AT VI, 265

DES VENS.
Discours Quatriesme.

Toute agitation d’air qui est sensible se nomme vent, et tout cors inuisible et inpalpable se nomme air. Ainsi lorsque l’eau est fort rarefiée et changée en vapeur fort subtile, on dit qu’elle est conuertie en air. nonobstant que ce grand air que nous respirons ne soit, pour la plus part, composé que de parties qui ont des figures fort differentes de celles de l’eau, et qui sont beaucoup plus deliées. Et ainsi l’air estant chassé hors d’vn soufflet, ou poussé par vn éventail, se nomme vent ; nonobstant que ces vens plus estendus, qui regnent sur la face de la mer et de la terre, ne soient ordinairement autre chose Maire, p. 190
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que le mouuement des vapeurs, qui en se dilatant passent du lieu où elles sont en quelque autre où elles trouuent plus de commodité de s’estendre. En mesme façon qu’on voit en ces boules nommées des Æolipiles, qu’vn peu d’eau s’exhalãt en vapeur fait vn vent assés grand et assés fort à raison du peu de matiere dont il se cõpose. Et pource que ce vent artificiel nous peut beaucoup ayder à entendre quels sont les naturels, il sera bon icy que ie l’explique. ABCDE, est vne boule de cuiure ou autre telle matiere, toute creuse, et toute fermée, excepté qu’elle a vne fort petite ouuerture en l’endroit marqué D. Et la partie de cete boule ABC estant pleine AT VI, 266 d’eau, et l’autre AEC estãt vuide, c’est à dire ne contenant que de l’air, on la met sur le feu ; puis la chaleur agitant les petites parties de l’eau, fait que plusieurs s’esleuent au dessus de la superficie AC, où elles s’estendẽt, et s’entrepoussẽt en tournoyãt, et font effort pour s’escarter les vnes des autres, en la façon cy dessus expliquée. Et pource qu’elles ne peuuent ainsy s’escarter, qu’a mesure qu’il en sort quelques vnes par le trou D, toutes les forces dont elles s’entrepoussent conspirẽt ensemble à chasser par là toutes celles qui en sont les plus proches, et ainsy elles causent vn vent qui souffle de là vers F. Et pourcequ’il y a tousiours de nouuelles parties de cete eau, qui estant esleuées par la chaleur au Maire, p. 191
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dessus de cete superficie AC, s’estendent et s’escartent l’vne de l’autre, à mesure qu’il en sort par le trou D : ce vent ne cesse point que toute l’eau de cete boule ne soit exhalée, ou bien que la chaleur qui la fait exhaler n’ait cessé. Or les vens ordinaires qui regnent en l’air se font à peu prés en mesme façon que cetuy cy, et il n’y a principalement que deux choses en quoy ilz different. La premiere est que les vapeurs, dont ilz se composent, ne s’esleuent pas seulement de la superficie de l’eau, comme en cete boule ; mais aussy des terres humides, des neiges, et des nuës : d’où ordinairement elles sortent en plus grande abundance que de l’eau pure, à cause que leurs parties y sont desia presque toutes deiointes AT VI, 267 et desunies, et ainsy d’autant plus aysées à separer. La seconde est que ces vapeurs ne pouuant estre renfermées en l’air, ainsy qu’en vne Æolipile, sont seulement empeschées de s’y estendre esgalement de tous costés, par la resistence de quelques autres vapeurs, ou de quelques nuës, ou de quelques montaignes, ou enfin de quelque vent qui tend vers l’endroit où elles sont, mais qu’en reuanche il y a souuent ailleurs d’autres vapeurs, qui s’espaississent, et se resserrant au mesme tems que celles cy se dilatent, les determinent à prendre leur cours vers l’espace qu’elles leur laissent. Comme par exemple si vous imaginés qu’il y a maintenant force vapeurs en l’endroit de l’air marqué F, qui se dilatent, et tendent à occuper vn espace incomparablement plus grand que celuy qui les contiẽt ; et qu’au mesme tems il y en à d’autres vers G, qui se AT VI, 268 resserrant et se changeant en eau ou en neige laissẽt la plus grand part de l’espace où elles estoiẽt : Maire, p. 192
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vous ne douterés pas que celles qui sont vers F ne prenent leur cours vers G, et ainsy quellesqu’elles ne composent vn vent qui souffle vers là. Principalement si vous pensés auec cela qu’elles soient empeschées de s’estendre vers A, et vers B, par de hautes montaignes qui y sont ; et vers E, pource que l’air y est pressé et condensé par vn autre vent, qui soffle de C iusques à D ; et enfin qu’il y a des nuës au dessus d’elles ; qui les empeschent de s’estendre plus haut vers le ciel. Et remarqués que lorsque les vapeurs passent en cete façon d’vn lieu en vn autre, elles emmenent ou chassent deuant soy tout l’air qui se trouue en leur chemin, et toutes les exhalaisons qui sont parmi : en sorte que bien que elles causent quasi toutes seules les vens, ce ne sont pas toutefois elles seules qui les composent. Et mesme aussy que la dilatation et condensation Maire, p. 193
