Quand la musique est bonne… pour le cerveau

La musique améliore les fonctions cognitives. Rendez-vous à Neuroplanète les 15 et 16 mars pour faire le point sur la recherche en neurosciences.

Par Héloïse Rambert

Hervé Platel (en haut, à g.), professeur de neuropsychologie, Benjamin Morillon (en haut, à dr.), neuroscientifique cognitif, le Dr Jérôme Palazzolo (en bas, à g.), psychiatre et psychothérapeute. La chercheuse Indiana Wollman (en médaillon) avec une participante à une étude sur l’apprentissage du violoncelle qui s’apprête à passer un scanner.
Hervé Platel (en haut, à g.), professeur de neuropsychologie, Benjamin Morillon (en haut, à dr.), neuroscientifique cognitif, le Dr Jérôme Palazzolo (en bas, à g.), psychiatre et psychothérapeute. La chercheuse Indiana Wollman (en médaillon) avec une participante à une étude sur l’apprentissage du violoncelle qui s’apprête à passer un scanner.

Temps de lecture : 7 min

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Une véritable symphonie neuronale. C'est comme cela qu'il faut se représenter l'effet de la musique sur notre cerveau. À l'écoute d'un morceau, notre cortex auditif n'est pas le seul à s'activer, loin de là. Le décodage de la musique fait travailler tout le cerveau de manière extrêmement large.

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Nous connaissons bien l'effet bonne humeur de la musique. Ce que nous savons moins, c'est qu'il s'explique par la neurobiologie. « Quand on écoute un air qui nous plaît, c'est un feu d'artifice de neurotransmetteurs. La neuro-imagerie fonctionnelle l'a bien montré », indique le Dr Jérôme Palazzolo, psychiatre et psychothérapeute libéral à Nice, professeur de psychologie clinique et médicale, chercheur associé au Lapcos (Laboratoire d'anthropologie et de psychologie cliniques, cognitives et sociales), à l'université Côte d'Azur. « Parmi eux, il y a la sérotonine, qui régule l'humeur et l'anxiété, et la dopamine, qui procure immédiatement un effet de plaisir et de récompense. »

Chez les personnes souffrant d'anxiété ou de dépression, une chanson plaisante a parfois un véritable effet thérapeutique pouvant être utilisé dans le cadre des thérapies comportementales et cognitives (TCC). « Dans les TCC, il y a un volet thérapeutique qui s'appelle l'activation comportementale, dans lequel nous poussons les personnes qui ont perdu leur élan vital à faire des choses qui leur procurent du plaisir. »

Stimulation de la mémoire

La musique stimule différentes zones cérébrales, comme les amygdales temporales, impliquées dans la régulation des émotions, mais aussi l'hippocampe, le cortex frontal ou le striatum, impliqué dans la formation ou le stockage de la mémoire. Dès les premières notes, nous essayons de savoir si ce que nous sommes en train d'entendre existe déjà dans notre « base de données » cérébrale. Le plaisir ressenti n'est donc pas seulement lié au son en tant que tel, mais à tous les bons souvenirs qui y sont associés.

Comme elle stimule les centres de la mémoire, la musique peut être utilisée comme levier de communication chez les personnes atteintes de maladie neurodégénérative comme la maladie d'Alzheimer, chez qui la persistance de la mémoire musicale est très forte. « Nous pensions que les patients alzheimer n'avaient plus la possibilité d'encoder de nouvelles informations, mais nous avons découvert qu'ils étaient capables de retenir de nouvelles chansons, alors même qu'ils ne se souvenaient pas d'avoir participé aux ateliers où on les leur avait présentées, indique Hervé Platel, professeur de neuropsychologie à l'université de Caen (unité Inserm 1077, « Neuropsychologie et imagerie de la mémoire humaine »). Plusieurs études chez le rongeur ont montré que la musique favorisait la création de nouveaux neurones. Tout dépend du stade de la maladie, mais nous pensons qu'elle peut être utile en prévention et aux premiers stades. »

