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PROJET DE TAILLE TARIFÉE [•]

PRÉFACE [•]

§ 1

Il n’est pas possible de faire quelque séjour [•] dans les campagnes sans être témoin des injustices criantes qui se font dans la répartition de la taille arbitraire, sans entendre parler du grand nombre de frais, de contraintes que souffrent tous les jours les pauvres taillables non protégés, sans être informé des longs emprisonnements de plus de cent collecteurs dans une seule élection, et de la haine successive entre les familles, causée par les procès sur la taille, et entretenue par les taxes disproportionnées, que font tour à tour par représailles les collecteurs de chaque année sur leurs ennemis, et sur leurs plus proches voisins.

§ 2

Il n’est pas possible d’avoir un peu d’humanité sans être sensiblement affligé de ces fâcheuses exécutions, où les collecteurs, pour des taxes excessives, ôtent durement aux pères et aux mères de quoi nourrir et habiller leurs petits enfants. Il n’est pas possible de ne pas souffrir ainsi par réflexion une partie de leurs malheurs.

§ 3

Il n’est pas possible non plus de songer sans une peine extrême que ces mêmes malheurs d’une paroisse arrivent journellement dans vingt-deux mille paroisses du royaume. Mais enfin ce mémoire tomba heureusement entre les mains d’un ministre humain éclairé et qui avait été lui-même durant ses intendances témoin très sensible de ces grandes misères1 ; il l’examina, il y trouva des vues qui lui parurent solides et composa un bureau de personnes très habiles et vertueuses, pour examiner ce mémoire et les autres projets qui tendaient à faire cesser ces disproportions excessives et ruineuses qui jettent nécessairement en moins de dix ans dans la mendicité2 un nombre prodigieux de familles, qui selon leur condition étaient quelques années auparavant dans une sorte d’opulence.

§ 4

Quand on aime sa patrie, et que l’on a assez de lumière pour connaître les vrais intérêts de l’État, il n’est pas possible de voir sans douleur que les familles taillables, n’ayant dans la taille arbitraire nulle sûreté de conserver quelque bien ni pour eux ni pour leurs enfants, cherchent à déserter dans les pays ennemis, ou du moins à quitter la culture des terres pour aller s’établir dans les villes tarifées, et que les garçons qui craignent l’injuste répartition de la taille, et qui pourraient servir à cultiver la terre, quittent tous les jours la maison paternelle pour chercher ailleurs une fortune moins chancelante et moins exposée non seulement aux injustices que les collecteurs exercent impunément, mais encore aux dépenses et aux frais ruineux de la collecte. Comment pourrait-on voir cette désertion continuelle sans beaucoup de peine, quand on sait que la première et la plus grande richesse du royaume vient du nombre des habitants des campagnes qui cultivent bien les terres, et qui y travaillent à diverses manufactures.

§ 5

Un bon Français peut-il voir sans grande douleur l’impossibilité qu’il y a de faire subsister longtemps les manufactures dans les lieux où les collecteurs n’ont aucune règle qui leur soit prescrite pour demander au chef de manufacture telle partie précise de l’intérêt au denier vingt que lui produit l’argent qu’il a dans le commerce ?

§ 6

Peut-il voir sans peine l’espèce d’impossibilité qu’il y a de faire fleurir les petits commerces du dedans du royaume, et l’impossibilité qu’il y a présentement d’y soutenir comme autrefois les petits commerces maritimes, autres grandes sources de la richesse des particuliers et de l’État ?

§ 7

Après avoir passé près de trois ans de suite à Saint-Pierre-Église3, témoin de ces malheurs de ma patrie, je pris dès lors la résolution d’employer une partie de ma vie à chercher des moyens efficaces et convenables pour les faire cesser.

§ 8

C’est dans cette vue que j’entrepris en 1718 un voyage de quatre mois dans une province éloignée4 pour voir de plus près les avantages et les inconvénients du système de la dîme royale et pour trouver, s’il était possible, une méthode encore plus commode, et sujette à moins d’inconvénients et moins grands.

§ 9

C’est à la suite de ce voyage qu’à force de méditer, et de consulter les connaisseurs, je fis imprimer in-4o Le projet de taille tarifée que j’ai perfectionné à deux reprises par diverses observations5.

§ 10

C’est enfin le désir de faire cesser ces grands maux causés par les disproportions de la taille arbitraire dont ma patrie devient de jour en jour plus accablée, que je donne ici une nouvelle édition abrégée de ce projet que j’ai corrigé, augmenté et mieux digéré, en profitant des lumières des autres.

§ 11

Si je dis que cette matière est importante, c’est qu’on verra qu’il ne s’agit pas de moins que d’assurer au roi un subside qui, avec ses suites, monte, année commune, depuis trente ans à plus de soixante-six millions, dont les fondements vont tous les jours en dépérissant : il ne s’agit pas de moins que de faire cesser plus de trente-six millions de pertes annuelles que fait l’État, sans compter une infinité de fâcheuses inquiétudes et d’afflictions accablantes que souffrent les peuples des provinces, et qu’ils rachèteraient avec une grande somme. Il ne s’agit pas de moins que de conserver les biens et les travaux des taillables qui vont tous les jours en diminuant, et qui sont cependant les fondements de cet important subside.

§ 12

Si je dis que la matière est difficile, c’est que beaucoup d’habiles gens et de bons citoyens y ont travaillé jusqu’ici sans succès.

§ 13

Mais je soutiens qu’il n’est pas impossible d’y apporter un remède efficace à présent qu’il y a un bureau établi pour discuter les divers moyens que l’on y propose tous les jours, et dans lequel il se peut trouver un rapporteur habile, laborieux et patient qui puisse par des essais s’instruire à fond de tous les inconvénients et de tous les avantages de tous les différents systèmes proposés.

DIVISION DE L’OUVRAGE [•]

§ 14

On verra en abrégé dans le premier chapitre une espèce de calcul des principales pertes que la disproportion excessive dans la répartition de la taille arbitraire cause à l’État. On verra par ce calcul que ces différentes pertes montent réellement à plus de trente-six millions par an, qu’ainsi l’État s’affaiblit tous les ans très considérablement. Il a fallu montrer la grandeur du mal pour déterminer le Conseil à y apporter promptement un remède efficace.

§ 15

La considération de la grandeur du mal détermine à chercher les remèdes, mais pour imaginer et pour choisir avec sûreté ceux qui doivent être les plus convenables, il faut connaître les sources et les causes principales du mal, c’est-à-dire les sources de ces disproportions excessives, et c’est ce que je démontre dans le second chapitre.

§ 16

Comme une des principales sources des disproportions excessives vient de la grande imperfection de la forme que l’on a donnée jusqu’ici à la collecte de la taille, je propose dans le troisième chapitre une nouvelle méthode de collecte, qui sera exempte des défauts de la première et qui aura encore plusieurs grands avantages pour les recouvrements.

§ 17

Je suppose que le but du bureau qui sera établi sera de faire cesser les cinq sources de disproportions excessives de la taille arbitraire, et que la méthode la plus efficace consiste : 1° à perfectionner la méthode de la collecte, en établissant des collecteurs volontaires pour un certain nombre de paroisses ; 2° à permettre à tout taillable qui craint la disproportion excessive de signer la déclaration de ses différents revenus annuels ; 3° à régler par des tarifs ce qui est dû au roi pour chaque espèce de revenu ou de profit annuel des taillables ; 4° à permettre aux principaux habitants de donner par écrit aux collecteurs la déclaration du revenu de celui qui n’aura pas voulu la donner ; 5° à obliger les collecteurs sous peine d’amende à taxer chaque taillable sur le pied de sa déclaration et des déclarations que les principaux auront données des revenus des non-déclarants, et de faire toujours la taxe sur le pied des tarifs.

§ 18

Ainsi je propose dans le quatrième chapitre un projet de règlement qui renferme ces cinq principaux points en différents titres, et en différents articles.

§ 19

J’ai fait outre cela plusieurs observations générales sur le subside de la taille qui m’ont paru importantes et dignes d’être examinées par le bureau [•]. J’en ai ajouté plusieurs autres qui regardent les intendants, les commissaires et les collecteurs, chacun en particulier, pour la répartition et l’imposition du subside : c’est le sujet du chapitre cinquième.

§ 20

Et comme il faut tâcher de ne laisser au lecteur aucune difficulté à résoudre, aucun doute à éclaircir, j’ai ramassé avec grand soin dans le sixième chapitre toutes les objections qui m’ont été faites, auxquelles j’ai fait des réponses qui ont paru satisfaisantes à tous ceux qui, instruits de la matière, les ont lues sans prévention.

AVERTISSEMENT [•]

§ 21

D’un côté il paraît par les essais des intendants sur la taille que le dessein du Conseil est de remédier aux grands dommages que cause à l’État le subside annuel de la taille disproportionnée au revenu annuel des taillables, et d’établir des tarifs sur tous leurs différents revenus, et de garantir par ce moyen des taxes excessives ceux qui donneront leur déclaration véritable de leurs revenus.

§ 22

Il paraît de l’autre que plusieurs officiers de magistrature et plusieurs seigneurs qui emploient leur crédit à faire décharger leurs paroisses et leurs fermiers, en faisant taxer excessivement les autres non protégées, ne voient pas que si la justice était toujours bien observée dans la répartition de la taille, c’est-à-dire que si elle était répartie suivant les tarifs proportionnément au revenu de chacun, la portion du profit général de l’État, qui leur reviendrait de cette justice, surpasserait de plus de moitié le gain qui leur revient présentement de la protection injuste qu’ils donnent à leurs paroisses et à leurs fermiers, et qu’ainsi il [n’]est [pas] de leur intérêt de s’opposer à la justice.

§ 23

C’est leur ignorance [•] de leurs propres intérêts et leurs oppositions, qui y sont aussi contraires qu’elles sont injustes en effet, qui me persuadent qu’il est à propos de les éclairer sur leurs propres intérêts, afin qu’ils puissent recevoir avec joie le remède que le roi veut apporter aux malheurs des taillables vexés par la disproportion, et c’est pour les tirer de leur ignorance et pour répondre à leurs mauvaises objections que j’ai cru utile de faire imprimer cet ouvrage.

IDÉE GÉNÉRALE [•]
De la taille tarifée [•]

§ 24

Il y a plusieurs causes de disproportions excessives qui arrivent dans la répartition du subside de la taille arbitraire.

§ 25

La principale vient du défaut de connaissance suffisante du revenu total des taillables de chaque généralité. Car comment le conseil sera-t-il assuré de distribuer avec proportion un subside annuel de soixante millions, sur vingt généralités très inégales, s’il n’a une connaissance sûre du revenu annuel des taillables de chacune ?

§ 26

Comment un intendant sera-t-il sûr de répartir avec proportion deux millions quatre cents mille livres, par exemple, sur les dix élections de la généralité qui sont toutes inégales en revenus, s’il ne sait pas sûrement et précisément en quoi consistent ces inégalités du total du revenu annuel de chacune d’elles ?

§ 27

Comment saura-t-il avec certitude le total du revenu annuel des taillables d’une paroisse, s’il ne sait avec certitude le revenu de chaque taillable de cette paroisse ?

§ 28

Or qui peut mieux savoir le revenu total d’un taillable, que le taillable lui-même ?

§ 29

Il est donc question d’avoir de chaque taillable la déclaration totale et la vraie estimation de tous ses différents revenus ; et voilà un des principaux articles de la méthode de la taille tarifée : déclaration entière et estimation véritable de son revenu, sous peine d’une punition suffisante et inévitable du quadruple, et d’amende arbitraire, au profit moitié de la paroisse qu’il voudrait frauder, et moitié au profit des collecteurs pour les intéresser suffisamment à la poursuite de crime de faux.

§ 30

La déclaration véritable du taillable, jointe à la loi des tarifs, lui ôte toute crainte d’être taxé arbitrairement et disproportionnément à son revenu.

§ 31

La peine suffisante contre tout non déclarant fera que tous déclareront ; et la peine suffisante contre tout faux déclarant fera que tous déclareront vrai.

§ 32

Le second article important c’est d’établir différents tarifs pour les différents revenus, selon la différence des charges de chaque espèce de revenus. C’est de ces divers tarifs qu’elle emprunte son nom de taille tarifée : le revenu d’un moulin, par exemple, aura un tarif différent de celui d’un pré ; le tarif du journalier sera différent du tarif du notaire.

§ 33

Les collecteurs de la taille tarifée ne feront la répartition du subside que selon ces déclarations et ces tarifs, et en présence du commissaire. Or alors, ni l’ignorance du revenu, ni la haine des collecteurs ne présideront plus à la répartition des taxes des taillables ; et il y aura une espèce de nécessité que la justice et la proportion soient toujours exactement gardées entre tous, et c’est le sublime de la loi.

§ 34

Au reste les revenus annuels consistent : 1° en immeubles ; 2° en travail des mains et industrie ; 3° en argent mis en commerce.

§ 35

Les immeubles, comme terres en propriété, terres à ferme ou à rentes perpétuelles, maisons séparées de sterres, moulins, étangs, bois taillis, rentes foncières, rentes constituées, rentes viagères.

§ 36

Pour les terres que l’on possède en propriété, mais affermées, le tarif sera calculé par exemple sur le pied du cinquième du revenu ou de quatre sols pour livre ; à l’égard des terres que l’on tient à ferme, le tarif sera sur le pied de deux sols pour livre. Le tarif de l’argent en commerce sera sur le pied du centième denier6 ; le travail ou industrie sera sur le pied de la valeur de quelques jours de chaque profession.

§ 37

 [•]Quand le commissaire aura fait le rôle7 d’une paroisse sur le pied de quatre sols pour livre de la valeur des terres en propriété, de deux sols pour livre pour fermages et exploitation, et sur le pied des autres tarifs, il trouvera de deux choses l’une : la première : que le total des sommes que chacun des taillables doit payer suivant les tarifs sera plus grand, par exemple d’un dixième, que le total des impositions portées dans le mandement de l’intendant ; or, en ce cas, il faudra que le commissaire fasse diminuer d’un dixième chaque ligne avant que de signer le rôle, à la fin duquel il sera fait mention de cette différence.

§ 38

La seconde, que le total des sommes de toutes les lignes formées sur les tarifs sera plus petit, par exemple, d’un dixième ou autre partie aliquote, que le total des impositions portées par le mandement, en ce cas le commissaire augmentera chaque ligne du rôle de la paroisse d’un dixième ou autre partie aliquote avant que de le signer, et il y sera fait mention expresse de la différence entre le total que produisent les tarifs, et le total des sommes du mandement de l’intendant.

§ 39

C’est que le but principal du projet de taille tarifée et de l’intention du roi étant de faire rendre justice non seulement entre famille et famille de la même paroisse, mais encore entre paroisse et paroisse, entre élection et élection, et entre généralité et généralité, il était absolument nécessaire de connaître celles qui paient plus qu’elles ne doivent en suivant le même tarif, et de combien il faut charger les unes de ce dont on déchargera les autres.

§ 40

Les riches taillables protégés, les fermiers des seigneurs et les seigneurs mêmes, les présidents, les conseillers, les élus, les subdélégués, et les autres personnes de crédit se plaindront de ce qu’ils perdent l’effet de leur protection injuste, et de ce que leur revenu, qui avait été augmenté injustement aux dépens des pauvres taillables non protégés, va être diminué ; mais plus ils se plaindront, plus leurs plaintes prouveront la grandeur de leur injustice passée, et la nécessité d’autant plus pressante de la faire cesser que cette injustice ruine l’État en ôtant injustement à dix-huit cent mille pauvres familles non protégées, non seulement, toute sûreté de conserver leur petite fortune présente, mais que par les taxes arbitraires et excessives elle ôte encore à tous les petits commerçants les moyens de mettre à profit leur industrie dans le commerce, et le travail de leurs mains dans les arts.

§ 41

Cette sûreté que chacun aura de n’être jamais excessivement taxé, ni plus taxé que ses égaux en revenu, rétablira le commerce intérieur, augmentera le nombre des habitants des campagnes, le nombre des cultivateurs des terres, et par conséquent les fruits de la terre, les dîmes, les champarts8 et les fermes de la noblesse. Enfin cette méthode diminuera de beaucoup le nombre des pauvres et des mendiants, parce que tout le monde trouvera à travailler.

§ 42

Il n’y aura plus de généralité, plus d’élection, plus de paroisse, plus de famille surchargée, et beaucoup moins de frais et de retardements pour les recouvrements causés par l’impuissance de payer.

§ 43

Voilà en quoi consiste en gros cette méthode ; car pour voir même en abrégé comment la taille arbitraire cause au royaume plus de trente-six millions de pertes annuelles, et pour voir les éclaircissements aux difficultés, il faudrait lire l’ouvrage entier qui est de plus de huit heures de lecture [•]. C’est néanmoins ce qu’on pourra faire facilement à sa commodité et à diverses reprises [•].

CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES
Sur la nécessité de suivre ce projet

CHAPITRE PREMIER [•]

Calcul en gros des pertes annuelles que cause à l’État le défaut d’un bon règlement sur la taille

§ 44

Je ne mettrai ici que les principaux malheurs causés par les disproportions excessives, et même en abrégé, parce que je suppose que ceux à qui je parle en ont déjà quelque connaissance.

§ 45

Ce qui m’a le plus touché, et ce qui m’a déterminé le plus fortement à travailler [•] avec constance à chercher les moyens de rectifier la manière d’imposer le subside de la taille, ç’a été la considération des misères excessives d’une multitude prodigieuse de pauvres familles taillables non protégées [•], qui portent injustement une partie du fardeau que devraient porter les taillables protégés.

§ 46

J’ai été pour mon malheur plusieurs fois témoin de leurs misères, les collecteurs, qui les ont excessivement taxés, leur enlèvent tous les jours les choses les plus nécessaires à leur subsistance, et à la subsistance de leurs enfants.

