Assemblée générale du 24 novembre 1789


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Assemblée Générale
tenue le 24 novembre 1789 présidée par M.
le marquis de Condorcet.

Membres présensprésents :
M.M.
Du Comité :
de Bréban, de Brack, de Warville

De l’Assemblée :
Lanthenas, L’Escallier, Clarkson, de Missy, de la Mothe,
de Valady, de La Feuillade, de Grouchy, Croharé, Desissarts,
Le Roy de Camilly, de Fondat, de Boulongne, de Pontecoulant,
Garlike, de Mollien, Raymond.

Après la lecture des procès verbaux précédents, le secrétaire a
rendu compte des différensdifférents ouvrages dont on a fait hommage à la
société des Amis des Noirs ; l’un de M. Lanthenas sur l’abolition
des droits d’aînesse1, l’autre de l’abbé Maubert sur l’abolition
de la traite2, et le troisième de M. Sibyre, intitulé L’aristocratie
négrière3.

M. de Warville a présenté ensuite à l’Assemblée, Messieurs
les députés des citoyens de couleur de Saint-Domingue, savoir M.M.
Raymond aîné, Ogé jeune, Dufouchet de Vaurcel, Fleury Honoré de Albert,
tous commissaires et députés des citoyens de couleurs des islesîles et colonies
françaises, accompagnés de M. de Joly, avocat aux conseils, chargé
de défendre leur cause, à la barre de l’Assemblée nationale.

M. Joly a pris la parole et, par un discours où il a exprimé avec
éloquence et sensibilité les justes réclamations de M.M. les députés,
il a fait sentir les rapports qu’il pouvait y avoir entre les vues d’humanité
de la Société des Amis des Noirs et la façon de penser des citoyens dont
il déffendoitdéfendait les droits. Il a présenté ensuite à l’assemblée les différentes adresses
relatives à la présentation des députés à l’Assemblée nationale.

Il a été voté des remerciemensremerciements à M.M. les députés et à M. Joly.

M. de Warville a rendu compte ensuite des causes qui avaient
retardé et ses travaux et ceux des commissaires chargés de suivre la cause
des Noirs auprès de l’Assemblée nationale.

Il a ensuite proposé de demander à l’Assemblée nationale qu’il fût formé
un Comité pour y discuter la cause des Noirs et l’abolition de la traite ; quelques
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membres ont souhaité qu’on demandât simplement l’abolition de la
traite ; d’autres celle de la prime ; enfin des trois demandes à faire d’un
Comité
, de l’abolition de la traite, ou de celle de la prime, la pluralité des
avis a été pour qu’on demandât simplement l’abolition de la traite comme
entraînant nécessairement les deux autres.

M.M. les commissaires déjà nommés pour suivre les intérêts de la
Société auprès de l’assemblée nationale, ont été continués dans leur fonctions
à cet égard et M. Clarkson a été adjoint.

M.M. de Warville a fait ensuite la motion suivante. « Que la Société des Amis des
Noirs, en témoignant à M.M. les députés le plaisir qu’elle
ressent de les voir défendre ici les droits de leurs frères, seconde de tous ses
efforts leurs réclamations auprès des Amis des Noirs, membres de
l’Assemblée nationale, afin qu’ils obtiennent de cette assemblée la repré=
sentation qui leur appartient, comme aux autres planteurs blancs ».

Cette motion a été adoptée et M. Clarkson, conjointement avec M. le marquis
de la Feuillade, ont été nommés pour accompagner M. de Joly, auprès des
membres de la Société des Amis des Noirs, députés à l’Assemblée nationale.

M. de la Feuillade a présenté au projet d’adresse aux journaux, tendant
à justifier la Société des imputations calomnieuses qu’on ne cesse de lui
faire. Il a été arrêté qu’après que Mrs de Fondat et Desissarts auraient revu
cette adresse, elle serait envoyée aux journaux, signésignée du président et du secrétaire.

Lettre adressée aux auteurs des journaux


M.M.

Calomniés par plusieurs personnes qui nous attribuent
les projets les plus insensés, Les Amis des Noirs s’adressent à vous pour dé=
tromper le public et faire connaître ses véritables intentions.

Nous espérons, il est vrai, que l’Assemblée nationale qui a décrété que tous
les hommes sont libres et égaux en droits, ne souffrira pas plus longtemslongtemps
l’achat et la vente d’aucun individu de l’espèce humaine ; nous croyons que l’on
pourrait, par la suite, abolir entièrement l’esclavage et supprimer dès à présent
la traite sans ruiner les colonies, puisque, comme le prouve l’exemple de plusieurs
habitations, il ne faut que des soins et de l’humanité, pour maintenir la
population parmi les Nègres esclaves. Enfin, nous déclarons formellement que
nous n’avons jamais eu d’autres intentions que de procurer dans l’état des Noirs
des améliorations, que la justice et l’humanité réclament et qui, loin de nuire
à la culture des colonies, ne peuvent que la favoriser et la faire prospérer.

Le trésorier a présenté le bordereau de la caisse de la Société, qui se voit en
danger de s’étteindres’éteindre faute de fonds.

Le secrétaire a exposé, sur le bureau, des gravures relatives à la traite des
esclaves ; ces gravures lui ont été envoyées de Londres pour être vendues au profit
de l’auteur.

Le secrétaire a lu ensuite un mémoire du commis de la Société, dans
lequel il expose ses malheurs et ses besoins urgensurgents. Les membres présensprésents se sont
empresssés de le secourir et il a été fait pour lui une quête de 144 livres.

Gramagnac
Docteur en médecineDM

1. François-Xavier Lanthenas, Inconveniens du droit d’ainesse, ouvrage dans lequel on démontre que toute distinction entre les enfants d’une même famille entraine une foule de maux..., Paris, s. d.
2. L'ouvrage n'a pu être identifié. L'abbé Maubert était l'un des historiographes du Comte d'Artois.
3. Sébastien-André Sibire, L’aristocratie
négrière
, Paris, Lesclapart, 1789.