Quand les émotions affectent la mémoire : comment soigner les souvenirs traumatiques : épisode • 5 du podcast La fabrique des souvenirs

Les symptômes du trouble de stress post-traumatique peut disparaître dans les trois mois suivant l'événement ou devenir chroniques dans 20 % des cas. ©Getty - Rafa Elias
Les symptômes du trouble de stress post-traumatique peut disparaître dans les trois mois suivant l'événement ou devenir chroniques dans 20 % des cas. ©Getty - Rafa Elias
Les symptômes du trouble de stress post-traumatique peut disparaître dans les trois mois suivant l'événement ou devenir chroniques dans 20 % des cas. ©Getty - Rafa Elias
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Émotions et mémoire sont intimement liées. Quand elles débordent et que l'événement vécu est particulièrement violent, les souvenirs peuvent devenir traumatiques et altérer le fonctionnement de la mémoire.

Toute la semaine, "Avec Sciences" propose une programmation spéciale autour de la fabrique des souvenirs. Comment le cerveau les imprime ? Comment se façonne la mémoire collective ? Les poissons rouges sont-ils vraiment amnésiques ? Pourquoi parfois notre mémoire nous joue des tours ? Aujourd'hui, comment nos émotions affectent nos souvenirs ?

Nos émotions affectent tout : nos réactions, nos comportements, même nos constantes physiologiques, alors il n’y aucune raison que notre mémoire ne soit pas influencée par elles. Rien de plus banal finalement, les souvenirs s’ancrent plus facilement quand nous ressentons des émotions fortes - la naissance d’un enfant, la victoire de votre équipe de foot préférée ou dans un tout autre registre, un accident de voiture.

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Votre cerveau
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Une démonstration expérimentale tardive

Qu’elles soient positives ou négatives, les émotions permettent à la mémoire d’être plus efficace, de stocker plus facilement la mémoire de nos vies, la mémoire autobiographique. Nous en avons tous et toutes déjà fait l’expérience, c’est une notion acquise et pourtant, le lien entre mémoire et émotions a mis du temps à être démontré, tout simplement parce qu’on a longtemps voulu les mettre de côté pour justement mieux étudier la mémoire.

Francis Eustache dirige des recherches au sein du laboratoire Inserm "Neuropsychologie et imagerie de la mémoire humaine" et il est professeur à l’École Pratique des Hautes Études : « Dans un premier temps, la mémoire a été décrite au contraire sur des événements qui étaient le plus simple possible au niveau contenu, au niveau signification et au niveau absence d'émotion. Puisque le chercheur qui a décrit la mémoire, qui a mesuré la mémoire, c'est Hermann Ebbinghaus, c'est à la fin du XIXe siècle, et il a travaillé avec des syllabes sans signification, et donc sans émotion, parce que pendant longtemps on a considéré que l'émotion allait en quelque sorte polluer les résultats scientifiques. On ne dirait plus ça aujourd'hui, mais c'est vrai que l'émotion va colorer les performances scientifiques et notamment les performances de mémoire. Dans les paradigmes expérimentaux, les auteurs essayaient d'enlever la dimension émotionnelle. Il y a une publication qui est presque assez amusante de tête, je dirais que c'est en 1947, c'est d'un nommé James Papez qui va décrire le circuit de Papez, donc qui décrit le circuit des émotions et qui est en fait un circuit qui est aussi impliqué dans la mémoire. Et aujourd'hui quand on cite le circuit de Papez, on pense plus mémoire qu'émotion. »

Et cela alors que même que le mot mémoire ne figure pas dans l’article scientifique de départ ! Ce circuit de Papez fait notamment intervenir l’hippocampe - une des zones importantes de la mémoire épisodique.

La naissance du trouble de stress post-traumatique

Et dans les cas extrêmes, ce sont des traumatismes qui s’enregistrent dans notre cerveau… leur découverte s’est faite encore plus tardivement, d’abord avec les grandes catastrophes ferroviaires de la fin du 19e siècle… puis évidemment avec les grandes guerres. Il va falloir attendre encore une vingtaine d’années, dans les années 60, pour que l’on reconnaisse l’existence d’un trouble particulier chez les combattants de la guerre du Vietnam… et ce, grâce au mouvement hippie, mais aussi aux mouvements féministes et de protection de l’enfance : c’est  le trouble de stress post-traumatique.

Cette psychopathologie est entrée en 1980 dans le DSM, le manuel de l’association de psychiatrie américaine qui recense toutes les pathologies psychiatriques. Et les années de recherche successives ont permis de mieux la caractériser pour la soigner.

Francis Eustache : « Ce n'est pas simplement l'événement lui-même qui caractérise le trouble de stress post-traumatique, mais c'est la rencontre avec un sujet, donc avec l'histoire de ce sujet, et de ce sujet à un moment donné, c'est-à-dire que la personne potentiellement à un moment ne va pas développer le trouble et puis quelques années plus tard, dans une situation qui paraît pourtant similaire, va développer le trouble. Donc il y a cette subtilité qu'il faut bien comprendre. Il y a différentes grandes familles de traumatismes et donc les prises en charge vont être différentes. Mais effectivement, il y a beaucoup d'approches. Donc, on pourrait dire que le principe général, ça va être d'essayer de diminuer cette émotion exacerbée qui entoure le souvenir du traumatisme, qui n'est pas forcément un vrai souvenir au sens banal du terme. Il y a des thérapies d'exposition où on va faire en sorte que la personne raconte ce souvenir traumatique, mais dans des situations qui vont essayer de dégrader l'émotion qui l'entoure. C'est le cas par exemple de l'EMDR qui est une technique où le thérapeute essaye d'orienter l'attention de la personne sur autre chose pendant que la personne raconte son souvenir traumatique. »

Comment soigner les souvenirs traumatiques ?

D’autres thérapies ont ce même objectif comme la thérapie cognitivo-comportementale. Quelles que soient les psychothérapies considérées, le point central de ces traitements est avant tout un accompagnement dans le soin, par la relation thérapeutique bien sûr mais aussi avec le soutien de la famille et des amis.

Reste à présent à mieux comprendre pourquoi nous ne sommes pas tous égaux face au risque de développer cette hypermnésie émotionnelle de ces souvenirs traumatiques - et ce qui permet d’enclencher des mécanismes de résilience et les tenir à distance.

La Science, CQFD
59 min

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