§ 47

Leur imposition augmente encore par les grands frais dans lesquels ils tombent par l’impuissance de payer. Quand un pauvre homme est condamné à payer un tiers, une moitié au-delà de son pouvoir, c’est une nécessité qu’il succombe en deux ou trois ans, et qu’il reste à la merci des plus fâcheuses exécutions.

§ 48

Les taillables non protégés, qui ne sont point encore trop taxés, ont une crainte perpétuelle d’être ruinés en cinq ou six ans, soit par les impositions excessives qu’ils voient sur leurs voisins, et qu’ils ont à craindre pour eux-mêmes, soit par les mauvais deniers de la collecte lorsqu’ils seront nommés collecteurs.

§ 49

Les protégés eux-mêmes, qui [•] sont favorisés aux dépens des non-protégés, craignent que leurs protecteurs ne viennent à leur manquer, et qu’ils ne soient dans peu à la merci des taxes excessives : les plus sensés d’entre eux ne demanderaient pas mieux que de payer plus qu’ils ne paient, c’est-à-dire leur juste proportion du subside, pourvu qu’ils eussent par des règles certaines, par des tarifs fixes et connus, sûreté de n’être jamais plus mal traités que leurs égaux en revenus.

§ 50

Ce qui désole le taillable riche dans le système présent, c’est qu’il voit devant ses yeux les petits-enfants des riches, qui étaient plus protégés que lui, demander l’aumône à cause des disproportions excessives qui ont accablé leurs enfants dès que la protection leur a manqué : aussi cette crainte fait que la plupart des riches cherchent à déserter les campagnes et à se réfugier dans les villes [•] tarifées, ou dans les pays d’états, ou même chez les étrangers des frontières.

§ 51

Au reste rien ne décourage plus les hommes d’être laborieux et industrieux que de n’avoir aucune sûreté ni de jouir de leur travail, ni d’en laisser les fruits à leurs enfants [•], faute d’un règlement et d’un tarif qui règle ce que chaque sorte de revenu doit payer, et qui mette ainsi le taillable juste à couvert de la haine et des injustes vexations des collecteurs. Or qui ne voit que tout découragement, qui diminue le travail et l’industrie des sujets, est très préjudiciable à l’État [•].

§ 52

 [•]Ceux des taillables qui n’ont pas été entièrement ruinés par les disproportions précédentes achèvent de se ruiner dans leur année de collecte par les journées qu’ils y emploient, par les mauvais deniers qu’ils sont forcés de remplacer, par les frais des huissiers et des garnisons, et par les emprisonnements qu’ils ont à supporter.

Estimation des pertes annuelles que cause la disproportion excessive de la taille sans tarif [•]

I

§ 53

 [•]On suppose que chaque paroisse l’une portant l’autre9 est de cent dix habitants chacune. Or le découragement, que cause de temps en temps dans plusieurs habitants le défaut de sûreté de conserver ce qu’ils pourraient amasser, diminue leur travail, leur industrie et leurs entreprises, l’une portant l’autre, au moins de vingt sols par jour, c’est plus de six millions par an pour les vingt-deux mille paroisses d’élection.

II

§ 54

De cent dix familles qui composent une paroisse, le fort portant le faible10, il y en a vingt que l’on commence de ruiner par les disproportions excessives : de ces vingt il y a au moins une qui achève chaque année d’être entièrement ruinée, et qui, n’ayant plus les moyens d’exercer son industrie, ne gagne plus par jour que ce que gagnent les simples manœuvres. Ainsi [•] ces vingt-deux mille, qui perdent pour elles et pour l’État les deux tiers de ce qu’elles auraient gagné si elles n’avaient pas été ruinées, peuplent l’État de mendiants et de fainéants, ce qui est une charge fort incommode pour les particuliers et fort déshonorante pour le gouvernement.

§ 55

Si [•] les familles protégées eussent payé leur taille à proportion de leur revenu, les familles non protégées n’auraient pas été forcées de vendre ce qui servait à continuer leurs petits commerces, l’un aurait son cheval, l’autre sa vache, l’autre son bateau, l’autre son lin, elles auraient continué à payer plus de taille qu’elles ne paient présentement, et à gagner avec leurs enfants au moins trente sols par jour l’une portant l’autre, et elles gagnent à peine [•] quinze sols présentement faute de commerce et de travail. Ainsi c’est plus de cinq millions de perte par an tant pour elles que pour l’État.

III

§ 56

Parmi [•] les dix-huit cent mille familles non protégées il y en a plus de cent mille prêtes à succomber, parce que les disproportions excessives leur ont déjà ôté une grande partie des moyens de faire valoir leur travail et leur industrie, et cette perte de ces cent mille familles est aussi grande que celle des [•] vingt-deux mille qui ont achevé d’être entièrement ruinées chaque année : cette perte doit donc être estimée cinq millions.

IV

§ 57

La crainte de ces disproportions excessives cause la retraite de plusieurs bons fermiers qui se réfugient dans les villes tarifées [•], ou dans les pays d’états, ou dans les États voisins. Ainsi cette retraite cause l’abandonnement11 de plusieurs terres, et la mauvaise culture de plusieurs autres, et cela au grand préjudice des gentilshommes, des exempts et des ecclésiastiques décimateurs, et au préjudice des droits de champart ou agrière12, ce qui est une grande perte pour l’État.

§ 58

On peut supposer avec fondement qu’en dix ans la désertion des familles riches fait diminuer la culture des terres au moins d’une dixième partie du produit. Or nous savons par la taxe du dixième que la diminution de la dixième partie des fonds de terre monte [•] dans les pays d’élections à plus de vingt-deux millions : mais ne supposons que sept millions de perte sur cet article, parce que ces habitants s’appliquent dans les villes à d’autres professions, quoique moins utiles pour l’État et pour eux-mêmes.

§ 59

Il y a même dans les villes beaucoup de familles oisives qui, pour faire moins de dépense, iraient volontiers demeurer à la campagne, et qui travailleraient à faire valoir leurs terres beaucoup mieux que leurs fermiers, s’ils avaient sûreté de ne payer jamais, par la méthode des tarifs, qu’une taxe proportionnée à leur revenu, et s’ils n’avaient jamais à craindre d’être nommés collecteurs.

§ 60

Ces disproportions excessives causent la ruine d’un nombre prodigieux de fermiers non protégés, ce qui retombe nécessairement sur la noblesse, sur le clergé et sur les autres exempts, et l’on peut dire que ces corps tireraient de leurs terres au moins un quart de plus, si leurs fermiers n’étaient jamais excédés de taille, si leurs meilleurs fermiers ne se retiraient point dans les villes, si plus de fermiers riches demandaient les terres à ferme à l’envi comme autrefois, et s’il y avait plus de commerce, de consommation et de travail parmi les taillables [•], mais cette perte annuelle est comprise dans la diminution de la culture des terres.

V

§ 61

 [•]Ces disproportions causent la ruine de plusieurs manufactures parce que les chefs de manufacture excédés de taille sont forcés de se réfugier dans les villes exemptes de taille ; ils cessent leur commerce, parce qu’ils n’ont plus les moyens de trouver des ouvriers à bon marché dans les villes, comme ils en trouvaient dans les villages, et la crainte de ces disproportions empêche plusieurs manufactures de s’établir commodément dans les lieux taillables, où ils emploieraient plus utilement du double plusieurs enfants, plusieurs femmes, plusieurs hommes [•], et les bois de la campagne, et l’usage des moulins moins chers que dans les villes.

§ 62

Cela cause deux dommages à l’État : premièrement la journée d’un garçon, d’une fille est plus chère d’un tiers dans une ville que dans un village ; les manufacturiers sont forcés de vendre plus cher les ouvrages, ce qui encourage les étrangers à nous en apporter à meilleur marché, et ils tâchent ainsi à faire tomber nos manufactures.

§ 63

Le second dommage est qu’une manufacture occupait vingt, trente, quarante personnes dans un bourg, et dans les villages voisins, et les occupait plus utilement d’un quart, d’un tiers, d’une moitié qu’ils ne font.

§ 64

Or n’est-ce pas un grand inconvénient d’avoir mille manufactures de moins, et par conséquent d’occuper trente mille personnes de moins ou de les laisser occupées moins utilement d’un quart, d’une moitié qu’elles pourraient l’être ? Ainsi [•] cette diminution de manufactures de la campagne coûte par an au moins deux millions à l’État. Il y a même une considération importante, c’est que les ouvriers des manufactures ruinées passent chez les étrangers.

VI

§ 65

Ces disproportions excessives [•] ont dépeuplé de marchands et de matelots les petits ports sujets à la taille, et la crainte de ces mêmes disproportions excessives empêche qu’ils ne se repeuplent, et cause ainsi un grand préjudice au commerce maritime.

§ 66

Dans l’espace de trois ou quatre cents lieues des côtes de mer ou de rivages des grandes rivières, il y a plus de soixante petits ports où les habitants sont sujets à la taille. Il y avait [•] il y a quatre-vingts ans sept ou huit fois plus de vaisseaux et de matelots qui transportaient par eau, c’est-à-dire par la voiture la moins coûteuse, les denrées d’un pays à l’autre.

§ 67

Or ces soixante petits ports pourraient facilement se peupler de dix mille matelots de plus, et faire deux fois plus de voyages par eau, s’ils ne craignaient pas les disproportions ruineuses.

§ 68

Comme la voiture par eau coûte huit fois moins, un matelot, selon la supputation [•] du chevalier Petty, célèbre Anglais, vaut à l’État plus de quatre charretiers ou artisans13, de sorte que cette augmentation de matelots vaudrait plus de trente mille artisans de plus à l’État, sans compter les avantages [•] que les marchands et les propriétaires des terres où croissent les denrées transportables tireraient de l’augmentation du commerce. Or en supposant la journée de l’artisan à douze sols, cela ferait plus de [•] six millions de profit par an pour l’État.

VII

§ 69

 [•]La crainte de ces disproportions ruineuses et des fâcheuses exécutions des collecteurs empêche les bourgeois de prêter aux taillables des vaches et autres bestiaux à moitié de profit ; cependant ces bestiaux consommeraient beaucoup d’herbes qui se perdent dans les chemins, dans les landes, et autres pâturages négligés ; il y aurait au moins [•] trois vaches, et vingt brebis de plus dans chaque paroisse l’une portant l’autre14, c’est soixante-six mille vaches et quatre cent quarante mille brebis de moins, ce qui fait un grand tort à cent mille pauvres familles [•] et aux pauvres domestiques qui dans la campagne ont amassé quelques pistoles dont ils pourraient tirer quelque profit en les employant à acheter quelques bestiaux pour les donner aux pauvres taillables à moitié de profit [•] ; cette perte ne peut être estimée moins que deux millions.

VIII

§ 70

 [•]Si vingt familles non protégées d’une paroisse pouvaient épargner seulement une pistole par an chacune par la diminution de leur taille, ces vingt familles laborieuses et industrieuses, en les mettant en commerce, doubleraient leur fonds au lieu que les riches à peine les font-ils valoir dix pour cent. C’est donc au moins dix-huit pistoles par chaque paroisse que font perdre la disproportion et l’injustice des protégés, et que fera gagner aux [•] non-protégés l’observation de la proportion. Or vingt-deux mille fois dix-huit pistoles font trois cent quatre-vingt-seize mille pistoles, ou environ quatre millions de profit annuel, qui est d’autant plus précieux pour l’État qu’il tombe sur les pauvres familles. Ces huit premiers articles, qui sont réduits à une espèce de calcul, montent à plus de [•] trente-six millions de perte annuelle que ces disproportions excessives causent à l’État [•], sans compter les pertes expliquées dans les articles suivants qui ne sont pas réduits au calcul.

§ 71

Je ne fais point d’excuse si je tâche de réduire au calcul autant que je puis les pertes annuelles que l’État peut éviter, et les avantages qu’il peut tirer du règlement de taille tarifée. Je crois au contraire que pour éviter les grandes erreurs où jettent les exagérations des orateurs, il est à propos de ramener tout [•] en politique à quelque espèce de calcul en argent pour approcher de la démonstration exacte.

§ 72

C’est la méthode dont le chevalier Petty [•] et feu M. le maréchal de Vauban ont commencé à nous donner l’idée, et c’est la seule par laquelle on puisse parvenir aux démonstrations politiques15. Je sais bien, par exemple, que les [•] huit articles que j’ai réduits au calcul peuvent être supputés avec beaucoup plus de précision, mais si grossière que soit l’estimation, elle sert du moins à montrer que les articles ne sont pas d’une égale importance, et que quelques-uns sont deux fois, trois fois plus importants que d’autres, ce qui est d’une grande utilité pour juger avec plus de [•] sûreté qu’un parti est beaucoup meilleur qu’un autre.

IX

§ 73

 [•]Ces disproportions excessives causent des divisions et des haines dans les paroisses, qui passent dans les habitants de génération en génération, et qui nuisent fort à leur salut, à leur tranquillité et à leur commerce dans leur paroisse, ils se nuisent même les uns aux autres, au lieu que sans ces haines invétérées, ils se procureraient le long de l’année une infinité de secours mutuels par leurs fréquents commerces.

X

§ 74

 [•]La crainte de ces disproportions fait passer plusieurs taillables en pays étranger, ce qui affaiblit le roi, et fortifie nos ennemis : il a passé un grand nombre de familles françaises en Lorraine depuis vingt ans pour éviter la taille arbitraire16.

XI

§ 75

 [•]La crainte de ces disproportions fait souvent cacher aux taillables l’argent qu’ils ont amassé, et les empêche de le mettre en bestiaux et en commerce, ils aiment mieux même payer des frais de contrainte que de payer sans frais, parce que s’ils payaient sans frais, on les chargerait de taille l’année suivante, ils veulent passer pour insolvables, ce qui multiplie les frais du recouvrement et rend leur argent inutile à l’État.

XII

§ 76

 [•]La crainte de ces disproportions [•], et de paraître opulents, leur fait perdre beaucoup de journées à solliciter la diminution de leur taxe, ou à faire différer leur tour pour la collecte. Les collecteurs perdent de même beaucoup plus de journées quand les taillables paient avec plus de difficultés et par de petits paiements.

XIII

§ 77

On peut supposer que [•] si tous les taillables étaient [•] sûrs d’être toujours exempts de collecte, et de n’être jamais taxés qu’à une somme proportionnée par la méthode des tarifs à leurs différents revenus, il n’y en a aucun, même parmi les protégés, qui, pour se délivrer des craintes fâcheuses d’être un jour lui ou ses enfants taxés avec une disproportion arbitraire et excessive faute de protection, ne donnât volontiers au roi un [•] quarantième, ou même un vingtième de plus que sa taxe. Or un vingtième de soixante millions, c’est trois millions, ce n’est pas une perte annuelle, mais c’est une grande peine pour les taillables dont ils seraient délivrés par l’établissement des collecteurs volontaires.

XIV

§ 78

Par [•] les disproportions excessives et arbitraires on voit que les revenus des taillables vont tous les jours en diminuant, les uns quittent, les autres vendent, les autres se ruinent. Donc si l’on n’établit pas de la proportion par les tarifs et par les déclarations, les restes17 que doivent les paroisses insolvables iront toujours en augmentant, la culture des terres, le prix des fermages, les dîmes et le commerce iront tous les jours en diminuant ; plaie considérable pour l’État qui a déjà fait de grands progrès vers le dépeuplement des habitants, vers la diminution de la culture de ces terres, et par conséquent vers l’affaiblissement de la monarchie.

CHAPITRE II

Causes [•] des disproportions ruineuses de la taille arbitraire

§ 79

 [•]Dans les villes tarifées où le subside se paie à la barrière par les tarifs que l’on met sur les denrées qui s’y consomment, celui qui est plus riche consomme plus pour sa maison et paie plus que le moins riche, qui consommant moins paie moins : chacun consomme et paie par conséquent à proportion de sa dépense annuelle, qui pour l’ordinaire est proportionnée au revenu annuel. Ainsi les habitants de ces villes ne sont jamais exposés à des taxes arbitraires et disproportionnées à leur revenu.

§ 80

Ceux qui apportent à la ville les denrées et les marchandises paient le subside à la barrière, et vendent leurs denrées aux habitants qui, en payant chaque jour un peu plus cher ces marchandises à cause des droits d’entrée, se trouvent avoir payé un subside proportionné à leur revenu sans s’en être aperçus.

§ 81

Ce n’est pas que les subsides que le roi tire des villes tarifées, où il y a des barrières, ne soient en certains lieux aussi grands à proportion des revenus de chacun des habitants que ceux qu’il tire des bourgs et des paroisses voisines de la campagne où il n’y a point de barrières, mais comme dans les villes tarifées chacun paie sa part du subside général non selon aucune répartition arbitraire, mais suivant des tarifs uniformes sur les denrées qu’il consomme, cela opère nécessairement par la différente dépense la proportion du subside entre les habitants par rapport à leurs différents revenus.

§ 82

Cette méthode si facile, si judicieuse, si peu fâcheuse, si peu coûteuse, et si éloignée de toute disproportion et de toute vexation, fait souhaiter à tous les habitants des bourgs et des villes taillables qu’on leur donne des barrières et des tarifs à la place de la collecte de la taille arbitraire. Et je crois que le Conseil devrait écouter favorablement toutes les propositions des villes et des bourgs pour multiplier les établissements des lieux tarifés, mais il faut attendre que le bureau soit accoutumé à lever les difficultés qui s’y rencontrent et qui ne sont pas insurmontables, puisqu’elles ont déjà été surmontées pour plusieurs petites villes qui ont été tarifées depuis peu, il faut attendre, il faut même attendre l’établissement de la taille tarifée dans les villages, de peur que les villages ne fussent bientôt abandonnés de la plupart de leurs habitants pour éviter les injustices de la taille arbitraire.

