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Pensées 1629 à 1631

M :Montesquieu 1726/1727-1755.
D :Bottereau-Duval 1718-1731.
E :1734-1739.
U :1739.
H :1741-1742.
J :1742.
K :1742-1743.
F :1743.
I :1743.
L :1743-1744.
O :1745-1747.
P :Damours 1748-1750.
Q :1750-1751.
R :Saint-Marc 1751-1754.
S :1754-1755.
V :1754.
JB :Jean-Baptiste Secondat ?-1795.
T :écriture des manchettes 1828-1835

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M : Montesquieu.
D : Bottereau-Duval_1721-1731.
H : 1741-1742.
P : Damours_1748-1750.
E : 1734-1739.
L : 1742-1744.
O : 1745-1747.
T : écriture des manchettes
JB : Jean-Baptiste_Secondat.
J : 1742.
K : 1742-1743.
F : 1743.
E2 :
I : 1743.
R : Saint-Marc_1751-1754.

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Pensées, volume II

1629

{f.493v} Un home d’esprit peut dire des sotises devant les femmes mais il faut qu’il adjoute si insensiblement qu’on ne puisse pas plus se facher de la seconde que de la premiere de meme quand on les attaque de meme quand on leur fait des pleintes : on peut tout dire et tout faire en disposant les esprits :

Main principale M

1630

{f.494r} Jalousie voyes la page : 492[1]

[Passage à la main R] Les femmes une fois gardées il arrivera naturellement que l’on cherchera touts les jours à les garder encore mieux : l’effet deviendra luy même la cause, et la vigilence le plus grand motif de la vigilence[2].
Plus vous prenes des mesures, s’il arrive qu’elles ne réussissent pas, la douleur croitra à proportion des mesures déconcertées[3] des gens qui se sont toujours tenus sur leurs gardes, qui se sont felicités des moyens imaginaires pour se guarantir ; qui ont ôté touts les pretextes ; qui ont cho[i]si leurs gardiens, qui ont veillé sur leurs soins, si avec tout cela, ils se trouvent pris ils deviennent furieux dans l’inutilité de tout ce qu’on a fait on songe à ce qui reste à faire on recommence sur un nouveau plan, on invente, on ajoute, on corrige et on se surpasse toujours.
La douleur d’un homme jaloux vient sur tout de la satisfaction que l’on a trouvé à le desesperer[4] ; plus un homme est jaloux, plus {f.494v} l’affront qu’il reçoit est grand, et par une consequence juste, plus il est jaloux, plus il a raison de l’être, et plus il doit le devenir.
Bientòt un certain préjugé  d’honneur et de religion fera qu’on sera persuadé que ce seroit un malheur moins grand de perdre la vie et les biens que de souffrir qu’un autre home, un pere même vit le visage d’une femme, qu’on ne se soucie point soy même de voir[5]. On ne peut mieux comparer ce préjugé qu’à celuy où l’on est en Europe qu’un dementi merite d’être vengé par la mort[6] ; préjugé qui n’est etabli sur rien, mais qui pourtant est etabli et beaucoup mieux que les choses les plus raisonables : car souvant rien ne trouble plus le cours d’une opinion que cette consideration qu’elle est raisonable, et par consequent peu extraordinaire.
Comme parmi les Aziatiques la servitude {f.495r} des femmes a fait naitre une plus grande servitude, leur liberté parmi nous a fait naitre une plus grande liberté ; ce qui fait que nous prenons moins de precautions avec nos femmes ; c’est qu’a mesure qu’elles nous menacent des affronts qu’elles peuvent nous faire, elles mettent un ridicule à les craindre ; or plus elles ont de liberté, mieux elles sont en etat d’etablir ce ridicule et de nous donner le tour d’esprit qui leur convient[7].
{f.495v} Une page blanche

Passage de la main M à la main R

1631

{f.496r} Le prince[1]

Je l’ay copié pour le roman d’Arsace

.

Il doit penser que des villages entiers ne peuvent suffire à payer une pension qu’ils donnent à des grands seigneurs tout prêts à devenir miserables, ou à des miserables touts prets à devenir grands seigneurs, et qui souvant n’ont d’autre merite pour l’obtenir que la hardiesse de la demander
On avoit mis dans l’esprit d’un grand monarque que pourvû que l’argent ne sortit point de son royaume[2], le royaume quelsques subsides qu’il levat, quelque profusion qu’il fit, quelsques pensions qu’il payat, le royaume ne pouvoit jamais s’apauvrir. Mais ôter l’argent necessaire pour la culture des terres pour le donner à ceux qui ne l’emploiront que dans l’encouragement aux arts du luxe par leur luxe n’est ce pas apauvrir l’etat. C’est comme si l’on disoit que 20 cheveaux qui portent chacun cent livres ne seront pas plus incommodés {f.496v} lorsque dix porteront le tout et que cinq porteront dans une charrete les cinq autres.
Faites des biensfaits immenses à quelsques particuliers, vous accablés en privant les autres et eux même accablent encore les derniers par leur luxe qu’ils leur communiquent et qu’ils les contraignent d’accepter.
[f.1r-28r] Cinquante-six pages blanches

Main principale R


1630

n1.

Ce fragment est ajouté au deuxième volume entre 1751 et 1754 (voir, dans cette édition, les parties introductives « Les Pensées dans l’œuvre de Montesquieu » et « Histoire de la constitution du recueil »).

1630

n2.

Voir LP, 6 (6).

1630

n3.

« Se dit figurément en choses morales, de ce qui trouble et qui ruine les desseins qu’on avoit faits » (Furetière, 1690, art. « Deconcerter »).

1630

n4.

Voir LP, 60 (62), p. 296, l. 30-32.

1630

n5.

Voir LP, 6, p. 149, l. 13-16.

1630

n6.

Montesquieu explique dans L’Esprit des lois ce préjugé du point d’honneur qui conduit à la pratique du duel par les particularités des lois des Barbares : lorsqu’on déclarait devant un juge qu’un accusateur avait menti, ce dernier devait se battre (EL, XXVIII, 20 : Derathé, t. II, p. 237) ; voir aussi LP, 88 (90).

1630

n7.

Voir LP, 53 (55).

1631

n1.

Voir nº 1983. Recopié par le secrétaire R entre 1751 et 1754 (voir, dans cette édition, les parties introductives « Les Pensées dans l’œuvre de Montesquieu » et « Histoire de la constitution du recueil »), ce fragment était prévu pour le roman Arsace et Isménie, dont le manuscrit avait été transcrit par Damours entre 1748 et 1750 et qui ne sera publié qu’en 1783 ; sur ce manuscrit, voir OC, t. 9, introduction, p. 307-312. Tandis que d’autres fragments copiés dans le troisième volume en 1750-1751 (secrétaire Q) sont explicitement signalés comme des rejets archivés de cet ouvrage (nº 2025 : « Choses qui n’ont pu entrer dans mon roman d’Arsace et Ismenie »), la destination finale de ce morceau paraît plus incertaine. Il correspond à la partie du roman énonçant les maximes politiques du bon prince souhaitant faire le bonheur de ses sujets : voir Arsace et Isménie, OC, t. 9, p. 353-359 et l’introduction, p. 315-316).

1631

n2.

L’opposition à Louis XIV avait dénoncé le bullionisme de sa politique économique, fiscale et financière : voir les Réflexions sur la monarchie universelle en Europe (OC, t. 2, p. 355-358 et l’introduction, p. 327) ; Céline Spector, Montesquieu et l’émergence de l’économie politique, Paris, H. Champion, 2006, p. 236-238.