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Pensées 1226 à 1230

M :Montesquieu 1726/1727-1755.
D :Bottereau-Duval 1718-1731.
E :1734-1739.
U :1739.
H :1741-1742.
J :1742.
K :1742-1743.
F :1743.
I :1743.
L :1743-1744.
O :1745-1747.
P :Damours 1748-1750.
Q :1750-1751.
R :Saint-Marc 1751-1754.
S :1754-1755.
V :1754.
JB :Jean-Baptiste Secondat ?-1795.
T :écriture des manchettes 1828-1835

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M : Montesquieu.
D : Bottereau-Duval_1721-1731.
H : 1741-1742.
P : Damours_1748-1750.
E : 1734-1739.
L : 1742-1744.
O : 1745-1747.
T : écriture des manchettes
JB : Jean-Baptiste_Secondat.
J : 1742.
K : 1742-1743.
F : 1743.
E2 :
I : 1743.
R : Saint-Marc_1751-1754.

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Pensées, volume II

1226

{f.97r} [Passage à la main E] Je n’ay guere entendu raisonner persone sur les affaires presentes je ne dis pas avec sens mais avec connoissance de cause il n’est plus question de la constitution  depuis plus de dix ans[1]

Chisme

 ; il est question de savoir s’il y aura un schisme ou non ; [Passage à la main M] quoy que la cour et le parlement soient opposés dans les voyes qu’ils prennent ils n’ont l’un et l’autre d’autre q[u]’une meme vüe quei est d’empecher le schisme mais ils s’y prennent d’une maniere differente ; et ils ont si bien les memes vues que les memes choses que le parlement condamne le conseil est obligé de les condemner : la cour et le parlement scavent que s’il y a une fois un schisme il faudra establir des loix poeénales queil tout faudra nous pendre touts les uns les autres et que quand on aura comencé [un mot biffé non déchiffré] on ne scait pas où cela ira. Les jansenistes eux vont toujours en avant et semblent ne chercher qu’a aller se faire pendre et les molinistes[2] préparent deja les cordes avec lesquelles ils pendront ou seront pendus la cour de Rome engagée, elle ne scait coment, dans cette affaire suit ses principes de pousser toujours les choses a l’extremité touts les bons Francois touts les vrais citoyens fremissent en voyant le danger et de la relligion et de la nation on ne scauroit eriger asses de statues au cardinal de Fleuri[3] qui a vu le mal les causes les effects {f.97v} et qui a cherché dans tout son ministere a ap diminuer le mal et l’a fait et on peut dire qu’il a empeché le schisme que les enfans perdus des deux parts hattoint vouloint hatter de toutte leur force : tout ce il a donné les emplois a des gens modérés au moins il a cherché a le faire il a arresté la trop grande vivacité les emportemens des molinistes et a otte peu a peu les forces aux jansenistes en les privant de leurs meilleurs sujets il est vray que le ministere a beaucoup aigri le parlement et il faudroit songer a deux choses l’une a adoucir les esprits l’autre a y mettre quand il vaque des places charges des gens sages autant que l’on le peut
J’entends toujours dire que le roy n’a qu’a suprimer changer otter casser le parlement ce sont des gens ignorans qui parlent ainsi, ou des gens qui ont interest de parler ainsi pour leur fortune a Rome : et une des bonnes choses qui ait este faites de nos jours c’est ce qui a le plus révolté le public qui est le chapeau donné au cardinal d’Auvergne[4] on a fait par la comprendre au clergé que sles excés des particuliers pour dans les affaires du temps ne les meneroint point aux dignités qui les devorent
{f.98r} Il ne faut pas croire que le parlement de Paris agisse par humeur et par pique uniquement j’avoüe que come lors que l’on est aigry par la contradiction on se jette plus fort d’un [un mot biffé non déchiffré] dans l’opinion ou l’on est qu’on n’y estoit auparavant il peut y avoir et il y a eu dans le parlement des petits esprits qui se sont laissé echaufer la cervele des petitesses et des idiotismes jansenistes mais je po jette les yeux non sur le parlement de Paris mais sur la magistrature du royaume et je la trouve dans les principes du parlement
Pourquoy cela c’est que depuis quatre siecles touts les livres sont pleins des principes du parlement que c’est là dessus que l’on a estudié qu’on s’est formé l’esprit et que les hommes ne renoncent pas tout d’un coup et touts ensemble a leurs principes