§ 83

Peut-être que le total du subside de la taille dans les pays d’élections n’est pas excessif par rapport au total des revenus des taillables de ces provinces, mais qu’il est excessif pour diverses généralités, pour diverses élections, et pour une infinité de paroisses, c’est que le Conseil n’a jusqu’à présent aucun moyen sûr de connaître tous les revenus des taillables de toutes les généralités, ni l’intendant le moyen de connaître tous les revenus ou profits annuels des habitants des paroisses de ses élections.

§ 84

Or le fardeau qui aurait pu être facilement porté par toutes les élections, et par toutes les paroisses, s’il avait été proportionnément réparti par rapport à leurs revenus, aux profits annuels, devient excessif, insupportable et accablant quand il se trouve réparti avec une disproportion excessive, comme d’un tiers de trop sur diverses élections, et sur diverses paroisses de ces élections. Il [•] y a donc cinq sources principales de ces disproportions excessives.

§ 85

La première vient [•] de ce que le Conseil des finances n’a pas de connaissance certaine du total des revenus ou profits annuels des taillables de chaque généralité. Ainsi il peut arriver que le Conseil demande à une généralité le quart de son revenu, tandis qu’il ne demande aux autres que le cinquième ou le sixième du leur.

§ 86

 [•]La seconde vient de ce que l’intendant ne connaît pas mieux les revenus des taillables, ni de chaque élection, ni de chaque paroisse de son intendance, que le conseil connaît les revenus des taillables de chaque généralité du royaume.

§ 87

La [•] troisième ne vient pas tant du défaut de connaissance dans les collecteurs du revenu de chaque habitant de leur paroisse, que du défaut d’équité du collecteur, du désir qu’il a de se venger, de l’envie de plaire aux uns, et de la crainte de déplaire aux autres.

§ 88

 [•]La quatrième cause vient de ce que les collecteurs n’ont aucune loi qui les assujettisse par leur intérêt particulier, c’est-à-dire par des punitions suffisantes, à ne demander pour taxe annuelle à chaque famille qu’une taxe tarifée par rapport à son revenu ou profit annuel. Le Conseil leur a donné très imprudemment il y a longtemps le droit de taxer chaque habitant selon leur conscience, c’est-à-dire d’une manière purement arbitraire et sans les astreindre à aucun tarif.

§ 89

 [•]La cinquième cause vient de ce que les collecteurs sont la plupart très incapables de leur fonction, et de ce que n’étant collecteurs que pour un an, ils n’ont ni le loisir d’apprendre leur métier, ni l’attention qui serait nécessaire pour ménager les facultés des taillables dans la vue d’en être plus sûrement payés les années suivantes.

Première [•] et seconde source des disproportions
Défaut de connaissance [•] certaine du revenu des taillables dans le Conseil de finances et dans les intendants

§ 90

Dans la répartition de la taille les ministres des Finances et les intendants n’ont point d’autre but que la justice [•] et la proportion qui rendent naturellement le recouvrement plus facile ; et effectivement si la répartition annuelle était toujours bien proportionnée au revenu annuel des taillables, le recouvrement en serait incomparablement plus facile. Mais malheureusement faute de connaissance certaine de ce revenu [•], ces premiers répartiteurs se trouvent dans la nécessité de procéder sans aucune règle certaine dans leur répartition, et de faire par conséquent sans le savoir plusieurs injustices ruineuses.

§ 91

Supposons, par exemple, que le Conseil veuille lever cette année sur les taillables soixante-six [•] millions pour tous les différents articles compris dans les mandements de tous les intendants des généralités, son intention est certainement que [•] chacune des vingt généralités des pays d’élections ne portent de ce fardeau annuel qu’à proportion de ses revenus : Talia sint annua subsidia quales sunt annui reditus18. Mais il serait pour cela nécessaire qu’il connût avec certitude le total des revenus des taillables de chacune de ces vingt généralités pour faire cette répartition au sou la livre des totaux de leurs revenus.

§ 92

Mais comment connaîtra-t-il [•] avec certitude le total des différents revenus des taillables d’une élection, s’il ne connaît pas avec certitude le total des différents revenus de toutes les paroisses qui composent cette élection ?

§ 93

Enfin comment connaîtra-t-il [•] avec une certitude suffisante le total des différents revenus d’une paroisse, s’il ne connaît [•] avec une certitude suffisante le total des différents revenus de chacun des taillables qui composent cette paroisse [•] ?

§ 94

Ces différents revenus ou profits annuels de chaque taillable lui viennent de six sources : 1° par ses terres ; 2° par ses maisons ; 3° par ses rentes ; 4° par les fermes qu’il occupe, 5° par l’argent ou marchandises qu’il met dans son commerce ; 6° par son travail ou industrie, et par les subdivisions de ces six articles.

§ 95

Cependant sans la connaissance certaine et en détail de tous les revenus de toutes les familles taillables d’une paroisse, l’intendant peut-il jamais connaître avec la moindre sûreté [•] le revenu total des taillables de cette paroisse, ni le comparer avec les totaux du revenu des taillables de toutes les paroisses de l’élection ? Et par conséquent peut-il jamais connaître avec certitude le total du revenu des taillables de sa généralité ? Et par conséquent le Conseil peut-il jamais en avoir plus de connaissance que les intendants, ni comparer avec certitude le total du revenu des taillables de cette généralité avec les totaux du revenu en livres tournois des taillables des autres généralités [•] ?

§ 96

Comme le Conseil a été jusqu’à présent privé de la connaissance certaine des six genres de revenus de chaque famille taillable, et par conséquent de toutes les familles, de toutes les paroisses, de toutes les élections, de toutes les généralités, il s’ensuit que le Conseil n’a pu avoir jusqu’ici de connaissance suffisante pour proportionner le fardeau du subside de la taille en livres tournois entre les généralités, et que ce défaut de connaissance suffisante dans les premiers répartiteurs a dû nécessairement produire des disproportions considérables entre généralité et généralité, entre élection et élection, et entre paroisse et paroisse [•] ; disproportions où l’on a tâché de remédier à différentes reprises, mais on n’a pu remédier ni à toutes, ni entièrement, faute de connaissance suffisante.

§ 97

À supposer, par exemple, la généralité de Caen trop chargée seulement d’un huitième en comparaison de la généralité [•] d’Alençon, qui m’assurera que l’élection de Valognes ne soit pas chargée d’un sixième plus que l’élection [•] de Coutances, qui sont toutes deux de la généralité de Caen ? Qui m’assurera que la paroisse de Saint-Pierre-Église qui est de l’élection de Valognes ne soit pas chargée d’un quart plus [•] que la paroisse de Tourlaville à proportion du total du revenu en livres tournois des habitants de chacune de ces deux paroisses ? Or combien ce huitième, ce sixième, ce quart de trop sur une élection n’accable-t-il pas de paroisses, et par conséquent de familles qui sont ensuite taxées par les collecteurs, les unes à un quart, les autres à une moitié, d’autres au triple plus qu’elles ne paieraient s’il y avait des tarifs pour toutes les sortes de revenus, si la proportion était observée entre élection et élection, aussi bien qu’entre généralité et généralité.

§ 98

Il s’est trouvé, par exemple, dans l’élection de Niort des paroisses protégées qui étaient trop peu chargées, les unes de deux tiers, les autres de moitié comme Gourville, Aulnay19 et quelques autres, tandis que des paroisses non protégées payaient un tiers plus qu’elles ne devaient. Cela s’est vérifié par les tarifs sur les fruits de la terre, sur l’industrie et sur les bestiaux. Les tarifs étaient les mêmes dans toutes les paroisses de cette élection et sont une règle sûre pour démontrer, à n’en pouvoir douter, l’excès de ces disproportions entre paroisse et paroisse. Ces tarifs ont démontré de même une infinité de disproportions ruineuses entre famille et famille.

§ 99

J’ai démontré [•] dans mon premier mémoire imprimé20 une semblable disproportion entre quatre des paroisses qui composent la baronnie de Saint-Pierre par le dénombrement exact des différents revenus des taillables de ces quatre paroisses de l’élection de Valognes.

§ 100

Il y a même une considération très importante à faire, c’est que quand par hasard dans le système de la taille arbitraire, la généralité de Rouen, par exemple, ne serait pas plus chargée à proportion du total du revenu des taillables de cette généralité que la généralité de Caen, il pourrait aisément arriver que les élections, les paroisses et les familles de la généralité de Rouen étant disproportionnément chargées devraient de très grands restes21 chaque année, tandis que la généralité de Caen n’ayant été chargée qu’à proportion du revenu des taillables, et n’ayant pas souffert de pareilles disproportions excessives entre famille et famille, ne devrait rien, ou presque rien de leurs taxes.

§ 101

De là on peut conclure que la comparaison des restes d’une élection ou d’une généralité aux restes d’une autre élection et d’une autre généralité ne peut jamais donner une connaissance certaine, une connaissance suffisante de leurs différents revenus, à moins que l’on ne suppose que les répartitions ont été faites avec la même régularité, ou du moins avec la même irrégularité : mais ce serait supposer un fait qui ne peut jamais être connu avec la moindre [•] certitude, ni par l’intendant, et moins encore par le Conseil.

§ 102

Cependant il faut l’avouer, c’est la considération de ces restes qui a fait jusqu’à présent le seul fondement apparent des répartitions que font les ministres des Finances sur les généralités, et les intendants sur les élections suivant le témoignage des receveurs généraux.

§ 103

Le Hollandais sait si c’est le centième, ou le deux centième de son bien qu’il doit, et le collecteur ne peut rien lui demander au-delà. L’Anglais sait si c’est le dixième, ou le huitième du revenu de sa terre, et ne craint point le collecteur. Mais le taillable français ne sait jusqu’ici quelle partie de son revenu le roi lui demande, il ne lui sert de rien de donner une déclaration véritable de son revenu, ses juges eux-mêmes ne savent pas quelle portion il en doit cette année au roi.

§ 104

Il est certain que si l’imposition était modérée, et toujours répartie avec proportion sur chaque famille suivant les tarifs sur les différents revenus, il n’y aurait jamais de restes tant soit peu considérables, puisque les restes ne viennent que de l’impuissance du taillable, et que cette impuissance ne vient que de la disproportion excessive qui est entre la taxe annuelle de l’intendant et du collecteur, et le revenu annuel du taillable.

§ 105

Une paroisse pourra payer facilement deux mille livres de taille sans aucun reste, si la taille y est proportionnément répartie, au lieu qu’il y aura tous les ans deux ou trois cents livres de restes, si la répartition y a été mal faite et avec grande disproportion.

§ 106

Or conclurez-vous des restes de cette paroisse qu’il faut diminuer sa taxe, et augmenter la taxe de la paroisse voisine dans laquelle il n’y a point de restes ? Pourquoi n’en conclurez-vous pas au contraire qu’il n’y a qu’à faire observer la proportion de la répartition dans l’une comme dans l’autre, et se bien garder de charger la bien payante de ce dont on déchargerait la mal payante ?

§ 107

La résolution de diminuer l’une et d’augmenter l’autre serait, comme l’on voit, très imprudemment tirée de la règle fautive des restes, tandis que l’on n’est pas certain si la proportion a été observée dans la répartition entre les familles, et vous puniriez, pour ainsi dire, la paroisse bien payante d’avoir observé la justice dans la répartition.

§ 108

Or ce qui peut arriver à l’intendant, à l’égard de deux paroisses ou de deux élections, ne peut-il pas arriver de même au Conseil à l’égard de deux généralités en chargeant mal à propos celle qui n’a que peu de restes, mais dans laquelle on observe beaucoup de proportion, et cela pour diminuer la taille d’une généralité qui a beaucoup de restes, mais dans laquelle il y a eu beaucoup de disproportion dans la répartition ?

§ 109

On verra dans la suite que le moyen le plus facile de faire tarir ces sources de disproportions excessives [•], et celui qui est sujet à moins d’inconvénients, c’est de permettre à chaque taillable qui craint la taxe excessive de donner la déclaration de ses différents revenus, de permettre aux principaux habitants de déclarer les différents revenus de ceux qui n’ont point donné leur déclaration, et d’ordonner un tarif sur chaque espèce de revenu, afin que l’on fasse pour chaque paroisse un rôle des différents revenus de chaque taillable, pour pouvoir ensuite faire le rôle de répartition au sol la livre de la taxe de l’intendant suivant les tarifs sur chaque espèce de revenu du taillable.

Troisième source des disproportions [•]
Défaut de justice dans les collecteurs [•]

§ 110

Quand malgré le défaut de connaissance certaine du total des revenus de toutes les généralités, de toutes les élections et de toutes les paroisses, il serait arrivé une année, comme par miracle, que le fardeau eût été distribué par le Conseil avec beaucoup de proportion sur chaque généralité, et par l’intendant sur chaque élection, et même sur chaque paroisse, il reste toujours une autre grande source de disproportion plus fâcheuse que la première, c’est l’injustice des collecteurs qui sont les derniers répartiteurs.

§ 111

Cette injustice est connue de tout le monde, elle n’a rien de surprenant ; et même, à considérer les ressorts ordinaires des actions humaines, l’inclination des collecteurs pour les uns, l’aversion pour les autres, les recommandations, et les menaces ou de leurs juges ou de leurs créanciers, les promesses des riches, le désir de se venger, n’est-il pas visible que les collecteurs étant ébranlés souvent en même temps par tous ces différents motifs, il est comme impossible qu’ils ne fassent pas beaucoup d’injustices dans leurs répartitions, en supposant [•] même ce qui souvent n’est pas, c’est-à-dire en supposant qu’ils aient une connaissance exacte et certaine des différents revenus de tous les taillables de leur paroisse ?

§ 112

[Texte de 1723 supprimé.] [•] Ce n’est pas que nos rois n’aient fort désiré et recommandé l’observation de la justice et de la proportion dans la répartition de la taille ; la loi qui ordonne que les subsides soient imposés à proportion des facultés de chacun est très ancienne parmi nous : talia imponantur subsidia, quae facultatibus uniuscujusque respondeant, fut renouvelé par Saint-Louis à l’occasion du subside de la taille dont il demanda une augmentation pour la guerre contre les mahométans. Les taillables réclamaient toujours cette loi devant les commissaires du prince lorsqu’ils se plaignaient de la disproportion et ils s’en plaignaient souvent.

§ 113

Mais pour faire observer la loi de proportion, il ne suffit pas que le législateur montre qu’il désire cette observation ; il faut encore qu’il fasse en sorte par les articles de la même loi que ceux à qui il la donne ou ne puissent la violer ou soient, par des punitions suffisantes et inévitables, plus intéressés à l’observer qu’à ne pas l’observer. Or c’est ce qui n’a pas été fait jusqu’ici, faute d’avoir inséré dans la loi quinze ou vingt articles pour établir les tarifs différents sur les différentes espèces de revenus ou gains annuels du taillable, et faute d’avoir assujetti les collecteurs à le taxer suivant sa déclaration et suivant les tarifs.

§ 114

Ainsi il arriva dès les premiers temps que la taille fut répartie par les commissaires du roi avec beaucoup de disproportion, parce que ces commissaires étrangers ne connaissaient pas suffisamment ni les différentes paroisses ni les facultés des différentes familles de chaque paroisse et d’ailleurs étant souvent mal choisis, ils étaient plus faciles ou à tromper ou à corrompre.

§ 115

Comme le total de l’impôt de la taille fut longtemps très modique en lui-même, les disproportions n’étaient pas ruineuses ; mais à mesure qu’on l’augmenta, ces disproportions firent naître des plaintes de tous côtés.

§ 116

Le remède qui se présenta alors naturellement à l’esprit des ministres, ce fut de donner à un canton de cent paroisses plus ou moins la liberté d’élire eux-mêmes des commissaires du pays mieux instruits et plus intéressés pour faire sur les paroisses et sur les familles de chaque paroisse la répartition du subside demandé. Ces commissaires furent appelés élus du peuple ; chaque canton fut appelé élection ; un certain nombre d’élections payaient à un trésorier général des finances et l’étendue du pays où s’étendait la fonction du trésorier ou des trésoriers généraux des finances s’appela généralité.

§ 117

Telle est l’origine des élus des élections et des généralités : les élus qui étaient dans les commencement des gens de mérite distingué, et qui étant du pays même connaissaient les forces des paroisses firent observer un peu la proportion pendant quelque temps, tant entre les paroisses qu’entre les habitants des paroisses.

§ 118

Mais comme il n’était pas juste d’employer ces commissaires sans les dédommager du temps qu’ils mettaient à rendre justice, on crut bien faire d’attribuer des gages à ces emplois ; mais ces gages devinrent bientôt l’objet des gens avares et corrompus qui jugèrent que s’ils pouvaient obtenir ces places, ils vendraient bientôt chèrement leur protection et aux paroisses et aux familles, en recevant des présents.

§ 119

On ne fut pas longtemps à apercevoir la corruption de ces nouveaux élus ; les paroisses et les particuliers en portèrent leurs plaintes de toutes parts ; le conseil du roi y chercha un remède et trouva un expédient meilleur que le premier ; ce fut que les élus ne se mêleraient que d’étudier la force et les facultés des différentes paroisses pour en rendre compte au trésorier ; et quelques règnes après, ils rendirent ce même compte aux intendants, que la cour envoya dans les provinces ; [Fin du texte de 1723 supprimé.]

§ 120

 [•]Il y a déjà plus de cent ans que chaque paroisse est obligée de nommer tour à tour elle-même trois ou quatre habitants par chaque année, pour faire sur chaque famille la répartition du subside demandé à la paroisse, et que ces collecteurs sont obligés d’en faire ensuite la collecte à leurs frais, d’en faire même les deniers bons22, et de payer le total au receveur.

