Mémorial des victimes civiles

Le dénombrement des civils tués au cours des opérations militaires du 6 juin au 31 décembre 1944 en Normandie

De janvier à la mi-septembre 1944, les bombardements en Haute-Normandie deviennent une réalité quotidienne. Du début de l'année jusqu'au débarquement, l'aviation anglo-américaine cible ses attaques sur les grands axes de communication, détruisant ponts et gares de triage. Ces opérations s'inscrivent dans le cadre du plan Overlord. Elles visent à entraver, voire à interdire le franchissement de la Seine aux troupes allemandes. Le 19 août, l'encerclement de l'arrière-garde allemande marque la fin de la bataille de Normandie. Après quatre années d'occupation, la Haute-Normandie se trouve au cœur de la guerre. En effet, les Alliés se ruent vers la Seine. Les combats de libération se déroulent du 19 août à la mi-septembre. Les Havrais sont les dernières victimes de ces opérations. La capitulation de la garnison, le 12 septembre, marque la fin de l'occupation allemande dans la région.

Le Havre

Le Havre, vers 1944-1945, près du monument aux morts de la Guerre 1914-1918

Chronologie des bombardements d'avions ou d'artillerie les plus meurtriers
5 janvierSaint-Léger-aux-Bois
7 janvierRouen
21 janvierBelleville-en-Caux
10 avril Le Havre et son agglomération
19 avril Rouen, Amfreville-la-Mivoie, Blosseville-Bonsecours, Bois-Guillaume, Saint-Étienne-du- Rouvray, Sotteville-lès-Rouen
7 mai Elbeuf, Orival
7-8 mai Saint-Valéry-en-Caux
19-20 mai Dieppe, Neuville-lès-Dieppe
22 mai Les Ventes
26 mai Vernon
27 mai Rouen
30 maiElbeuf, Saint-Aubin-lès-Elbeuf
30 mai-4 juinRouen (Semaine Rouge)
2 juinLes Andelys
10 juinAubevoie
12 juinÉvreux, Conches
14-15 juinLe Havre et son agglomération
16 juinAuppegard
22 juinRouen, Grand-Quevilly, Petit-Quevilly
24 juinRouen, Déville-lès-Rouen
12 juillet Damville
15 juillet Rouen, Bois-Guillaume, Mont-Saint-Aignan
17 juillet Eu
24 juillet Elbeuf
26 juillet Bernay
31 juillet Le Havre
2 août Le Havre
3 août Ézy-sur-Eure
13 août La Haye-du-Theil, Louviers, Le Neubourg
16 août Brionne, Nassandres, Pont-Audemer
17 août Appeville-Annebault, La Ferrières-sur-Risle, Pont-Audemer
26-27 août Rouen, Grand-Quevilly, Petit-Quevilly
24-28 août Elbeuf, Caudebec-lès-Elbeuf, Sant-Pierre-Iès-Elbeufs
5-12 septembre Le Havre et son agglomération

affiche

Coutances

Affiche de propagande allemande après la Semaine rouge du 19 avril à Rouen, Sotteville et les communes alentour.

L'ensemble des bombardements fut particulièrement meurtrier. Les raids aériens étaient sans doute inévitables, mais la stratégie adoptée pose problème. Le « tout-bombarder» des Alliés a détruit des quartiers, des villes entières, parfois à la suite d'informations erronées ou imprécises. Souvent, ce sont des ruines qu'on libère. Les destructions les plus amples concernent les villes situées dans la vallée de la Seine : Caudebec-en-Caux, Rouen (dévastée à 45 %), Elbeuf, Louviers et Vernon, sur le pourtour de la Seine-Inférieure, Le Havre (80 %), Fécamp, Saint-Valéry-en-Caux, Dieppe, Le Tréport, Blangy-sur-Bresle, Aumale et Gournay-en-Bray. Dans l'Eure, les bombardements se concentrent sur Évreux, détruit à 58 %. Certaines petites localités figurent parmi les plus sinistrées : Fontaine-Ia-Mallet (98 %), Orival (84 %), ou bien encore Berneval-le-Grand (80 %).

Le Havre

Impacts des bombes sur la ville du Havre après le bombardement du 12 septembre 1944

Au total, 5 370 personnes ont été victimes des bombardements auxquelles il faut ajouter 380 disparus. Les hommes sont surreprésentés avec 53,5 % des victimes.

Lieux de décès
Eure7557répartis sur 129 des 702 communes du département (18 %)
Seine-Inférieure3806répartis sur 200 des 759 communes du département (26 %)
Total 13 632

Les trois grandes agglomérations, Évreux, Le Havre et Rouen concentrent les trois-quarts des décès, soit 3 841 victimes. Le Havre, avec 2 408 morts (dont 330 disparus), est l'une des villes les plus meurtries de France. Rouen voit disparaître une partie de son patrimoine, la plupart de ses monuments sont gravement mutilés.

Répartition socio-professionnelle des victimes
Le Havre agglomération Rouen agglomération Seine-Inférieure Reste Seine Inférieure Total Eure Haute Normandie
Sans profession et retraités 528 477 109 1114 263 1377
Ouvriers (agriculture et industrie) 235 304 135 674 107 781
Employés et domestiques 425 424 68 917 175 1092
Agriculteurs 13 9 77 99 61 160
Artisans, patrons (industrie et commerce) 229 142 62 433 87 520
Professions libérales 13 6 0 19 13 32
Hauts fonctionnaires, enseignants, ingénieurs, cadres supérieurs et moyens 16 42 3 62 7 69
Autres professions 45 52 9 105 22 127
Total 1504 1456 463 3423 735 4158

Les victimes sont en majorité des citadins, des adultes, des employés ou des ouvriers, mais aussi des ruraux, qui doivent leur calvaire à la proximité d'un carrefour, routier ou ferroviaire, d'une rampe de V1.

Les énormes destructions provoquées par l'utilisation massive de bombardiers stratégiques semblent à l'origine du véritable choc ressenti par les survivants, choc qu'aggravent les interrogations sur la finalité et la nécessité militaires d'opérations d'un coût humain et matériel aussi lourd.

Le Havre

Survivre dans les ruines du Havre, hiver 1944.