Clerselier III, 50 AT III, 94

AU R. P. MERSENNE.
Du 22. Iuillet 1640.

LETTRE II.

Mon Reverend Pere,
Ce mot n’est que pour vous remercier de l’affection que vous m’avez témoignée en la dispute contre les Theses des Iesuites ; I’écris à leur Recteur pour les prier tous en general de s’addresser à moy s’ils ont des objections à proposer contre ce que i’ay écrit : Car ie ne veux point avoir affaire à aucun d’eux en particulier, sinon entant qu’il sera avoüé de tout l’ordre ; supposant que ceux qui n’en pourront estre avoüez n’auront pas une bonne intention. Comme en effet il paroist ce semble par la velitation que vous m’avez envoyée, que celuy qui l’a faite a plustost dessein d’obscurcir que d’éclaircir la verité. I’y répondray dans huit jours comme il merite, et à toutes vos autres Lettres ; ce qui m’est impossible pour ce voyage. Au reste, ie feins d’ignorer l’autheur de ces Theses dans la Lettre que i’écris à leur Recteur, pour avoir plus d’occasion de m’addresser à tout le Cors ; et en effet vous ne m’aviez point fait sçavoir son nom dans vos premieres Lettres. Mais il me semble que vous m’avez autrefois mandé que ce Pere est parent de Monsieur P. AT III, 95 Si cela est, ie ne m’estonne pas qu’il ait voulu engager sa reputation pour l’amour de son parent ; mais ie m’estonne de ce qu’il a osé m’envoyer sa belle velitation, veu qu’elle ne sert qu’à me monstrer son impuissance ; pour ce qu’il n’y dit pas un seul mot contre moy, mais seulement contre des chimeres qu’il a feintes pour les refuter, et me les attribuer à faux ; Comme ce qu’il me fait dire que cessat determinatio Clerselier III, 51 deorsum ; tanquam si annihilaretur, nec ulla succederet sursum ; et que manet sola et eadem determinatio dextrorsum, faisant force sur le mot de sola, auquel ie n’ay iamais pensé. Ie ne sçay si i’ay bien deviné ; mais ie conjecture que cette velitation a esté la preface que le Répondant a recitée, avant que de commencer la dispute. Vous m’apprendrez s’il vous plaist ce qui en est. Ie vous envoye icy d’autres Theses, dans lesquelles on n’a rien du tout suivy que mes opinions, afin que vous sçachiez que s’il y en a qui les rejettent, il y en a aussi d’autres qui les embrassent. Peut-estre que quelques-uns de vos Medecins ne seront pas marris de voir ces Theses, et celuy qui les a faites en prepare encore de semblables sur toute la Physiologie de la Medecine ; et mesme, si ie luy voulois promettre assistance, sur tout le reste ; mais ie ne la luy ose promettre, à cause qu’il y a mille choses que i’ignore ; et AT III 96 ceux qui enseignent, sont comme obligez de dire leur iugement de toutes choses.
Ie suis,
Mon R. Pere,
Vostre tres-humble et tres-obeïssant
serviteur, Descartes.