Séance inaugurale de la Société des Amis des Noirs
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Résolution de l’assemblée,
tenue
rue Française, n°3,
le 19 février 1788.
M. Clavière élu
unanimement président.
1. Arrêté que les soussignés se forment en société, à l’effet de
concourrirconcourir,
avec
celle formée à Londres1 , à l’abolition de la traite et de l’esclavage
des Nègres,
et que M. Clavière, l’un
d’eux, en sera président jusqu’à ce que la Société
soit organisée,
et que M. Brissot de Warville,
fera les fonctions de secrétaire.
2. Arrêté que, quant à présent, pour être membre de cette Société, il
faudra
souscrire au moins de deux louis, sauf à revenir sur la
fixation définitive
de cette souscription.
3. Arrêté que la Société aura un Comité qui s’assemblera le mardi de
chaque semaine, et qu’il aura un registre où le travail de chaque
séance sera inscrit.
4. Arrêté que sur le registre de la Société on enregistrera les lettres
du
Comité
de Londres adressées à M. Brissot de Warville,
les présentes résolutions
et celles qui seront prises à l’avenir.-
Copie des lettres du comité de Londres :
Société pour l’abolition de la traite des esclaves, à Londres
Dans un comité tenu le 27 août 1787, lecture faitesfaite des lettres écrites par Brissot
de Warville il a été résolu
que ce comité approuvant hautement le zèle témoigné par Brissot de Warville, le
remercie pour ses offres désintéressées, et l’élit comme membre honoraire et correspondant.
Le comité lui recommande expressément d’éléverélever et d’étendre de tout son
pouvoir une institution semblable à celle formée dans ce pays, à l’effet de
faire abolir le commerce des esclaves, le prie de faire part de tems en temstemps en temps au
Comité de ses progrès dans cet établissement, et d’y joindre tous les renseignemens renseignements
qui peuvent faire réussir cette cause.
Résolu qu’Étienne Clavière est aussi élu membre et correspondant de
cette Société.
Lettre qui accompagnait l’envoi des résolutions
cy-dessusci-dessus,
adressée à M. Brissot
de
Warville.
Londres, le 4 novembre 1787.
Ami,
Le Comité de la Société instituée pour effecter2 l’abolition de la traite des
Nègres, ayant mûrement considéré tes lettres, a pris les résolutions dont je
joins une copie, et que tu es prié de communiquer à ton digne ami Etienne
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Clavière. Nous y ajoûtonsajoutons nos souhaits sincères que tes succès, dans cette
entreprise, puissent égaler l’alacrité et le zèle avec lesquels tu cherches à
l’étendre. Le Comité approuve ton idée de traduire l’ouvrage intitulé : Vues
sommaires sur l’esclavage. La circulation n’en peut opérer que les plus
heureux effets. Tu apprendras sans doute avec plaisir que les détails et les
mémoires que nous recevons journellement nous confirment dans les principes
établis dans cet ouvrage. Le Comité s’empresserait de vous faire un compte de
ses démarches, s’il n’était pas persuadé que les circonstances où se trouvent les
deux nations exigent une marche différente ; et il s’en rapporte à tes connaissances
et à celle de ton ami, pour suivre celle qui convient à la France. Il t’observe
cependant que le projet d’établir un Comité dans ce pays, coïncide parfaitement
avec les idées que nous avons de ce qu’ilqui peut faire réussir généralement cette
entreprise, puisque, quelque intérêt qu’excitent des ouvrages écrits sur cette
matière, les plus grands effets ne peuvent être produits que par l’activité
infagtigable, le zèle soutenu, et l’influence d’individus aimant le bien
et réunis,
5. M. de Warville a fait
ensuite lecture de deux lettres qui lui avaient été
adressées par
Mr le marquis de La
Fayette et Hérault, en réponse
à
l’invitation qu’il leur avait faite d’assister à la présente
assemblée.
Ces deux lettres étaient écrites ainsi qu’il suit :
(Lettre de M. le marquismis de La
Fayette.)
Paris, ce lundi. (11 février 1788)
C’est avec le plus grand plaisir, Monsieur, que je vois se
former à Paris une
Société, semblable à celle que
préside M. Granville
Sharp, et dont les premiers
exemples ont
été donnés en Amérique. Je regrette seulement que
l’Assemblée
nationale soit encore trop éloignée pour
qu’elle puisse partager la gloire
dont le Parlement
d’Angleterre va se couvrir. Le concert d’humanité entre
les deux nations seraient plus satisfaisant que les
plus habiles détours de la
politique ; vous connaissez,
Monsieur, le projet de M. HilbersoneWilberforce
: un membre
principal de l’opposition me mande que M.
