AT VI, 279

DES NVES.
Discours Cinquiesme.

Apres auoir consideré, comment les vapeurs en se dilatant causent les vens, il faut voir comment en se condensant et reserrant elles composent les nuës et les brouillas. À sçauoir sitost qu’elles deuienent notablement moins transparentes que l’air pur, si elles s’estendent iusques à la superficie de la terre, on les nomme des brouillas ; mais si elles demeurent suspenduës plus haut, on les nomme des nuës. Et il est à remarquer que ce qui les fait ainsi deuenir moins transparentes que l’air pur, c’est que lorsque leur mouuement s’alentist, et que leurs parties sont assés proches pour s’entretoucher, elles se ioignent et s’assemblent en diuers petits tas, qui sont autant de gouttes d’eau, ou bien de parcelles de glace. Car pendant qu’elles demeurent tout à fait separées et flotantes en l’air, elles ne peuuent gueres empescher le cours de la lumiere ; au lieu qu’estant assemblées, encore que les gouttes d’eau ou les parcelles de glace qu’elles composent soient transparentes, toutefois, à Maire, p. 204
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cause que chascune de leurs superficies fait refleschir vne partie des rayons qui donnent decontre, ainsi qu’il a esté dit en la Dioptrique de toutes celles des cors transparens, ces superficies se trouuent aysement en assés grand AT VI, 280 nombre pour les faire tous ou presque tous refleschir. Et pour les gouttes d’eau elles se forment, lorsque la matiere subtile qui est autour des petites parties des vapeurs, n’ayant plus assés de force pour faire qu’elles s’estendent et se chassent les vnes les autres, en a encore assés pour faire qu’elles se plient, et en suite que toutes celles qui se rencontrent se ioignent et s’accumulent ensemble en vne boule. Et la superficie de cete boule deuient incontinent toute esgale et toute polie, à cause que les parties de l’air qui la touchent se meuuent d’autre façon que les sienes, et aussy la matiere subtile qui est en ses pores d’autre façon que celle qui est en ceux de l’air, comme il a desia tantost esté expliqué en parlant de la superficie de l’eau de la mer. Et pour mesme raison aussy elle deuient exactement ronde : car comme vous pouués souuent auoir veu, que l’eau des riuieres tournoye et fait des cercles, aux endroits où il y a quelque chose qui l’empesche de se mouuoir en ligne droite aussy viste que son agitation le requert : ainsi faut il penser, que la matiere subtile coulant par les pores des autres cors, en mesme façon qu’vne riuiere par les interualles des herbes qui croissent en son lit, et passant plus librement d’vn endroit de l’air en l’autre, et d’vn endroit de l’eau aussy en l’autre, que de l’air en l’eau, ou reciproquement de l’eau en l’air, comme il a esté ailleurs remarqué, elle doit tournoyer au dedans de cete goutte, et aussy au dehors Maire, p. 205
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en l’air qui l’enuironne, mais d’autre mesure qu’au dedans, et par ce moyen disposer en rond toutes les parties de sa superficie. Car elles ne peuuent manquer d’obeir à ses mouuemens, AT VI, 281 d’autant que l’eau est vn cors liquide. Et sans doute cecy est suffisant pour faire entendre, que les gouttes d’eau doiuent estre exactement rondes, au sens que leurs sections sont paralleles à la superficie de la terre ; car il n’y a point de raison qu’aucune des parties de leur circonference s’esloigne ny s’approche de leurs centres plus que les autres en ce sens là, vuqu’elles ny sont ne plus ne moins pressées d’vn costé que d’autre par l’air qui les enuironne, au moins s’il est calme et tranquille, comme nous le deuons icy supposer. Mais pource que les considerant en autre sens on peut douter, lorsqu’elles sont si petites que leur pesanteur n’a pas la force de leur faire diuiser l’air pour descendre, si cela ne les rend point vn peu plus plates et moins espaisses en leur hauteur qu’en leur largeur, comme T, ou V ; il faut prendre garde qu’elles ont de