Maire, p. 250
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AT VI, 325

DE L’ARC-EN-CIEL.
Discours Huitiesme.

L’arc-en-ciel est vne merueille de la nature si remarquable, et sa cause a esté de tout tems si curieusement recherchée par les bons esprits, et si peu connuë, que ie ne sçaurois choisir de matiere plus propre à faire voir comment par la methode dont ie me sers on peut venir à des connoissances, que ceux dont nous auons les escrits n’ont point euës. Premierement ayant consideré que cet arc ne peut pas seulement paroistre dans le ciel, mais aussy en l’air proche de nous toutefois et quantes qu’il s’y trouue plusieurs gouttes d’eau esclairées par le soleil, ainsi que l’experience fait voir en quelques fontaines : il m’a esté aysé de iuger, qu’il ne procede que de la façon que les rayons de la lumiere agissent contre ces gouttes et de la tendent vers nos yeux. Puis sçachant que ces gouttes sont rondes, ainsi qu’il a esté prouué cy dessus, et voyant que pour estre plus grosses ou plus petites elles ne font point paroistre cet arc d’autre façon ; ie me suis auisé d’en faire vne fort grosse, affin de la pouuoir mieux examiner. Et ayant rempli d’eau, à cet effect, vne grande fiole de verre toute ronde et fort transparente, iay trouué que le soleil venant, par exemple, de la partie du ciel marquée AFZ, et mon œil estant au point E, lorsque ie mettois AT VI, 326 cete boule en l’endroit BCD, sa partie D me paroissoit toute rouge, et incomparablement plus esclatante que le reste ; Et que soit que Maire, p. 251
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ie l’approchasse, soit que ie la reculasse, et que ie la misse à droit, ou à gauche, ou mesme la fisse tourner en rond autour de ma teste, pourvû que la ligne DE fist tousiours vn angle d’enuiron 42 degrés auec la ligne EM, qu’il faut imaginer tendre du centre de l’œil vers celuy du soleil, cete partie D paroissoit tousiours esgalement rouge ; Mais que, sitost que ie faisois cet angle DEM tant soit peu plus grand, cete rougeur disparoissoit ; et que si ie le faisois vn peu moindre, elle ne disparoissoit pas AT VI, 327 du Maire, p. 252
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tout si à coup, mais se diuisoit auparauant comme en deux parties, moins brillantes, et dans lesquelles on voyoit du iaune, du bleu, et d’autres couleurs. Puis regardant aussy vers l’endroit de cete boule qui est marqué K, iay apperceu que faisant l’angle KEM d’enuiron 52 degrés, cete partie K paroissoit aussy de couleur rouge, mais non pas si esclatante que D : Et que le faisant quelque peu plus grand, il y paroissoit d’autres couleurs plus foibles ; mais que le faisant tant soit peu moindre, ou beaucoup plus grand, il n’y en paroissoit plus aucune. D’où i’ay connû manifestement que tout l’air qui est vers M estant rempli de telles boules, ou en leur place de gouttes d’eau, il doit paroistre vn point fort rouge et fort esclatant en chascune de celles de ces gouttes dont les lignes tirées vers l’œil E font vn angle d’enuiron 42 degrés auec EM, comme ie suppose celles qui sont marquées R ; Et que ces poins estans regardés tous ensemble, sans qu’on remarque autrement le lieu où ils sont que par l’angle sous lequel ils se voyent, doiuent paroistre comme vn cercle continu de couleur rouge : Et qu’il doit y auoir tout de mesme des poins en celles qui sont marquées S et T, dont les lignes tirées vers E sont des angles vn peu plus aygus auec EM, qui composent des cercles de couleurs plus foibles. Et que c’est en cecy que consiste le premier et principal arc-en-ciel. Puis derechef que l’angle MEX estant de 52 degrés, il doit paroistre vn cercle rouge dans les gouttes marquées X, Et d’autres cercles de couleurs plus foibles dans les gouttes marquées Y. Et que c’est en cecy que consiste le second et moins Maire, p. 253
