a en faire le discernement cela et a n’estre pas trompé cela estant il vaut toujours mieux que les gens riches qui ont beaucoup a perdre et qui d’ailleurs ont une pu avoir une meilleure education entrent dans les charges publiques

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Main principale M

20

[Passage à la main D] 17

Politique

Que le hazard est imperieux et que les vuës des politiques sont courtes ! Qui auroit dit aux huguenots lorsqu’ils virent Henri 4e sur {p15} les degrés du trône qu’ils etoient perdus[1] ? Qui auroit dit à Charlemagne lors qu’il eleva la puissance des papes contre celle des empereurs grecs les seuls ennemis qu’il eût a craindre, qu’il alloit humilier tous ses successeurs[2] ?

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Passage de la main M à la main D

21

18


Secte d’Epicure
Christianisme

La secte d’Epicure a beaucoup contribué a l’établissement du christianisme car en faisant voir la stupidité du paganisme et les artifices des prêtres elle lais laissoit sans religion des gens accoutumés a un culte quoique les chretiens fussent ennemis mortels temoin Lucien qui epicurien ou a peu prés[1] invectiva cruellement les chretiens[2], cependant les uns et les autres etoient traités par les prêtres payens comme ennemis, comme profanes, comme athées, ils y mettoient seulement cette difference qu’ils ne persecutoient pas les epicuriens {p.16} parce qu’ils ne brisoient point les statuës et qu’ils n’avoient que du mepris non pas de la haine pour la religion dominante.
Lors donc que les chretiens attaquerent les erreurs payennes ce fut un grand avantage pour eux de parler la langue de la secte d’Epicure[3] et lorsqu’ils etablirent leurs dogmes c’en fut encor un tres grand de parler celle de la secte de Platon[4], mais c’est gratuitement que nous avons pris le jargon d’Aristote et je ne sçache pas que nous y ayons jamais rien gagné

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Main principale D

22

19

Miracles

L’idée des faux miracles vient de notre orgüeil qui nous fait croire que nous sommes un objet assés important pour que l’etre supreme renverse pour nous toute la nature qui nous fait regarder notre nation notre ville ou {p.17} notre armée comme plus chere à la divinité, ainsi nous voulons que Dieu soit un etre partial qui se declare sans cesse pour une creature contre l’autre et se plait a cette espece de guerre ; nous voulons qu’il entre dans nos querelles aussi vivement que nous et qu’il fasse a tous momens des choses dont la plus petite mettroit toute la nature en engourdissement. Si Josué qui veut vouloit poursuivre les fuyards veut eut demende que Dieu arrêteat le reelement le soleil, c’est a dire qu’il il auroit demandé d’etre aneanti lui même, car si le soleil s’arrête reellement et

Cet exemple est mal cite car on ne peut guere entendre la l’Ecriture qu’a la lettre[1].

non pas de la maniere dont on l’explique il n’y a plus de mouvement, plus de tourbillon, plus de soleil, plus de terre, plus d’hommes, plus de Juifs, plus de Josüe[2]

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Main principale D


18

n1.

Théorie inspirée par Fontenelle dans De l’origine des fables (1re éd. 1714 ; Œuvres complètes, A. Niderst (éd.), Paris, Fayard, 1989, t. III, p. 187-202).

18

n2.

Locman ou Lokman et Pilpay, Bidpay ou Bidpaï, deux fabulistes dont les récits qu’on leur attribue ont inspiré, avec ceux d’Ésope, le second recueil de La Fontaine et ont été traduits en français du turc par Antoine Galland (Les Contes et Fables indiennes de Bidpaï et de Lokman, Paris, A. Morin, 1724).

18

n3.

C’était la justification donnée par Galland : Bidpaï se serait servi de ce détour pour instruire son prince (Antoine Galland, Les Contes et Fables indiennes de Bidpaï et de Lokman, Paris, A. Morin, 1724, préface, p. x). Houdar de La Motte, dans son Discours sur la Fable [1719], avait déjà ironisé sur l’honneur accordé à l’esclavage « d’avoir inventé la Fable », en rappelant les exemples d’Ésope, au service de Crésus, et de Bidpaï (Œuvres de M. Houdar de La Motte, Paris, Prault, 1754, t. IX, p. 11-12, 48).