Fox et
lui doivent l’appuyer, et
les chefs des deux partis se
réünirontréuniront
vraisemblablement pour cette occasion3 ;
il me semble que le meilleur moyen de
réüssirréussir
n’est pas de s’abandonner
uniquement aux réflexions
philosophiques, mais de chercher à concilier les
intérêts de l’humanité avec ceux du commerce, et même
des colons, ce qui n’est
pas impossible. Il se fait
depuis quelque
temstemps, dans
une colonie française,
des
essaysessais
pour ramener graduellement les Nègres à l’état de liberté et
de
propriété, et cet établissement tend à prouver qu’un
pareil système serait
plus utile, non seulement à la
prospérité des colonies, mais à la fortune des
possesseurs actuels4 . Je serais fort
empressé, Monsieur, de profiter de votre
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invitation pour mardi ; mais un rendez-vous de
plusieurs personnes, relatifs aux
affaires de
l’Auvergne m’empêchera de m’y rendre,
agréeagréez
l’assurance des
sentimenssentiments
avec lesquels j’ai l’honneur d’être
etc.&a.
(Lettre de M. Hérault)
Je suis infiniment sensible, Monsieur, à la proposition que
vous voulez bien me
faire, au nom de M. Clavière
et au vôtre. Ce serait une occasion heureuse pour
moi
d’entendre discuter les droits éternels de l’humanité dans
une assemblée
qui l’honore, et par deux hommes célèbres
que leur génie et leurs connaissances
appellent à ce
noble emploi. Mais, je vous observerai avec un véritable
regret, que ma place5
ne me permet
guèresguère de
me trouver à des associations
que le Parlement n’a
point encore autorisées. S’il survenait, d’ailleurs, une
cause de ce genre, en devenant sujet à une sorte de
récusation, je m’ôterais la
faculté de défendre en
public cette même liberté dont je me serais trop pressé
alors d’être le conjuré. Je me bornerai donc, Monsieur,
à suivre de loin vos
travaux, mais avec un vif intérêt,
et je vous prie de recevoir, ainsi que M. de
Clavière, mes vœux et ma reconnaissance.
considération la plus distinguée, etc.&a (signé Hérault.)
Ce 11 février 1788.
Il a été mis en délibération quelle réponse on
ferait à ces deux lettres,
et les avis ayant été recueillis en deux
tours, il a été arrêté que M. de Warville
dresserait un modèle de réponse, d’après la majorité des opinions,
lequel
serait présenté à la prochaine session.
6. M. de Warville a lu ensuite un mémoire sur l’objet de cette Société, sur
les travaux qu’elle devrait embrasser, sur les moyens qu’elle
devrait employer,
sur son utilité, sur son organisation,
etc.&a
Après cette lecture faite, on a arrêté que l’auteur serait
remercié, et que
ce discours serait
imprimé aux frais de la Société, comme étant propre à
instruire le
public du véritable objet de cette Société, et qu’il serait joint
au présent article, comme étant la base de la Société
7. M. le comte de Mirabeau ayant fait l’offre de l’insérer dans son journal
intitulé : Analyse des papiers anglais, cette offre a été
acceptée par la Société
avec empressement6 .
Sur la motion faite par un des membres qu’avant l’impression, ce mémoire
fût soumis à l’examen d’un Comité, il y a eu unanimité de voix pour
cette motion.
On a procédé au choix des commissaires, il est tombé
sur Messieurs Clavière,
le
comte de Mirabeau et
Bergasse, lesquels
ont accepté.
La société s’est ensuite ajournée à mardi prochain.
1. | The Society for Effecting the Abolition of the Slave Trade ou Society for the Abolition of the Slave Trade constituée le 22 mai 1787 à Londres. |
2. | Francisation du verbe anglais to effect signifiant obtenir ou effectuer. |
3. | Les débats initiés notamment par Wilberforce à la Chambre des Communes au début de 1788 aboutiront au début de l’été à l’adoption du Slave Trade Act, ou Dolben Act du nom du député William Dolben qui l’a proposé, limitant le nombre d’esclaves pouvant être transportés par bateau selon le tonnage. |
4. | D’après M. Dorigny, La Fayette fait ici allusion à l’expérience menée dans ses propriétés guyannaise administrées par Jean-François Henry de Richeprey (UNESCO, 1998). Sur cette expérience menée en collaboration avec Daniel Lescallier, commissaire général des colonies et ordonnateur de Guyane, voir également Vincent Huygues Belrose, « Daniel Lescallier et les Guyanes 1782-1799 », dans Civilisations des mondes insulaires : Madagascar, îles du canal de Mozambique, Mascareignes, Polynésie, Guyanes : mélanges en l’honneur du professeur Claude Allibert, Paris, Karthala, 2010. |
5. | Hérault était, depuis 1785, avocat général du Parlement. |
6. | Le discours a paru dans les numéros 25 (p. 22-24), 26 (p. 41-48), 27 (p. 73-80) et 28 (p. 96-103). |