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principal AT VI, 328 arc-en-ciel. Et enfin qu’en toutes les autres gouttes marquées V il ne doit paroistre aucunes couleurs. Examinant aprés cela plus particulierement en la boule BCD ce qui faisoit que la partie D paroissoit rouge, i’ay trouué que c’estoient les rayons du soleil qui venans d’A vers B se courboient en entrant dans l’eau au point B, et alloient vers C, d’où ils se refleschissoient vers D, et là se courbans derechef en sortant de l’eau, tendoient vers E : car sitost que ie mettois vn cors opaque Maire, p. 254
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ou obscur en quelque endroit des lignes AB, BC, CD, ou DE, cete couleur rouge disparoissoit. Et quoy que ie couurisse toute la boule AT VI, 329 excepté les deux points B et D, et que ie misse des cors obscurs partout ailleurs, pourvû que rien n’empeschast l’action des rayons ABCDE, elle ne laissoit pas de paroistre. Puis cherchant aussy ce qui estoit cause du rouge qui paroissoit vers K, i’ay trouué que c’estoient les rayons qui venoient d’F vers G, où ils se courboient vers H, et en H se refleschissoient vers I, et en I se refleschissoient derechef vers K, puis enfin se courboient au point K, et tendoient vers E. De façon que le premier arc-en-ciel est causé par des rayons qui paruienent à l’œil aprés deux refractions et vne reflexion, et le second par d’autres rayons qui n’y paruienent qu’aprés deux refractions et deux reflexions ; ce qui empesche qu’il ne paroisse tant que le premier.

Mais la principale difficulté restoit encore, qui estoit de sçauoir pourquoy, y ayant plusieurs autres rayons qui aprés deux refractions et vne ou deux reflexions peuuent tendre vers l’œil quand cete boule est en autre situation, il n’y a toutefois que ceux dont i’ay parlé qui facent paroistre quelques couleurs. Et pour la resoudre i’ay cherché, s’il n’y auoit point quelque autre suiet ou elles parussent en mesme sorte, affinque par la comparaison de l’vn et de l’autre ie pûsse mieux iuger de leur cause. Puis me souuenant qu’vn prisme ou triangle de cristal en fait voir de semblables, i’en ay consideré vn qui estoit tel qu’est icy MNP, dont les deux superficies MN et NP sont toutes plates, et inclinées l’vne sur l’autre selon vn angle d’enuiron 30 ou 40 degrés, en sorte que Maire, p. 255
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si les rayons du soleil ABC trauersent MN à angles droits, AT VI, 330 ou presque droits, et ainsi n’y souffrent aucune sensible refraction, ils en doiuent souffrir vne assés grande en sortant par NP. Et couurant l’vne de ces deux superficies d’vn cors obscur, dans lequel il y auoit vne ouuerture assés estroite comme DE, i’ay obserué que les rayons, passant par cete ouuerture et de là s’allant rẽdre sur vn linge ou papier blanc FGH, y peignent toutes les couleurs de l’arc-en-ciel ; et qu’ils y peignent tousiours le rouge vers F, et le bleu ou le violet vers H. D’où i’ay appris, premierement que la courbure des superficies des gouttes d’eau n’est point necessaire à la production de ces couleurs ; car celles de ce cristal sont toutes plates ; Ny la grandeur de l’angle sonus lequel elles paroissent. car il peut icy estre changé sans qu’elles changent, et bienqu’on puisse faire que les rayons qui vont vers F se courbent tantost plus et tantost moins que ceux qui vont vers H, ils ne laissent pas de peindre tousiours du rouge, et ceux qui vont vers H tousiours du bleu ; Ny aussy la reflexion : car il n’y en a icy aucune ; Ny enfin la pluralité des refractions : car il n’y en a icy qu’vne seule. Mais i’ay iugé qu’il y en falloit pour le Maire, p. 256