Que les disputes entre Philipe le Bel et Boniface huit establirent des principes en France[5] que la pragmatique[6] les confirma que les malheurs des guerres de la relligion les excommunications d’Henri trois ou d’Henry quatre[7] font rendirent les [mot biffé non déchiffré] magistrats plus attaches a ces principes que la paix du règne de Louis 13 et le comencement de Louis 14 avoit meintenu les esprits dans la dependance et le respect nessessairement du et pour l’interest de la relligion et pour notre interest meme civil a la cour de {f.98v} Rome lors que Louis quatorze fit la fameuse assemblée du clerge[8] qui fit plus de mal a Rome que les parlemens n’en avoint fait :
Que le pere Le Telier[9] vint ensuite et voulut en un jour faire oublier aux Francois toutes leurs maximes mais les magistrats ne les ont point oubliées, ils ne sont point de mauvaise humeur mais ils ont des connoissances c’est donc par la raison et par la douceur qu’il faut travailler sur eux et les ramener au droit chemin insensiblement dans les choses ou le dispute les ont portes trop [:] avant :
Et il faut sur tout bien prendre garde de prendre le change ou l’on passe de la question qui faisoit l’object principal a des questions plus interessantes et ou le clerge pourroit chercher a l’ombre de la constitution a passer a d’autres pretentions sous pretexte de l’execution de laditte constitution un bon citoyen doit chercher d’un cote a calmer les esprits et a maintenir dans ses bornes chaquun des ordres du royaume : et quand je dis ceci je ne parle point contre les eveques j’ay toujours pense que leur juridiction pour la correction des mœurs n’estoit que trop bornée mais c’est tout ce je croy meme que l’authorite du pape nous est {f.99r} même, politiquement parlant, infiniment utile car que deviendrions nous dans cette nation turbulante ou il n’y a aucun evêque qui pense come son voisin mais cela ne signifie pas que l’on p aille violament vous menér d[lettres biffées non déchiffrées] et despotiquement a de [deux mots biffés non déchiffrés] a une authorite qu’on nous soutient estre sans bornes toujours, parce qu’elle l’est quelques fois ; et en toutes les occasions, parce qu’elle l’est en quelques unes : j’ay barbouillé ceci sur les idées qui me sont venües a l’occasion d’une dispute sur la supression des charges de presidents du grand conseil[10] le premier janvier 1738 contre un home d’Avignon qui soutenoit que le roy alloit otter les apels come d’abus au parlement[11] et a qui je dis que cela ne seroit point parce que le conseil estoit trop sage pour ne pas voir que cela rendroit jansenistes touts les gens sages qui n’avoint pas d’envie de l’estre ; et sur ce qu’il me dit le roy ne peut il pas suprimer le parlement, je lui repondis monsieur le r ap aprenés de moy que le roy ne peut pas faire tout ce qu’il peut :

- - - - -

Passage de la main M à la main E

1227

{f.99v} Il est contre la nature

Mis dans les Loix

de la chose que dans une constitution foederative come la Suisse[1] les cantons conquierent les uns sur les autres comme ils ont fait dernierement les protestants a l’egart des catholiques[2] : il est contre la nature d’une bonne aristochratie que l’on relève que les citoyens par entre lesquels on elit les magistrats le sénat les conseils que parmi les citoyens on soyent en si petit nombre qu’ils fassent une tres petite partie du peuple comme a Berne car pour lors c’est une monarchie qui a plusieurs testes : il est encore contre les loix natureles qu’une republique qui a conquis un peuple le traite toujours comme sujet et non come alie[3] lors qu’après une espace considerable de temps toutes les parties de l’un se sont aliées les unes aux autres par des mariages des coutumes des loix des associations d’esprits[4] car les loix du conquerant ne sont bonnes et tolerables que parce que ces choses la ne sont pas et qu’il y a de l’ un tel eloignement entre les nations que l’une ne peut pas prendre confiance en l’autre :

