En Normandie, le nombre de mariages repart à la hausse

Après une chute du nombre de mariages de 37 % entre 2019 et 2020 en Normandie, selon l'Insee qui vient de dévoiler ses chiffres, la tradition reprend des couleurs.

Selon l'Insee, qui vient de publier les chiffres des évolutions entre 2019 et 2020, la Normandie est la 2 région qui a connu la plus forte baisse du nombre de mariages en France.
Selon l’Insee, qui vient de publier les chiffres des évolutions entre 2019 et 2020, la Normandie est la 2 région qui a connu la plus forte baisse du nombre de mariages en France. (©Coraline et Léo)
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Après une chute du nombre de mariages de 37 % entre 2019 et 2020 en Normandie, selon l’Insee qui vient de dévoiler ses chiffres, l’institution reprend des couleurs.

Charlotte Le Van, docteure en sociologie et maître de conférences à l’université de Caen (Calvados), analyse et explique ces données

Actu : Pourquoi, selon vous, le nombre de mariages a davantage chuté en Normandie qu'ailleurs entre 2019 et 2020 ?

Charlotte Le Van : Avec la crise sanitaire et les confinements, c'est normal que leur nombre ait chuté en 2020. On remarque que c'est dans les régions les plus « traditionnelles » que cette baisse est la plus importante : Corse, Normandie, Hauts-de-France... On préfère reporter la fête que de proposer un mariage de moindre importance, la présence de la famille au sens large est essentielle. Dans les régions plus urbaines, plus jeunes comme l'Île-de-France, la baisse est un peu moins marquée.

L'institution se remet-elle de cette crise ?

C.L.V. : Je ne pense pas que le mariage soit en crise. Déjà, si on regarde les premières estimations pour l'année 2021, on voit qu'il y a une reprise. En prenant un peu de recul, depuis 2014 et les chiffres incluant le mariage pour tous, on est sur une vraie stabilité. Alors certes, avant la pandémie en 2019, la France avait connu une baisse, donc il faudra voir à l'avenir si c'est conjoncturel.

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Les jeunes sont-ils toujours aussi intéressés par le mariage ?

C.L.V. : Effectivement, il y a une désaffection dans les jeunes générations. Il y a un recul constant de l'âge du mariage, et on se rend compte que les mariages tardifs ne compensent plus les mariages moins nombreux chez les jeunes. Il y a eu tout un changement de modèle social : dans les anciennes générations, c'était mal vu de vivre en couple, d'avoir des enfants, sans se marier. Et c'était vu comme une sécurité, notamment économique, surtout pour les femmes, moins nombreuses à travailler qu'aujourd'hui. Avec l'émancipation des femmes, la donne a changé, le mariage a perdu cette fonction « protectrice ». Même s'il y a encore des progrès à faire sur l'égalité des salaires, le travail à mi-temps plus fréquent chez les femmes, etc. Il y a également la maîtrise de la contraception. Dans les années 60-70, le mariage était parfois précipité par une future naissance...

Le contexte actuel influence-t-il les Français quant au choix de se marier ?

C.L.V. : Historiquement, quand surviennent des crises, on constate en général un repli sur la sphère privée. Avec la crise sanitaire, la guerre en Ukraine, l'inflation et autres incertitudes économiques, on est servis en ce moment ! Or quand ce qui tient du domaine public leur échappe, les gens ont besoin de trouver de la solidité, de la sérénité... Or qu'est-ce qu'il nous reste et que l'on peut maîtriser ? La famille, et les Français sont extrêmement attachés à cette solidarité familiale.

On constate que les émissions télévisées sur le mariage sont nombreuses actuellement, et ça marche, mais aussi les émissions sur la déco, la cuisine... En temps de crise, on a besoin de se sentir bien chez soi, de bien manger dans un beau logement, avec des personnes sur qui on peut compter. Et puis le mariage est parfois subordonné à l'achat d'un bien immobilier, il donne droit à des avantages juridiques et fiscaux, là encore il protège. Je crois donc vraiment à un rebond du nombre de mariages.