l’air autour de leurs costés aussy bien qu’au dessous ; et que si leur pesanteur n’est suffisante pour faire que celuy qui est au dessous leur quitte sa place, et les laisse descendre ; elle ne le peut estre non plus pour faire que celuy qui est aux costés se retire ; et les laisse deuenir plus larges. Et pource qu’on peut douter tout au contraire, lorsque leur pesanteur les fait descendre, si l’air qu’elles diuisent ne les rend point vn peu plus longues et estroites, comme X, ou Y ; il faut encore prendre garde, qu’en estant enuironnées tout autour, celuy qu’elles diuisent, et dont elles vont occuper Maire, p. 206
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la place en descendant, doit monter à mesme tems au dessus d’elles, pour y remplir celle qu’elles y laissent, et qu’il ne le peut qu’en coulant tout le long AT VI, 282 de leur superficie, où il trouue le chemin plus court et plus aysé lorsqu’elles sont rondes, que si elles auoient quelque autre figure. chascun sçait que de toutes les figures c’est la ronde qui est la plus capable, c’est à dire, celle qui a le moins de superficie à raison de la grandeur du cors qu’elle contient. Et ainsi en quelle façon qu’on le veuille prendre, ces gouttes doiuent tousiours demeurer rondes ; si ce n’est que la force de quelque vent, ou quelque autre cause particuliere les en empesche. Pour ce qui est de leur grosseur, elle depend de ce que les parties de la vapeur sont plus ou moins proches les vnes des autres lorsqu’elles commencent à les composer, et aussy de ce qu’elles sont par aprés plus ou moins agitées, et de la quantité des autres vapeurs qui peuuent venir se ioindre à elles. Car chascune d’abbord ne se compose que de deux ou trois des petites parties de la vapeur qui s’entrerencontrent, mais aussy tost aprés si cete vapeur a esté vn peu espaisse, deux ou trois des gouttes qui s’en sont formées, en se rencontrant se ioignent en vne, et derechef deux ou trois de celles cy encore en vne, et ainsi de suite, iusques à ce qu’elles ne se puissent plus rencontrer. Et pendant qu’elles se soustienent en l’air, il peut aussy venir d’autres vapeurs se ioindre à elles, et les grossir, iusques à ce qu’enfin leur pesanteur les face tomber en pluie ou en rosée.

Pour les petites parcelles de glace, elles se forment lorsque le froid est si grand que les parties de la vapeur Maire, p. 207
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ne peuuent estre pliées par la matiere subtile qui est parmi elles. Et si ce froid ne suruient qu’aprés que les gouttes sont desia formées, il les laisse toutes AT VI, 283 rondes en les gelant, si ce n’est qu’il soit accompagné de quelque vent assés fort, qui les face deuenir vn peu plates du costé qu’il les rencontre. Et au contraire s’il suruient dés auparauant qu’elles ayent commencé à se former, les parties de la vapeur ne se ioignent qu’en long, et ne composent que des filets de glace fort déliés. Mais si le froid suruient entre ces deux tems, ce qui est le plus ordinaire, il gele les parties de la vapeur à mesure qu’elles se plient et s’entassent plusieurs ensemble, sans leur donner le loysir de s’vnir assés parfaitement pour former des gouttes : Et ainsi il en fait de petits nœuds ou pelotons de glace, qui sont tous blancs, à cause qu’ils sont composés de plusieurs filets, qui ne laissent pas d’estre separés et d’auoir chascun leurs superficies distinctes, encore qu’ils soient pliés l’vn sur l’autre : Et ces nœuds sont comme velus ou couuers de poil tout alentour, à cause qu’il y a tousiours plusieurs parties de la vapeur, qui ne pouuant se plier et s’entasser sitost que les autres, s’appliquent toutes droites contre eux, et composent les petits poils qui les couurent : Et selon que ce froid vient plus lentement ou plus à coup, et que la vapeur est plus espaisse ou plus rare, ces nœuds se forment plus gros ou plus petits ; et les poils ou filets qui les enuironnent, plus forts et plus cours, ou plus deliés et plus longs.