§ 121

Par la nomination de ces habitants, le Conseil crut alors avoir d’un côté suffisamment pourvu à la connaissance certaine des revenus de chaque famille, et comme ces collecteurs étaient responsables des deniers, le ministre des Finances crut de l’autre qu’ils étaient suffisamment intéressés à faire la répartition juste et proportionnée aux revenus annuels des taillables.

§ 122

Mais [•] il s’est trouvé dans la suite quatre grands inconvénients dans cette ordonnance.

§ 123

Le premier que comme les collecteurs changent tous les ans, tous n’ont pas une connaissance suffisante des revenus de tous les paroissiens, surtout lorsque la paroisse contient plus de deux cents familles.

§ 124

Le second est que le collecteur, qui ne reviendra de six ans, de dix ans, de vingt ans à la collecte, ne craint pas d’imposer un taillable à vingt livres cette année, parce qu’il a quelque argent pour acheter une vache, quoiqu’il n’en dût porter que dix ; mais il est sûr d’en tirer facilement cette année les vingt livres dont il est responsable dans son année de collecte, sans se soucier si [•] la taxe de ce taillable est proportionnée ou non à son revenu et à l’intérêt au denier vingt de l’argent qu’il a dans le commerce des bestiaux.

§ 125

 [•]Le troisième inconvénient et le plus grand est que ce taillable taxé au double, qui ne sait par aucun tarif quelle proportion sa taxe doit avoir avec son revenu annuel, ne saurait se défendre contre une taxe excessive du double que le collecteur lui impose.

§ 126

Le quatrième inconvénient, c’est que le collecteur qui prévoit que son parent, que son ami sera collecteur l’année suivante, ou dans deux ans, le décharge de la moitié de sa taille pour en charger le reste de la paroisse, pour recevoir pareille faveur de lui quand il sera collecteur.

§ 127

Je sais bien que pour remédier à cette taxe disproportionnée que font les collecteurs, le Conseil permet au taillable vexé de faire assigner les riches favorisés en comparaison de cote, ou de taxe, ou en surtaux, mais c’est un remède pire que le mal, à cause de la multitude prodigieuse des procès ruineux que cette permission fait naître tous les jours entre les taillables [•] ; et puis, est-ce un remède pour un pauvre taillable imposé à deux pistoles, lorsqu’il ne devrait être imposé qu’a une, de lui dire : Attaquez un de ces six taillables riches qui ne sont pas imposés à la moitié de ce qu’ils devraient porter ; commencez un procès de cinquante francs pour vous faire décharger de dix francs.

§ 128

 [•]Ne serait-il pas incomparablement mieux d’obliger les collecteurs eux-mêmes, sous peine suffisante et inévitable, à imposer le taillable au sol la livre de son revenu, suivant la déclaration que le taillable donnera toujours vraie, de peur de l’amende du quadruple au profit des collecteurs pour les trois quarts, et de l’autre quart au profit de la paroisse ?

§ 129

Sans cet expédient, il arrivera nécessairement que tant que les riches trouveront par leur crédit le moyen de faire surcharger les pauvres, il y aura des restes et de mauvais deniers pour les collecteurs, et beaucoup de frais pour les particuliers ; et cela, quand même chaque paroisse, chaque élection ne porterait que la partie du fardeau qui serait proportionnée à ses forces, parce qu’il suffit pour opérer ces restes que, par l’injustice des collecteurs qui sont les derniers répartiteurs, il se trouve tous les ans des disproportions excessives dans la répartition entre famille et famille.

Quatrième source des disproportions excessives [•]
Défaut du côté de la loi

§ 130

Si la loi obligeait le collecteur, sous peine d’amende suffisante envers le taillable, de ne lui demander qu’une certaine portion de son industrie, de son travail, c’est-à-dire certaine portion de son profit annuel ; qu’une certaine portion de son revenu, par exemple, la huitième ou la sixième partie, suivant le tarif qui en serait prescrit ; si la loi ordonnait que la taxe du taillable suivrait au sol la livre la taxe du rôle des revenus de la paroisse fait sur les déclarations des taillables et sur les tarifs du roi, il est visible que la répartition de la taille que fait le collecteur serait toujours proportionnée aux revenus et profits annuels de chaque taillable.

§ 131

Il est donc nécessaire que le Conseil donne enfin une pareille loi et de pareils tarifs sur les différentes espèces de revenus, afin que le collecteur puisse former la taxe tarifée des revenus de chaque taillable, et afin que quand il aura reçu de l’intendant la taxe exigible de la paroisse, il puisse faire cette taxe exigible sur chaque taillable au sol la livre de sa taxe tarifée qui sera dans le registre ou rôle de proportion, comme nous l’expliquerons plus amplement, en augmentant la taxe exigible de l’intendant au sol la livre, parce que je suppose que le total du mandement de l’intendant sera plus fort que le total des taxes tarifées du rôle de proportion de la paroisse.

Cinquième source des disproportions excessives [•]
Défaut de compagnies perpétuelles destinées à faire la collecte

§ 132

Les six deniers pour livre soit de la première taille, soit des additions à cette première taille, ne peuvent jamais dédommager les collecteurs de la moitié ni de leurs vacations, ni des mauvais deniers. Ainsi il n’est pas étonnant qu’ils ne veuillent pas rester collecteurs.

§ 133

D’un autre côté comme chacun est forcé de faire la collecte à son tour, il est impossible que ceux qui seraient les plus propres à cette fonction dans la paroisse soient toujours nommés collecteurs. Il arrive même que ce sont souvent des habitants qui ne savent ni lire ni écrire ni calculer, et qui ne connaissent ni les méthodes ni les expédients du recouvrement.

§ 134

Mais le plus grand mal vient de ce que les collecteurs ne craignent point de trop charger et de ruiner le petit commerçant, ou celui qui a quelque argent en marchandise, parce qu’ils sont sûrs d’en être facilement payés, ni de trop charger le taillable industrieux et économe sans se soucier de le ruiner, parce qu’ils ne seront plus collecteurs l’année suivante et qu’ils ne répondront plus des deniers de la taille.

§ 135

Ces collecteurs passagers n’étant pas instruits perdent beaucoup de pas et de journées à des courses inutiles et dans les prisons. Ils font même beaucoup de frais, et de faux frais que ne feraient pas les compagnies de collecteurs perpétuels devenus habiles dans leur métier par une pratique de plusieurs années, et ils ne chargeraient jamais trop ceux des petits et grands commerçants qui auraient eu soin de donner leurs déclarations justes de toutes les sommes de 200 £ qu’ils ont dans le commerce.

CHAPITRE III [•]

Observations pour l’établissement des compagnies de collecteurs perpétuels

I

§ 136

Je suppose que la répartition annuelle soit faite tant sur la déclaration annuelle des imposables de leurs différents revenus que sur la déclaration donnée par les douze principaux habitants, nommés par le subdélégué, des revenus des non-déclarants qui n’auraient pas voulu la donner eux-mêmes.

II

§ 137

Je suppose que l’on divise une élection en communautés ou collectes générales, composée chacune depuis vingt jusqu’à trente paroisses, rapportant au roi depuis soixante et dix jusqu’à quatre-vingt mille livres ou environ, contenant chacune depuis trois mille jusqu’à quatre mille taillables.

III

§ 138

Je suppose qu’il y a environ vingt-deux mille paroisses dans les vingt généralités ou pays d’élections, les unes plus, les autres moins nombreuses en habitants, et que, le fort portant le faible23, chacune soit estimée de cent vingt habitants taillables : il y a ordinairement trois collecteurs par paroisse de cent vingt familles. Ils sont plus grand nombre dans les paroisses plus nombreuses, c’est au moins soixante-six mille collecteurs passagers qui sont la plupart accablés par les frais, par leurs avances et par des emprisonnements.

§ 139

Or le recouvrement de la taille se fera beaucoup plus facilement et à moindres frais par une compagnie de sept ou huit collecteurs volontaires et perpétuels dans chaque collecte générale d’environ vingt-cinq paroisses, ce qui ne ferait que six mille six cents collecteurs perpétuels qui seraient suffisamment payés par le revenu de leur emploi, formé par le sol pour livre de leur recette, pour en désirer la continuation. Ainsi il n’y aurait plus de collecteurs ruinés par leurs années de collecte. Enfin il y a une grande différence entre soixante-six mille hommes occupés au recouvrement, et six mille six cents seulement.

IV

§ 140

On sait que dès 1630 chaque paroisse nommait tous les ans à tour de rôle des collecteurs, et leur donnait six deniers pour livre de la taille de la paroisse pour en faire le recouvrement sur les autres taillables et pour en faire les deniers bons24 ; mais comme l’imposition était plus de la moitié moindre qu’elle n’est aujourd’hui, il y avait peu de mauvais deniers ; cependant dès ce temps-là on regardait dans les paroisses ces années de collecte comme fort onéreuses aux collecteurs ; et effectivement il eût fallu imposer un sol pour livre pour frais de collecte et pour en faire les deniers bons.

V

§ 141

Tout le monde sait que, depuis cent ans, ce que l’on appelle la première taille a augmenté peu à peu du double de ce qu’elle était en 1630, et qu’il y a outre cela très souvent des ustensiles, des fourrages, le dixième, la capitation, et autres nouvelles impositions sur les mêmes redevables, que l’on appelle suites de la première taille, ou taille principale, et [qui] ensuite montent souvent au tiers, à la moitié de cette première, et quelquefois à pareille somme que cette première taille. Ainsi il y a présentement beaucoup plus d’avances à faire par les collecteurs, et de mauvais deniers à leur charge.

§ 142

Cependant le Conseil, faute de représentations efficaces de la part des collecteurs, a négligé jusqu’à présent de faire rien imposer au-delà des anciens six deniers pour livre sur chaque paroisse, pour dédommager les collecteurs de ces avances et de ces mauvais deniers de leur collecte. Et effectivement ils n’ont que les mêmes six deniers qui s’imposaient il y a cent ans en leur faveur. Cette négligence fait que l’année de la collecte est devenue si onéreuse pour les collecteurs qu’il y en a peu qui n’en demeurent les uns très incommodés dans leurs affaires durant dix ans, et la plupart presque ruinés pour le reste de leur vie.

VI

§ 143

Il fallait pour empêcher cette ruine des collecteurs augmenter le droit de collecte à mesure que les subsides augmentaient, et il est visible que pour dédommager les collecteurs, le conseil eût dû dès il y a soixante ans faire imposer en leur faveur un sou pour livre du total de la taille et autres impositions, et il n’est pas moins certain que la collecte leur eût été encore assez à charge.

§ 144

J’en juge par quelques marchés qui se font en quelques endroits dans l’élection de Valognes et ailleurs, où il y a des gens habiles et laborieux qui prennent des collectes de certaines paroisses à forfait à deux sols par livre du total des deniers imposés sur la paroisse ; mais comme le gain de ces collecteurs à forfait est encore fort faible, la plupart s’ennuient bientôt d’un métier si fatigant, si peu lucratif, si incertain, et qui ne dure que peu d’années.

VII

§ 145

Tout le monde convient que la perte que font annuellement les collecteurs est une forte imposition qui se lève annuellement sur chaque paroisse, puisque tous les habitants passent tour à tour, et plusieurs fois, dans leur vie par cette fâcheuse année de collecte. Or il n’y a personne qui ne voie qu’il serait bien plus juste, bien plus raisonnable, bien plus dans les intérêts du roi, et de ses sujets, de faire porter annuellement et proportionnellement cette fâcheuse imposition à tous les habitants de la paroisse que d’en charger chaque année trois ou quatre malheureux habitants, qui la plupart n’entendent rien à ce métier.

§ 146

Or si au lieu de six deniers pour livre de la première taille, on levait sur chaque paroisse seulement un sol pour livre du total des impositions, si l’on composait une collecte générale d’environ 25 ou 30 paroisses, et si l’on destinait ce droit d’un sol pour livre à sept ou huit hommes laborieux industrieux, accoutumés aux recouvrements, ce sol serait d’un côté suffisant pour leur faire désirer la fonction de collecteurs à forfait, et de l’autre ce fardeau deviendrait très léger pour la paroisse, en comparaison des malheurs qu’opère la méthode de la collecte forcée qui est devenue aujourd’hui trois fois plus onéreuse que la collecte d’il y a cent ans.

§ 147

On comprendra facilement que les pertes des collecteurs forcés et passagers sont très réelles et excessives, quand on se souviendra que les restes des tailles dont le roi déchargea les taillables en 172025 montaient à plus de quatre-vingt-quatre millions de livres, dont il n’aurait jamais pu tirer la moitié qu’avec dix millions de frais.

VIII

§ 148

Il y a une observation importante à faire, c’est que la plupart des collecteurs d’aujourd’hui arrivent tout neufs au métier de collecteurs, plusieurs ne savent pas lire, et moins encore savent-ils tenir des registres et employer les différentes adresses pour tirer l’argent des différents débiteurs : c’est un métier que les habiles receveurs n’apprennent que par une expérience de plusieurs années. Cela fait que les malhabiles emploient deux ou trois journées où les plus habiles n’emploient qu’un demi-jour.

IX

§ 149

De là il suit que si huit hommes, tels que sont ceux qui prennent dans l’élection de Valognes des collectes de taille à forfait, entreprenaient de recouvrer environ quatre-vingt mille livres d’impositions d’une collecte générale de vingt-cinq ou trente paroisses à un sol pour livre, ils pourraient gagner 4 000 £ par an, c’est-à-dire assez pour désirer de rester toute leur vie dans ce métier, et d’un autre côté ils ne gagneraient pas trop. Ainsi la paroisse, qui paie déjà six deniers par livre de plus du total de toutes les impositions, serait déchargée d’un terrible fardeau.

§ 150

Tel serait le merveilleux avantage que le public tirerait de ces compagnies de collecteurs perpétuels et à forfait, qui y trouveraient un intérêt suffisant s’ils avaient à recouvrer une somme considérable sur un canton de vingt-cinq ou trente paroisses contiguës, car en trois ans, soit par leur propre expérience, soit par les instructions des anciens associés, et en partageant entre eux six ou sept paroisses à deux d’entre eux, ils auraient des mémoires exacts de tous les différents revenus de tous les taillables de leur collecte générale.

§ 151

Tel serait l’effet de leur industrie mise en œuvre par une récompense modique, et cependant suffisante ; tel serait l’effet de la création et du perfectionnement d’un métier tout nouveau, du métier de collecteur volontaire perpétuel et à forfait, destiné pour une collecte générale qui serait suffisante pour les occuper tous toute l’année, et tout le long de la journée assez utilement pour eux-mêmes, beaucoup plus utilement pour les taillables, et pour la sûreté des deniers du roi, et pour en augmenter la facilité du recouvrement. Ces six deniers de plus, c’est un quarantième de plus. Or qui est le taillable payant vingt livres de taille qui ne demandât avec instance de payer dix sols de plus par an, pour être garanti pour toujours des fâcheuses années de la collecte ?

X

§ 152

De là il suit que huit collecteurs perpétuels et volontaires dispersés dans trente paroisses feraient autant pour le service du roi que quatre-vingt-dix collecteurs passagers et forcés qui emploient au moins cent vingt jours chacun à leur collecte ; chaque journée, l’une portant l’autre26, à dix sols chacune, c’est 45 £ par jour et 5 400 £ pour 120 jours ; cela, joint aux 2 000 £ pour les anciens six deniers pour livre, fait 7 400 £, et pour en être quittes, ces trente paroisses ne paieraient par an aux huit collecteurs perpétuels que 4 000 £ par an.

§ 153

Ainsi de ce côté-là seul elles gagneraient 3 400 £ par an à user de la méthode des collecteurs volontaires et perpétuels à un sol pour livre, sans compter : 1° les avances, 2° sans compter [sic] les frais des huissiers, 3° sans compter les emprisonnements, 4° sans compter les mauvais deniers des taillables trop chargés qui meurent insolvables, ce qui monte, année commune, à plus de 2 000 £.

XI

§ 154

Il y aurait telles paroisses si peuplées, si riches et si voisines que six de ces paroisses suffiraient pour former une collecte de quatre-vingt mille livres ; mais cela serait rare, et alors peut-être que les collecteurs volontaires et perpétuels pourraient se contenter de neuf ou dix deniers pour livre. Mais ce sont de petites attentions que pourra avoir l’intendant pour diminuer le droit de collecte, comme il sera quelquefois obligé de l’augmenter d’un ou de deux deniers quand les paroisses de la collecte seront en trop grand nombre, et trop éloignées les unes des autres.

XII

§ 155

De là il suit que personne ne serait jamais ruiné dans les vingt-cinq ou trente paroisses d’une collecte générale, ni par aucune disproportion excessive dans la répartition de la taille, ni par aucune année de collecte, puisque la taille se répartirait nécessairement suivant les déclarations des redevables ou des principaux habitants, et suivant les tarifs au sol la livre de leurs revenus ; et puisque de plus il n’y aurait plus de collecteurs forcés.

XIII

§ 156

Ces huit collecteurs volontaires gagnant environ 500 £ chacun par an se remplaceraient facilement par scrutin en présence du subdélégué à la pluralité des voix des associés et ils formeraient ainsi une communauté perpétuelle.

XIV

§ 157

Comme deux d’entre eux porteraient toutes les semaines leur collecte au receveur de l’élection, ils n’auraient jamais plus de trois mille livres entre les mains ; ainsi il suffirait que chacun d’eux, pour répondre, eût, ou une caution, ou du fonds pour deux ou trois mille francs, d’autant plus qu’ils seraient tous prenables solidairement et par corps.

XV

§ 158

Il y a dans l’élection de Valognes, généralité de Caen, cent soixante et quinze paroisses divisées en cinq sergenteries. C’est une ancienne division qui avait été faite pour le service militaire des fiefs du ban et arrière-ban. On pourrait les diviser en six collectes générales d’environ vingt-neuf paroisses chacune. La collecte générale du bourg de Saint-Pierre-Église pourrait être composée des mêmes vingt-neuf paroisses qui composent la sergenterie du Val de Saire qui contient environ 3 900 taillables. Je prends cette collecte générale pour exemple ; il y a environ quatre-vingt-dix collecteurs. On peut supposer que les autres cinq parties de l’élection ont à peu près autant de collecteurs, ce qui ferait 550 collecteurs annuels, dont l’ouvrage serait fait et mieux fait par quarante-huit collecteurs perpétuels.

