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Jean-Marc Moriceau creuse le sillon fertile des archives

Le grand historien français de la ruralité est l’auteur d’enquêtes de référence sur les fermiers ou les loups. Il signe le troisième tome des vertigineuses « Chroniques de la France des campagnes ».

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Publié le 12 novembre 2023 à 08h30, modifié le 12 novembre 2023 à 19h06

Temps de Lecture 6 min.

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L’historien Jean-Marc Moriceau, en 2020.

Il aurait fallu rencontrer le Jean-Marc Moriceau de 1972, l’élève de 2de au lycée Marcel-Pagnol d’Athis-Mons (Essonne), qui arpentait sa ville « en essayant de situer les lieux emblématiques de son histoire, de retrouver, sous le béton qui l’avait envahie, les traces des activités agricoles du passé, la vigne, les céréales », se souvient celui de 2023. Ce jeune homme, à l’évidence, se rêvait historien ; il commençait d’ailleurs sérieusement à l’être, composant avec deux camarades une brochure intitulée « Athis-Mons, 1 000 ans d’histoire, Ve-XVe siècles ».

Plus de cinquante ans après, désormais professeur émérite à l’université de Caen, il vient d’achever, avec La Mémoire des gens de la terre, troisième tome des Chroniques de la France des campagnes, qui couvre les années 1789-1914, après La Mémoire des croquants. 1435-1652 (Tallandier, comme l’ensemble de la trilogie, 2018) et La Mémoire des paysans. 1653-1788 (2020), une des plus vertigineuses plongées dans le passé qu’on puisse imaginer. Quatre cent quatre-vingts ans de vie rurale sur l’ensemble du territoire français, racontée année par année, au plus près des expériences de ceux qui y ont vécu, y ont travaillé, y sont morts. Qu’aurait dit le garçon de 15 ans de ce mémorial démesuré – plus de deux mille pages d’archives emboîtées ? Qu’il en ­rêvait, sans doute, et que la vie parfois répond à vos désirs. Il lui arrive même d’aller au-delà.

Quand il avait 6 ans et demi, il demandait à son père : « Qu’est-ce qu’il y avait avant ? Qui étaient les premiers hommes ? » Il se répond à lui-même avec une précision étourdissante. Des milliers d’hommes et de femmes d’« avant » sortent des archives, semblant tous dire, comme le faisait un certain Louis Butel en 1714, pour expliquer sa décision de ­raconter sa vie : « C’est pour faire voir au personne d’après moy les années comme ils sont passez. » Cité dans le deuxième tome, cet appel parcourt chaque page de la trilogie. Il en définit autant la forme, populeuse et bruissante, que l’intention : dire l’existence des humbles, de cette France des campagnes si longtemps majoritaire – elle cesse de l’être en 1931 –, en faisant résonner leurs voix.

Inventaires après décès

Mais comment les trouver ? Tout le monde n’est pas Louis Butel, surtout au XVe siècle. Les voix ne s’offrent pas : elles se traquent. Il fallait tout prendre et tout croiser, bribe à bribe, les sources officielles et les « livres de raison » – ces registres familiaux où l’on tenait les comptes et notait les menus faits de la vie du foyer –, les correspondances et les journaux intimes, ou encore cette source si précieuse que constituent les inventaires après décès : « Ils contiennent la liste de tout ce que possédait quelqu’un, ses meubles, sa bibliothèque parfois, tous ses biens… On entre à l’intérieur des maisons. On voit les gens de près. »

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