19

n1.

Cf. nº 1436. L’idée que les abus peuvent être préférables à leur correction apparaît chez Montesquieu dès 1723, dans les Lettres de Xénocrate à Phérès (OC, t. 8, p. 301-302 ; voir la version abrégée transcrite, Pensées, nº 173).

19

n2.

Cf. LP, 75 (78), p. 343 ; EL, V, 19, note (k) : « Paresse de l’Espagne ; on y donne tous les emplois ».

19

n3.

Contre la plupart de ses contemporains, Montesquieu voit dans la vénalité des charges un stimulant à l’ambition et un ressort de l’activité économique. La question est reprise dans L’Esprit des lois (EL, V, 19 : Derathé, t. I, p. 79).

20

n1.

L’opuscule De la politique [1725] évoquait ce renversement de fortune et la répression menée par Louis XIII et Louis XIV (OC, t. 8, p. 512, l. 30-33).

20

n2.

Le renforcement du pouvoir des papes par Charlemagne contre les empereurs grecs sera repris dans les Réflexions sur la monarchie universelle en Europe [1734] pour souligner le rapide accroissement de la puissance pontificale aux dépens des monarques européens (OC, t. 2, p. 351, l. 194-196).

21

n1.

Dans Alexandre ou le Faux Prophète, Lucien semble marquer une prédilection pour l’épicurisme qui invite à se débarrasser des grossières impostures et croyances du paganisme (XXV, 17-23), mais dans Le Pêcheur ou les Ressuscités et l’Hermotimos il manifeste beaucoup de défiance à l’égard de toutes les prétentions philosophiques. Montesquieu possédait les œuvres de Lucien dans une version bilingue, grec-latin, et dans la traduction de Perrot d’Ablancourt (Bâle, 1663 – Catalogue, nº 1907 ; et Paris, 1686 – Catalogue, nº 1908).

21

n2.

Dans La Mort de Pérégrinus, Lucien présente les chrétiens comme des naïfs, facilement dupés par les imposteurs (XI-XIII).

21

n3.

Origène, dans sa critique des oracles païens, s’appuyait sur des références épicuriennes (Contre Celse, VII, 3).

21

n4.

Pour se doter d’une théologie systématique et savante, les premiers Pères de l’Église, en particulier Origène, empruntent leurs concepts à la philosophie platonicienne, qui influence beaucoup saint Augustin (Confessions, liv. VII).

22

n1.

Selon Dom Calmet, qui s’appuie sur la suite du texte biblique (« On ne vit jamais, et on ne verra jamais un jour de si longue durée, Dieu ayant bien voulu obéir à la voix d’un homme », Commentaire littéral sur tous les livres de l’Ancien et du Nouveau Testament, Paris, P. Emery, 1711, t. IV, p. xj), l’épisode de Josué ne peut s’interpréter que littéralement.

22

n2.

Josué, X, 12-13. Cet épisode biblique a été fréquemment évoqué dans les débats sur la concurrence entre vérité des Écritures et astronomie copernicienne et par les adversaires de l’interprétation littérale. Dom Calmet, dans son Commentaire littéral sur tous les livres de l’Ancien et du Nouveau Testament, a placé une Dissertation sur le commandement que Josué fit au Soleil et à la Lune de s’arrêter, qui récapitule les interprétations contestant la signification littérale de l’épisode et le miracle, celles de Maimonide, de Grotius, de Spinoza et de Le Clerc (Paris, P. Emery, 1711, t. IV, « Josué, Les Juges et Ruth », p. vij-xxj – Catalogue, nº 7). Dans les Lettres persanes où sont évoquées les « Loix generales, immuables, éternelles, qui s’observent sans aucune exception » (LP, 94 [97], p. 392-393), Usbek niait implicitement tout miracle.