XVI

§ 159

Il n’y aurait plus de procès entre les habitants pour passer à la collecte chacun à son tour. Or on sait que ces procès font le même effet qu’une nouvelle imposition sur les taillables.

XVII

§ 160

Les receveurs des élections auraient près de trente fois moins de travail, car au lieu d’avoir à recevoir et à compter avec 29 paroisses qui font autant de collectes particulières, ils n’auraient à recevoir et à compter qu’avec une seule recette générale et avec gens habiles à faire des comptes. Or une recette générale d’environ 3 900 taillables et de quatre-vingt mille livres de toutes impositions ne leur dépenserait pas plus de temps qu’une paroisse de cent taillables et de deux mille livres d’impositions.

XVIII

§ 161

Il serait incomparablement plus facile à l’intendant de contenir huit collecteurs perpétuels, gens sages et sensés, dans les règles de la justice lors de la répartition, que de contenir quatre-vingt-dix ignorants, agités de diverses passions.

XIX

§ 162

Il serait incomparablement plus facile à l’intendant et à son subdélégué d’avoir des états au net et au juste de tous les revenus de tous les taillables, par les mains de huit collecteurs perpétuels habiles d’une collecte générale, que de les avoir par les mains de quatre-vingt-dix collecteurs annuels ignorants : ainsi il verrait bien plus facilement, bien plus promptement et bien plus sûrement de combien les revenus de telle collecte et de telle élection sont plus grands que les revenus de telle autre élection voisine.

§ 163

Il pourrait ainsi proportionner leurs taxes respectives à leurs revenus et par la même voie le Conseil verrait plus promptement de combien une généralité a plus de revenu taillable que telle autre. Ainsi il pourrait de même très facilement et avec sûreté proportionner les impositions à la force de chaque généralité, ce qu’il ne saurait jamais faire sans cette méthode.

XX

§ 164

L’exécution des ordres du Conseil sur les tailles et sur les autres affaires serait incomparablement plus facile avec le secours des compagnies de collecteurs perpétuels, gens intelligents et expérimentés, que lorsqu’il faut passer par les mains des gens la plupart inhabiles et sans expérience de ces sortes d’affaires.

XXI

§ 165

Quand tous les taillables seront en sûreté de posséder leurs biens et de jouir tranquillement de tous leurs revenus en payant leur taxe proportionnée à leur déclaration, ils ne se laisseront plus faire tous les frais qu’ils supportent afin de passer pour pauvres et pour insolvables par des restes27 comme ils font aujourd’hui, et ils trouveront plus de prêteurs, parce que l’on prête plus facilement à celui que l’on sait qui ne pourra jamais être ruiné, ni par une imposition excessive, ni par la collecte.

XXII

§ 166

Si un collecteur volontaire s’enivrait souvent, s’il ne travaillait pas suffisamment, enfin s’il se gouvernait mal, il pourra être destitué par le subdélégué sur une requête signée de six d’entre eux.

XXIII

§ 167

Les collecteurs éliront un syndic entre eux pour trois ans, qui aura double part aux amendes et aux condamnations du quadruple ; ce sera lui qui distribuera les travaux aux autres ; il tiendra le principal registre et gardera les quittances du receveur.

XXIV

§ 168

Il faut viser à simplifier le recouvrement des subsides. Or cette méthode est beaucoup plus simple que la méthode ancienne ; il faudra vingt fois moins de mandements ; il se fera vingt fois moins d’exécutions, de contraintes, et d’emprisonnements de collecteurs ; et comme il y aura dix fois moins de collecteurs prisonniers, il y aura dix fois moins de frais et de perte de journées de ces prisonniers.

XXV

§ 169

L’idée d’obliger les collecteurs annuels à faire les deniers bons28 de la taxe imposée sur la paroisse est, ce me semble, avantageuse au roi ; mais comme, en cette considération, le Conseil leur donne la liberté de répartir arbitrairement cette taxe sur leurs amis, sur leurs ennemis et sur les petits commerçants qui ont de l’argent et des effets faciles à convertir en argent, il est évident qu’ils feront toujours des répartitions très injustes, et qu’ils choisiront certainement plutôt de charger davantage les petits commerçants bien payants que les autres taillables difficiles à discuter29.

XXVI

§ 170

De là il suit que les collecteurs passagers de l’année suivante chercheront à se venger à leur tour de la disproportion de la taxe de l’année précédente, et que ceux qui ont quelque argent en commerce sont bientôt hors d’état de continuer leur petit commerce.

§ 171

De là il suit que d’année en année le recouvrement devient plus difficile parce que ce sont tous les ans collecteurs nouveaux qui ne se mettent pas en peine de faire de recouvrement les années suivantes, et qui ne se soucient pas de ruiner deux ou trois taillables pourvu qu’ils recouvrent cette année la taxe dont ils sont répondants.

XXVII

§ 172

Si les mêmes collecteurs devaient faire le recouvrement durant dix ans, ils craindraient de mettre cette année plusieurs taillables hors d’état de continuer leur commerce et de payer leurs taxes les années suivantes, et cette crainte salutaire leur ferait désirer de rendre le fardeau proportionné avec les revenus de l’imposé ; mais chacun de ces collecteurs dit : Après moi fera les vignes qui pourra30, de sorte que je suis encore étonné qu’avec une si détestable maxime, il n’y ait pas encore plus de taillables ruinés.

XXVIII

§ 173

Cela doit faire conclure 1° que les collecteurs perpétuels, qui n’auront liberté d’imposer les taillables que suivant le registre de proportion fait lui-même sur les déclarations des douze principaux habitants et sur les tarifs du roi, de peur de l’amende, seront toujours bien payés, parce que personne ne sera jamais excessivement taxé.

§ 174

2° Que la ruine des taillables causée par la disproportion excessive et par la collecte ordinaire, étant désormais impossible, ils ne se réfugieront plus dans les villes.

§ 175

3° Que plusieurs bourgeois quitteront au contraire les villes pour habiter les campagnes, et qu’ainsi la terre étant la moitié mieux cultivée, nourrira la moitié plus de bestiaux.

§ 176

4° Que les manufactures se multiplieront.

§ 177

5° Que les habitants des petits ports feront trois fois plus de commerce.

§ 178

6° [Que] les fermiers porteront les fermages à un quart plus haut, et paieront plus exactement.

§ 179

7° Que les dîmes des curés et le champart31 de seigneurs augmenteront à proportion de l’augmentation de la culture, que les pauvres seront plus soulagés, et les revenus de la noblesse et du clergé considérablement augmentés.

XXIX

§ 180

Peut-être que l’on trouvera qu’il est à propos que les collectes soient composées d’une moindre somme que celle de quatre-vingt mille livres, par exemple, de cinquante mille francs ou de vingt mille écus, et par conséquent qu’il est à propos de réduire les huit collecteurs au nombre de cinq ou six ; peut-être aussi que l’on trouvera qu’il serait à propos de composer les collectes chacune de cent mille francs de recette, et d’augmenter par conséquent jusqu’à dix le nombre des collecteurs ; il peut y avoir des raisons pour ces différentes divisions. C’est à l’expérience à décider ces sortes de questions.

§ 181

Il est bien certain, par exemple, qu’il faudra un beaucoup moindre nombre de paroisses auprès de Paris pour former une collecte de quatre-vingt mille francs, qu’il n’en faudrait auprès de Valognes ; mais la chose doit être réservée à la prudence de l’intendant qui aura égard en cela à l’étendue et à éloignement des paroisses entre elles, au nombre des habitants, au plus ou moins de leurs revenus, à la grandeur et à la petitesse de leurs taxes : il est évident qu’il est la moitié plus facile de tirer quatre-vingt mille francs de deux mille habitants plus riches de moitié, que de les tirer de quatre mille moitié moins riches ; de même qu’il sera encore plus facile de les tirer des habitants qui n’occuperont qu’un terrain beaucoup moindre que de ceux qui occuperont un terrain beaucoup plus étendu, le reste étant égal ou proportionné.

AVERTISSEMENT

§ 182

Il peut bien être que la méthode des collecteurs perpétuels ne soit pas encore approuvée par le Conseil, et en ce cas on peut n’en point faire encore aucun essai : mais les intendants pourront toujours faire faire par les collecteurs annuels les essais sur les déclarations et sur les tarifs, pour parvenir à connaître sur quel sol la livre du revenu des taillables les familles des paroisses où l’on fera ces essais paieront le total de leur taille.

PROJET DE TAILLE TARIFÉE

CHAPITRE IV [•]

Projet d’arrêt du Conseil32 qui ordonne qu’il sera fait dans chaque généralité un essai de la méthode de la taille tarifée

§ 183

Le roi étant informé33 que les grandes difficultés et les grands frais qui se trouvent dans le recouvrement de la taille sont originairement causés par les disproportions excessives qui arrivent dans la répartition de ce subside annuel entre familles par les collecteurs annuels ; que la crainte de ces disproportions ruineuses oblige les marchands des petits ports taillables, les chefs de manufacture et les riches laboureurs d’abandonner les campagnes pour se réfugier dans les villes exemptes ou tarifées ; et que cet abandonnement34 diminue beaucoup depuis quelques années la culture des terres et le commerce intérieur ; étant d’ailleurs informé que ces disproportions ruineuses cesseraient si chacun des taillables donnait la déclaration véritable de tous ses revenus et gains annuels, et payait le subside annuel de l’État suivant les tarifs, et chacun à proportion de son revenu annuel ; que si les intendants étaient informés du résultat de toutes ces déclarations, et du revenu total de toutes les paroisses de chaque élection, il leur serait facile de faire avec sûreté la répartition proportionnelle, tant sur chaque élection que sur chaque paroisse ; et qu’ainsi le Conseil des finances informé avec plus de sûreté des revenus taillables de toutes les généralités, il aurait beaucoup de facilité à répartir le subside avec proportion sur chaque généralité ; et que si les collecteurs ou derniers répartiteurs étaient assujettis par des amendes suffisantes à répartir la taxe annuelle de leurs paroisses sur chaque taillable au sol la livre de ses différentes espèces de revenus annuels, spécifiés dans sa déclaration, nul taillable ne serait jamais ni vexé ni ruiné par les taxes arbitraires.

§ 184

Ouï le rapport, etc., le roi étant en son Conseil35 a ordonné et ordonne que par chaque intendant il sera fait cette année dans l’élection de sa résidence et ailleurs un essai de répartition suivant la méthode de la taille tarifée sur une collecte générale composée de vingt à trente paroisses, dans lesquelles les collecteurs perpétuels commis par l’intendant répartiront les sommes contenues dans les mandements adressés auxdites paroisses, le tout conformément aux articles suivants.

TITRE I
Compagnie de collecteurs perpétuels

§ 185

1° L’intendant formera dans chaque élection des collectes générales, composées à peu près depuis vingt jusqu’à trente paroisses pour former dans les années communes environ quatre-vingt mille francs de recette.

§ 186

2° Le subdélégué, après avoir consulté les syndics, les curés, et autres notables habitants des principales paroisses de la collecte générale, nommera pour la première fois trois des huit collecteurs perpétuels ; ces trois nommeront en sa présence le quatrième ; ces quatre nommeront le cinquième, et ainsi de suite, et ils auront tous des brevets de nomination de l’intendant.

§ 187

3° Ces huit collecteurs seront chargés de faire les deniers bons36, et de répartir la taille exigible du mandement de l’intendant sur chaque taillable de chaque paroisse de la collecte générale, suivant le registre des déclarations des différents revenus de chaque taillable suivant les tarifs ci-après spécifiés.

§ 188

4° Ils auront à leur profit un sol pour livre des sommes dont ils feront la répartition et le recouvrement, et les trois quarts des amendes des faux déclarants, et l’autre quart sera pour la paroisse.

§ 189

5° L’intendant sur l’avis du subdélégué nommera huit estimateurs parmi ceux qui ont le plus de réputation, de probité et de capacité dans chaque collecte générale, pour donner leur avis sur les estimations des revenus des taillables qui seront contestées comme fausses par les collecteurs.

§ 190

6° Si la collecte est de moindre nombre de paroisses, l’intendant nommera moindre nombre de collecteurs perpétuels.

TITRE II
Registre des déclarations des taillables [•]

§ 191

1° Tout taillable pourra, avant le premier septembre, signer la déclaration de ses différents revenus sur le registre des déclarations de la collecte générale, et si, dans les années suivantes, il y a des augmentations ou des diminutions à faire dans sa déclaration, il en sera fait mention dans le registre de supplément.

§ 192

2° Le non-déclarant ne pourra se pourvoir contre personne, ni même contre les collecteurs, ni pour les défauts de la déclaration que l’on aura donnée de ses différents revenus, ni pour l’excès de sa taxe.

§ 193

3° Les collecteurs en présence des douze principaux habitants de la paroisse, nommés par le subdélégué, avant le premier septembre, mettront dans le registre des déclarations, à la ligne de chaque non-déclarant, le mémoire de ses différents revenus.

§ 194

4° Ils feront avant le premier octobre le registre de proportions qui sera fait aussi par alphabet sur le registre des déclarations, et ils y taxeront toutes les différentes sortes de revenus de chaque taillable suivant les différents tarifs ci-après ordonnés, et cela en présence du commissaire et de quatre habitants nommés par le subdélégué.

§ 195

5° Quand les collecteurs auront reçu le mandement de l’intendant, ils procéderont à faire sur un registre particulier la répartition de la taille exigible sur chaque taillable, en présence du commissaire et de deux habitants nommés par le subdélégué, au sol la livre de la taxe tarifée contenue au registre de proportion, et cela avant le premier de décembre.

§ 196

6° Si par exemple le total des taxes tarifées des revenus des taillables de la paroisse, contenues dans le registre de proportion, monte à la somme de deux mille livres, et que Abraham Tirel y soit employé pour trente livres, et si d’un autre côté le total de la taxe exigible du mandement de l’intendant pour cette paroisse monte à trois mille livres, il est évident que la taxe exigible de ce Tirel montera à quarante-cinq livres dans le rôle de recette.

TITRE III
Registre de proportion

§ 197

 [•]Il faut deux rôles dans chaque paroisse : un rôle ou registre de proportion qui dure quelques années, et un rôle de recette ou d’exécution.

§ 198

Les collecteurs feront avant le premier octobre le registre de proportion, qui sera fait sur le registre des déclarations et par ordre alphabétique. À la tête de ce rôle on verra en abrégé les totaux de toutes les sortes de revenus annuels et des charges annuelles des taillables de la paroisse, et le total des articles de la taille de cette paroisse. Dans la conclusion on marquera que la taille est cette année à tel sol tant de deniers la livre, ou environ, dans la paroisse : ce qui est une opération d’arithmétique assez facile, en divisant le total des deniers du revenu par le total des deniers qui doivent être levés sur la paroisse.

§ 199

Chaque article de ce rôle de proportion contiendra : 1° les rentes actives et passibles du taillable ; 2° le nombre d’arpents de terre dont il jouit en propriété et la différente valeur annuelle de chaque arpent ; 3° les terres et autres héritages qu’il tient à ferme, le prix du bail et le nombre d’arpents de chaque espèce ; à l’égard des tenants et aboutissants, on ne les mettra que pour les terres où il y aura eu contestation pour le nombre d’arpents dans l’assemblée des taillables. Ainsi les collecteurs taxeront toutes les différentes sortes de revenus de chaque taillable, suivant les différents tarifs ci-après ordonnés, et cela en présence du commissaire et de quatre habitants nommés par le subdélégué.

§ 200

Ce registre de proportion sera beaucoup plus ample que celui d’exécution, sur lequel se fera la recette des collecteurs, comme il sera plus particulièrement spécifié dans les titres suivants.

§ 201

 [•]Le registre de proportion de la collecte générale sera en plusieurs volumes et ces volumes demeureront chez le syndic de la collecte générale, qui en donnera copie au greffe de l’élection afin que chacun puisse y avoir recours, et en pouvoir lever des extraits.

TITRE IV
Registre ou rôle de recette

§ 202

1° Les collecteurs perpétuels feront en plusieurs volumes le rôle de recette qui contiendra toutes les taxes exigibles, et il y aura du blanc au-dessous de chaque article pour donner la facilité aux collecteurs d’y écrire les divers paiements qui seront faits en déduction.

§ 203

2° Les volumes de recette seront rendus exécutoires dans la forme ordinaire. Les noms des taillables de chaque paroisse y seront par alphabet, et l’alphabet s’étendra non seulement aux noms de baptême, mais encore aux noms paternels ou de famille.

TITRE V
Registre de supplément

§ 204

Le quatrième registre que feront les collecteurs sera le registre de supplément. Ils le commenceront dès la seconde année de leur exercice : il contiendra par paroisses les nouveaux taillables et les augmentations ou les diminutions du revenu des anciens taillables, avec des renvois à la page du registre de proportion, lequel contiendra aussi à la marge la page du registre de supplément, et tous les quatre ou cinq ans le registre de proportion sera renouvelé, et l’on y ajoutera par alphabet le registre de supplément.

TITRE VI
Mandements pour la taille

§ 205

1° L’intendant ne fera qu’un mandement pour une collecte générale, mais il nommera dans son mandement les paroisses qui composent cette collecte générale, et marquera la somme que doit porter cette paroisse, et lorsqu’il aura le résultat de tous les revenus de tous les taillables de chaque paroisse de la collecte, il aura soin de proportionner le total de la taxe d’une paroisse au total des revenus des taillables de cette paroisse.

