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INTERVIEW - Après un an de pandémie, "on a passé le pire en 2020" espère la virologue en chef du CHU de Caen

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A l'occasion des "un an" du confinement en France, France Bleu Normandie est retourné voir la chef du service de virologie du CHU de Caen qui avait, il y a un an, pronostiqué l'ampleur de la pandémie de coronavirus : "Un an, ce n'est pas long à l'échelle d'une pandémie", explique Astrid Vabret.

Astrid Vabret, la cheffe du laboratoire de virologie du CHU de Caen, mardi dans les locaux du service. Astrid Vabret, la cheffe du laboratoire de virologie du CHU de Caen, mardi dans les locaux du service.
Astrid Vabret, la cheffe du laboratoire de virologie du CHU de Caen, mardi dans les locaux du service. © Radio France - Marc Bertrand

Elle était venue expliquer ce qu'elle savait du nouveau coronavirus il y a un an, aux auditeurs de France Bleu Normandie le 17 mars 2020. Un an après, nous sommes retournés voir Astrid Vabret, professeure de médecine, cheffe du service de virologie du CHU de Caen. Elle travaillait sur les coronavirus avant même l'arrivée de la pandémie. A l'époque, il y a un an, elle avait déjà une vision très claire de ce qui allait se passer, et les faits lui ont donné raison. Interview, un an après, pour savoir à quoi s'attendre maintenant.

France Bleu Normandie : il y a un an, vous nous disiez craindre le pire. Est-ce que le pire est arrivé ?

Astrid Vabret : Oui, le pire est arrivé, et il a été pire que ce que je croyais. A l'époque, beaucoup de médecins interrogés pensaient à quelque chose de mineur, qui ressemblerait à la pandémie grippale de 2009 pour laquelle il y a eu un vaccin. Du fait que nous connaissions bien les coronavirus, on pensait bien qu'il y aurait un choc. Mais je pensais que ça durerait six à huit mois, on n'entrevoyait pas la gravité de cette pandémie.

France Bleu Normandie : comment voyez vous les doutes sur les vaccins ?

Astrid Vabret : Déjà, les vaccins, c'est un progrès énorme. Probablement la chose la plus impressionnante dans cette pandémie c'est la mise à disposition de vaccins efficaces en un an. Concernant AstraZeneca, les mesures suspensives provisoires ne sont que des mesures de prudences, rien n'est démontré. Cela montre juste que le travail est bien fait.

Il est quand même très probable que ce virus se maintienne dans la nature et infecte l'humain régulièrement. Cela va demander du temps mais on a passé le pire en 2020

France Bleu Normandie : aujourd'hui, on voit de nouveau un reconfinement partiel en Italie, des transferts de patients. Est-ce qu'on va vers un regain de l'épidémie ?

Astrid Vabret : Il faut bien dire que les mesures de confinement sont des mesures politiques, c'est de leur responsabilité et c'est un travail particulièrement difficile depuis la pandémie. Qu'il y ait une deuxième vague qui s'éternise, il faut bien voir qu'on est sept milliards et demi sur la planète et le virus ne peut pas infecter tout le monde en trois mois. Tout le monde trouve ça long, mais au regard de l'arrivée d'un virus dans la population, ça n'est pas long. Le virus est là, il a encore beaucoup de monde à infecter, on le prend de course en vaccinant et c'est très bien parce que ça va permettre d'avoir moins de patients hospitalisés et d'arriver à une immunité collective plus rapidement. Cela va accélérer l'équilibre à venir entre le virus et l'humain.

France Bleu Normandie : c'est donc cette immunité collective qui va signer la fin de cette pandémie ?

Astrid Vabret : En tout cas, jusqu'à preuve du contraire ça s'est toujours passé comme ça. On n'a jamais eu de virus qui causaient des infections aiguës et qui étaient responsables de pandémies chroniques. Même si on a beaucoup de questions sur l'immunité collective, à quel pourcentage de population il faut pour qu'elle existe, est-ce que l'arrivée de variants peut causer des réinfections, néanmoins on attends tous qu'un grand nombre de personnes aient rencontré soit le vaccin soit le virus, que l'organisme ait bien enregistré cette rencontre et soit capable de se défendre dans le cas d'une éventuelle réinfection. 

Si au mois de juillet on arrive à tenir le pari de 10 millions de personnes vaccinées, on sera à 20 ou 30 millions de Français qui ont rencontré le virus ou sont vaccinés. Donc ça va commencer à faire un effet. Mais l'affaire ne se règle pas en quelques mois

France Bleu Normandie : où en est-on de cette immunité collective aujourd'hui, un an après ?

Astrid Vabret : C'est difficile à dire. Il y a eu une grosse enquête à la fin de la première vague où on était entre 15 et 20%. Mais déjà si au mois de juillet on arrive à tenir le pari de 10 millions de personnes vaccinées, on sera à 20 ou 30 millions de Français qui ont rencontré le virus ou sont vaccinés. Donc ça va commencer à faire un effet. Ce n'est pas blanc ou noir, ça va monter progressivement. Il va falloir rester prudents encore deux ou trois ans, l'affaire ne se règle pas en quelques mois. 

France Bleu Normandie : ce coronavirus va-t-il revenir chaque hiver ?

Astrid Vabret : Non, mais on quand même quatre autres coronavirus  qui circulent dans la population humaine aujourd'hui. Il est quand même très probable que ce virus se maintienne dans la nature et infecte l'humain régulièrement. Mais ce ne seront pas des formes dites primaires. Ce seront des réinfections, chez certaines personnes fragiles ça pourra donner des formes graves mais comme les autres coronavirus, donc quelque chose de très gérable. On va vivre avec lui. Cela va demander du temps mais on a passé le pire. On a passé le pire en 2020.

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