

Date : 21/06/2015 Lieu : CCIC Cerisy Durée : 50:25 | ![]() |
Cette conférence a été donnée dans le cadre du colloque intitulé "Rationalités, usages et imaginaires de l'eau" qui s'est tenu au Centre Culturel International de Cerisy du 20 au 27 juin 2015, sous la direction de Jean-Philippe PIERRON.
Actes du colloque
J.-P. Pierron (dir.), avec la collaboration de C. Harpet
Hermann Éditeurs — 2017
ISBN : 978-2-7056-9414-2
Présentation du colloque
Comprise par la science et maîtrisée par la technique, l’eau serait aujourd’hui "conquise". Cette conquête, assurant l’accès généralisé à une eau propre et en quantité suffisante, du moins sous nos latitudes, soulève de nouvelles questions: nous a-t-elle rendus aveugle à la poétique et au symbolisme qui la concerne, diminuant ainsi les puissances de l’imagination et de la raison pratique face aux défis de la durabilité?
Ce colloque explorera la nature de cette tension qui connaît la dérive du mépris de "l’eau usée" ou la fascination orphique du grand bleu; tension fraternelle avec le milieu environnant qui oppose l’explication objective de l’eau en H2O à la compréhension de l’eau comme figure poétique; tension entre justice sociale et justice environnementale; tension entre l’eau maîtrisée et l’eau rêvée; tension entre les intérêts économiques des grandes entreprises internationales responsables de cette conquête et la réclamation de justice écologique et sociale de la part des communautés comme des cultures au sein desquelles ces entreprises travaillent.
Au cœur de notre moment écologique, pouvons-nous développer un nouveau paradigme de rationalité de l’eau — plus complexe que celui qui a étayé sa conquête — capable d’intégrer aux sciences de l’ingénieur les apports de la poésie, de la philosophie, et des sciences humaines, cela au service d’une intelligence pratique renouvelée?
Présentation de l'intervenant
Jean-Jacques Wunenburger est un philosophe français, spécialiste de l'image et du sacré. Son travail concerne notamment les problèmes de rationalité, d'image, d'imagination et d'imaginaire, ainsi que d'esthétique, de philosophie politique et de philosophie morale.
Résumé de la communication
Vers une nouvelle esthétique et éthique de H2O
Les rapports à l'eau ont connu des évolutions qui ressemblent à trois âges successifs d'un paradigme. Chacun rend possible une certaine expérience quotidienne, des représentations, des valeurs, des normes de l'eau. Jusqu'à l'avènement de l'ère techno-scientifique, l'eau est une matière vitale, ambivalente (pure et impure), imprévisible (en excès ou en défaut), qui ne se maîtrise qu'au prix d'efforts pour la conserver, la canaliser, la transporter. Le progrès moderne l'arraisonne pour en faire un bien pérenne, hygiénique, de proximité, à disposition quasi illimitée, mais au prix d'une industrialisation et souvent d'une privatisation des coûts. La crise écologique, l'épuisement des ressources, les changements climatiques, les cataclysmes, le gaspillage, nous obligent aujourd'hui à repenser et revivre autrement nos rapports avec l'eau. Sans revenir en arrière par réaction technophobe, comment changer de paradigme et retrouver dans l'eau gérée une eau donnée (don), dans l'eau gaspillée une eau partagée, dans une eau accaparée une eau universelle?