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de ces exhalaisons, et de cet air, peuuent ayder à la production de ces vens : Mais que c’est si peu, à comparaison de la dilatation et cõdensation des vapeurs, qu’elles ne doiuent quasi point estre mises en comte. Car l’air estant dilaté n’occupe qu’enuiron deux ou trois fois plus d’espace qu’estant mediocrement condensé, au lieu que les vapeurs en occupent plus de deux ou trois mille fois d’auantage : Et les exhalaisons ne se dilatent, c’est à dire, ne se tirent des cors terrestres, que par l’ayde d’vne grande chaleur ; puis ne peuuent quasi iamais par aucune froideur estre derechef autant condensées, qu’elles l’ont esté auparauant. au lieu qu’il ne faut que fort peu de chaleur pour AT VI, 269 faire que l’eau se dilate en vapeur, et derechef que fort peu de froideur pour faire que les vapeurs se changent en eau.

Mais voyons maintenent en particulier les proprietés, et la generation des principaux vens. Premierement on obserue que tout l’air a son cours autour de la terre de l’Orient vers l’Occident. ce qu’il nous faut icy supposer, à cause que la raison n’en peut commodement estre deduite, qu’en expliquant toute la fabrique de l’vnivers. ce que ie n’ay pas icy dessein de faire. Mais en suite on obserue que les vens orientaux sont ordinairement beaucoup plus secs, et rendent l’air beaucoup plus net et plus serein que les occidentaux. dont la raison est que ceux cy, s’opposant au cours ordinaire des vapeurs, les arestent, et font qu’elles s’espaississent en nuës ; au lieu que les autres les chassent, et les dissipent. De plus on obserue que c’est principalement le matin que soufflent les vens d’Orient, et le soir que soufflent ceux d’Occident. Maire, p. 194
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de quoy la raison vous sera manifeste, si vous regardés la terre ABCD, et le soleil S, qui en esclairant la moitié ABC, et faisant le midy vers B, et la minuit vers D, se couche en mesme temps au respect des peuples qui habitent vers A, et se leue au respect de ceux qui sont vers C. Car pour ce que les vapeurs qui sont vers B sont fort dilatées par la AT VI, 270 chaleur du iour, elles prenent leur cours, partie par A, et partie par C, vers D, où elles vont occuper la place que laissent celles, que la fraischeur de la nuit y condense : En sorte qu’elles font vn vent d’Occident vers A, où le soleil se couche ; et vn d’Orient vers C, où il se léue. Et mesme il est à remarquer que ce vent, qui se fait ainsi vers C, est ordinairement plus fort, et va plus viste, que celuy qui se fait vers A : tant à cause qu’il suit le cours de toute la masse de l’air ; comme aussy à cause que la partie de la terre qui est entre C et D, ayant esté plus long tems sans estre esclairée par le soleil, que celle qui est entre D et A, la condensation des vapeurs a deu s’y faire plustost, et plus grande. On obserue aussy que c’est principalement pendant le iour que soufflent les vens de Nort, et qu’ils vienent de haut en bas, et qu’ils sont fort violens, et fort Maire, p. 195
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froids, et fort secs. Dont vous pouués voir la raison, en considerant que la terre EBFD est couuerte de plusieurs nuës et brouillars, vers les poles E, et F, où elle n’est gueres eschauffée par le soleil ; et que vers B, où il donne à plomb, il excite quantité de vapeurs, qui estant fort agitées par l’action de sa lumiere, montent en haut tres promptement, iusques à ce qu’elles soient tant esleuées, que la resistence de leur pesanteur face qu’il leur soit plus aysé de se détourner, et de prendre leur cours de part et d’autre vers I et M, au dessus des nuës G et K, que de continuer plus haut en ligne droite. Et ces nuës G et K estant aussy en mesme AT VI, 271 tems eschauffées et rarefiées par le soleil, se conuertissent en vapeurs, qui prenent leur cours de G vers H, et de K vers L, plutost que vers E, et vers F : car l’air espais, qui est vers les poles, leur resiste bien d’auantage, que ne font les vapeurs qui sortent de la terre vers le midy, et qui estant fort agitées, et prestes à se mouuoir de tous costés, leur peuuent facilement ceder leur place. Ainsi prenant F pour le pole Arctique, le cours de ces vapeurs de K vers L fait vn vent de Nort, qui souffle pendant le iour en l’Europe. Et ce vent souffle de haut en bas, à cause qu’il vient des nuës vers la terre. Et il est ordinairement fort violent, à cause qu’il est excité par la chaleur la plus forte de toutes, à sçauoir celle de midy ; et de la matiere la plus aysée à dissoudre en vapeur, à Maire, p. 196