§ 206

2° Il aura soin de marquer dans son mandement le nombre de sols auquel est estimée la journée du journalier dans cette collecte générale.

§ 207

3° Quand l’intendant aura proportionné la taxe de chaque élection au total des taillables de cette élection, le Conseil, informé du total des revenus des taillables de toutes les généralités, proportionnera et taxera de même lors de la répartition du subside de la taille entre généralité et généralité.

TITRE VII
Obligation des collecteurs de faire leur répartition proportionnelle

§ 208

1° Les collecteurs ne pourront taxer aucun taillable sur le rôle de recette qu’au sol la livre de la taxe qui sera dans le registre de proportion, à peine de payer au plaignant le quadruple de l’excès.

§ 209

2° La taxe du non-déclarant pourra être augmentée tous les ans à proportion que le mémoire de son revenu sera augmenté.

§ 210

3° Les noms des non-déclarants seront donnés au subdélégué par les collecteurs avec des notes. Il les communiquera à l’intendant lors de sa tournée, afin qu’il puisse les taxer d’office à une plus haute taxe s’il le juge à propos, et à la décharge des déclarants de la paroisse de la collecte générale.

TITRE VIII
Déclaration des revenus qui sont hors de la collecte générale [•]

§ 211

1° Les collecteurs comprendront dans le registre de proportion les terres, maisons, moulins, rentes et autres revenus que le taillable domicilié dans une paroisse de leur collecte possède hors des paroisses de la collecte générale, soit comme propriétaire, soit come usufruitier, soit comme fermier. Ils comprendront aussi les héritages qu’il baille à ferme hors sa collecte, soit dans son élection et dans sa généralité, soit qu’elles n’en soient pas. Les taxes suivront toujours la personne et son domicile.

§ 212

2° Ainsi les collecteurs des autres collectes générales, où il n’a point son domicile, ne pourront le taxer pour raison desdits héritages, si ce n’est en cas qu’ils ne fussent pas employés sur le registre des déclarations de son domicile, et en cas que le taillable n’eût pas signifié avant le premier d’août aux collecteurs de la collecte où il fait son domicile, par lequel il paraisse qu’il y est employé pour les articles de la collecte où il n’est point domicilié.

§ 213

3° L’intendant dans ses mandements, à chaque collecte générale, aura égard à ces exploitations de non-domiciliés, et pour cet effet les collecteurs des collectes générales, qui souffriront pareilles exploitations des non-domiciliés, en donneront des notes au subdélégué avant la répartition de l’intendant.

§ 214

4° Comme il y a dans certains pays des usages différents, et que les biens sont taxés dans les paroisses où ils sont situés indépendamment du domicile du propriétaire ou usufruitier, l’intendant aura la liberté de s’y conformer.

TITRE IX
Tarif pour les revenus possédés en propriété [•]

§ 215

1° Dans le registre de proportion les collecteurs ne taxeront les terres, maisons et ventes que le taillable possède en propriété ou usufruit qu’à deux sols pour livre de leur revenu annuel, et composeront ce registre suivant le registre des déclarations des taillables déclarants et suivant les mémoires du revenu des taillables non déclarants [•].

§ 216

Il est raisonnable de déduire au moins le dixième du revenu d’une maison, pour les réparations ; comme quarante sols, pour une maison louée ou estimée vingt livres par an.

§ 217

2° Le tarif pour la propriété d’un moulin sera aussi de deux sous pour livre du revenu de ce moulin, mais après avoir déduit le tiers de ce revenu pour les réparations.

§ 218

3° Les rentes passives établies sur lesdits immeubles seront déduites avant de former la taxe tarifée [•] : car le taillable qui a 200 £ de rente active, mais qui doit une rente de cinquante livres, n’a réellement que 150 £ de revenu ; on doit de même déduire du total du revenu d’une paroisse ce que les habitants doivent de rentes ou d’autres redevances annuelles quand ces redevances excèdent trois livres.

TITRE X
Tarif des fermiers [•]

§ 219

1° Le tarif du preneur à ferme pour un certain nombre d’années sera dans le registre de proportion d’un sol pour livre du prix du bail. Les fieffataires37 ou preneurs à bail perpétuel, dont le contrat est postérieur au premier janvier 1700, seront traités comme les fermiers et seront sur le même pied d’un sou pour livre, mais les fieffataires ou preneurs à bail perpétuel dont le contrat est antérieur au premier janvier 1700 seront taxés à un tiers de plus, c’est-à-dire à un sol et demi pour livre, à cause de l’augmentation du prix des monnaies.

§ 220

2° Le tarif de la ferme d’un moulin sera dans le registre de proportion d’un sol pour livre du prix du bail ; mais si le meunier a dans son bail des terres, il donnera dans sa déclaration son estimation desdites terres et la donnera juste sous peine de fausse déclaration, afin que les collecteurs puissent déduire le tiers du revenu du moulin pour les réparations.

§ 221

3° Le tarif de la ferme générale d’une terre à forfait, dont le fermier sousferme les terres et métairies, sera dans le registre de proportion d’un demi pour cent du prix de son bail général ou des revenus dont il jouit à forfait, de sorte que si ce revenu est de dix-huit cents livres, cette taxe sera de neuf livres ; mais le tarif de la simple régie comptable ne sera que la moitié du tarif de la ferme générale à forfait.

TITRE XI
Tarif des commerçants [•]

§ 222

1° Le tarif de l’argent employé en marchandises de toute espèce entre les mains des marchands, des voituriers, des cabaretiers, hôteliers, facteurs, maîtres de barques, manufacturiers, banquiers et autres commerçants, déduction faite de leurs dettes passives, sera dans le registre de proportion de dix sols pour chaque somme de cent livres, dans les lieux où la taxe du journalier est à seize sols, et autant de fois [•] dix sols qu’ils auront de fois la valeur de cent livres dans le commerce, outre les autres taxes pour les terres, rentes, et autres revenus. Mais les laboureurs, fermiers et preneurs à bail perpétuel, qui ne feront point d’autre commerce que de leurs terres, ne paieront rien pour leurs bestiaux mais seulement pour leurs terres.

Éclaircissement

§ 223

200 £ au denier vingt produisent 10 £ dont le dixième est vingt sols. Or il semble que l’on ne doit rien demander aux petits commerçants pour leur commerce quand ils n’ont pas 200 £ en commerce, afin de multiplier les petits commerces et l’industrie des petits commerçants, qui parviendront bientôt à 200 £ d’argent en commerce, et alors ils paieront leur part du subside.

TITRE XII
Tarif du revenu du travail et de l’industrie des quatre classes des taillables [•]

§ 224

 [•]Entre les revenus qui doivent porter partie de la taxe, on doit mettre ce qui peut revenir de profit annuel du travail ou de l’industrie de tous les taillables qui seront divisés en quatre classes ; et dans les collectes dans lesquelles la journée de l’ouvrier aura été estimée huit sols par le mandement de l’intendant, le travail et l’industrie des taillables de la première et plus haute classe, sera de quatre livres dans le registre de proportion ; celle des taillables de la seconde classe sera de deux livres ; celle des taillables de la troisième classe, qui est des journaliers, sera de vingt sols ; celle des veuves des taillables, qui est la quatrième classe, sera de dix sols.

§ 225

Mais dans les élections où la journée du journalier sera estimée sept sols, la taxe tarifée du journalier sera dans le registre de proportion de dix-huit sols ; et dans celle où la journée sera estimée neuf sols, la taxe tarifée du journalier sera de vingt-deux sols ; et ainsi en augmentant ou en diminuant de deux sols par chaque sol d’augmentation ou de diminution, au-dessus ou au-dessous de huit sols. À l’égard de la taxe tarifée de la quatrième classe, elle augmentera ou diminuera à proportion, et sera toujours de la moitié de cette troisième classe.

§ 226

Il faut encore observer que ce journalier qui gagne, par exemple, sept sols six deniers par jour, journée commune d’hiver et d’été, ne travaille qu’environ 200 jours par an, parce qu’il faut diminuer les jours de fêtes et les dimanches, les jours qu’il ne trouve pas à travailler, et ses jours de maladie.

§ 227

Le maréchal, le serrurier et autre artisan, dont la journée vaut le double de celle du journalier, sera censé pouvoir amasser le double, c’est-à-dire 10 £ sa subsistance prélevée ; et payer par conséquent le double du journalier pour son industrie, c’est-à-dire quarante sols : de sorte que s’il y a dans sa paroisse onze artisans semblables, il faudra mettre le revenu des artisans pour un revenu taillable de cent dix livres.

§ 228

Il est certain qu’il y a des ouvriers et des artisans qui gagnent plus que d’autres ; mais il faut éviter, en les taxant pour leur industrie, des distinctions arbitraires de peu d’importance, lorsqu’elles causeraient des divisions parmi les paroissiens pour peu de chose. De plus au bout de quelques années, ceux qui font un plus grand gain n’en achètent-ils pas des morceaux de terre, des bestiaux, ou des rentes qui paient une partie de la taille de la paroisse ? Et ne faut-il pas entretenir entre les ouvriers l’émulation pour le travail et l’industrie, qui sont si utiles pour enrichir l’État ?

§ 229

Il est à propos que l’homme de métier déclare combien il a d’apprentis ou garçons travailleurs, parce qu’un apprenti gagne du moins cent sols par an pour son maître, c’est-à-dire autant qu’un journalier gagne pour soi, sa subsistance payée ; et si un journalier paye vingt sols pour son industrie, le menuisier ou autre artisan qui a deux garçons payera quarante sols plus que le menuisier qui n’a point d’apprentis.

§ 230

 [•]1° Il y aura entre les taillables quatre classes d’industrie, et dans les collectes dans lesquelles le pied commun38 de la journée du journalier aura été estimée huit sols par l’intendant dans ses mandements, le tarif du travail et de de l’industrie des taillables de la première et plus haute classe sera de quatre livres dans le registre de proportion.

§ 231

2° Celle des taillables de la seconde classe sera de deux livres.

§ 232

3° Celle des taillables de la troisième classe, qui est des journaliers, sera de vingt sols.

§ 233

4° Celle des veuves de tous les taillables, qui est la quatrième classe, sera de dix sols [•]. Il paraît juste de ne taxer l’industrie des veuves qu’à la moitié de la taxe du journalier, et leurs autres revenus comme les revenus des autres taillables. Elles doivent être exemptes de la taxe de l’industrie, si elles ont de petits enfants à nourrir.

§ 234

5° Dans les élections où la journée du journalier sera estimée sept sous, la taxe tarifée de la troisième classe qui est celle du journalier, sera dans le registre de proportion de [•] dix-huit sols, dans celle où la journée sera estimée 9 sols, la taxe tarifée du journalier sera de vingt-deux sols, et ainsi en augmentant ou diminuant de deux sols par chaque sol d’augmentation ou de diminution, au-dessus ou au-dessous de huit sols.

§ 235

6° La taxe tarifée pour l’industrie de la quatrième classe, qui est moitié de la troisième, diminuera ou augmentera à proportion, et sera toujours moitié de cette troisième classe.

TITRE XIII
Première classe d’industrie [•]

§ 236

1° Dans la première classe d’industrie seront compris les juges, avocats, greffiers, notaires, procureurs, huissiers des villes et autres officiers de justice ; les taillables exerçant la médecine ou la chirurgie, chefs de manufacture, habitants vivant de leur revenu sans profession déterminée ; négociants ou marchands qui auront la valeur de mille livres en commerce ; propriétaires de barques, receveurs ou fermiers généraux de terres ; et les cabaretiers qui donnent à loger paieront leur taxe d’industrie, outre ce qu’ils paieront pour leurs autres revenus ou profits annuels.

§ 237

2° Leur tarif dans le registre de proportion sera quatre livres dans l’élection où la journée du journalier sera estimée huit sols par l’intendant, et huit livres dans l’élection où la journée du journalier aura été estimée seize sols.

TITRE XIV
Seconde classe d’industrie [•]

§ 238

Dans la seconde classe d’industrie seront compris les fermiers, laboureurs, métayers, vendeurs de vin, de cidre, de bière, sergents des bourgs, copistes, merciers, menuisiers, maréchaux, corroyeurs, plâtriers, chaufourniers, selliers, chapeliers, tailleurs, cordonniers, tisserands, sauniers, boulangers, bouchers, vitriers, cordiers, tanneurs, cardeurs, jardiniers, voituriers, potiers d’étain, de terre, de faïence, faiseurs d’épingles et d’aiguilles, blanchisseurs, barbiers, perruquiers, charrons, charpentiers, maçons, serruriers, couvreurs, meuniers, et généralement tous autres artisans et gens de métier ; et leur tarif d’industrie sera de quarante sols dans le registre de proportion.

TITRE XV
Troisième classe d’industrie [•]

§ 239

Dans le troisième classe d’industrie seront compris les journaliers ou manœuvres, les valets ou domestiques taillables, garçons de boutique, compagnons, apprentis taillables ; et leur tarif d’industrie sera de vingt sols dans le registre de proportion.

§ 240

 [•]Il ne faut point, autant que l’on peut, rien laisser à décider arbitrairement, si l’on veut éviter les injustices, les plaintes et le découragement des pauvres non protégés.

TITRE XVI
Quatrième classe d’industrie [•]

§ 241

Dans la quatrième classe seront toutes les veuves des taillables, et leur tarif d’industrie sera de dix sols dans le registre de proportion [•], lorsque le journalier payera vingt sols.

TITRE XVII
Exempts de la taxe d’industrie [•]

§ 242

Ceux qui seront exempts de la taxe d’industrie sont les artisans et autres taillables de la seconde classe qui auront plus de trois petits enfants au-dessous de dix ans accomplis ; les journaliers et autres taillables de la troisième classe qui auront deux petits enfants ; les journaliers qui sont veufs chargés d’un petit enfant ; la veuve de la seconde et troisième classe chargée d’un petit enfant ; les infirmes, les soldats qui auront servi vingt ans ou qui seront estropiés ; les septuagénaires qui ne sont point de la première classe ; les mendiants, les maîtres et maîtresses d’école ; ceux qui auront été brûlés depuis deux ans, et ceux qui dans l’année depuis la dernière imposition auront été plus d’un mois dans l’impuissance de travailler par maladie ou blessure ; mais ces taillables exempts de la taxe d’industrie ne seront pas exempts des autres taxes, s’ils ont des biens qui y soient sujets [•]. L’intention du roi est que les taillables pauvres qui ont des enfants au-dessous de dix ans soient moins chargés de taille que ceux qui n’en ont point ; c’est pour cela que le simple journalier ou manœuvre qui en a doit les marquer dans sa déclaration afin d’être exempt de la taxe de l’industrie.

TITRE XVIII
Pour former le rôle de recette sur le rôle de proportion [•]

§ 243

1° Si le produit de toutes les taxes du registre de proportion se trouve moins fort d’un quart, d’un dixième ou autre partie que la somme portée par le mandement, les collecteurs volontaires, en faisant leur rôle de recette, n’auront dans leur supputation qu’à ajouter à l’article de chaque taillable ou un quart ou un dixième au sol la livre, et ce qui en résultera sera la taxe exigible du mandement.

§ 244

2° On ne mettra point de deniers dans le registre de la taxe de proportion, ni dans la taxe exigible, et s’il s’en présente, on les retranchera en faveur du taillable.

§ 245

3° Les collecteurs n’imposeront point une moindre somme que celle du mandement avec leur sol pour livre ; et comme, à cause des fractions qui se résolvent en deniers, ils seront obligés d’imposer plus que le mandement, ils ne pourront point imposer au-delà du vingtième de la somme totale de la paroisse, et ils seront obligés de tenir compte39 et de diminuer sur la taxe du mandement de l’intendant de l’année présente l’excédent du mandement de l’année précédente qu’ils auront mis dans le rôle de taxe exigible.

TITRE XIX
Punition des fausses déclarations [•]

§ 246

1° Le taillable qui aura signé sa déclaration sur le registre et qui l’aura donnée fausse ou incomplète, ou fait quelque estimation fausse, pourra être poursuivi par les collecteurs, et sera condamné au quadruple de ce que la fausseté lui aurait apporté de profit, et à deux cents livres d’amende, les trois quarts au profit des collecteurs poursuivants, et l’autre quart au profit de la paroisse [•].

§ 247

Il est à propos que le faux déclarant ne puisse pas espérer de profiter de sa fausse déclaration ou estimation, et qu’il soit ordonné qu’il rapportera au profit de la paroisse, non seulement les sommes qu’il aurait fraudées à la paroisse durant plusieurs années, mais encore le double de ces sommes, outre l’amende et les frais ; mais s’il a corrigé lui-même sa fausse déclaration et signifié sa correction suffisante, il ne pourra plus y être condamné.

§ 248

2° Si les collecteurs négligeaient durant un an de poursuivre ladite fausse déclaration, tout autre habitant de la collecte générale, taillable ou non taillable, pourra poursuivre le faux déclarant, et aura à son profit le profit qu’eussent pu avoir les collecteurs.

§ 249

3° Si les collecteurs avaient été trois ans sans poursuivre, ils seront par leur négligence condamnés à pareille amende envers le poursuivant ; et même s’il y avait preuve contre quelques-uns des collecteurs d’avoir reçu argent ou présent de la part du faux déclarant, il sera procédé contre eux extraordinairement comme criminels de malversation et selon le cas, les juges pourront le[s] condamner à une grande peine.

TITRE XX
Punition de la fausse estimation

§ 250

1° Celui qui exploite sa terre, ou qui occupe sa maison, le métayer ou fermier qui tient sa maison à moitié de fruits ou par des redevances ou denrées, pourra donner sa déclaration de la valeur annuelle en argent dudit héritage, et alors il ne pourra être taxé par les collecteurs que sur le pied de sa propre estimation, sauf à eux de prouver par l’avis de trois estimateurs de la collecte générale que cette estimation est fausse et trop faible, et en ce cas il sera sujet à la peine de fausse déclaration.

