Afficher Masquer
Passages biffés :
Sauts de pages :
Changements de mains :
Mots clés en marge
(main T) :
DistinguerIntégrer
Corrections du transcripteur :

Fermer

Accueil|Présentation du projet|Abréviations|Introductions|Texte|Index

Français|English Contacts

Volume I|Volume II|Volume III|Citer le texte et les notes| Écritures|Affichage

Pensées 177 à 181

M :Montesquieu 1726/1727-1755.
D :Bottereau-Duval 1718-1731.
E :1734-1739.
U :1739.
H :1741-1742.
J :1742.
K :1742-1743.
F :1743.
I :1743.
L :1743-1744.
O :1745-1747.
P :Damours 1748-1750.
Q :1750-1751.
R :Saint-Marc 1751-1754.
S :1754-1755.
V :1754.
JB :Jean-Baptiste Secondat ?-1795.
T :écriture des manchettes 1828-1835

Fermer

M : Montesquieu.
D : Bottereau-Duval_1721-1731.
H : 1741-1742.
P : Damours_1748-1750.
E : 1734-1739.
L : 1742-1744.
O : 1745-1747.
T : écriture des manchettes
JB : Jean-Baptiste_Secondat.
J : 1742.
K : 1742-1743.
F : 1743.
E2 :
I : 1743.
R : Saint-Marc_1751-1754.

Fermer

Pensées, volume I

177

[Passage à la main D] Personne n’i

Sicile

Personne n’ignore la puissance des anciens rois de Sicile sur la terre et sur la mer, rivaux ou alliés des Cartaginois ou des Romains souvent vainqueurs des uns et des autres cette isle même avoit dans son sain plusieurs grandes puissances un tres grand nombre de grandes villes qui se gouvernoient par leurs loix, egalement capables de faire la guerre et de la soutenir[1] :
Quand la Sicile devint une province romaine elle fut avec l’Egyp[t]e le grenier de Rome et de l’Italie, et par consequent {p.160} une des principales parties de l’empire, il faut donc que des causes etrangeres ayent mis ce beau pays dans l’etat de decadence ou il est ; je crois qu’il n’en faut point chercher d’autre origine que celles que je vais donner ; l’absence de ses souverains qui ont toujours tiré l’or et l’argent du pays, la depopulation arrivée par le grand nombre de prêtres et de moines, ce qui se fait plus sentir dans les pays du midy qui se depeuplent toujours plus que ceux du Nord parce qu’on y vit beaucoup moins : voici ce q l’usage ce qu’il faudroit faire pour obvier a ces inconveniens
L’empereur Dom Carlos[2] tireroit un grand parti de la Sicile

Parti à tirer de la Sicile

s’il en employoit les revenus a entretenir une flotte, et par la il seroit trés respecté sur les côtes de l’Archipel, de l’Asie, de Barbarie[3], d’Italie, d’Espagne et même par les Anglois et les Hollandois qui auroient besoin de lui pour leur commerce ; il pourroit tenir le Turc en echec du côté de la mer, les tributs ne sortiroient point de {p.161} la Sicile et y seroient consommés, et le pays seroit plus en etat de porter les charges ; il faudroit moins en Sicile de troupes de terre puisque la flotte en garderoit les côtes, l’empereur le roy de Naples ne peut presque pas disposer des troupes de terre qu’il a en Sicile et ou elles sont pour ainsi dire enfermées.
Pour mettre la Sicile en etat d’entretenir cette flotte il a des moyens en ses mains que les autres souverains n’ont pas, comme il exerce la puissance pontificale[4] dans la Sicile il pourroit a son gré diminuer le nombre des moines, retrancher leurs biens et en grossir les revenus publics, un pretexte suffit pour ces sortes de choses, il pourroit obliger les ecclesiastiques a cultiver ou donner a cens leurs terres incultes ; il faudroit se conduire de maniere que l’on fit paroitre beaucoup de respect pour les superstitions indifferentes pendant qu’on detruiroit les superstitions nuisibles ; on pourroit mettre en Sicile les invalides des troupes imperiales royales {p.162} qui serviroient a la garder et y appliquer les revenus des principaux benefices, il faudroit y faire des loix qui favorisassent les mariages et entretenir une exacte severité dans la police, il faut faudroit y appeller et favoriser les juifs et les etrangers, il faudroit employer les soyes qui y viennent en manufactures[5], voici on pourroit encourager le labourage en deux manieres ; 1º en favorisant la sortie des grains de Sicile et trouvant un debouché pour les vendre aux Hollandois, Marseillois et même dans l’Archipel qui en manque quelquefois, 2º en entretenant le prix du bled un peu haut ce qu’on pourroit faire tres facilement : or rien n’entretient plus l’ardeur du maitre et du colone[6] pour le travail que l’esperance d’un prix du bled raisonable pour son bled : il y a toujours un raport naturel entre ldes le prix des fruits de la terre et le salaire que l’on donne aux gens qui la travaillent, si les fruits qui en viennent valent peu {p.163} on leur donne peu, s’ils valent beaucoup on leur donne beaucoup, or on voit bien que dans u ce dernier cas ils sont plus en etat de payer les tributs, de la politique des princes d’Italie qui entretiennent toujours le bled a un prix tres bas il resulte la misere pour le maitre et la faineantise pour le colone.