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  • 2e plus grosse baisse

Le nombre de mariages baisse de façon continue depuis les années 1970. Mais il a été historiquement bas en 2020, avec moins de 7 300 mariages célébrés en Normandie. Logique puisque l’année a été marquée par la crise sanitaire, les confinements, les restrictions liées aux rassemblements. Entre 2019 et 2020, le nombre de célébrations a donc chuté de 37 % dans la région, ce qui la place en 2e position derrière la Corse (-38,8 %) et devant les Hauts-de-France (-36,2 %), sachant que la moyenne en France est de -31,2 %.

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  • Chute en juin-juillet, l’automne rattrape

En juin, le mois au cours duquel se déroulent traditionnellement le plus de mariages, seulement 600 ont été célébrés en Normandie, soit quatre fois moins qu’en juin 2019. En juillet 2020, on comptait encore 42 % de mariages de moins qu’en juillet 2019. En août 2020, leur nombre (1 496) s’approchait de celui de 2019 (-14 %). De nombreux mariages en première partie d’année ayant été reportés, il y a eu plus d’unions en septembre et octobre 2020, respectivement +7 % et +28 % en un an.

  • Dans la Manche

La baisse a bien sûr touché les 5 départements, avec une ampleur assez proche du niveau régional : de -34 % dans le Calvados à -40 % dans l’Eure. Avec 1 048 unions, la Manche affiche une baisse de -36 % ; notre département représentant 14 % des mariages, loin derrière la Seine-Maritime (38 %) qui compte plus du double d’habitants. Sur 1 012 mariages entre personnes de sexe différent, la tranche d’âge des 30-34 ans est majoritaire au niveau départemental (239) comme régional (1 614), devant les 40-49 ans (189 et 1 328) et les 35-39 ans (165), la 3e place régionale revenant en revanche aux 25-29 ans (1 216).

Et le Pacs ?

Le Pacs (Pacte civil de solidarité) instauré en 1999 est venu en concurrence du mariage. Des études ont été réalisées pour savoir qui se pacse, et qui se marie. Selon Charlotte Le Van : « Ceux qui se pacsent sont moins croyants et attachent moins d’importance au religieux ; sont plutôt de gauche ; ont eu davantage d’expériences et de partenaires sexuels. La symbolique est différente : le Pacs est la consécration du couple, le mariage est la consécration de la famille. C’est de plus en plus fréquent que les couples se marient en ayant déjà des enfants, qui peuvent ainsi participer à
la fête. »

En 2020, 154 581 mariages ont été célébrés en France, et 173 894 Pacs ont été signés : 165 911 entre personnes de sexe différent et 7 983 entre personnes de même sexe. Et la sociologue de rappeler qu’un Pacs sur deux prend fin pour cause… de mariage !

  • Les autres tendances

L’âge moyen de nuptialité continue de reculer. En 2020, le marié a près de 40 ans (39,7 ans) et la mariée plus de 37 ans (37,2 ans) en moyenne. Une décennie plus tôt, ils avaient l’un et l’autre 4 ans de moins ! Par conséquent, c’est de plus en plus fréquent qu’ils aient déjà des enfants (34 % des mariages). Parmi ces couples de mariés avec enfants, la part de ceux ayant deux enfants ou plus a nettement augmenté, de 49 % en 2010 à 56 % en 2020, en lien sans doute avec l’âge moyen plus avancé des époux. Parmi les personnes s’étant mariées en 2020, 18,5 % étaient divorcées, et plus rarement veuves (1,4 %).

Les mariages entre personnes de même sexe représentent 3 % en Normandie (55 % entre femmes), une proportion stable depuis le mariage pour tous en 2013. Les époux sont nettement plus âgés qu’entre personnes de sexe différent, notamment entre hommes. Ces derniers ont en moyenne 44 ans et demi, et les femmes 38 ans et demi. 60 mariages (2 %) ont concerné des époux tous deux étrangers, alors qu’il y a eu près de 850 mariages mixtes (12 %), avec un seul époux de nationalité étrangère (19 % de ces personnes sont algériennes, 9 % marocaines et 8 % tunisiennes, pas plus de 5 % pour les autres nationalités). Cette proportion est assez proche des autres régions métropolitaines, à l’exclusion de l’Île-de-France (26 %).

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