§ 251

2° Mais son estimation ne sera point sujette à cette peine si elle n’est trouvée d’un dixième au total trop faible ; par exemple, supposé que l’héritage ait été déclaré de valeur annuelle de quatre-vingt-dix livres, si l’estimation des estimateurs monte à quatre-vingt-dix-neuf livres, le déclarant ne sera point sujet à ladite peine, mais en ce cas il sera seulement condamné aux frais de l’estimation et aux dépens.

§ 252

3° Si par l’estimation des estimateurs l’héritage est estimé cent livres, il sera condamné à la peine entière de fausse déclaration.

§ 253

4° Si par l’estimation des estimateurs l’héritage n’est estimé que quatre-vingt-dix livres, c’est-à-dire que si l’estimation du déclarant n’a point été trouvée trop faible, les collecteurs eux-mêmes seront condamnés envers lui à deux cents livres de dommages et intérêts pour fausse accusation, et aux dépens [•].

Observations sur les déclarations et les estimations des terres [•]

§ 254

1. Comme il est nécessaire que l’intendant et le Conseil soient exactement informés du revenu en terres de chaque paroisse et qu’il y a des provinces où les terres sont mesurées différemment et sous différentes dénominations, les unes par arpents, d’autres par journaux, par acres, vergées, striérées ou strées40, ou autres manières d’en marquer l’étendue, il est à propos de réduire ces différentes mesures en arpents, et de spécifier au haut du rôle de proportion la réduction de ces mesures ordinaires de chaque province, en arpents de cent perches carrées, la perche de vingt-deux pieds de roi de longueur : ainsi cent carrés de vingt-deux pieds de chaque côté du carré font un arpent, comme dix perches de vingt deux pieds de chaque côté du carré font la même mesure. On pourrait néanmoins, dans les provinces où l’usage est de mesurer les terres par arpents, et où l’arpent n’est composé que de cent perches carrées de vingt pieds, employer dans les déclarations la mesure ordinaire du pays, en spécifiant le nombre et la longueur des perches carrées dont l’arpent est composé : mais il faut toujours que les autres manières de mesurer les terres soient réduites en arpents.

§ 255

2. La distinction des terres d’une paroisse, en bonnes, médiocres et mauvaises, donne, à la vérité, une connaissance moins grossière du revenu que chaque espèce de terre peut produire, et que s’il n’y avait aucune distinction ; mais cette distinction n’est point suffisante pour donner une idée juste de la valeur du revenu de chaque espèce de terres. Telles terres qui dans une élection, ou même dans une paroisse, seraient mises dans la classe des bonnes, eu égard à celles qui, dans les mêmes lieux, seraient de moindre valeur, ne seraient pas peut-être à beaucoup près de même revenu que les terres de la seconde ou troisième classe dans une autre élection ou dans une autre paroisse.

§ 256

Que la valeur de la bonne soit, par exemple, dans certains cantons, de quinze livres par an l’arpent, la valeur de la médiocre, dix livres, et la valeur de la mauvaise, cinq livres ; il y aura pourtant toujours cette différence, que dans un même terroir il y aura quelques arpents qui ne vaudront que douze livres dix sols, au lieu de quinze livres ; que parmi celles qui vaudront dix livres il s’en trouvera de sept livres dix sols seulement de revenu annuel ; et enfin dans les terres qu’on estimera cinq livres, il peut s’en trouver qui ne vaudront pas deux livres par an.

§ 257

Dans une autre élection, les meilleurs vaudront tout au plus dix livres, les médiocres six livres, et les mauvaises quelquefois pas trente sols l’arpent. Il se peut encore que dans les paroisses d’une même élection et voisines les unes des autres, il se trouverait aussi des différences considérables dans le revenu des terres. Or serait-il juste de taxer le taillable qui a dix arpents qui ne valent que dix ou douze livres à la même somme que celui qui a dix arpents de quinze livres de revenu chacun ? Ou de ne le taxer que comme celui dont les arpents ne valent que trois livres de revenu ? Et celui-ci comme celui dont les terres vaudraient cinq ou six livres par an ?

§ 258

Cette disproportion peut être encore plus grande à l’égard des prés et des bois taillis, et même dans les terres en pâturage. Il serait donc juste d’augmenter le nombre des classes des différentes terres, et de les multiplier, en sorte que l’arpent d’une classe ne fût estimé que vingt ou trente sols plus que l’arpent de la classe qui la suit immédiatement.

§ 259

Il faut, autant qu’il est possible, approcher du vrai et du juste sur ce qui regarde l’estimation des terres et autres héritages ; ce qui est le grand article pour prévenir les disproportions que les intendants, faute d’être suffisamment instruits, pourraient faire dans la répartition du subside entre élection et élection, entre paroisse et paroisse, chacun dans sa généralité ; et celle que le Conseil, par le même défaut de connaissance, pourrait demander à chaque généralité.

§ 260

3. Il paraît inutile de spécifier dans les déclarations les tenants et aboutissants de chaque pièce de terre parce que 1° on ne le pourrait faire exactement sans marquer à chaque article les quatre points cardinaux auxquels répond la pièce de terre par les bouts et par les côtés, qui sont le Nord, le Sud, l’Est et l’Ouest ; ou autrement le Septentrion, le Midi, le Levant et le Couchant ; et le nom des chemins quand la pièce de terre y serait contiguë ; d’où ces chemins partent, et où ils vont ; ce qui tiendrait beaucoup de place dans un rôle d’une paroisse où il y a quelquefois mille ou douze cents pièces de terre ; et s’il fallait les distinguer par les tenants et les aboutissants à chaque pièce, ce serait un grand travail, et d’ailleurs fort inutile pour les habitants de la paroisse, qui, comme voisins, connaissent les pièces qui appartiennent à chacun d’eux, comme le leur propre.

§ 261

De là il suit qu’à moins qu’il n’y ait contestation sur le nombre d’arpents de telle ou telle pièce de terre, ou sur l’estimation, il n’est point nécessaire d’obliger le déclarant de la borner par tenants et aboutissants ; cette manière de les borner ne doit être tout au plus employée, quant à présent, que pour les terres situées hors la paroisse, et seulement dans la déclaration. C’est qu’il est à propos, dans le commencement d’une nouvelle méthode, d’en faciliter les opérations.

§ 262

4. On pourrait, dans l’estimation des paroissiens, estimer l’arpent de terres ce qu’il coûte au principal, par exemple cent, deux cents, ou trois cents livres ; mais comme dans la répartition de la taille, il n’est question que de connaître le revenu annuel de cet arpent, pour savoir ce qu’il doit payer cette année pour sa portion du subside annuel de la taille, il vaut beaucoup mieux n’en estimer que le revenu qu’il peut rapporter chaque année, et non pas l’estimer à quinze livres de rente, parce qu’il aura coûté 300 £ de principal. On sait que le revenu d’une même pièce de terre n’est pas égal généralement toutes les années, et que d’ailleurs différents accidents peuvent y causer beaucoup de différences.

§ 263

Le but du Conseil est de connaître le revenu annuel de chaque taillable et de chaque paroisse, pour faire rendre justice à chaque taillable et à chaque paroisse dans la répartition du subside annuel de l’État ; et ce n’est pas de savoir ce que coûte l’arpent de terre, bonne ou mauvaise, d’une paroisse.

TITRE XXI
Métayer non déclarant [•]

§ 264

Si le propriétaire ou le métayer ne déclare aucune estimation de l’héritage affermé en denrées, les collecteurs demeureront en droit de le taxer selon l’estimation qu’ils en feront sur le mémoire des douze principaux habitants nommés par le subdélégué, lors de l’assemblée des paroissiens qui sera faite devant le commissaire pour l’estimation des revenus des non déclarants.

TITRE XXII
Communication des baux et contre-lettres [•]

§ 265

1° Le taillable sera tenu de communiquer son bail aux collecteurs quand il en sera requis ; autrement ils pourront le taxer sur une plus haute estimation que n’est le bail non communiqué.

§ 266

2° Les contre-lettres41 qui porteront une augmentation du prix du bail au profit du bailleur seront de nul effet pour le bailleur, et tourneront ainsi au profit du preneur ou de ses héritiers, à moins qu’elles n’aient été déclarées dans le registre des déclarations, soit par le fermier, soit par le propriétaire.

§ 267

3° Le fermier déclarant qui n’aura pas déclaré sa contre-lettre sera sujet à la peine de fausse déclaration [•].

Observation sur la déclaration du prix des baux [•]

§ 268

Il est vrai qu’une terre peut être affermée cent francs, deux cents francs, moins qu’elle ne vaut, et qu’un fermier peut gagner cent francs plus qu’un autre sur sa ferme ; ainsi il paraîtrait juste de laisser aux paroissiens la liberté d’estimer ce profit, en estimant la valeur des terres de la ferme cent francs de plus que le bail ; mais par la même raison, le fermier qui aurait sa ferme à cent francs plus qu’elle ne vaut, serait en droit de demander une nouvelle estimation, et pour ces raisons ce serait toujours de nouveaux débats et des contestations perpétuelles. Il semble donc qu’il est plus à propos de suivre le prix du bail, pourvu qu’il n’y ait point de contre-lettre : sur ce pied-là le travail serait fort abrégé ; car de mille baux il n’y en a pas un où l’on soupçonne une contre-lettre, parce que presque personne n’a intérêt de faire paraître son revenu moindre qu’il n’est.

TITRE XXIII
Déclaration de biens en commerce

§ 269

Le marchand dans sa déclaration déclarera seulement en gros la somme qu’il a en commerce, toutes ses dettes passives supposées payées [•]. Le commerçant a une certaines somme en marchandise, qui lui rapporte, année commune, un certain revenu, ou profit annuel.

§ 270

On sait bien que 600 £, par exemple, lui rapportent ordinairement plus en commerce, que ne ferait une rente de 30 £ que lui produirait la même somme mise sur un fonds ; mais il y met son travail ; il hasarde ; et il est de l’intérêt de l’État de multiplier le travail et l’industrie de ses sujets. Il est donc à propos que l’État favorise le commerce et les commerçants : ainsi il est raisonnable de ne demander à ce commerçant, qui n’a que 600 £ en commerce, sa taille que sur le pied de 30 £ de rente.

§ 271

Il est même à propos de lui donner sûreté entière de n’être pas taxé arbitrairement ; autrement il abandonnera sa paroisse et son commerce. Pour qu’il ait cette sûreté, il faut que de son côté il estime lui-même dans sa déclaration le total de ses marchandises au plus haut prix qu’elles peuvent être vendues, et les paroissiens auront de leur côté l’assurance que sa déclaration et son estimation sont justes : 1° parce que ses marchandises sont en évidence ; 2° parce qu’il craindrait la punition du quadruple et de l’amende au profit de la paroisse et des collecteurs qui demanderaient qu’à ses frais ses marchandises fussent estimées par des estimateurs.

Observation [•]

§ 272

Le commerçant qui est aussi facteur des autres commerçants doit payer le centième denier42 pour les marchandises dont il n’a la disposition que comme facteur, quoiqu’il paye déjà le centième pour celles qu’il a comme propriétaire ; sauf à se faire tenir compte par les autres propriétaires desquels il n’est que le facteur, des sommes qu’il aura payées pour leurs marchandises.

§ 273

C’est que les propriétaires de ces marchandises en facture payeraient eux-mêmes pareil subside s’ils étaient résidents dans la même paroisse où leur argent fait un profit annuel.

§ 274

Ce centième pourrait être augmenté d’un dixième, quand le mandement de l’intendant sera plus fort d’un dixième que les quatre sols pour livre des rentes actives de chaque taillable. De même il sera diminué d’un dixième, quand la somme demandée par le mandement de l’intendant sera moins forte d’un dixième que le produit des quatre sols pour livre des rentes actives du taillable.

TITRE XXIV [•]
Mineurs sans père et sans mère

§ 275

Les revenus des mineurs taillables, qui sont sans père et sans mère, doivent être employés d’abord à leur subsistance et à leur entretien, que l’on peut estimer à 45 ou 50 £ chacun ; et le surplus de leur revenu en rente ou en fermage doit être considéré comme un revenu taillable. Si, par exemple, le mineur a 60 £ de rente et qu’on en compte 50 pour sa nourriture, son entretien et son instruction, il y aura dix livres restantes qui seront regardées comme un revenu taillable pour la paroisse, et qui [sic], si la taxe de la paroisse est au cinquième, ou à quatre sols pour livre du revenu, payera deux livres de taille ; et quand le mineur sera devenu majeur, il payera pour son industrie suivant le tarif, et le cinquième de ses soixante livres de rente.

Garde-étalon [•]

§ 276

Comme dans la taille tarifée on ne peut plus craindre la taxe arbitraire, le garde-étalon43 n’a plus besoin du privilège d’être taxé d’office ; il n’a besoin que de donner sa déclaration de ses différents revenus selon la vérité, pour être sûr d’être toujours traité à proportion.

TITRE [•] XXV
Amendes

§ 277

Toutes les amendes qui seront jugées seront payables par corps.

TITRE [•] XXVI
Dernier ressort

§ 278

Les procès pour fausse déclaration, pour contre-lettres, et tous autres procès pour le fait de la taille, dont le capital de la demande ne passera point la valeur de cent cinquante livres, seront jugés en dernier ressort par les juges d’élection au nombre de sept.

TITRE [•] XXVII
Incendiés ou grêlés [•]

§ 279

Si quelque taillable est incendié ou grêlé, le subdélégué fera faire dans la huitaine l’estimation de sa perte par cinq estimateurs de la collecte générale, et l’intendant rejettera une somme par addition sur le total de la taxe de la collecte générale de l’année suivante pour être distribuée au malheureux ; et si la somme du rejet passait la vingtième partie de la taxe de la collecte générale, l’intendant la rejettera sur le total de l’élection, et il pourra régler cette somme au tiers de l’estimation de la perte du taillable afin de le soulager dans son malheur.

TITRE [•] XXVIII
Remplacement des collecteurs perpétuels

§ 280

1° Quand il vaquera une place parmi les huit collecteurs d’une collecte générale, les sept restants s’assembleront chez le subdélégué et en choisiront le huitième au scrutin à la pluralité des voix : il sera tenu d’obtenir le brevet de l’intendant.

§ 281

2° Si quelqu’un de ces collecteurs était négligent ou accusé de malversation, l’intendant ou le subdélégué, sur la requête de six des autres, pourra le destituer.

§ 282

3° Ils seront tous prenables solidairement par corps pour les deniers du roi.

§ 283

4° Ils choisiront entre eux un syndic ou président pour trois ans, qu’ils pourront continuer44. Il distribuera les travaux aux autres, tiendra les registres, et gardera les quittances et papiers de la collecte. Il aura double part dans les amendes et autres punitions pécuniaires.

§ 284

5° Les collecteurs perpétuels inséreront la déclaration de leurs revenus dans le registre des déclarations, et leur taxe particulière dans le rôle de recette.

INSTRUCTION
Pour former les registres des collecteurs perpétuels

§ 285

Les collecteurs mettront dans les registres des déclarations le nom de tous les taillables de la paroisse par alphabet du nom de baptême, et par alphabet du nom de famille, en sorte qu’Abraham Tirel soit devant Abraham Zamet, et après le nom sera le métier ou profession.

§ 286

À la fin du registre seront les noms des veuves suivant l’alphabet des noms de leurs maris.

§ 287

Ensuite seront par articles la maison, les terres et héritages dont il est ou propriétaire ou usufruitier, et dont il jouit par ses mains, avec l’estimation de la valeur annuelle.

§ 288

Ensuite seront les maisons, terres, moulins qu’il tient à ferme, le prix des baux, et le nom du propriétaire ou usufruitier dont il tient le bail.

§ 289

Ensuite sera la terre qu’il régit par procuration, ou qu’il tient à bail général avec le prix du bail, ou la valeur annuelle de la terre.

§ 290

Ensuite sera la valeur en gros des effets qu’il a dans le commerce.

§ 291

Les sommes ne seront point en chiffres.

§ 292

La déclaration du taillable qui ne saura signer sera signée par deux témoins.

§ 293

Ceux qui voudront avoir quelque diminution en considération des enfants au-dessous de dix ans les déclareront sur le registre.

MODÈLE
Du registre des déclarations des taillables [•]

De la paroisse …………………………………… Collecte de …………………………………………………

Élection de …………………………………………………………………………………

Généralité de ………………………………………………………………………………

Année payable en mille sept cent trente-six ……………………………………………….

Abraham Tirel notaire

Occupe une maison dont il est propriétaire, de valeur annuelle de soixante-cinq livres.

Cultive des terres dont il est propriétaire, de valeur de deux cents livres.

Baille à louage une maison à François Mare par vingt livres.

Possède une rente de quarante livres sur Jaques et Jean Baril.

Tient à ferme des terres du Sr de Préaux par cent livres.

Tient à forfait la terre de Maleferme par trois mille livres.

Régit la terre du Saussay de valeur annuelle de trois mille livres.

Certifié ce 14 mai 1732, signé Tirel.

Adam Boulon laboureur non déclarant

Possède en propre des maisons et des terres pour environ cinq cents livres de revenu.

Tient à ferme des héritages pour environ mille livres.

Bernard La Mare marchand

Occupe une maison dont il est propriétaire de valeur annuelle de quarante livres.

Possède cinquante livres de rente sur Pierre Bizon, et trente livres de rente sur Jean Sorel, sur quoi doit dix livres de rente à la veuve Pierre Desmarches.

Possède en commerce la valeur de mille livres.

Certifié ce 14 juin 1732, signé La Mare.

Charles Hebert cabaretier donnant à loger

Tient la maison à loyer par quatre-vingts livres.

Possède dans le commerce douze cents livres d’effets.

Certifié ce 2 mai 1732.

