Lutte contre les fake news : « Il faut renforcer l’éducation aux médias »

Spécialiste en sciences de l’information et de la communication, Cécile Dolbeau-Bandin décrypte la relation des jeunes avec l’information sur les réseaux sociaux. L’universitaire estime que les adolescents ont besoin d’être guidés dans cette masse de nouvelles plus ou moins vérifiées.

Des élèves d'un collège de Seine-Saint-Denis ont été sensibilisés aux infox relatives aux sciences durant un atelier proposé par l’Agence française d’astronomie. LP/Jean-Baptiste Quentin
Des élèves d'un collège de Seine-Saint-Denis ont été sensibilisés aux infox relatives aux sciences durant un atelier proposé par l’Agence française d’astronomie. LP/Jean-Baptiste Quentin

    Maîtresse de conférences en sciences de l’information et de la communication à l’université de Caen (Calvados), Cécile Dolbeau-Bandin plaide pour une meilleure éducation des jeunes aux médias, alors certains élèves continuent de croire que l’homme n’est jamais allé sur la Lune et le soutiennent même face à leurs enseignants.

    Comment s’informent les adolescents ?

    CECILE DOLBEAU-BANDIN. Ils s’informent beaucoup via les réseaux sociaux. Sur Snapchat, par exemple, la fonctionnalité Snap Discover peut les renvoyer vers des journaux sérieux, mais aussi des médias sociaux avec des informations dont on ne connaît pas la source. Et certains jeunes adhèrent à ce type de contenus.

    Les réseaux sociaux sont-ils les seuls à véhiculer des fake news ?

    Non, les jeunes s’informent aussi entre eux, c’est une chambre d’écho. Le problème, c’est qu’ils manquent de recul. Même s’ils ont des cours d’éducation aux médias à l’école, ce n’est pas assez. Il faut renforcer ces apprentissages pour qu’ils fassent la différence entre une information, une croyance (il paraît que…) et une opinion (l’influenceur X pense que la Terre est plate). Certains youtubeurs font très bien leur travail, mais il y en a aussi qui publient des fausses informations.

    Ces fausses informations sont-elles toutes à ranger sur le même plan ?

    Il y a de la mésinformation, c’est l’influenceur qui publie sans se poser de questions, souvent pour faire du clic. Et puis il y a la désinformation volontaire via des groupes qui peuvent être liés à des mouvements politiques. Donald Trump l’illustre parfaitement. Les adolescents sont perdus dans cette masse d’informations, et ils ont besoin d’être guidés. La semaine de la presse devrait être obligatoire dans tous les collèges et lycées, voire à l’école primaire.



    Vous parlez de faire ses humanités numériques comme on faisait ses humanités au XVIIIe siècle. Pourquoi ?

    L’historien Milad Doueihi dit que la culture numérique, c’est la manière dont on fait société, c’est-à-dire, pour schématiser, qu’on fait société avec nos outils comme le smartphone. Les humanités numériques, c’est la manière de penser cette nouvelle réalité, par exemple avoir un esprit critique sur les médias sociaux comme on peut l’avoir sur les médias traditionnels. On croit que c’est inné pour les jeunes, mais c’est une grave erreur de penser ça.

    Quels conseils donner aux parents ?

    Il faut qu’ils discutent avec leurs enfants. « Tu suis qui sur TikToK ? Quel est ton influenceur ou influenceuse préféré ? » Il faut privilégier l’échange. D’autant que l’environnement numérique va devenir encore plus complexe avec les deepfakes, ces fausses images fabriquées par l’intelligence artificielle. C’est un enjeu de société.