Main principale M

1228

{f.100r} Je disois les diners sont innocens les soupers sont presque toujours criminels[1]

- - - - -

Main principale M

1229

J’envie la temerité des sots ils parlent toujours

- - - - -

Main principale M

1230

C’est une sotise de Bayle de dire q[u]’une republique de bons chretiens

Republique de chretiens Bayle

ne pourroit pas subsister c’est qu’il ne peut pas y avoir une république de bons chretiens ; de meme lors qu’on dit qu’[u]ne rep. d. philosophes ne pourroit pas subsister c’est qu’il ne peut pas y avoir une république de philosophes ; tout est meslé[1].

- - - - -

Main principale M


1226

n1.

La Constitution ou bulle Unigenitus cristallisa une opposition gallicane et parlementaire. Cet article a été rédigé entre janvier 1738 et 1739, date d’une dernière intervention du secrétaire E qui transcrit les premières lignes. Le contexte est celui des suites du coup d’éclat du parlementaire janséniste Louis-Basile Carré de Montgeron qui défendit la cause des convulsionnaires (affaire du diacre Pâris) en présentant au roi en personne le 29 juin 1737 son livre écrit en leur faveur. Le Parlement réagit à son arrestation en revendiquant le privilège de juger un confrère et se satisfit des assurances données par l’autorité royale qui se montra accommodante ; voir Spicilège, nº 775. Dix ans auparavant, la condamnation de l’évêque appelant (adversaire de la Constitution), Jean Soanen, avait entraîné la politisation du conflit par une alliance gallicano-janséniste. La déclaration royale du 24 mars 1730 fit de la bulle Unigenitus une loi d’État et entraîna des remontrances des parlements qui réaffirmaient ainsi leurs prérogatives (Spicilège, nº 618).

1226

n2.

Dans le contexte du conflit autour de la Constitution, le terme désigne les partisans de la bulle Unigenitus.

1226

n3.

Voir nº 914.

1226

n4.

Henri Oswald de La Tour d’Auvergne (1671-1747), archevêque de Vienne, fut fait cardinal dans le consistoire du 10 décembre 1737, nomination jugée scandaleuse par Saint-Simon (Saint-Simon, t. II, p. 850 ; t. VII, p. 595). Selon la Chronique de la régence et du règne de Louis XV (1718-1763) ou Journal de Barbier (Paris, Charpentier, 1858, t. III, p. 118), il était « véhémentement soupçonné de libertinage romain », c’est-à-dire d’homosexualité. Le cardinal Fleury, par cette nomination, aurait écarté des candidats dont les ambitions politiques attachées au cardinalat pouvaient menacer son pouvoir. Montesquieu y voit une façon d’éviter une nomination partisane dans un contexte conflictuel : voir nº 1170.

1226

n5.

Ces épisodes de l’histoire de France sont invoqués par le gallicanisme parlementaire. À l’occasion d’un différend fiscal, Boniface VIII voulut excommunier le roi Philippe IV le Bel et lui retirer la fidélité de ses sujets. Ce dernier en appela à un concile général pour juger le pape. Ce monarque incarna la politique des légistes qui, contre la théocratie pontificale, puisaient dans le droit romain l’idée que l’État est une puissance indépendante et absolue. Montesquieu possédait l’Histoire du différend d’entre le pape Boniface VIII et Philippes le Bel […] de Pierre Dupuy et Simon Vigor (Paris, S. et G. Cramoisy, 1655 – Catalogue, nº 226).

1226

n6.

La pragmatique sanction de Bourges, ordonnance de Charles VII du 7 juillet 1438, qui rappelle la supériorité des conciles œcuméniques sur les papes et limite les interventions romaines dans le royaume, est annulée en 1516 par le concordat de Bologne.

1226

n7.

Après l’exécution des Guise, Sixte Quint excommunia Henri III, roi de France, en mai 1589 : voir les Réflexions sur le caractère de quelques princes et sur quelques événements de leur vie (env. 1731-1733, OC, t. 9, p. 65, l. 349). L’excommunication d’Henri de Navarre, protestant, le 9 septembre 1585 par le même pape, sera confirmée par son successeur Grégoire XIV en juin 1591, contre celui qui était devenu le roi Henri IV de France.