Les morceaux stimulent d'autres centres cérébraux. Benjamin Morillon, neuroscientifique cognitif à l'Institut de neurosciences des systèmes à Marseille, directeur de l'équipe « Dynamiques de la communication et des processus auditifs », étudie, lui, le lien entre le système moteur et la perception auditive. Cette corrélation est a priori assez intuitive : qui n'a jamais bondi de sa chaise, irrésistiblement appelé par un rythme entraînant ? Mais elle existe aussi lorsque nous restons assis dans notre canapé. « Dès que l'on présente à des participants des séquences sonores rythmées, on observe des activations dans le cortex prémoteur, celui qui planifie le mouvement, même si les gens ne bougent pas, explique le neuroscientifique. Parce que, dans le rythme, il y a de l'information temporelle. Et notre cerveau perçoit le temps grâce au système moteur. »

L'apprentissage d'un instrument

La neuroscientifique Indiana Wollman, responsable de la recherche à la Philharmonie de Paris, a aussi fait le lien entre son et mouvement dans le cerveau des musiciens. Pas dans celui des virtuoses qui se produisent sur la scène de la salle de concert parisienne, mais dans celui de jeunes adultes non musiciens et débutant le violoncelle. Avec son équipe, elle leur a fait passer trois scanners sur un mois : le premier avant tout apprentissage, le deuxième après une semaine et le troisième après quatre semaines. Très vite, des changements se sont opérés dans le cerveau des apprenants pour lier les notes et le geste, et ce quel que soit leur niveau. « Nous avons pu voir qu'un nouveau réseau neuronal, une boucle audiomotrice, se mettait tout de suite en place, pour réussir à jouer en rythme et corriger la justesse en déplaçant le doigt sur la corde à partir du feedback auditif reçu », rapporte Indiana Wollman. Et pas besoin de tenir l'instrument dans ses mains : la simple écoute a suffi à activer ce réseau incluant le cortex prémoteur droit. « Cette zone du cortex, qui commande la partie gauche du corps, s'est activée : c'est le signe que les participants se sont projetés en train d'effectuer le doigté », s'enthousiasme la chercheuse.

En aidant à joindre le geste au son, la musique aide à réparer les corps. « Elle peut être un bon outil de rééducation post-AVC, par exemple, continue Indiana Wollman. Chez un patient qui ne parvient plus à contrôler l'ouverture et la fermeture de son bras, il est possible d'associer arbitrairement un son à une position pour l'aider à récupérer sa fonction motrice. » Et ce n'est pas tout ! La musique fluidifie la parole autant que les mouvements. « Quand on est engagé dans une conversation, on parle chacun notre tour. Quand on joue de la musique avec d'autres, en revanche, il faut être attentif à tout ce qui se passe, continue Benjamin Morillon. Nos cinq sens se synchronisent les uns avec les autres. Il faut coordonner ce qu'on entend et les mouvements que l'on fait de manière extrêmement précise, à la milliseconde près. » Par le biais de ces réseaux neuronaux, la musique, et en particulier sa pratique en groupe, développe donc aussi notre attention temporelle, précisément sous-tendue par ce système moteur.

Des effets directs sur le langage

Pourquoi les humains ont-ils inventé la musique, présente dans toutes les cultures ? Certains scientifiques évoquent la simple recherche du plaisir. D'autres, comme Benjamin Morillon, y voient un véritable mode de communication, au même titre que le langage. « La parole est différente de la musique, mais elle a un point commun avec elle : c'est une séquence sonore continue et structurée dans le temps, avec des éléments qui se suivent. Cela demande aussi de l'attention temporelle. »

La pratique de la musique a, par conséquent, des effets directs sur le langage, qui peut se concevoir comme une partition. « On le voit très bien avec les enfants, continue Benjamin Morillon. Quand ils apprennent à parler, ils ont tendance à avaler les syllabes des mots. Typiquement, ils vont dire “crodile” au lieu de “crocodile”, parce qu'ils n'ont pas du tout acquis cet aspect temporel du langage. » En permettant au cerveau de mieux séquencer l'information et de mieux comprendre quel segment sonore correspond à quel concept linguistique, la musique est un véritable apport au maniement de la langue parlée et peut aider des enfants atteints de déficits de l'audition ou du langage.

Au secours des enfants dyslexiques

« Dans des essais cliniques, plusieurs de mes collègues ont montré l'intérêt de petits apprentissages musicaux pour des enfants ayant reçu un implant cochléaire [un implant électronique restaurant un certain niveau d'audition chez des personnes atteintes d'une surdité profonde, NDLR]. Ils entendent mal les fréquences graves et aiguës, mais ils perçoivent toujours le son à une très bonne résolution temporelle. La musique renforce leur attention temporelle et leur donne une stratégie pour mieux comprendre le langage. » De la même manière, les morceaux et les chansons peuvent voler au secours des enfants touchés par une forme développementale de dyslexie en leur permettant de mieux segmenter le langage et de moins intervertir les phonèmes et les syllabes.

