

Cette communication s'inscrit dans une journée intitulée « De la destruction » – organisée à Caen lors de la première Semaine de la mémoire – consacrée à l'appréhension des jeux de mémoire spécifiques à la destruction des villes et des territoires en tentant de réinscrire l'expérience bas-normande des bombardements dans la perspective des grands événements du XXe siècle : Fukushima, Hiroshima, Tchernobyl, la destruction des villes allemandes. Au-delà du discours convenu qui a fait office de grand récit depuis 70 ans (le la « libération » à la « recontruction »), il s'agit de questionner les traces, mémoires et cicatrices propres aux catastrophes et aux grands événements collectifs, à travers la perspective historique bien entendu, mais aussi la voie sensible explorée par l'art, le 7e du nom en particulier : le cinéma.
Frédérick Lemarchand est maître de conférences en sociologie à l’Université de Caen, codirecteur du Pôle Risques de la Maison de la recherche en sciences humaines de Caen. Attaché à la compréhension des mutations profondes de l’époque contemporaine, il a mené une réflexion sur les dynamiques des catastrophes, du patrimoine et de la mémoire collective. Dans l’héritage de la théorie critique, il travaille depuis quinze ans sur les aspects fondamentaux des sociétés technoscientifiques.
Résumé
W. G. Sebald naît dans un petit village retiré de Bavière, quand les bombes pleuvent sur l’Allemagne. « Trop petit pour se souvenir mais incapable d’oublier », Sebald entreprend de penser le point aveugle de la mémoire allemande : les raids aériens des alliés sur les villes allemandes qui coûterons la vie à 600 000 civils. Il exhume, dans son essai manifeste De la destruction, publié en 1999, les traces et les cicatrices de la mémoire collective en se centrant sur l’expérience de la destruction comme moment décisif où tout bascule. L’après, le temps de la catastrophe, est rempli de fantômes et de ruines à la fois présents et absents, produisant des jeux de mémoire complexes qui, à leur manière, tentent de conserver le souvenir de la destruction, de la perte, tout en mettant en place des mécanismes d’oubli, de déni, afin d’éviter la douleur liée au trauma. Nous repartirons de la problématique de Sebald en la transposant au cas des villes normandes bombardées par les « libérateurs » à partir de témoignages audio enregistrés par les Archives Départementales de la Manche.