1226

n8.

Lors de cette assemblée exceptionnelle du clergé de 1681-1682, Bossuet, évêque de Meaux, définit les positions de l’Église gallicane dans la Déclaration des quatre articles qui affirmait le principe de prépondérance des conciles et enlevait au pape la possibilité de déposer le souverain. Innocent XI et son successeur, Alexandre VIII, condamneront ces décisions. Dans sa lutte contre le jansénisme et le quiétisme, Louis XIV, qui avait besoin de l’autorité pontificale, renonça finalement à prescrire l’enseignement de la Déclaration (1693).

1226

n9.

Le père Michel Le Tellier (1643-1719), jésuite, confesseur de Louis XIV à partir de 1709. Il joua un rôle de premier plan dans la lutte contre le jansénisme et l’affaire de la bulle Unigenitus.

1226

n10.

L’édit de janvier 1738 supprima les charges de présidents du Grand Conseil, dont les fonctions furent alors remplies par un conseiller d’État pour le premier président et huit maîtres des requêtes ordinaires de l’Hôtel du roi pour les présidents de commission (Archives nationales, article K 694). Ce Conseil se prononçait sur les causes que le roi souhaitait soustraire aux autres cours, en particulier les procès nés de l’application de la bulle Unigenitus.

1226

n11.

Voir nº 470.

1227

n1.

Première ébauche, ici à propos de la Suisse, d’une réflexion sur les républiques conquérantes et les fédérations. La république qui conquiert ne peut « communiquer son gouvernement » (EL, XI, 19), et met en péril sa propre liberté (EL, X, 6). Montesquieu précisera dans L’Esprit des lois comment le commerce et la forme de la fédération permettent d’étendre le modèle républicain et de maintenir les particularismes nationaux : voir Catherine Larrère, « Montesquieu et l’idée de fédération », CM, nº 2, 1995, L’Europe de Montesquieu, p. 137-152. Cf. BM Bordeaux, ms 2506/6 (3), f. 12r (CM, nº 7, 2001, L’Atelier de Montesquieu. Manuscrits inédits de La Brède, C. Volpilhac-Auger (éd.), p. 53).

1227

n2.

En 1536, pour contrecarrer le contrôle de la Savoie par la France, les Bernois envahirent le pays de Vaud, le Chablais et le pays de Gex et entrèrent dans le Genevois. Les habitants de Lausanne et du pays de Vaud devinrent des sujets bernois et se virent imposer la religion réformée.

1227

n3.

Cf. EL, X, 7.

1227

n4.

Cf. BM Bordeaux, ms 2506/6 (7), f. 36v (CM, nº 7, 2001, L’Atelier de Montesquieu. Manuscrits inédits de La Brède, C. Volpilhac-Auger (éd.), p. 63-64) ; EL, X, 14.

1228

n1.

Cf. nº 995.

1230

n1.

Cette remarque est une ébauche du chapitre 6 du livre XXIV de L’Esprit des lois. L’hypothèse scandaleuse des Pensées diverses sur la comète (Pierre Bayle, Pensées diverses sur la comète, P. Rétat (éd.), Paris, Nizet, 1984, § 124, p. 360-361) y est réfutée par Montesquieu ; sur l’autre paradoxe selon lequel mieux vaut être athée qu’idolâtre, voir EL (XXIV, 2). L’auteur sera accusé par l’un de ses censeurs jansénistes d’avoir traité Bayle de « grand homme », l’obligeant à se justifier dans sa Défense de l’Esprit des lois (réponse à la seconde objection, DEL, p 78-79). Sur les rapports entre Montesquieu et Bayle, voir Robert Shackleton, « Bayle and Montesquieu », dans Pierre Bayle. Le philosophe de Rotterdam, Paris, J. Vrin, 1959 ; et l’article de Lorenzo Bianchi, Dictionnaire électronique Montesquieu, art. « Bayle » [en ligne à l’adresse suivante : http://dictionnaire-montesquieu.ens-lyon.fr/index.php?id=343].