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sçauoir des nuës. Enfin ce vent est fort froid et fort sec, tant à cause de sa force, suiuant ce qui a esté dit cy dessus que les vens impetueux sont tousiours secs et froids ; Comme aussy il est sec, à cause qu’il n’est ordinairement composé que des plus grossieres parties de l’eau douce meslées auec l’air, au lieu que l’humidité dépend principalement des plus subtiles ; et celles cy ne se trouuent gueres dans les nuës dont il s’engendre ; car, comme vous verrés tantost, elles participent bien plus de la nature de la glace, que de celle de l’eau ; Et il est froid, à cause qu’il amene auec soy vers le midy la matiere tres subtile qui estoit vers le Nort, de la quellelaquelle depend principalement la froideur. On obserue tout au contraire que les vens de midy soufflent plus ordinairement pendant la nuit, et vienent de bas en haut, et sont lens, et humides. Dont la raison se peut voir aussy, AT VI, 272 en regardant derechef la terre EBFD, et considerant que sa partie D, qui est sous l’Equateur, et où ie suppose qu’il est maintenant nuit, retient encore assés de la chaleur, que le soleil luy a communiquée pendant le iour, pour faire sortir de soy plusieurs vapeurs ; mais que l’air qui est au dessus vers P, n’en retient pas tant à proportion. Car generalement les cors grossiers et pesans retienent tousiours plus long tems leur chaleur, que ceux qui sont legers et subtils ; et ceux qui sont durs la retienent aussy plus long tems, que ceux qui sont liquides. Maire, p. 197
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Ce qui est cause que les vapeurs qui se trouuent vers P, au lieu de poursuiure leur cours vers Q et vers R, s’arestent et s’espaississent en forme de nuës, qui, empeschant que celles qui sortent de la terre D ne montent plus haut, les contraignent de prendre leur cours de part et d’autre vers N et vers O, et ainsi d’y faire vn vent de midy, qui souffle principalement pendant la nuit ; et qui vient de bas en haut, à sçauoir de la terre vers l’air ; et qui ne peut estre que fort lent, tant à cause que son cours est retardé par l’espaisseur de l’air de la nuit, comme aussy à cause que sa matiere ne sortant que de la terre ou de l’eau, ne se peut dilater si promptement, ny en si grande quantité, que celle des autres vens, qui sort ordinairement des nuës. Et enfin il est chaud et humide, tant à cause de la tardiueté de son cours ; Comme aussy il est humide, à cause qu’il est composé des plus subtiles AT VI, 273 parties de l’eau douce aussy bien que des plus grossieres ; car elles sortent ensemble de la terre ; Et il est chaud, à cause qu’il amene auec soy vers le Nort la matiere subtile qui estoit vers le midy. On obserue aussy, qu’au mois de Mars, et generalement en tout le printems, les vens sont plus secs, et les changemens d’air plus subits, et plus frequens, qu’en aucune autre saison de l’année. Dont la raison se voit encore, en regardant la terre EBFD, et pensant que le soleil, que ie suppose estre vis à vis du cercle BAD qui represente l’Equateur, et auoir esté trois mois auparauant vis à vis du cercle HN, qui represente le tropique du Capricorne, a beaucoup moins eschauffé la moitié de la terre BFD, où il fait maintenant le printems, que l’autre moitié BED, où il fait l’automne ; et Maire, p. 198