Et vous pouués voir de cecy qu’il y a tousiours deux choses qui sont requises pour counuertir les vapeurs en eau ou en glace, à sçauoir, que leurs parties soient assés Maire, p. 208
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proches pour s’entretoucher, et qu’il y ait autour d’elles assés de froideur pour faire qu’en s’entretouchant elles se ioignent et s’arestent les vnes aux autres. Car ce ne seroit pas assés que leur froideur fust tres grande, si elles estoient esparses en l’air si loin à loin qu’elles ne s’entretouchassent AT VI, 284 aucunement, ny aussy qu’elles fussent fort proches les vnes des autres et fort pressées, si leur chaleur, c’est à dire, leur agitation, estoit assés forte pour les empescher de se ioindre. Ainsi on ne voit pas qu’il se forme tousiours des nuës au haut de l’air, nonobstant que le froid y soit tousiours assés grand pour cet effect : et il est requis de plus, qu’vn vent occidental, s’opposant au cours ordinaire des vapeurs, les assemble et les condense aux endroits où il se termine ; ou bien que deux ou plusieurs autres vens, venans de diuers costés, les pressent et accumulent entre eux ; ou qu’vn de ces vens les chasse contre vne nuë desia formée ; ou enfin qu’elles aillent s’assembler de soy mesme contre le dessous de quelque nuë, à mesure qu’elles sortent de la terre. Et il ne se forme pas aussy tousiours des brouillars autour de nous ; ny en hyuer, encore que l’air y soit assés froid ; ny en esté, encore que les vapeurs y soient assés abondantes ; mais seulement lorsque la froideur de l’air et l’abondance des vapeurs concourent ensemble. Comme il arriue souuent le soir ou la nuit lorsqu’vn iour assés chaud a precedé. Principalement au printems plus qu’aux autres saisons, mesme qu’en automne, à cause qu’il y a plus d’inesgalité entre la chaleur du iour et la froideur de la nuit. Et plus aussy aux lieux marescageux ou maritimes que sur les terres qui sont loin des eaux, ny sur les eaux qui sont loin Maire, p. 209
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des terres, à cause que l’eau perdant plutost sa chaleur que la terre, y AT VI, 285 rafroidist l’air, dans lequel se condensent les vapeurs que les terres humides et chaudes produisent en abondance. Mais les plus grans brouillas se forment, comme les nuës, aux lieux où le cours de deux ou plusieurs vens se termine. Car ces vens chassent vers ces lieux là plusieurs vapeurs, qui s’y espaissentissent, ou en brouillas, si l’air proche de la terre est fort froid ; ou en nuës, s’il ne l’est assés pour les condenser que plus haut. Et remarqués que les gouttes d’eau, ou les parcelles de glace, dont les brouillas sont composés, ne peuuent estre que tres petites. si elles estoient tant soit peu grosses, leur pesanteur les feroit descendre assés promptement vers la terre, de façon que nous ne dirions pas que ce fussent des brouillas, mais de la pluie ou de la neige, Et auec cela que iamais il ne peut y auoir aucun vent où ils sont, qu’il ne les dissipe bientost aprés, principalement lorsqu’ils sont composés de gouttes d’eau ; car la moindre agitation d’air fait que ces gouttes en se ioignant plusieurs ensemble se grossissent et tombent en pluie ou en rosée. Remarqués aussy touchant les nuës, qu’elles peuuent estre produites à diuerses distances de la terre, selon que les vapeurs ont loysir de monter plus ou moins haut, auant que d’estre assés condensées pour les composer. D’où vient, qu’on en voit souuent plusieurs au dessus les vnes des autres, et mesme qui sont agitées par diuers vens. Et cecy arriue principalement aux païs de montaignes, à cause que la chaleur qui esleue les vapeurs y agist plus inesgalement qu’aux autres lieux. Il faut remarquer outre cela, que les plus hautes de ces nuës ne Maire, p. 210
