Pourquoi et comment la musique nous fait-elle du bien ?

Comme le rappelle si bien ce bon vieux Platon, la musique donne une âme à nos cœurs et des ailes à la pensée... Et il serait difficile de contredire Kant, quand il écrit que « la musique est la langue des émotions ». Que serait une vie sans musique ?

Pour nombre d'entre nous, il existe un lien entre les musiques écoutées de notre vie et nos souvenirs personnels ? Comme le rappelle notre invité le neuroscientifique, Hervé Platel de nombreux moments ou périodes clés de notre existence sont rattachés à des musiques particulières... Des musiques qui constituent des jalons de notre mémoire autobiographique. Comme l'odorat, la musique détient le pouvoir extraordinaire de nous remémorer des émotions passées. Des recherches montrent par exemple qu'il est possible d'utiliser la musique pour prendre en charge des patients malades d'Alzheimer.

Nous verrons également pourquoi la musique nous redonne un gain d'énergie et réduit la douleur quand nous courons, aide à réduire l'anxiété, contribue à nous mettre en joie, à apaiser les moments de tristesse, même quand on écoute un morceau triste ?

La musique est faite de spiritualité et de physique, d'eros

Le corps humain vibre et régit à la musique, au son. André Manoukian, musicien et producteur de radio, le concède "c'est à la fois spirituel et physique", mais rappelle avant tout que "le paradoxe de la musique est qu'il y a de la spiritualité et de l'eros. En tant que musicien c'est ce qui m'a toujours passionné, quand j'ai découvert que la gamme avait été inventée par un moine du 11ème siècle. Il y a toujours une emprise du religieux qui dit on va mettre de l'ordre dans le bordel-là, parce que la musique ça vous fait faire des trucs..." En revanche les philosophes n'aiment pas la musique "parce qu'elle donne des sentiments sans passer par le cerveau", tout du moins ils n'écrivent pas dessus, tous sauf un, Jankélévitch dans son ouvrage La musique et l'ineffable.

Nous sommes tous effectivement sensibles à des vibrations, dans nos propres tripes, "et après il y a la culture", l'éducation et l'habitude de la musique.

Hervé Platel est professeur en neuropsychologie, il est l'un des premiers à avoir observé l'effet de la musique sur le cerveau. "La musique est quelque chose d'invisible et en même temps de très physique. C'est une sorte d'alchimie; comment est-ce qu'on prend quelque chose, un matériau en quelque chose de spirituel car on le transforme en pensée." Il revient aussi sur le désintérêt des philosophes à la musique, "parce qu'ils ont le sentiment  que la musique  une expérience qui amène à la sensorialité brute mais qui ne nous élève pas forcément." Ainsi, on peut  être au ras des pâquerettes mais on peut aussi s'élever avec la musique.

Ce à quoi Manoukian ajoute que les égyptiens s'adressaient aux Dieux en chantant et parlaient aux hommes, que les afro cubains ont aussi cette idée de musique dans la transcendance, pour qui on ne parle pas au dieux du ciel ou de la terre avec le même instrument "le premier musicien c'était le sorcier qui s'adressait aux esprits". On a également découvert des flûtes qui datent de 6000 ans dans le Pays-Basque, certaines stalactites ont également été choisies par les hommes préhistorique sour le son à l'impact. "Même l'endroit où les hommes préhistoriques faisant leur peinture n'ont pas été choisies par hasard", nous dit le neurologue, rappelant que Claude Levy-Strauss, passionné de musique, prenait souvent celle-ci comme référence à sa démarche méthodologique, considérait que le jour on on aurait découvert les mystère de la musique, peut-être serions-nous arrivés à un chemin en sciences humaines.

À découvrir : Les Routes de la musique, par André Manoukian

L'être humain a des gênes d'oiseaux chanteurs

Il y a donc l'écoute de la musique, mais aussi sa pratique, pour André Manoukian "un duel, un corps à corps à la fin duquel il ne doit y avoir qu'un seul vainqueur : la musique". L'apprentissage de la musique, explique Hervé Platel, est un mélange de prédispositions de l'être humain et de travail. "Il n'y a pas un gêne de la musique mais des particularités, des phénotypages. On a dans nos gênes les mêmes gênes que les oiseaux chanteurs qui nous permettent de comprendre la mélodie, la hauteur. On voit bien que certains personnes , malgré une exposition dans la petite enfance ne font pas forcément développer correctement une sensibilité, une perception de la musique. Après, devenir musicien, c'st un dur labeur mais c'est comme pour toute chose, si vous voulez faire du sport, vous pouvez être plus ou moins naturellement doué mais il va falloir s'entrainer". Et cet entraînement se voit sur le cerveau des musiciens : "on a fait des comparaison neuroimagerie, on a comparé les cerveaux de musiciens et de non-musicien, on voit que le musicien a l'inscription de ses heures d'entrainements et de modifications de son cerveau avec ces heures d'entraînement".

La musique adoucit effectivement les moeurs, et fait grandir

Apprendre la musique rend-elle plus intelligent ? Dans l'absolu, non, pas forcément, et ce n'est pas si simple. Pour autant il y a beaucoup de bénéfices à jouer de la musique dès l'enfance, pas seulement en étudiant le solfège car il s'agit ici en effet de pouvoir lire une partition et donc d'apprendre un langage, mais aussi en jouant de la musique en groupe, où on stimule des mécanisme qui permettent d'être mieux à l'écoute de l'autre, pour pouvoir, justement, être en rythme. Peut-être faudrait-il ainsi intensifier les ateliers musicaux dès le plus jeune âge, à la crèche. Des études montrent par exemple que l'étude de la musique chez les bébés prématurés et grands prématurés leur permet de plus  rapidement trouver un cerveau maturé comme l'est celui de leurs petits voisins. Et cela se voit aussi sur l'imagerie précise le neurologue, il ne s'agit pas seulement là d'un ressenti.

La suite est à écouter...

Invités de l'émission pour parler des bienfait se la musique :

André Manoukian, compositeur, pianiste, arrangeur. Il est l'auteur de Les pouvoirs extraordinaires de la musique, éd. Harper Collins et France Inter, 2024
Hervé Platel, docteur en neuropsychologie à l’Université Caen-Normandie, l’un des premiers à avoir utilisé la technique de la neuro-imagerie pour étudier les effets de la musique sur le cerveau.

Et la chronique "Ma vie de parent" de Julien Bisson