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par consequent que cete moitié BFD est beaucoup plus couuerte de neiges, et que tout l’air, qui l’enuironne, est beaucoup plus espais, et plus rempli de nuës, que celuy qui enuironne l’autre moitié BED : ce qui est cause que pendant le iour il s’y dilate beaucoup plus de vapeurs, et qu’au contraire pendant la nuit il s’y en condense beaucoup d’auantage. car la masse de la terre y estant moins eschauffée, et la force du soleil ny estant pas moindre, il doit y auoir plus d’inesgalité entre la chaleur du iour, et la froideur de la nuit : et ainsi ces vens d’Orient, que i’ay dit souffler principalement le matin, et ceux de Nort, qui soufflent sur le milieu du iour, qui les vns et les autres sont fort secs, doiuent y estre beaucoup plus forts et plus abondans qu’en aucune autre saison. Et pource que les vens d’Occident, qui soufflent le soir, y doiuent aussy estre AT VI, 274 assés forts, par mesme raison que ceux d’Orient, qui soufflent le matin ; pour peu que le cours regulier de ces vens soit auancé, ou retardé, ou détourné, par les causes particulieres qui peuuent plus ou moins dilater ou espaissir l’air en chasque contrée, ils se rencontrent les vns les autres, et engendrent des pluies ou des tempestes, qui cessent ordinairement aussy tost aprés, à cause que les vens d’Orient et de Nort, qui chassent les nuës, demeurent les maistres. Et ie croy, que ce sont ces vens d’Orient et de Nort, que les Grecs appeloient les Ornithies, à cause qu’ils ramenoient les oiseaux qui vienent au printems. Mais pour ce qui est des Etesies, qu’ils obseruoient aprés le solstice d’esté, il est vray semblable qu’ils procedent des vapeurs que le soleil esleue des terres et des eaux du Septentrion, aprés auoir Maire, p. 199
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desia seiourné assés longs tems vers le Tropique du Cancre. Car vous scaués, qu’il s’areste bien plus à proportion vers les Tropiques, qu’il ne fait en l’espace qui est entre deux : et il fault penser que pendant les mois de Mars, d’Auril et de May, il dissout en vapeurs et en vens la plus part des nuës et des neiges qui sont vers nostre Pole ; mais qu’il ne peut y eschauffer les terres et les eaux assés fort pour en esleuer d’autres vapeurs qui causent des vens, que quelques semaines aprés, lorsque ce grand iour de six mois, qu’il y fait, est vn peu au delà de son midy.

Au reste ces vens generaux et reguliers seroient tousiours tels que ie viens de les expliquer, si la superficie de la terre estoit partout esgalement couuerte d’eaux, ou partout esgalement découuerte, en sorte qu’il n’y eust aucune diuersité de mers, de terres, et de AT VI, 275 montaignes, ny aucune autre cause qui pûst dilater les vapeurs que la presence du soleil, ou les condenser que son absence. Mais il faut remarquer que lorsque le soleil luist, il fait sortir communement plus de vapeurs des mers que des terres, à cause que les terres se trouuant seiches en plusieurs endroits, ne luy fournissent pas tant de matiere. Et qu’au contraire lors qu’il est absent, la chaleur qu’il a causée, en fait sortir d’auantage des terres, que des mers, à cause qu’elle y demeure plus fort imprimée. C’est pourquoy on obserue souuent aux bords de la mer, que le vent vient le iour du costé de l’eau, et la nuit du costé de la terre. Et c’est pour cela aussy que ces feux qu’on nomme des Ardans conduisent de nuit les voyasgeurs vers les eaux, car ils suiuent indifferemment le cours de Maire, p. 200
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l’air, qui tire vers là des terres voysines, à cause que celuy qui y est se condense. Il fault aussy remarquer, que l’air qui touche la superficie des eaux, suit leur cours en quelque façon ; D’où vient que les vens changent souuent le long des costes de la mer auec ses flux et reflux ; Et que le long des grandes riuieres on sent en tems calme de petits vens, qui suiuent leur cours. Puis il faut remarquer aussy, que les vapeurs, qui vienent des eaux, sont bien plus humides et plus espaisses, que celles qui s’esleuent des terres, et qu’il y a tousiours parmi celles cy beaucoup plus d’air et d’exhalaisons. D’où vient, que les mesmes tempestes sont ordinairement plus violentes sur l’eau que sur la terre, et qu’vn mesme vent peut estre sec en vn païs et humide en vn autre. Comme on dit que les vens de midy, qui sont humides presque par tout, sont secs en Egipte, où il AT VI, 276 n’y a que les terres seiches et bruslées du reste de l’Afrique, qui leur fournissent de matiere. Et c’est sans doute cecy qui est cause qu’il n’y pleut presque iamais : car quoy que les vens de Nord venans de la mer y soient humides, toutefois pource qu’auec cela ils y sont les plus froids qui s’y trouuent, ils n’y peuuent pas aysement causer de pluie, ainsi que vous entendrés cy aprés. Outre cela il faut considerer, que la lumiere de la Lune, qui est fort inesgale selon qu’elle s’esloigne ou s’approche du soleil, contribue à la dilatation des vapeurs : Comme fait aussy celle des autres Astres : Mais que c’est seulement en mesme proportion, que nous sentons qu’elle agist contre nos yeux ; car ce sont les iuges les plus certains que nous puissions auoir pour connoistre la force de la lumiere. Et que par consequent celle Maire, p. 201