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peuuent quasi iamais estre composées AT VI, 286 de gouttes d’eau, mais seulement de parcelles de glace ; car il est certain que l’air, où elles sont, est plus froid, ou du moins aussy froid que celuy qui est aux sommets des hautes montaignes : lequel neanmoins l’est assés, mesme au ceur de l’esté, pour empescher que les neiges ne s’y fondent. Et pource que plus les vapeurs s’esleuent haut, plus elles y trouuent de froid qui les gele, et moins elles y peuuent estre pressées par les vens. De là vient que pour l’ordinaire les plus hautes parties des nuës ne se composent que de filets de glace fort déliés, et qui sont espars en l’air fort loin à loin ; Puis vn peu au dessous il se forme des nœuds ou pelotons de cete glace, qui sont fort petits, et couuers de poils ; et par degrés encore d’autres au dessous vn peu moins petits ; Et enfin quelquefois tout au plus bas il se forme des gouttes d’eau. Et lorsque l’air, qui les contient, est entierement calme et tranquille, ou bien qu’il est tout esgalement emporté par quelque vent, tant ces gouttes, que ces parcelles de glace, y peuuent demeurer esparses assés loin à loin et sans aucun ordre, en sorte que pour lors la forme des nuës ne differe en rien de celle des brouillas. Mais pource que souuent elles sont poussées par des vens qui n’occupent pas esgalement tout l’air qui les enuironne, et qui par consequent ne les pouuant faire mouuoir de mesme mesure que cet air, coulent par dessus, et par dessous, en les pressant, et les contraignant de prendre la figure, qui peut le moins empescher leur mouuement : celles de leurs superficies contre lesquelles passent ces vens deuienent toutes plates et vnies. Et ce que ie desire icy AT VI, 287 particulierement que vous Maire, p. 211
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remarquiés, c’est que tous les petits nœuds ou pelotons de neige, qui se trouuent en ces superficies, s’arrengent exactement en telle sorte, que chascun d’eux en a six autres autour de soy, qui le touchent, ou du moins qui ne sont pas plus esloignés de luy l’vn que l’autre. Supposons par exemple qu’au dessus de la terre AB, il vient vn vent de la partie occidentale D, qui s’oppose au cours ordinaire de l’air, ou, si vous l’aymés mieux à vn autre vent, qui vient de la partie Orientale C ; et que ces deux vens se sont arestés au commencement l’vn l’autre, enuiron l’espace FGP, où ils ont condensé quelques vapeurs, dont ils ont fait vne masse confuse, pendant que leurs forces se balençant et se trouuant esgales en cet endroit, ils y ont laissé l’air calme et tranquille. Car il arriue souuent que deux vens sont opposés en cete sorte, à cause qu’il y en a tousiours plusieurs differens autour de la terre en mesme tems, et que chascun d’eux y estend d’ordinaire son cours, sans se détourner, iusques au lieu où il en rencontre vn contraire qui luy resiste ; mais leurs forces n’y peuuent gueres demeurer long tems ainsi balancées, et Maire, p. 212
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leur matiere y affluant de plus en plus s’ils ne cessent tous deux ensemble, ce qui est rare, le plus fort prent enfin son cours par le dessous, ou le dessus AT VI, 288 de la nuë, ou mesme aussy par le milieu, ou tout alentour, selon qu’il s’y trouue plus disposé ; au moyen de quoy s’il n’amortist l’autre tout à fait, il le contraint au moins de se détourner. Comme icy ie suppose que le vent occidental, ayant pris son cours entre G et P, a contraint l’Oriental de passer par dessous vers F, où il a fait tomber en rosée le brouillar qui y estoit, puis a retenu au dessus de soy la nuë G, qui se trouuant pressée entre ces deux vens, est deuenuë fort plate et estenduë ; Et les petits pelotons de glace qui ont esté en sa superficie, tant du dessus, que du dessous, comme aussy en celle du dessous de la nuë P, ont dû s’y arrenger en telle sorte que chascun en ait six autres qui l’enuironnent. car on ne sçauroit imaginer aucune raison qui les en ait empeschés, et naturellement tous les cors rons Maire, p. 213
