


Auteur : Emmanuelle Thiébot Date : octobre 2015 Structure de recherche associée à la MRSH : HISTEMÉ |
Cette photo a été prise par Jonathan Daitch le 15 octobre 2015 lors d’une représentation théâtrale de la pièce Le diable à Nabi Saleh à La Chapelle-sur-Erdre, près de Nantes. La jeune femme au centre est Ahed Tamimi, une jeune palestinienne résidant dans le village de Nabi Saleh où sont organisées des manifestations hebdomadaires pacifiques contre l’occupation et la colonisation en Cisjordanie. En décembre 2017, elle a été incarcérée après qu’une nouvelle vidéo a été diffusée sur internet, la montrant en train de gifler un soldat israélien. Elle a été condamnée à huit mois de prison et devrait être libérée en juillet 2018. Elle est devenue l’icône de la résistance palestinienne à l’échelle internationale.
La mise en place d’ateliers de pratiques artistiques à destination des jeunes constitue également un moyen de lutte non violente. Un partenariat a été mis en place en 2014 entre le Théâtre Messidor, basé à Chateaubriand, et le village de Nabi Saleh, pour organiser une tournée théâtrale en France. Le Maître des sources est un conte écrit par le Théâtre Messidor, qui aborde le problème de l’accès à l’eau et l’appropriation de cette ressource naturelle. Dans Le diable à Nabi Saleh, les jeunes du village racontent leur quotidien et le harcèlement de l’armée d’occupation. Dans chacune de ces propositions, l’occupant est incarné par un personnage maléfique, très puissant, combattu par le héros et déchu dans Le Maître des sources, mais omniprésent et invincible dans Le diable à Nabi Saleh.
Lors des représentations qui ont eu lieu entre les Pays de la Loire et la Normandie (au Papillon Noir à Caen), une première version de chaque pièce était interprétée en français par la troupe du Théâtre Messidor, suivi de la version en arabe sans surtitrage, dans une mise en scène distincte d’une trentaine de minutes à chaque fois. Cette proposition a permis de dépasser le problème de l’accessibilité d’une pièce de théâtre en langue étrangère, et le public a pu ainsi se concentrer sur le jeu des comédien·ne·s plutôt que sur la compréhension de l’histoire. Les représentations ont attiré un grand nombre de spectateurs et spectatrices dont la majorité était acquise à la cause palestinienne. La tournée a en effet été organisée avec l’appui de sections locales de l’AFPS (Association France Palestine Solidarité) et les Céméa (Centre d’entraînement aux méthodes d’éducation active) qui organisent des formations à l’animation en Palestine.
De la scène médiatique à la scène théâtrale, la représentation de soi est un enjeu de légitimation de la lutte palestinienne. Sans soutien financier de l’Autorité Palestinienne, les théâtres en Palestine dépendent d’ONG et de réseaux associatifs qui financent leurs structures et organisent leurs tournées internationales. En conséquence, les scènes du théâtre public français restent plutôt inaccessibles à ces troupes dont les pratiques artistiques sont accolées à un travail social et militant, largement déprécié dans le champ théâtral français.
Emmanuelle Thiébot,
doctorante en études théâtrales (HisTeMé, EA 7455)
Crédit photo : Jonathan Daitch