Afficher Masquer
Passages biffés :
Sauts de pages :
Changements de mains :
Mots clés en marge
(main T) :
DistinguerIntégrer
Corrections du transcripteur :

Fermer

Accueil|Présentation du projet|Abréviations|Introductions|Texte|Index

Français|English Contacts

Volume I|Volume II|Volume III|Citer le texte et les notes| Écritures|Affichage

Pensées 1341 à 1345

M :Montesquieu 1726/1727-1755.
D :Bottereau-Duval 1718-1731.
E :1734-1739.
U :1739.
H :1741-1742.
J :1742.
K :1742-1743.
F :1743.
I :1743.
L :1743-1744.
O :1745-1747.
P :Damours 1748-1750.
Q :1750-1751.
R :Saint-Marc 1751-1754.
S :1754-1755.
V :1754.
JB :Jean-Baptiste Secondat ?-1795.
T :écriture des manchettes 1828-1835

Fermer

M : Montesquieu.
D : Bottereau-Duval_1721-1731.
H : 1741-1742.
P : Damours_1748-1750.
E : 1734-1739.
L : 1742-1744.
O : 1745-1747.
T : écriture des manchettes
JB : Jean-Baptiste_Secondat.
J : 1742.
K : 1742-1743.
F : 1743.
E2 :
I : 1743.
R : Saint-Marc_1751-1754.

Fermer

Pensées, volume II

1341

{f.191r} [Passage à la main E] Mr Chiselden ayant abatu la cataracte à un aveugle né[1]

Aveugle né

celui cy ne pouvoit juger des distances et croyoit que les objets devoient toucher ses yeux comme ce qui touchoit sa peau, il ne connoissoit la figure d’aucune chose et ne pouvoit la reconnoitre par la vüe qu’aprés en avoir examiné la figure par le toucher[2].
On sait que quoique l’ame voye d’abord le côté gauche

Ame comment voit

de chaque objet a droite, le côté droit a gauche le côté de dessus en bas, celui d’en bas en dessus elle rectifie tout par ses experiences.
Un tableau  ne representoit point a l’homme de Mr Chiselden une figure une figure en bosse[3].
Il y a bien de l’aparence que l’ame ne raporte les sons aux corps sonores que par des observations reiterées dans l’enfance dans lesquels elle lie le sentiment {f.191v} du son a la cloche qui le produit[4].
Le sentiment du toucher ne donna pas à l’homme

Toucher

de Mr Chiselden une juste idée de la figure des choses, le sentiment de la vüe ne le lui donna pas non plus ; ce fut donc de ces deux sens que son ame tira l’idée qu’elle s’en fit[5].
L’ame est donc une philosophe qui commence à s’instruire qui apprend a juger de ses sens mêmes et de la nature des avertissemens qu’ils doivent lui donner.
Elle reçoit d’abord un sentiment et ensuite elle en juge ; elle ajoute ; elle se corrige, elle regle un de ses sens par un autre, et sur ce qu’ils lui disent elle aprend ce qu’ils ont voulu lui dire.
L’ame ayant formé ces jugemens naturels elle forme de meme tous ceux qu’elle peut faire avec la même facilité et {f.192r} qui sont tels la plupart qu’elle ne peut s’empêcher de les former.
Elle voit un quarré elle ne le voit pas tout seul, mais d’autres choses : les voyant toutes ensemble, elle peut les comparer[6]

Raports

, car si elle ne voyoit pas que le quarre a des angles et que le cercle n’en a pas elle ne verroit ni la figure du quarré ni celle du cercle. Dés qu’elle voit des raports effectifs, elle en verra d’autres qui ne sont point, car de ce qu’elle voit qu’un quarré a quatre côtes et qu’un cercle n’en n’a point elle voit aussi qu’un carré n’a pas huit côtés et qu’un cercle n’en a pas cinquante : elle aura une idée du nombre parce que voyant un quarré auprés d’un autre elle aura dit, si celui cy etoit celui là lorsque je detournerois mes yeux de celui cy je ne verrois plus celui là c’en sont donc deux, un autre, c’en sont {f.192v} donc trois. Quand elle ne saura pas combien il y en aura elle aura une idée qui repondra à celle de confusion : après avoir vu des quarrés dans un certain espace, elle pourra croire qu’il y en a autant dans une autre espace, elle verra donc des quarrés possibles, quand elle ne regardera pas les quarrés comme placés dans un certain lieu plutot que dans un autre elle verra les quarrés en general, il en sera de même de toutes les conceptions generales.
Ces choses sont encore des especes de jugemens naturels l’ame n’en aura qu’un sentiment, elle ne les developera pas elle ne saura pas en quelque façon qu’elles les sait parce qu’elles ne les aura pas apprises par réflexion.

Passage de la main P à la main E

1342

{f.193r} [Passage à la main M] * Dans les rep les ch monarchies les choses qui sont en commun

Choses en com̃un

sont regardées comme les choses d’autrui et dans les republiques elles sont regardées comme les choses de chacun :

- - - - -

Passage de la main E à la main M

1343

Je disois a un homme qui atta parlloit mal de mon ami, attaqués moy et laissés mes amis :

- - - - -

Main principale M

1344

Ma fille[1] disoit tres bien les mauvaises manieres ne sont dures que la premiere fois.

