Le chant lyrique, un allié pour soigner les personnes souffrant de troubles cognitifs

Quand la musique, et en particulier l'art lyrique, aide à soigner des personnes atteintes de la maladie d'Alzheimer ou de troubles autistiques : c'est la vocation d'une association, MOS, fondée en 2008 par Roselyne Bachelot et le baryton Jean-Philippe Lafont. Celle-ci organise un concert gratuit ce vendredi 8 décembre à la BNF à Paris, pour présenter son travail et chercher de nouveaux mécènes. Son président, le professeur en neuropsychologie Hervé Platel, nous explique comment la musique peut aider ces patients, en nous rappelant tout d'abord l'impact immense de la musique sur le cerveau humain.

"Cela fait plus de 20 ans que je fais des travaux en neuropsychologie, en utilisant notamment les techniques de neuro-imagerie cérébrale, pour mieux comprendre les mécanismes qui expliquent que la musique peut avoir un intérêt thérapeutique. Il y a plusieurs choses : la première c'est que la musique est un flux sonore qui va capter notre corps et notre système nerveux de manière assez automatique. On sait que même chez l'animal, ou chez le tout petit bébé, on observe un phénomène de synchronisation physiologique. Et auprès des personnes avec des handicaps cognitifs, quand on regarde ce qu'il se passe à l'écoute de la musique, on voit qu'elle envahit le cerveau de manière beaucoup plus large qu'on ne l'aurait imaginé initialement, c'est-à-dire qu'il n'y a pas juste une petite région concernée, qui serait un centre cérébral de la musique, mais, au-delà des régions auditives, il y a plein de régions du cerveau qui participent à cette écoute. Il y a les régions motrices - puisque la musique peut vous donner envie de danser, les régions visuelles - même si vous avez les yeux fermés, et les régions de la mémoire. On l'a bien montré dans notre laboratoire : lorsque vous écoutez simplement de la musique, même sans en pratiquer, et bien cela induit une symphonie neuronale tout à fait impressionnante dans votre cerveau."

Ainsi, en partant de ce constat, l'idée originale développée par l'association MOS est, comme nous l'explique Hervé Platel, "d'apporter quelque chose d'assez inattendu dans les établissements de santé, et notamment dans les établissements qui accueillent des patients avec des maladies neurodégénératives comme la maladie d'Alzheimer, ou les troubles autistiques, c'est l'art lyrique. Quand on pense au chant lyrique, on se dit, "oh là là, voilà un répertoire bien élitiste"... Mais en fin de compte, ce répertoire peut contribuer au bien-être et même à la santé de ces personnes. C'est tout l'enjeu de cette association, de montrer que - et il y a beaucoup de travaux de recherche qui le montrent - la musique, mais surtout la voix humaine, ont une vertu tout à fait particulière. Votre voix, votre timbre, c'est votre identité. Et la voix humaine, elle nous touche profondément au niveau du corps et au niveau du cerveau, dans des régions bien spécifiques. Et l'opéra c'est aussi une technique vocale tout à fait particulière et une expérience sensorielle qui est unique. Ces patients rencontrent des chanteurs lyriques qui chantent à moins de 2 mètres d'eux, ce qui est une expérience complètement bouleversante."