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et esgaus qui sont meus en vn mesme plan, par vne force assés semblable s’arrengent en cete sorte ainsi que vous pourres voir par experience, en iettant confusement vn rang ou deux de perles rondes toutes defilées, sur vne assiette, et les esbranslant, ou soufflant seulement vn peu decontre affin qu’elles s’approchent les vnes des autres. Mais notés, que ie ne parle icy que des superficies du dessous ou du dessus, et non point de celles des costés, à cause que l’inesgale AT VI, 289 quantité de matiere, que les vens peuuent pousser decontre à chasque moment, ou en oster, rend ordinairement la figure de leur circuit fort irreguliere et inesgale. Ie n’aiouste point aussy, que les petits nœus de glace, qui composent le dedans de la nuë G, se doiuent arrenger en mesme façon que ceux des superficies, à cause que ce n’est pas vne chose du tout si manifeste. Mais ie desire que vous consideriés encore ceux, qui se peuuent aller arester au dessous d’elle, aprés qu’elle est toute formée. car si, pendant qu’elle demeure suspenduë en l’espace G, il sort quelques vapeurs des endroits de la terre qui sont vers A, lesquelles se refroidissant en l’air peu à peu se conuertissent en petits nœus de glace, que le vent chasse vers L, il n’y a point de doute que ces. nœus s’y doiuent arrenger en telle sorte que chascun d’eux soit enuironné de six autres, qui le pressent esgalement, et soient en mesme plan ; et ainsi composer premierement comme vne feuille qui s’estende sous la superficie de cete nuë, puis encore vne autre feuille qui s’estende sous celle cy, et ainsi encore d’autres, autant qu’il y aura de matiere. Et de plus il faut remarquer, que le vent, qui passe entre la terre et cete nuë, agissant auec Maire, p. 214
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plus de force contre la plus basse de ces feuilles que contre celle qui est immediatement au dessus, et auec plus de force contre celle cy que contre celle qui est encore au dessus, et ainsi de suite, les peut entraisner, et faire mouuoir separement l’vne de l’autre, et polir par ce moyen leurs superficies, en rabatant des deux costés les petits poils qui sont autour des pelotons dont elles sont composées. Et mesme il peut faire AT VI, 290 glisser vne partie de ces feuilles hors du dessous de cete nuë G, et les transporter au delà, comme vers N, où elles en composent vne nouuelle. Et encore que ie n’aye icy parlé que des parcelles de glace qui sont entassées en forme de petis nœuds ou pelotons, le mesme se peut aysement aussy entendre des gouttes d’eau, pourvû que le vent ne soit point assés fort pour faire qu’elles s’entrepoussent, ou bien qu’il y ait autour d’elles quelques exhalaisons, ou, comme il arriue souvent, quelques vapeurs non encore Maire, p. 215
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disposées à prendre la forme de l’eau, qui les separent. car autrement si tost qu’elles se touchent elles s’assemblent plusieurs en vne et ainsi deuienent si grosses et si pesantes, qu’elles sont contraintes de tomber en pluie.

Au reste ce que i’ay tantost dit, que la figure du circuit de chasque nuë est ordinairement fort irreguliere et inesgale, ne se doit entendre que de celles qui occupent moins d’espace en hauteur et en largeur que les vens qui les enuironnent. Car il se trouue quelquefois si grande abondance de vapeurs en l’endroit où deux ou plusieurs vens se rencontrent, qu’elles contraignent ces vens de tournoyer autour d’elles au lieu de passer au dessus ou au dessous, et ainsi qu’elles forment vne nuë extrordinairement grande, qui estant AT VI, 291 esgalement pressée de tous costés par ces vens, deuient toute ronde et fort vnie en son circuit. Et mesme qui lorsque ces vens sont un peu chauds, ou bien qu’elle est exposée à la chaleur du Soleil, y acquert comme vne escorce ou vne crouste de plusieurs parcelles de glace iointes ensemble, qui peut deuenir assés grosse et espaisse sans que sa pesanteur la face tomber, à cause que tout le reste de la nuë la soustient.