Clerselier III, 105 (béquet) AT IV, 121

A UN REVEREND PERE IESUITE.

LETTRE XVIII.

MON REVEREND PERE,
I’ay esté extremement aise de voir des marques du souvenir qu’il vous plaist avoir de moy, et de recevoir les excellentes Lettres du R. P. Mesland. Ie tasche de AT IV, 122 luy répondre tout franchement et sans rien dissimuler de mes pensées, mais ce n’est pas avec tant de soin que i’eusse desiré ; Car ie suis icy en un lieu où i’ay beaucoup de divertissemens, et peu de loisir, ayant depuis peu quitté ma demeure ordinaire pour chercher la commodité de passer en France, où ie me propose d’aller dans peu de temps, et s’il m’est aucunement possible, ie ne manqueray pas de me donner l’honneur de vous y voir ; Car ie seray ravy de retourner à La Fleche, où i’ay demeuré huit ou neuf ans de suitte en ma ieunesse, et c’est là que i’ay receu les premieres semences de tout ce que i’ay iamais appris, dequoy i’ay toute l’obligation à vostre Compagnie. Si le témoignage de Monsieur de Beaune suffit pour faire valoir ma Geometrie, encore qu’il y en ait peu d’autres qui l’entendent, ie me promets que celuy du Reverend Pere Mesland ne sera pas moins efficace pour authoriser mes Meditations, veu principalement qu’il a pris la peine, de les accommoder au stile, dont on a coustume de se servir pour enseigner, dequoy ie luy ay une tres-grande obligation. Et i’espere qu’on verra par experience, que mes opinions n’ont rien qui les doive faire apprehender et rejetter par ceux qui enseignent ; Mais au contraire qu’elles se Clerselier III, 106 trouveront fort utiles et commodes. Il y a deux mois que les principes de ma Philosophie eussent dû estre achevez d’imprimer, si le Libraire m’eust tenu parole ; mais il a esté retardé par les figures, qu’il n’a pû faire tailler si-tost qu’il pensoit ; AT IV, 123 i’espere pourtant de vous les envoyer bien-tost, si le vent ne m’emporte d’icy, avant qu’ils soient achevez.
Ie suis,