Passage de la main M à la main D

178

Plus un pays est peuplé plus il est en etat de fournir du bled aux etrangers.

Main principale D

179

Sixte Quint

Six V

dans cinq ans de pontificat par son bon gouvernement par l’austerité des moeurs qu’il etablit par la destruction des bandits par la protection continuelle donnée aux loix se vit en etat de faire des ouvrages immenses dans Rome d’amasser un grand tresor et de donner de la jalousie aux Espagnols[1]

- - - - -

Main principale D

180

Les

Célibat

Romains avoient des loix rigoureuses contre ceux qui restoient dans le celibat[1] ; tous les anciens peuples avoient {p.164} de l’horreur pour la sterilité, il seroit facile d’empêcher le celibat chés les seculiers en etablissant les loix romaines. A Bordeaux en 1622 de 60 ecoliers des jesuites il y en eut 301 qui entrerent dans les convens ;
Comme tous les grands changemens

Changemens dangereux infr. 175

sont dangereux dans un etat ; il ne faut pas detruire le monachisme mais le borner borner, il n’y auroit pour cela qu’a etablir la loi de Majorien et la nouvelle de Leon

Borner le monachisme

; je ne sçais si Loüis 14. ne fit pas une loi pour empêcher que l’on ne fit ses vœux avant 25 ans[2]. Innocent X detruisit tous les petits convens de son etat, il en renversa 1500, et il avoit resolu de pousser tous les princes chretiens a faire la même chose[3] ; il faudroit encourager les peres et les meres a elever leurs enfans, il faudroit detruire les petits colleges et favoriser ceux des grandes villes[4] ; comme il est important que les gens d’un certain etat soient elevés {p.165} aux lettres il est pernicieux de tourner le peuple de ce côté la ; il faudroit unir les petits benefices ce qui diminueroit le nombre des beneficiers ;
L’education paternelle

Education paternelle

pr previendroit bien des vices, elle feroit encore qu’on auroit plus d’attention a marier les filles et a s’en debarasser, deffendre de tenir des domestiques plu agés de de plus de v 25 ans non mariés, empêcher les parlemens de casser aussi facilement les mariages ; la jurisprudence etant telle que la plupart ne subsistent que parce qu’ils ne sont pas attaqués[5] ; il faudroit donc que ceux qui sont nuls fussent celebrés de nouveau, donner des privileges a ceux qui auroient un nombre d’enfans, de certains honneurs aux mêmes, fixer les rangs incertains par le nombre des enfans. Un preciput dans toutes les successions a celui qui a le plus d’enfans, une place de magistrat dans chaque hotel de ville a celui qui a le plus d’enfans, faire payer {p.166} a ceux qui vivent dans le celibat pour douze enfans [Passage à la main M] preveni
Prevenir le cours de la maladie veneriene en faisant faire une espece de quaranteine et de visite aux a ceux qui viennent des Indes
Le nombre de Dans les pais ou il y a des esclaves il faudroit qu’ils pussent esperer la liberté par le nombre de leurs enfans
Il faudroit bien se donner de garde[6] de doner com̃e les Romains le privilege des trois enfans a ceux qui ne les avoint pas, a moins qu’ils ne les eussent perdus à la guerre[7]
Le nombre des gens vivant dans le celibat multiplie a proportion le nombre des filles de joye

Celibataires
Filles de joie

et come les moines sont compensés par les relligieuses les gens de celibat le sont par les filles de joye
Regle generalle il n’y a que les mariages qui peuplent[8].
Les femelles des animaux ont a peu pres une foecondité constante de facon qu’on peut a {p.167} peu pres juger ce qu’une femelle fera de petits dans toutte sa vie mais dans les fames l’espece humeine les passions les fantaisies les caprices l’embaras de la grossesse celui d’une famille trop nombreuse la creinte de perdre ses charmes pre troublent la multiplication de l’espece[9]
Ainsi on ne scauroit trop travailler a faire prendre un tour d’esprit du coté de la foecondité
Si les peuples naissans multiplient beaucoup