Depuis une vingtaine d'années, la liste des vertus de la musique passée par le prisme des neuroscientifiques et des neuropsychologues ne cesse de s'allonger. « La musique est une activité particulièrement multidimensionnelle qui mobilise de nombreuses compétences cognitives », résume Indiana Wollman. En développant l'attention, la mémoire et les émotions, la musique est même capable d'augmenter le quotient intellectuel (QI). Les programmes de recherche de la Philharmonie de Paris visent à mieux comprendre ce qu'une pratique régulière et soutenue d'un instrument de musique développe chez les enfants entre 7 et 12 ans.

« Plusieurs études menées par des neuroscientifiques du domaine, avec une batterie de tests étalonnés, ont établi un lien causal entre cette pratique d'un instrument et le développement du QI. Sur nos projets éducatifs à vocation sociale, il a été montré quecet effet était d'autant plus grand que le QI de départ était loin de la norme, rapporte la neuroscientifique. D'autres travaux ont mis en évidence que la pratique collective de la musique favorise certains aspects du développement émotionnel, cognitif et relationnel des enfants, qui sont connus pour être des éléments constituants d'une capacité empathique. » La musique, la clé du vivre-ensemble §

Rendez-vous à Neuroplanète (15 et 16 mars)

Benjamin Morillon, Jérôme Palazzolo et Indiana Wollman tiendront une conférence consacrée à l'impact de la musique sur le cerveau au Centre universitaire méditerranéen, à Nice, le 16 mars.

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La révolution des neurosciences est en marche

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        <STRONG>Christian Estrosi. </STRONG>Maire de Nice, président de la Métropole Nice Côte d’Azur, président délégué de la région Provence-Alpes-Côte d’AzurExploration. La chercheuse Indiana Wollman (en médaillon) avec une participante à une étude sur l’apprentissage du violoncelle qui s’apprête à passer un scanner.</FIGCAPTION>
Christian Estrosi. Maire de Nice, président de la Métropole Nice Côte d’Azur, président délégué de la région Provence-Alpes-Côte d’AzurExploration. La chercheuse Indiana Wollman (en médaillon) avec une participante à une étude sur l’apprentissage du violoncelle qui s’apprête à passer un scanner.

Depuis près de dix ans, Neuroplanète, organisé en partenariat avec Le Point, cherche non seulement à faire connaître au plus grand nombre les dernières avancées des neurosciences, mais aiguise aussi notre esprit critique face à ce qui est l'une des grandes révolutions techniques de notre temps.

Cette année encore, nous avons la chance d'accueillir des scientifiques, des experts et des intellectuels de premier plan. C'est l'occasion d'apprendre, de découvrir, de s'émerveiller, et surtout de réfléchir au potentiel de ces avancées, comme aux limites éthiques qu'il faut envisager.

D'année en année, les neurosciences ne cessent de se développer, de conquérir de nouveaux domaines, en médecine notamment. Le potentiel est immense, et Nice a un rôle important à jouer comme grande métropole méditerranéenne de l'innovation et de la santé.

Depuis seize ans, nous travaillons à un unique objectif : que la santé soit à l'avant-garde, qu'elle nourrisse une économie niçoise dont le dynamisme repose justement sur l'innovation, mais aussi qu'elle reste accessible à tous.

Neuroplanète incarne à sa manière cette ambition, et feuilleter son programme, c'est mesurer combien Nice est déjà à la pointe de ces progrès – notamment en chirurgie ou dans le traitement des maladies neurodégénératives –, combien il est crucial qu'elle le reste et combien, enfin, ce sont des sujets d'avenir.

Que Neuroplanète suscite des débats, des émerveillements, des interrogations, que cela inspire des vocations et entrouvre des portes, c'est tout le sens de ce rendez-vous devenu incontournable désormais. Il ne me reste plus qu'à vous souhaiter un excellent Neuroplanète 2024 § Christian Estrosi

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Commentaire (1)

  • bragellonne

    Adoucit les moeurs…