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Projet pour le perfectionnement du clergé en France

Introduction, établissement, présentation et annotation du texte par Carole Dornier

§ 1

Ce Projet pour le perfectionnement du clergé en France est paru en 1741 dans le seizième tome des Ouvrages de morale et de politique1. Il prolonge et précise ce qui avait été développé dès le Projet pour rendre les sermons plus utiles (1726) et surtout dans les Observations politiques sur le célibat des prêtres (1733) concernant le clergé séculier. Dans ces différents écrits les prêtres et vicaires sont chargés de l’instruction du peuple. L’auteur conçoit les membres du clergé séculier comme des fonctionnaires avant la lettre dont le revenu doit dépendre du service rendu à la société. Il imagine pour eux ce qu’il préconise ailleurs pour les détenteurs d’offices qui exercent des charges politiques et administratives : une attribution par scrutin selon la compétence et le mérite, en évitant en particulier la transmission familiale2. Ce projet définit précisément le statut du curé chargé d’instruire ses paroissiens : les cures classées selon le nombre de chefs de famille, qui détermine le montant du bénéfice, sont pourvues par scrutin et les conditions de l’émulation vertueuse qui encourage les prêtres à obtenir des cures de plus en plus importantes pour accroître leurs revenus sont définies3. On pourvoira selon le même principe les évêchés et les archevêchés. Curés comme évêques pourront au bout d’un certain nombre d’années être déposés s’ils se montrent paresseux. Un revenu minimum par cure et par évêché est fixé pour permettre à ces ecclésiastiques de vivre décemment et pour favoriser le désir de progresser. Les séminaires doivent dispenser, à côté d’une morale chrétienne qui se confond ici avec la justice et la bienfaisance, des savoirs pratiques à même de former les prêtres à servir l’État et à aider leurs paroissiens : le curé pourra se faire l’auxiliaire du fisc et de la répartition de la taille, régler avec les notaires des litiges, dispenser des soins médicaux. Assurant des services de proximité fiscaux, juridiques et médicaux auprès des citoyens, composé d’agents de l’État sélectionnés sur leurs aptitudes et leur dévouement, dont le lien avec le Saint-Siège apparaît ici bien ténu, le clergé séculier est conçu comme un instrument de la politique du gouvernement s’appuyant sur un calcul de la répartition des revenus des cures et des évêchés en fonction du dénombrement des habitants, en vue d’une amélioration des conditions d’existence morale et sociale de ceux-ci.

Note sur l’établissement du texte

Manuscrit

Projet pour le perfectionnement des ecclésiastiques, BPU Neuchâtel, ms. R177, p. 1-9. (A)

Imprimé

Projet pour le perfectionnement du clergé en France, in Ouvrages de morale et de politique, Rotterdam, J. D. Beman, 1741, t. XVI, p. 76-93. (B)

§ 2

Le manuscrit conservé à Neuchâtel (A), non daté, contient quelques corrections autographes, intégrées à l’imprimé, qui lui est donc postérieur. Le texte proposé est celui de l’imprimé (B) avec un choix de variantes issues du manuscrit.


1.OPM, t. XVI, p. 76-93.
2.La suppression de la vénalité des offices et l’attribution des charges par scrutin pour lutter contre l’incompétence et la faveur sont un leitmotiv de la pensée politique de l’abbé de Saint-Pierre. Voir en particulier son Projet pour perfectionner le gouvernement des États (OPM, t. III, p. 18, 25 ; sur les ecclésiastiques, voir p. 36).
3.Il existait au XVIIIe siècle pour la Bretagne et certaines autres provinces la collation par concours qui départageait des candidats à une cure par épreuve publique : voir Pierre Gohard, Traité des bénéfices ecclésiastiques, Paris, Crapard, éd. de 1774, t. II, p. 566-567.