Peuples naissans multiplient beaucoup

ce n’est pas come a dit un autheur qparce qu’ils ne s’entrempechent pas come ils font dans la suitte ou ils se nuisent come les arbres car cette raison laisse tout l’embarras mais c’est que la comod l’avantage du celibat et le du petit nombre d’enfans dans le mariage dont on joüit dans une nation qui est dans l’estat de sa grandeur est une tres grande incomodité ch u ches une nation naissante[10].
{p.168} Une page blanche
{p.169} Une page blanche

Passage de la main D à la main M

181

{p.170}

Grans biens de l’Eglise

La plus part des gens crient contre les grands biens possedés par les ecclesiastiques l’eglise pour moy je croy que le principal [deux lettres biffées non déchiffrées] inconvenient n’est pas là, mais dans le grand nombre de ceux qui les partagent voicy coment.
Il n’y a guere de petitte ville qui n’ait un ou deux petits chapitres[1] dans lesquels il y a depuis dix jusques a vint et trente places d’un tres petit revenu et qui par consequant ne peuvent estre enviées que par des gens de peu elles font l’embition des principaux artisans ou laboureurs qui tachent de faire etudier leurs enfans pour les obtenir de maniere que chaque toutes ces places derrobent autant de bons sujets a l’industrie et a l’agriculture[2].
Si les places estoint plus considerables elles {p.171} regarderoint[3] la noblesse qui est le seul corps oisif du royaume et le seul aussi qui ait besoin de biens etrangers pour se soutenir
Il n’y a rien de si ridiculle que d’engager pour cinquante ecus un home a un breviaire et a une continence æternelle.
Les gens de cette trempe sans education sans lettres sans consideration sont la honte de l’eglise et le sujet æternel des railleries des seculiers.
Il seroit facille de remedier a cet inconveniant par des unions ou par des reductions[4] en et on formeroit des benefices qui pourroint estre possedés avec quelque dignité 
On n’auroit pas meme besoin d’une authorité {p.172} etrangere parce que celle du roy et du diocesain[5] suffiroit pour cela.
Ces sortes de gens sont obliges d’aller vivre ches des artisans ou ils ne scauroint mener une vie fort eclesiastique

- - - - -

Main principale M


177

n1.

Ce passé glorieux est celui des cités fondées par les Grecs (VIIIe-IIIe siècles av. J.-C.), comme Agrigente, Géla, Syracuse, où la tyrannie a stimulé l’activité économique et repoussé les invasions carthaginoises. La Sicile, devenue première province romaine en 241 av. J.-C., fournissait Rome en blé.

177

n2.

Au moment de la rédaction de cet article, la Sicile appartient à l’empereur d’Autriche, Charles VI, échangée en 1718 par Victor Amédée II, duc de Savoie, contre la Sardaigne. À la suite de la guerre de Succession de la Pologne, elle revient en 1735 à Don Carlos, fils de Philippe V d’Espagne, « roy de Naples », ce qui explique les corrections apportées par le secrétaire E (1734-1739).

177

n3.

« L’Archipel » désigne la mer Égée, séparant l’Europe de la partie asiatique de la Méditerranée (« l’Asie ») ; voir Olfert Dapper, Description exacte des îles de l’Archipel et de quelques autres adjacentes […], Amsterdam, G. Gallet, 1703 – Catalogue, nº 2615 ; la Barbarie « est renfermée entre le mont Atlas, l’Ocean atlantique, la Mer Méditerranée & les déserts de Lybie & d’Egypte » (Olfert Dapper, Description de l’Afrique contenant les noms, la situation et les confins de toutes ses parties, leurs rivières, leurs villes et leurs habitations, leurs plantes et leurs animaux, les mœurs, les coutumes, la langue, les richesses, la religion et le gouvernement de ses peuples, Amsterdam, Wolfgang, Waesberge, Boom & Van Someren, 1686, p. 116).

177

n4.

Après la conquête normande contre les Arabes, sous le pontificat d’Urbain II, les rois de l’île ont été déclarés légats du Saint-Siège et juges des causes ecclésiastiques (1098) par l’intermédiaire d’un tribunal dit de la Monarchie : sur ce privilège, voir le compte rendu du Journal des savants de 1689 (nº 182, note 5), p. 292 et l’article nº 214.

177

n5.

Introduite par les Normands, la fabrication de la soie est une des principales activités de Messine (Savary des Bruslons, Dictionnaire universel de commerce, [Amsterdam], Jansons, 1726-1732, t. I, p. 997-998).

177

n6.

Lire ici et plus bas : colon. Voir nº 45, note 4.

179

n1.

Cf. Montesquieu, Réflexions sur le caractère de quelques princes et sur quelques événements de leur vie (env. 1731-1733, OC, t. 9, p. 55) et nº 623. Montesquieu rappelle les grands points de l’administration exemplaire de Sixte V (Felice Peretti), pape de 1585 à 1590 (Dictionnaire historique de la papauté, P. Levillain (dir.), Paris, Fayard, 1994, art. « Sixte V »). Il possédait La Vie du pape Sixte cinquième par Gregorio Leti (Paris, A. Pralard, 1699 – Catalogue, nº 265).