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moins vne, et mesme vne dont l’effect ne fust point destruit par vne contraire. car l’experience monstre, que si les superficies MN et NP estoient paralleles, les rayons se redressant autant en l’vne qu’ils se pourroient courber AT VI, 331 en l’autre, ne produiroient point ces couleurs. Ie n’ay pas douté qu’il n’y fallust aussy de la lumiere ; car sans elle on ne voit rien. Et outre cela i’ay obserué qu’il y falloit de l’ombre, ou de la limitation à cete lumiere. car si on oste le cors obscur qui est sur NP, les couleurs FGH cessent de paroistre ; et si on fait l’ouuerture DE assés grande, le rouge, l’orangé, et le iaune, qui sont vers F, ne s’estendent pas plus loin pour cela, non plus que le verd, le bleu, et le violet, qui sont vers H, mais tout le surplus de l’espace qui est entre deux vers G demeure blanc. En suite de quoy iay tasché de connoistre, pourquoy ces couleurs sont autres vers H que vers F, nonobstant que la refraction et l’ombre et la lumiere y concourent en mesme sorte ; Et conceuant la nature de la lumiere telle que ie l’ay descrite en la Dioptrique, à sçauoir, comme l’action ou le mouuement d’vne certaine matiere fort subtile, dont il faut imaginer les parties ainsi que de petites boules qui roullent dans les pores des cors terrestres. I’ay connu que ces boules peuuent rouller en diuerses façons, selon les diuerses causes qui les y determinent ; Et en particulier que toutes les refractions qui se font vers vn mesme costé les determinent à tourner en mesme sens ; Mais que lorsqu’elles n’ont point de voysines qui se meuuent notablement plus viste, ou moins viste qu’elles, leur tournoyement n’est qu’a peu prés esgal à leur mouuement en ligne droite ; Au lieu que lorsqu’elles Maire, p. 257
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en ont d’vn costé qui se meuuent moins viste, et de l’autre qui se meuuent plus ou esgalement viste, ainsi qu’il arriue aux confins de l’ombre et de la lumiere ; si elles rencontrent celles qui se AT VI, 332 meuuent moins viste, du costé vers lequel elles roullent, comme font celles qui composent le rayon EH, cela est cause qu’elles ne tournoyent pas si viste, qu’elles se meuuent en ligne droite ; et c’est tout le contraire, lorsqu’elles les rencontrent de l’autre costé comme font celles du rayon DF. Pour mieux entendre cecy, pensés que la boule 1234 est poussée d’V vers X, en telle sorte qu’elle ne va qu’en ligne droite, et que ses deux costés 1 et 3 descendent esgalement viste iusques à la superficie de l’eau YY, où le mouuement du costé marqué 3, qui la rencontre le premier, est retardé, pendant que celuy du costé marqué I continuë encore. ce qui est cause que toute la boule commence infalliblement à tournoyer suiuant l’ordre des chiffres 123. Puis imaginés qu’elle est enuironnée de quatre autres, Q, R, S, T ; dont les deux Q et R tendent, auec plus de force qu’elle, à se mouuoir vers X ; et les deux autres S et T y tendent auec moins de force. Maire, p. 258
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D’où il est euident, que Q pressant sa partie marquée I, et S retenant AT VI, 333 celle qui est marquée 3, augmentent son tournoyement ; et que R et T n’y nuisẽt point, pource que R est disposée à se mouuoir vers X plus viste qu’elle ne la suit, et T n’est pas disposée à la suiure si viste qu’elle la precede. Ce qui explique l’action du rayon DF. Puis tout au contraire si Q et R tendent plus lentement qu’elle vers X, et S et T y tendent plus fort, R empesche le tournoyement de la partie marquée I, et T celuy de la partie 3 ; sans que les deux autres Q et S y facent rien. Ce qui explique l’action du rayon EH. Mais il est à remarquer que cete boule 1234 estant fort ronde, il peut aysement arriuer que lorsqu’elle est pressée vn peu fort par les deux R et T, elle se reuire en pirouëttant autour de l’aissieu 42, au lieu d’arester son tournoyement à leur occasion, et ainsi que changeant en vn moment de situation, elle tournoye aprés suiuant l’ordre des chiffres 123321  ; car les deux R et T qui l’ont fait commencer à se détourner, l’obligent à continuer iusques à ce qu’elle ait acheué vn demi tour en ce sens là, et qu’elles puissent augmenter son tournoyement, au Maire, p. 259
