Attentats du 13-Novembre : un programme de recherche sur les effets du stress post-traumatique

Depuis 2016, le CNRS, l'Inserm et l'HéSam Université mènent un programme de recherche sur les effets du stress post-traumatique des attentats du 13 novembre 2015.

Francis Eustache, originaire du Cotentin (Manche), est des responsables scientifiques de ce programme.
Francis Eustache, originaire du Cotentin (Manche), est des responsables scientifiques de ce programme. (©Inserm François Guénet)
Voir mon actu

« Comment le souvenir traumatique des attentats du 13 novembre 2015 évolue-t-il dans les mémoires individuelles et collectives ? » Telle est la première question posée à l’origine d’un programme de recherche international, pluridisciplinaire et inédit, lancé en 2016 par le CNRS, l’Inserm et l’HéSam Université.

Table ronde ce vendredi soir à Caen

Chaque année, à la date de commémoration de ces attentats, des chercheurs qui travaillent pour ce programme « 13-Novembre » s’attachent à être aux côtés des associations de victimes et se font un devoir de partager avec elles les avancées de leurs études.

Il y aura ainsi un colloque à la Sorbonne, le 15 novembre. Il y a aussi une table ronde à l’Université de Caen (Calvados), centré sur l’ouvrage Mémoire et traumatisme (éditions Dunod), au cours de la soirée de ce vendredi 10 novembre 2023.

Initié par le l’Observatoire B2V des Mémoires, « qui participe à l’étude et à la mise en valeur des connaissances sur le fonctionnement de la mémoire », cet ouvrage est également dirigé par Francis Eustache, neuropsychologue originaire du Cotentin, directeur d’études à l’École pratique des Hautes Études, également président du conseil scientifique du B2V.

Cet ouvrage traite de certains troubles de la mémoire associés à un traumatisme

Le traumatisme psychique met en cause l'intégrité de la personne et modifie sa conscience, avec des épisodes de dissociation et une autre appréhension du réel.

Francis EustacheNeuropsychologue originaire du Cotentin

Le traumatisme provoque un stress extrême les premiers jours, puis un trouble de stress post-traumatique (avec pour symptômes les intrusions d’éléments sensoriels vécus à nouveau au présent, les mécanismes d’évitement, d’isolement, la disproportion du traumatisme dans l’autobiographie).

Le traumatisme des attentats du 13-Novembre est abordé dans cet ouvrage, qui aborde plus largement « comment un traumatisme psychique change la mémoire ».

Vidéos : en ce moment sur Actu

À lire aussi

Comment un traumatisme psychique change la mémoire

À l’approche des huit ans du 13-Novembre, Francis Eustache rappelle combien l’entreprise menée depuis 2016 se veut porteuse d’espoir, « puisqu’il s’agit de mieux comprendre le trouble de stress post-traumatique et de mettre en lumière de nouvelles pistes thérapeutiques pour venir en aide aux victimes ».

Mon unité de recherche à Caen, en neuropsychologie et neuroimagerie, s'est progressivement mise à travailler sur le trouble de stress post-traumatique il y a vingt ans, avant les attentats du 13 novembre 2015. On a commencé à travailler avec des jeunes femmes victimes de viol. Parallèlement, j'ai aussi commencé à travailler avec Denis Peschanski, historien, pour comprendre l'influence de la mémoire collective sur la mémoire individuelle. C'était une approche très nouvelle. On a notamment travaillé sur les attentats du 11-Septembre, mais aussi sur la Seconde Guerre mondiale, avec le Mémorial de Caen. 

Francis EustacheNeuropsychologue originaire du Cotentin

« On est imprégné de cette mémoire collective, elle nous change », poursuit le neuropsychologue. En 2016, avec les attentats du 13-Novembre, ses recherches prennent une autre dimension encore. « Ce que nous avons souhaité faire, tous ensemble en tant que chercheurs, c’est apporter une réponse, construire et mettre en place un dispositif inédit qui permettrait d’aider les victimes », écrivaient les chercheurs lors de la publication d’un premier article majeur, dans la revue Science en 2020.

Plusieurs études composent le programme « 13-Novembre », fondé sur le recueil et l’analyse de témoignages de 1 000 personnes volontaires, dont l’étude biomédicale Remember avec 200 participants. Ils sont victimes directes des attentats, mais aussi témoins indirects et éloignés des lieux où ça s’est passé (le Bataclan, le Stade de France et les terrasses à Paris) et des sujets « contrôle ». Tous acceptent des examens psychopathologiques, d’imagerie cérébrale (pour suivre l’évolution du cerveau dans le temps) et des tests neuropsychologiques, à intervalles réguliers.

« Le trouble de stress post-traumatique est une notion apparue assez récemment, avec la guerre du Vietnam, les mouvements féministes, la dénonciation des violences sur les enfants, précise Francis Eustache. Longtemps, ces troubles ont été reniés. Il fallait que notre société soit prête à y répondre. »

Les victimes du 13-Novembre ne l’auront pas toutes développé, le traumatisme va impacter différemment chacune d’entre elle. Les chercheurs veulent comprendre et multiplier les données pour les aider et peut-être « prédire quelles victimes développeront un état de stress post-traumatique durable » et lesquelles « se remettront plus facilement en élaborant des mécanismes de résilience ».

Table ronde ce vendredi soir, à 18 heures, à l’Université de Caen, amphithéâtre de la bibliothèque Alexis-de-Tocqueville. Ouvert à tous, pour échanger avec Francis Eustache, Denis Peschanski, Fabien Guénolé et Jacques Dayan.

Suivez toute l’actualité de vos villes et médias favoris en vous inscrivant à Mon Actu.

Dernières actualités

La Presse de la Manche

Voir plus
Le Journal mercredi 8 mai 2024 Lire le journal
La Presse de la Manche, Une du mercredi 8 mai 2024