- - - - -

Main principale M

1345

L’Europe se perdra par sa milice ses gens de guerre

Gens de guerre

voicy un faït qui fut etoufé dans le temps, et dont on n’a presque plus parlé en 1714 ou 1715 sur ce que l’on voulut au lieu de l’argent donner le pain aux soldats[1] ils s’ecrivirent de regiment a régiment et un beau jour laisserent là les officiers, en créerent de leurs corps monterent la garde tout de meme, les officiers restant chacun ches eux. Les places du roy resterent quatre jours dans leur pouvoir le marechal de Montesquiou[2] acomoda cela il leur parla un soldat fit une raye et lui dit {f.193v} si vous passés cette raye vous estes mort, parlés. Un soldat de Navarre ou autre regiment vint faire des propositions un soldat de Champagne lui donna un soufflet. Il vous apartient bien de parler tandis que les soldats de Champagne le premier regiment de France sont icy et poursuivit la negotiation cela s’accomoda fut tu, et suprimé, la garnison hollandoise a Lisle a fait de nos jours en 1737 je croy pareille chose un regiment suisse sortit et s’en alla : tant de troupes feront du desordre sentiront leur force quelque jour :

- - - - -

Main principale M


1341

n1.

William Cheselden (1688-1752) réalisa cette opération en 1728 à Londres ; voir William Cheselden, « An Account of some Observations Made by a Young Gentleman, Who was Born Blind, or Lost his Sight so Early, that he Had No Remembrance of Ever having Seen, and was Couch’d between 13 and 14 Years of Age », dans Philosophical Transactions of the Royal Society, Londres, Royal Society, 1729, années 1727-1728, t. 35, p. 447-450 et les Observations sur la vue, tirées de cet écrit, provenant du fonds de La Brède (BM Bordeaux, ms 2532).

1341

n2.

La question de Molyneux passionna les philosophes des Lumières. Cette hypothèse d’un aveugle-né qui recouvre la vue est reproduite par Locke dans la deuxième édition anglaise de l’Essai philosophique concernant l’entendement humain (liv. II, chap. IX, § 8), traduite pour la première fois en français par Coste en 1700 (Catalogue, nº 1489). Voir Gareth Evans, « The Molyneux Question », Collected Papers, Oxford, Clarendon Press, 1985, p. 364-399 ; Marc Parmentier, « Le problème de Molyneux de Locke à Diderot », Recherches sur Diderot et sur l’Encyclopédie, nº 28, 1, 2000, p. 13-23.

1341

n3.

La bosse désigne, en sculpture, le relief (Furetière, 1690, art. « Bosse »).

1341

n4.

L’habitude est essentielle à la constitution de l’expérience (voir nº 1187, note 6). Sur le sensualisme de Montesquieu exposé à partir de l’opération de Cheselden, voir Denis de Casabianca, Montesquieu. De l’étude des sciences à l’esprit des lois, Paris, H. Champion, 2008, p. 762-768.

1341

n5.

Si l’aveugle-né est incapable de reconnaître par un seul sens les figures (globe ou cube – ce qui explique les carrés et cercles que Montesquieu utilise dans la suite du fragment), c’est qu’il n’a pas d’idées innées, et que c’est par l’association des idées dans la répétition des expériences sensibles que l’entendement forme ses jugements. L’observation de Cheselden semble confirmer la conclusion de Locke, comme le souligne Voltaire dans ses Éléments de la philosophie de Newton paru en 1738 (Oxford, Voltaire Foundation, 1992, 2e partie, chap. VII, p. 319), dans la période de transcription de cet article : voir nº 1380.

1341

n6.

Sur l’aperception des vérités géométriques, la formation des jugements, le rôle de la comparaison et la double référence à Locke et à Malebranche, voir nº 1187.

1344

n1.

Montesquieu eut deux filles : Marie-Catherine de Secondat (1717-1784), mariée en 1738 à Vincent Guichanères d’Armajan, et Marie-Josèphe-Denise de Secondat (1727-1800), qui épousa son cousin Godefroy de Secondat en 1745.

1345

n1.

Ces mutineries eurent lieu durant l’été 1715. Les soldats cantonnés en Flandre et en Alsace, obligés d’acheter du pain fourni par les munitionnaires à un prix plus élevé que dans les marchés, se révoltèrent et des officiers furent tués (Journal du marquis de Dangeau, Paris, Firmin-Didot, 1859, t. XVI, 4, 8 et 9 août 1715, p. 4, 9-10 ; Saint-Simon, t. V, p. 227).

1345

n2.

Pierre d’Artagnan, maréchal de Montesquiou (1640-1725) : sur sa carrière, voir le père Anselme, Histoire généalogique et chronologique de la Maison royale de France, des pairs […], Paris, Compagnie des libraires, 1733, t. VII, art. CXCV, p. 684-685.