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lieu de le retarder. Ce qui m’a serui à resoudre la principale de toutes les difficultés que i’ay euës en cete matiere. Et il se demonstre ce me semble tres euidemment de tout cecy, que la nature des couleurs, qui paroissent vers F, ne consiste, qu’en ce que les parties de la matiere subtile, qui transmet l’action de la lumiere, tendent à tournoyer, auec plus de force, qu’a se mouuoir en ligne droite : en sorte que celles qui tendent à tourner beaucoup plus fort, causent la couleur rouge, et celles qui n’y tendent qu’vn peu plus fort, causent la iaune. Comme AT VI, 334 au contraire la nature de celles, qui se voyent vers H, ne consiste, qu’en ce que ces petites parties ne tournoyent pas si viste, qu’elles ont de coustume lors qu’il n’y a point de cause particuliere qui les en empesche ; en sorte que le verd paroist où elles ne tournoyent gueres moins viste, et le bleu ou elles tournoyent beaucoup moins viste ; Et ordinairement aux extremités de ce bleu il se mesle de l’incarnat, qui luy donnant de la viuacité et de l’esclat, le change en violet ou couleur de pourpre. Ce qui vient sans doute de ce que la mesme cause, qui a coustume de retarder le tournoyement des parties de la matiere subtile, Maire, p. 260
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estant alors assés forte pour faire changer de situation à quelques vnes, le doit augmenter en celles là, pendant qu’elle diminue celuy des autres. Et en tout cecy la raison s’accorde si parfaitement auec l’experience, que ie ne croy pas qu’il soit possible, aprés auoir bien conneu l’vne et l’autre, de douter que la chose ne soit telle que ie viens de l’expliquer. Car s’il est vray que le sentiment que nous auons de la lumiere soit causé par le mouuement ou l’inclination à se mouuoir de quelque matiere qui touche nos yeux, comme plusieurs autres choses tesmoignent, il est certain que les diuers mouuemens de cete matiere doiuent causer en nous diuers sentimens ; Et comme il ne peut y auoir d’autre diuersité en ces mouuemens, que celle que i’ay dite ; aussy n’en trouuons nous point d’autre par experience dans les sentimens que nous en auons, que celle des couleurs. Et il n’est pas possible de trouuer aucune chose dans le cristal MNP qui puisse produire des couleurs, que la façon dont il enuoye les petites AT VI, 335 parties de la matiere subtile vers le linge FGH, et de là vers nos yeux. d’où il est ce me semble assés euident, qu’on ne doit chercher autre chose non plus dans les couleurs que les autres obiets font paroistre : car l’experience ordinaire tesmoigne que la lumiere ou le blanc, et l’ombre ou le noir, auec les couleurs de l’iris qui ont esté icy expliquées, suffissentsuffisent pour composer toutes les autres. Et ie ne sçaurois gouster la distinction des Philosophes, quand ils disent qu’il y en a qui sont vrayes, et d’autres qui ne sont que fausses ou apparentes. Car toute leur vraye nature n’estant que de paroistre, c’est ce me semble vne contradiction, de dire, Maire, p. 261
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qu’elles sont fausses, et qu’elles paroissent. Mais i’auoue bien que l’ombre et la refraction ne sont pas tousiours necessaires pour les produire ; et qu’en leur place la grosseur, la figure, la situation, et le mouuement des parties des cors qu’on nomme colorés, peuuent concourir diuersement auec la lumiere, pour augmenter ou diminuer le tournoyement des parties de la matiere subtile. En sorte que mesme en l’arc-en-ciel i’ay douté d’abord, si les couleurs s’y produsoient tout à fait en mesme façon que dans le cristal MNP : car ie n’y remarquois point d’vmbre qui terminast la lumiere, et ne connoissois point encore pourquoy elles n’y paroissoient que sous certains angles, Iusques à ce qu’ayant pris la plume et calculé par AT VI, 336 le menu tous les rayons qui tombent sur les diuers poins d’vne goutte d’eau, pour sçauoir sous quels angles aprés deux refractions et vne ou deux reflexions ils peuuent venir vers nos yeux, i’ay trouué qu’aprés vne reflexion et deux refractions, il y en a beaucoup