180

n1.

Cet article ébauche une réflexion poursuivie plus loin (nº 233), qui aboutira au vingt-troisième livre de L’Esprit des lois, consacré aux lois en rapport avec la propagation de l’espèce. Montesquieu y précise les dispositions destinées à favoriser les mariages et la natalité à Rome (XXIII, 21). Sur la critique du célibat comme facteur de dépopulation, voir LP, 113 (117).

180

n2.

En 458, l’empereur d’Occident Majorien, suivant un ordre du pape Léon Ier (Liber pontificalis, abbé Duchesne (éd.), Paris, de Boccard, 1955, XLVII, Leo, t. I, p. 239), promulgue une constitution ou novelle (et non « nouvelle ») interdisant de consacrer à Dieu les filles de moins de 40 ans ; voir Claude Fleury, Histoire ecclésiastique, Paris, P. Emery, 1718, t. VI, p. 528. En 1560, l’article XIX de l’ordonnance d’Orléans fixait à vingt-cinq ans pour les hommes et vingt ans pour les femmes l’âge des vœux de religion, qui fut abaissé à seize ans pour tous (dispositions du concile de Trente) par l’ordonnance de Blois de 1579. Le retour aux dispositions de l’ordonnance d’Orléans était un argument de la critique gallicane des vœux monastiques, encouragée par Colbert, comme chez Roland Le Vayer de Boutigny (De l’Autorité du Roi touchant l’âge nécessaire à la Profession solennelle des Religieux [1669]) : voir Catherine Maire, « La critique gallicane et politique des vœux de religion », Les cahiers du Centre de recherches historiques, 24, 2000, § 18-22 [article en ligne à l’adresse suivante : http://ccrh.revues.org/2052].

180

n3.

Innocent X, pape de 1644 à 1655 (voir nº 661), soutint, à partir de 1649, un vaste mouvement de réforme de la vie monastique, qui aboutit au regroupement ou à la suppression des petits couvents (Emanuele Boaga, La soppressione innocenziana dei Piccoli conventi in Italia, Rome, Ed. di Storia e Letteratura, 1971).

180

n4.

Cf. nº 183.

180

n5.

La législation royale, depuis la fin du XVIe siècle, renforçant les dispositions contre les mariages clandestins, avait cependant renoncé, suivant la position de l’Église (décret Tamestsi de 1563), à ordonner la nullité des unions contractées sans consentement des parents. La pratique jurisprudentielle des parlements utilisa le crime de rapt, qui rendait le mariage impossible aux yeux de l’Église, pour imposer cette nullité et lutter contre les mésalliances (DAR, art. « Mariage »).

180

n6.

« […] Donnez-vous de garde que cela n’arrive, pour dire, Ayez soin, & empechez que cela n’arrive » (Académie, 1694, art. « Garde »).

180

n7.

Le jus trium liberorum conférait des avantages aux pères et mères d’au moins trois enfants (loi Papia Poppaea, 9 av. J.-C.), privilèges que Montesquieu explicitera dans L’Esprit des lois (XXIII, 21 : Derathé, t. II, p. 116-117 ; XXVII, 1 : Derathé, t. II, p. 204-205), et qui avaient été accordés à d’autres catégories par faveur impériale (Martial, Épigrammes, IX, 98 ; Pline, Epîtres, X, 2, 95).

180

n8.

« Remplir un lieu d’habitants par la voye de la generation » (Académie, 1694, art. « Peupler »). La formule est reprise au nº 233.

180

n9.

Cf. EL, XXIII, 2.

180

n10.

Cf. EL, XXIII, 10.

181

n1.

La France compte environ six cents chapitres sous l’Ancien Régime, corps de chanoines à fonction orante, dotés de la personnalité juridique ; à côté des plus importants, les cathédraux, aux effectifs nombreux et aux ressources importantes, les collégiaux, réduits à quelques membres, survivent difficilement (DAR, art. « Chapitres »).

181

n2.

Cette réflexion sur les inconvénients des grands biens de l’Église sera développée dans L’Esprit des lois à propos de l’oisiveté encouragée par le monachisme (XIV, 7). L’addition figurant à la fin du nº 181 et signalée sur le manuscrit par un appel est à lire ici.

181

n3.

« On dit fig. […] qu’une charge regarde quelqu’un pour dire, qu’Elle luy doit venir, ou qu’il peut y pretendre » (Académie, 1694, art. « Regarder »).

181

n4.

Comprendre : par des réunions ou des suppressions de chapitres.

181

n5.

L’évêque du diocèse (voir Richelet, 1680 ; et Académie, 1740, art. « Diocésain »).