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des Estoiles n’est quasi point considerable, à comparaison de celle de la Lune, ny celle cy à comparaison du Soleil. Enfin on doit considerer, que les vapeurs s’esleuent fort inesgalement des diuerses contrées de la terre. Car et les montaignes sont eschauffées par les astres d’autre façon que les plaines, et les forets que leles prairies, et les chams cultiués que les desers, et mesme certaines terres sont plus chaudes d’elles mesmes ou plus aysées à eschauffer que les autres ; Et en suite se formant des nuës en l’air fort inesgales, et qui peuuent estre transportées d’vne region en vne autre par les moindres vens, et soustenuës à diuerses distances de la terre, mesme plusieurs ensemble au dessus les vnes des autres, les astres agissent derechef d’autre façon contre les plus hautes que contre les plus basses ; et contre celles cy que contre AT VI, 277 la terre qui est au dessous ; et d’autre façon contre les mesmes endroits de la terre lors qu’il n’y a point de nuës qui les couurent, que lors qu’il y en a ; et aprés qu’il a plû ou neigé qu’auparauant. Ce qui fait qu’il est presque impossible de preuoir les vens particuliers qui doiuent estre chasque iour en chasque contrée de la terre : et que mesme il y en a souuent plusieurs contraires qui passent au dessus les vns des autres. Mais on y pourra bien déterminer en general quels vens doiuent estre les plus frequens, et les plus forts, et en quels lieux et quelles saisons ils doiuent regner, si on prent exactement garde à toutes les choses qui ont esté icy remarquées. Et on le pourra encore beaucoup mieux determiner dans les grandes mers, principalement aux endroits fort esloignés de la terre, à cause que n’y ayant point d’inesgalités en la superficie Maire, p. 202
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de l’eau, semblables à celles que nous venons de remarquer sur les terres, il s’y engendre beaucoup moins de vens irreguliers, et ceux qui vienent des costes ne peuuent gueres passer iusque là ; comme tesmoigne assés l’experience de nos matelots, qui pour cete cause ont donné à la plus large de toutes les mers le nom de Pacifique. Et ie ne sçache plus rien icy digne de remarque, sinon que presque tous les subits changemens d’air, comme de ce qu’il deuient plus chaud, ou plus rare, ou plus humide, que la saison ne le requert, dependent des vens : non seulement de ceux qui sont aux mesmes regions où se font ces changemens, mais aussy de ceux qui en sont proches, et des diuerses causes dont ils procedent. Car par exemple, si pendant que nous sentons icy vn vent de AT VI, 278 midy, qui ne procedant que de quelque cause particuliere, et ayant son origine fort prés d’icy, n’amene pas beaucoup de chaleur, il y en a vn de Nord aux païs voysins, qui viene d’assés loin, ou d’assés haut, la matiere tres subtile que cetuy cy amene auec soy peut aysement paruenir iusques à nous, et y causer vn froid extrordinaire. Et ce vent de midy ne sortant que du lac voysin, peut estre fort humide ; au lieu que s’il venoit des campaignes desertes qui sont au delà, il seroit plus sec. Et n’estant causé que par la dilatation des vapeurs de ce lac, sans que la condensation d’aucunes autres qui soient vers le Septentrion y contribue, il doit rendre nostre air bien plus espais, et plus pesant, que s’il n’estoit causé que par cete condensation, sans qu’il se fist aucune dilatation de vapeurs vers le midy. À quoy si nous adioustons que la matiere subtile, et les vapeurs qui sont Maire, p. 203
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dans les pores de la terre, prenant diuers cours, y font aussy comme des vens, qui amenent auec soy des exhalaisons de toutes sortes, selon les qualités des terres par où ils passent ; et outre cela que les nuës, en s’abaissant, peuuent causer vn vent qui chasse l’air de haut en bas, ainsi que ie diray cy apprés : nous aurons ie croy, toutes les causes des changemens d’air qui se remarquent.