plus qui peuuent estre veus sous l’angle de 41 à 42 degrés, que sous aucun moindre ; et qu’il n’y en a aucun qui puisse estre vû sous vn plus grand. Puis i’ay trouué aussy qu’aprés deux reflections et deux refractions, il y en a beaucoup plus qui vienent vers l’œil sous l’angle de 51 à 52 degrés, que sous aucun plus grand ; et qu’il n’y en a point qui vienent sous vn moindre. De façon qu’il y a de l’ombre de part et d’autre, qui termine la lumiere, laquelle, aprés auoir passé par vne infinité de gouttes de pluie esclairées par le soleil, vient vers l’œil sous l’angle de 42 degrés, ou vn peu audessous, et ainsi cause le premier et principal arc-en-ciel ; Et il y en a aussy qui termine Maire, p. 262
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celle qui vient sous l’angle de 51 degrés ou vn peu au dessus, et cause l’arc-en-ciel exterieur. car ne receuoir point de rayons de lumiere en ses yeux, ou en receuoir notablement moins d’vn obiet, que d’vn autre qui luy est proche, c’est voir de l’ombre. Ce qui monstre clairement, que les couleurs de ces arcs sont produites par la mesme cause, que celles qui paroissent par l’ayde du cristal MNP, et que le demi diametre de l’arc interieur ne doit point estre plus grand que de 42 degrés, ny celuy de l’exterieur plus petit que de 51 ; et enfin que le premier doit estre bien plus limité en sa superficie exterieure qu’en l’interieure ; et le second tout au contraire. Ainsi qu’il se AT VI, 337 voit par experience. Mais affin que ceux qui sçauent les Mathematiques puissent connoistre, si le calcul que i’ay fait de ces rayons est assés iuste, il faut icy que ie l’explique.

Soit AFD vne goutte d’eau, dont ie diuise le demi diametre CD ou AB en autant de parties esgales que ie veux calculer de rayons, affin d’attribuer autant de lumiere aux vns qu’aux autres. Puis ie considere vn de ces rayons en particulier, par exemple EF, qui au lieu de passer tout droit vers G, se detourne vers K, et se refleschist de K vers N, et de là va vers l’œil P : ou bien se refleschist encore vne fois de N vers Q, et de là se detourne vers l’œil R. Et ayant tiré CI à angles droits sur FK, ie connois de ce qui a esté dit en la Dioptrique, qu’AE ou HF, et CI, ont entre elles la proportion par laquelle la refraction de l’eau se mesure. De façon que si HF contient 8000 parties, telles qu’AB en contient 10000, CI en contiendra enuiron de 5984, Maire, p. 263
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pource que la Refraction de l’eau est tant soit peu plus grande que de trois à quatre, et pour le plus iustement que i’aye pû la mesurer, elle est comme de 187 à 250. Ayant ainsi les deux lignes HF et CI, ie connois aysement AT VI, 338 les deux arcs, FG qui est de 73 degrés et 44 minutes, et FK qui est de 106. 30. Puis ostant le double de l’arc FK, de l’arc FG adiousté à 180 degréz, i’ay 40. 44. pour la quantité de l’angle ONP, car ie suppose ON parallele à EF. Et ostant ces 40. 44 d’FK, i’ay 65. 46 pour l’angle SQR, car ie pose aussy SQ parallele à EF. Et calculant en mesme façon tous les autres rayons paralleles à EF, qui passent par les diuisions du diametre AB, ie compose la table suiuante, Maire, p. 264
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Et il est aysé à voir en cete table, qu’il y a bien plus de rayons qui font l’angle ONP d’enuiron 40 degrés, qu’il n’y en a qui le facent moindre ; ou SQR AT VI, 339 d’enuiron 54, qu’il n’y en a qui le facent plus grand. Puis affin de la rendre encore plus precise ie fais Maire, p. 265
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AT VI, 340 Maire, p. 266
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Et ie voy icy que le plus grand angle ONP peut estre de 41 degrés 30 minutes, et le plus petit SQR de 51. 54, à quoy adioustant ou ostant enuiron 17 minutes pour le demi diametre du soleil, i’ay 41. 47 pour le plus grand demi diametre de l’arc en ciel interieur, et 51. 37 pour le plus petit de l’exterieur.

Il est vray que l’eau estant chaude, sa refraction est tant soit peu moindre, que lors qu’elle est froide, ce qui peut changer quelque chose en ce calcul. Toutefois cela ne sçauroit augmenter le demi diametre de l’arc-en-ciel interieur, que d’vn ou deux degrés tout au plus ; et lors, celuy de l’exterieur sera de presque deux fois autant plus petit. Ce qui est digne d’estre remarqué, pource que par là on peut demõstrer que la refractiõ de l’eau ne peut estre gueres moindre, ny plus grande, que ie la suppose. Car pour peu qu’elle fust plus grande, elle rendroit le demi diametre de l’arc-en-ciel interieur, moindre que 41 degrés, au lieu que par la creance commune on luy en donne 45 ; et si on la suppose assés petite pour faire qu’il soit veritablement de 45, on trouuera que celuy de l’exterieure ne sera aussy gueres plus que de 45, au lieu qu’il paroist à l’œil beaucoup plus grãd que celuy de l’interieur. Et Maurolycus, qui est ie croy le premier qui a determiné l’vn de 45 degrés, determine l’autre d’enuiron 56. Ce qui monstre le peu de foy qu’on doit adiouster aux obseruations qui ne sont pas accompagnées de la vraye raison. Au reste ie n’ay pas eu de peine à connoistre pourquoy le rouge est en dehors en l’arc-en-ciel interieur, ny pourquoy il est en dedans en l’exterieur ; Car la mesme cause pour AT VI, 341 laquelle c’est vers F, plutost Maire, p. 267
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que vers H, qu’il paroist au trauers du cristal MNP, fait que si, ayant l’œil en la place du linge blanc FGH, on regarde ce cristal, on y verra le rouge vers sa partie plus espaisse MP, et le bleu vers N. pource que le rayon teint de rouge qui va vers F, vient de C, la partie du soleil la plus auancee vers MP : Et cete mesme cause fait aussy que le centre des gouttes d’eau, et par consequent leur plus espaisse partie, estant en dehors au respect des poins colorés qui forment l’arc-en-ciel interieur, le rouge y doit paroistre en dehors ; et qu’estant en dedans au respect de ceux qui forment l’exterieur, le rouge y doit aussy paroistre en dedans.

Ainsi ie croy qu’il ne reste plus aucune difficulté en cete matiere, si ce n’est peut estre touchant les irregularités qui s’y rencontrent. Comme lorsque l’arc n’est pas exactement rond, ou que son centre n’est pas en la ligne droite qui passe par l’œil et le soleil. ce qui peut arriuer si les vens changent la figure des gouttes de pluie. car elles ne sçauroient perdre si peu de leur rondeur, que cela ne face vne notable difference en l’angle, sous lequel les couleurs doiuent paroistre. On a vû aussy quelquefois, à Maire, p. 268
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ce qu’on m’a dit, vn arc-en-ciel tellement renuersé que ses cornes estoient tournées vers en hault, comme est icy representé FF. Ce que ie ne sçaurois iuger estre arriué que AT VI, 342 par la reflexion des rayons du soleil donnans sur l’eau de la mer, ou de quelque lac. Comme si venans de la partie du ciel SS, ils tombent sur l’eau DAE, et delà se refleschissent vers la pluie CF, l’œil B verra l’arc FF, dont le centre est au point C, en sorte que CB estant prolongée iusques à A, et AS passant par le centre du soleil, les angles SAD et BAE soient esgaux, et que l’angle CBF soit d’enuiron 42 degrés. Toutefois il est aussy requis à cet effect, qu’il n’y ait point du tout de vent qui trouble la face de l’eau vers E, et peut estre auec cela qu’il y ait quelque nuë, comme G, qui empesche que la lumiere du soleil allant en ligne droite vers la pluie, n’efface celle que cete eau E y enuoye. d’où vient qu’il n’arriue que rarement. Outre cela l’œil peut estre en telle Maire, p. 269
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situation, au respect du Soleil et de la pluie, qu’on verra la partie inferieure qui acheue le cercle de l’arc-en-ciel, sans voir la superieure : et aussiainsi qu’on la prendra pour vn arc renuersé : nonobstant qu’on ne la verra pas vers le ciel, mais vers l’eau, ou vers la terre.

On m’a dit aussy auoir vû quelque fois vn troisiesme AT VI, 343 arc-en-ciel au dessus des deux ordinaires ; mais qui estoit beaucoup plus foible, et enuiron autant esloigné du second que le second du premier. Ce que ie ne iuge pas pouuoir estre arriué, si ce n’est qu’il y ait eu des grains de gresle, fort ronds, et fort transparens, meslés parmi la pluie, dans lesquels la refraction estant notablement plus grande que dans l’eau, l’arc-en-ciel exterieur aura deu y estre beaucoup plus grand, et ainsi paroistre au dessus de l’autre. Et pour l’interieur qui par mesme raison aura deu estre plus petit que l’interieur de la pluie, il se peut faire qu’il n’aura point esté remarqué, à cause du grand lustre de cetuy cy : ou bien que leurs extremités s’estant iointes on ne les aura contés tous deux que pour vn. mais pour vn dont les couleurs auront esté autrement disposées qu’a l’ordinaire.

Et cecy me fait souuenir d’vne inuention pour faire paroistre des signes dans le ciel, qui pourroient causer grande admiration à ceux qui en ignoreroient les raisons. Ie suppose que vous sçaués desia la façon de faire voir l’arc-en-ciel par le moyen d’vne fontaine. Comme si l’eau qui sort par les petits troutstrous ABC, sautãt assés haut, s’espand en l’air de tous costés vers R, et que le soleil soit vers Z, en sorte que ZEM estãt ligne droite l’angle MER puisse estre d’enuiron 42 degrés, l’œil E ne manquera Maire, p. 270
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pas de voir l’iris vers R, tout semblable à celuy qui paroist dans le ciel. A quoy il faut maintenent adiouster qu’il y a des huiles, des eaux de vie, et d’autres liqueurs, dans lesquelles la refraction se fait notablement plus grande ou plus petite qu’en l’eau commune, et qui ne sont pas pour AT VI, 344 cela moins claires et transparentes. En sorte qu’on pourroit disposer par ordre plusieurs on tainesfontaines ; dans lesquelles y ayant diuerses de ces liqueurs, on y verroit par leur moyen toute vne grande partie du ciel pleine des couleurs de l’iris : à sçauoir en faisant que les liqueurs, dont la refraction seroit la plus grande, fussent les plus proches des spectateurs ; et qu’elles ne s’esleuassent point si hault, qu’elles empeschassent la veuë de celles qui seroient derriere. Puis à cause que fermant vne partie des troux ABC on peut faire disparoistre telle partie de l’iris RR qu’on veut, sans oster les autres, il est aysé à entendre que tout de mesme, ouurant et fermant à propos les troux de ces diuerses fontaines, on pourra faire que ce qui paroistra coloré ait la figure Maire, p. 271
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d’vne croix, ou d’vne colomne, ou de quelque autre telle chose, qui donne suiet d’admiration. Mais i’auoue qu’il y faudroit de l’adresse et de la despense, affin de proportionner ces fontaines, et faire que les liqueurs y sautassent si hault, que ces figures peussent estre veuës de fort loin par tout vn peuple, sans que l’artifice s’en découurist.