Denis Fabien meunier

Tient à louage le moulin du bois par trois cents livres.

Certifié ce 15 avril 1732 en présence de René Motin et de Simon Le Bon, marque dudit Denis Fabien, signé Motin et Le Bon.

Étienne Fantome maréchal

Tient une maison à loger par quinze livres.

Possède une rente de quarante livres sur Gilles Mettier.

Certifié ce 2 juin 1732, signé Fantome.

Étienne Praton journalier chargé de deux petits enfants

Tient à loyer la maison qu’il occupe par dix livres

Possède une rente de neuf livres sur Pierre Launay.

Certifié ce 1er juin 1732, signé Praton [•].

§ 330

Dans les déclarations en tierce personne, il est à propos qu’elles commencent toujours par le nom de baptême, le nom propre, ensuite la profession, comme dans le présent modèle.

Registre de proportion

§ 331

Le registre de proportion sera fait sur le registre des déclarations, mais les collecteurs ajouteront à chaque article de la ligne du taillable la somme réglée par le tarif pour l’industrie, pour la maison, pour la rente, pour la ferme, etc. Mais ils ne mettront point les noms de celui qui lui doit une rente, ni à qui il doit, ni le nom de celui de qui il tient une ferme, ni le nom de celui à qui il baille à loyer. Il suffit que ces noms soient dans le registre des déclarations ; et quand le prix du tarif aura été marqué au commencement deux ou trois fois, ils ne le répéteront plus, mais à la fin de tous les articles de chaque taillable, ils mettront le total des sommes tarifées, ils mettront aussi à la fin du registre le total des totaux des taxes tarifées de tous les taillables de la paroisse de la collecte générale.

MODÈLE
Du registre de proportion [•]

Registre de proportion pour la paroisse de ………………..

Collecte de ………………..

Élection de ………………..

Généralité de ………………..

Journée du journalier à huit sols.

Abraham Tirel notaire, industrie, tarif quatre livres.

Propriétaire de sa maison, de soixante-cinq livres [•] par an, tarif à deux sols pour livre, six livres dix sols.

Cultive des terres dont il est propriétaire de valeur annuelle de deux cents livres, tarif à deux sols pour livre, vingt livres.

Baille à louage une maison, par vingt livres, tarif à deux sols pour livre, deux livres.

Possède une rente de quarante livres, tarif quatre livres.

Tient à ferme des terres pour cent livres, tarif à un sol pour livre, cent sols.

Tient à forfait la terre de Maleferme, par trois mille livres, tarif à demi pour cent, quinze livres.

Régit la terre du Saussay, de trois mille livres, tarif au quart pour cent, sept livres dix sols.

Total soixante livres.

Adam Boulon, laboureur non déclarant, industrie, deux livres.

Possède en propriété des terres et maisons pour environ cinq cents livres, tarif cinquante livres.

Tient à ferme des héritages pour environ mille livres, tarif cinquante livres.

Total cent deux livres.

Bernard La Mare marchand, industrie, tarif quatre livres.

Propriétaire de sa maison, de quarante livres, tarif quatre livres.

Possède soixante-dix livres de rente, tarif sept livres.

Possède dans le commerce mille livres, tarif au deux centième denier, cinq livres.

Total vingt livres.

Charles Hebert, cabaretier donnant à loger, industrie, quatre livres.

Tient sa maison à loyer par quatre-vingts livres, tarif quatre livres.

Possède dans le commerce douze cents livres, tarif six livres.

Total quatorze livres.

Denis Fabien meunier, industrie, deux livres.

Tient à louage le moulin du bois, par trois cents livres, tarif des moulins, au tiers moins que les fermes, dix livres.

Total douze livres.

Étienne Fantôme, maréchal, industrie, deux livres.

Tient une maison à loyer par quinze livres, tarif quinze sols.

Rente de quarante sols, tarif quatre sols.

Total deux livres dix-neuf sols.

Étienne Praton, journalier, chargé de deux petits enfants, industrie, néant.

Rente de neuf livres, tarif dix-huit sols.

§ 368

Total des totaux de la paroisse : monte à deux mille livres.

RÔLE DE RECETTE

Rôle de recette de la paroisse de …………………………………………

Collecte générale de …………………………………………

Élection de …………………………………………

Généralité de …………………………………………

Année mille sept cent trente-cinq.

Pour recevoir en l’année mille sept cent trente-six.

Journée du journalier estimée à huit sous.

Mandement du ………………………………………… septembre mille sept cent trente-cinq.

Première taille …………………………………………

Capitation …………………………………………

Fourrage …………………………………………

Total des taxes du mandement, y compris le sol pour livre des deniers de collecte, et la taxation du commissaire, monte à trois mille livres.

Ce rôle a été fait au sou la livre sur le registre de proportion de ladite paroisse par les collecteurs soussignés en présence de …………………………………………

RÉSIDENTS EXEMPTS

M. …………………………………………, curé.

M. …………………………………………, vicaire.

M. …………………………………………, Duquesne, écuyer.

RÉSIDENTS TAILLABLES

Abraham Tirel notaire déclarant, quatre-vingt-dix livres.

Adam Boulon non-déclarant, cent cinquante-trois livres.

Bernard La Mare, trente livres.

Charles Hebert, vingt et une livres.

Denis Fabien, dix-huit livres.

Étienne Fantome, quatre livres dix sous.

Étienne Praton, vingt-sept sous.

On suppose que l’on ait mis les autres taillables de la paroisse.

Total des taxes exigibles monte à trois mille cent livres.

Ce rôle a été achevé en présence de ……………………… commissaire aujourd’hui ……………………… mille sept cent trente-cinq

REGISTRE DE SUPPLÉMENT
Pour les déclarations

§ 397

Il y aura un registre de supplément pour chaque collecte générale, dans lequel il y aura des feuillets blancs pour chaque paroisse, dans lesquels on mettra les déclarations des nouveaux taillables et des nouveaux fermiers, et même les déclarations des anciens taillables dont les revenus auront ou augmenté ou diminué.

§ 398

Les collecteurs feront le registre de proportion et le rôle de recette de la seconde année tant sur le registre de proportion de l’année précédente que sur le registre de supplément.

REMARQUE I

§ 399

On peut remarquer que la taxe exigible du mandement étant répartie au sou la livre sur la taxe tarifée, qui est elle-même proportionnée à tous les revenus ou profits annuels de chaque taillable, il est impossible que cette taxe exigible ne soit pas aussi proportionnée à ces revenus que l’est la taxe du registre de proportion [•].

§ 400

On n’a point jusqu’ici spécifié la taxe sur les bestiaux, mais cet article sera suffisamment discuté dans les chapitres suivants.

REMARQUE II

§ 401

Le Bureau perpétuel de la taille rectifiera ce projet de règlement et ces modèles sur les avis des intendants qui auront fait des essais [•].

§ 402

On comprend, sans doute, que ce bureau perpétuel sera établi près du ministre qui a le département des Finances, et que c’est à ce bureau que les résultats de toutes les déclarations seront envoyés.

OBSERVATIONS GÉNÉRALES
Sur la taille tarifée

CHAPITRE V

OBSERVATION I [•]

§ 403

Il y a des élections le long des côtes de la mer où les taillables n’usent que le sel blanc, ou petit sel, sur lequel l’impôt de la gabelle est environ quatre fois moindre que sur le gros sel, ou sel gris, et auquel les élections voisines sont assujetties. Chaque famille taillable est même forcée d’en prendre à proportion du nombre de personnes dont elle est composée : il y a dans la généralité de Caen de ces deux sortes d’élections.

§ 404

Comme l’intention du roi est que les élections également fortes en revenus taillables soient également chargées et portent pareil subside, de sorte que celle où le subside du sel est plus fort que dans l’autre doit porter aussi moins de taille que cette autre, il faut que le total des deux subsides dans les deux élections également fortes soit entièrement égal.

§ 405

De là il suit que l’élection de Valognes, qui paie moins de subside en sel que l’élection de Caen, doit payer à proportion plus en taille que l’élection de Caen qui paie plus en sel.

§ 406

De là on peut conclure que l’on pourrait ôter les trois quarts du subside de la gabelle, et mettre en taille tarifée et en capitation le produit de ces trois quarts de gabelle.

§ 407

Le sel devenu marchand épargnerait beaucoup de commis au peuple. Car n’est-ce pas toujours le peuple qui paie les appointements de ces commis de la gabelle [•] ? Le nombre en est si grand dans le royaume qu’ils coûtent plus que ne ferait une nombreuse armée.

OBSERVATION II
Généralités rédimées [•]

§ 408

Il y a quatre généralités dans lesquelles ni le droit d’aides, ni le droit des gabelles ne sont point établis, La Rochelle, Poitiers, Riom et Limoges, et dans partie des généralités d’Auch, de Bordeaux et de Montauban. Si ces généralités paient plus de taille à proportion, à la bonne heure qu’elles soient exemptes des aides et de la gabelle, mais on a remarqué que par proportion aux autres généralités, le total du subside qu’elles paient l’État est beaucoup moindre, à proportion de leurs revenus, que le total de ce que paient les autres généralités à proportion des leurs. Ainsi elles se trouvent beaucoup plus favorablement traitées que les autres qui dans le fond ne sont pas moins dignes d’être favorisées.

§ 409

Je suppose ici, ce qui est vrai, que ces provinces soient depuis longtemps bien et avantageusement remboursées de ce qui leur en a coûté pour se rédimer de ces deux espèces de subsides si coûteux à l’État.

§ 410

Ce qui doit engager le Conseil, pour proportionner le subside total de l’État sur ces généralités rédimées qui ne paient ni aides ni gabelles, de leur imposer plus de taille à la décharge des autres généralités, où ces deux impôts sont levés outre la taille. La chose paraîtra bientôt avec évidence dès que la méthode des déclarations et des tarifs aura été mise en pratique dans les quatre généralités comme dans les autres. Ainsi il est visible que dans la pratique le Conseil pourrait mettre en augmentation de taille dans toutes les généralités non rédimées ce que le roi tire des droits d’aides qu’on lève hors des villes, et environ les trois quarts du subside des gabelles, et sauver ainsi au roi et à ses sujets les gages, les profits, et les vexations que leur font les officiers et commis des aides et de la gabelle, de laquelle on pourrait retrancher au moins les trois quarts si le roi, en revendant le sel, le vendait aux marchands comme il le vend à l’étranger.

§ 411

Le Bureau de la taille pourra lever peu à peu les difficultés qui peuvent se rencontrer dans l’exécution de cette avantageuse uniformité.

OBSERVATION III [•]

§ 412

Quand le Conseil augmente la taille, il faudrait aussi augmenter en même temps les droits d’entrée des villes exemptes de taille, afin que les sujets des villes portassent leur part du fardeau public en même proportion que les habitants des villages. Or cette proportion n’est rien moins qu’impossible, surtout pour un ministre éclairé, laborieux et zélé pour le bien public, quand il sera secouru par un Bureau perpétuel de la taille, composé surtout des intendants [•].

§ 413

 [•]1° Il est certain que les subsides des entrées sur les bourgeois des villes exemptes de taille tiennent lieu du subside de la taille sur les habitants de la campagne, de sorte que lorsque les affaires de l’État demandent une augmentation du subside général de l’État, il n’est ni de la justice, ni de la bonne politique de faire porter cette augmentation de charge aux seuls habitants de la campagne. Il est donc à propos, lorsque le Conseil augmente ou diminue les tailles, qu’il augmente et diminue le subside des villes, et qu’ainsi il doit augmenter ou diminuer les entrées des villes. Ainsi chaque ville peut stipuler dans les baux des entrées que si le tarif est durant le bail du sousfermier augmenté d’un vingtième, il paiera au receveur général du roi un vingtième de plus, bien entendu que la ville augmentera les droits d’entrée d’un vingtième.

§ 414

2° Il y a des villes où les droits d’entrée sur certaines denrées ne sont qu’au dixième de la valeur de la denrée, tandis que dans d’autres villes ces droits sont au sixième, au cinquième, cela est-il juste ? Les tarifs de denrées consommées dans la ville ne devraient-ils pas être égaux partout ?

§ 415

3° Dans la répartition de la capitation sur les villes, il est visible que l’on doit songer à ce qu’elles paient déjà d’entrées et de droits sur la consommation des denrées, ce qui tient lieu de la taille qui se lève dans les villages, et tenir ainsi la balance à peu près égale entre les habitants des villes et les habitants des villages : si les habitants des villages paient en taille le cinquième de leur revenu, n’est-il pas juste que les habitants des villes paient aussi à peu près le cinquième de leur revenu, en payant à la barrière le cinquième de la valeur des denrées qu’ils consomment.

§ 416

Je crois même qu’il est à propos de favoriser toujours les habitants des villages, parce que la première et la plus grande source de la richesse d’un État, ce sont les fruits qui viennent de la culture de la terre, et les manufactures de ces fruits qui se font à plus petits frais hors des villes. Or jusqu’ici les habitants des villes exemptes et tarifées ont été au contraire beaucoup favorisées au préjudice des habitants des villages.

§ 417

4° Il est à propos que les droits sur le blé, sur la farine, sur le pain ne soient que d’un cinquantième de la valeur, parce qu’il faut un peu moins prendre à proportion sur ceux qui sont pauvres que sur les riches. Ainsi il faut que les droits sur le son et l’avoine soient un peu plus forts, parce qu’ils ne tombent guère que sur les riches. Ainsi une sorte de denrées peut être chargée utilement de ce dont on décharge une autre. Ce qu’il convient de charger le plus de droits, ce sont les manufactures étrangères, surtout quand elles nuisent aux nôtres.

§ 418

5° Il n’importe au receveur des droits que de recevoir la somme de son bail, mais il importe aux habitants d’être délivrés des vexations et des visites contraignantes qui se multiplient par la multiplicité des droits et des choses sujettes aux droits : il est très important de laisser beaucoup plus de liberté dans le commerce, il suffit que la proportion de la consommation soit gardée le plus exactement qu’il est possible par le gros des habitants.

§ 419

C’est de la consommation annuelle de l’habitant que l’on peut conclure son revenu annuel, parce que c’est le plan commun des hommes de mesurer leur dépense ou consommation annuelle à leur revenu ou gain annuel, et si d’un côté il y a des prodigues qui supputent mal leur dépense et leur revenu annuel et qui dépensent trop, il y a de l’autre des avares qui supputent mieux et qui dépensent trop peu, mais tous dépensent et paient très volontairement les droits de l’État.

§ 420

Il est vrai que dans ce cas il y a disproportion dans le paiement du subside entre l’avare et le prodigue, mais c’est une disproportion de taxe très volontaire pour le prodigue. Ainsi personne n’a sujet de se plaindre : volenti non fit injuria45. Il arrive même que celui qui est avare présentement a été prodigue, ou que son fils sera prodigue. Ainsi il y a souvent compensation de la même personne à la même personne, et de la même famille à la même famille.

§ 421

6° Il faut chercher la plus exacte proportion entre le revenu annuel de l’imposable et la taxe annuelle. Il faut chercher la diminution des frais du recouvrement et l’augmentation de la liberté du commerce, et pour cet effet toujours tarif uniforme, toujours règle uniforme, tarif avec déclaration de son revenu, lorsqu’il s’agit du revenu du taillable ou capitable habitant d’un lieu où il n’y a point de barrières ; tarif sans déclaration lorsqu’il s’agit d’une consommation de denrées qui dénote les revenus de celui qui habite un lieu fort habité, et où l’on peut établir et payer des commis de barrières, mais tant qu’il est possible, il ne faut rien laisser à l’arbitraire des hommes de ce qui peut être réglé par la loi, si l’on veut éviter les grands inconvénients que causent l’injustice et la disproportion.

§ 422

Il est visible que le roi peut tirer des villes tarifées une somme considérable en rendant les tarifs des entrées uniformes partout. Or si le roi par l’augmentation des tarifs de certaines villes favorisées profite de quatre ou cinq millions, il en déchargera d’autant les habitants des villages qui sont effectivement trop chargés, et c’est le but que je m’étais proposé.

[Texte supprimé de 1737] OBSERVATION IV [•]
Sur les moyens de faire un prompt recouvrement

§ 423

Un receveur général m’a dit que le receveur de l’élection de Le Blanc en Berry, qui a quinze mois pour payer son année, s’est accommodé avec les collecteurs de ses quatre-vingt-dix-huit paroisses. Ces 98 bandes de collecteurs sont convenus de lui payer avant le quinze de chaque mois la quinzième partie de la taxe de leurs paroisses, et chaque bande de collecteurs s’est accommodée de son côté avec chaque paroissien pour payer avant le quinzième du mois la quinzième partie de sa taxe, de sorte que si l’un doit quinze livres, l’autre quinze pistoles, il paie, avant le quinze de chaque mois, l’un vingt sous aux collecteurs, l’autre une pistole, et les collecteurs les portent aux receveurs, le tout à peine des frais des huissiers, des garnisons et des contraintes. Celui qui n’a pas vingt sous les emprunte et les prête à son tour le mois suivant : chacun d’eux pour s’exempter de frais à payer fort régulièrement durant les dernières deux années. [Fin du texte supprimé de 1737.]

OBSERVATION IV [•]
Importance d’augmenter les petits commerces

§ 424

Le but du bon gouvernement est d’augmenter le commerce en général, et par conséquent le commerce intérieur, qui est lui-même si nécessaire pour augmenter le commerce extérieur du royaume. J’ai montré ailleurs en quoi consistait le revenu réel qu’apportait à l’État l’augmentation des différents commerces. Les Hollandais, qui savent que le fréquent commerce des grandes parties dépend absolument du commerce fréquent des petites parties, sont fort attentifs à ne demander aucune taxe aux petits commerçants des villages et des bourgs sur leurs marchandises, afin d’encourager un plus grand nombre d’habitants à commencer à commercer.

§ 425

On peut dire que faute d’avoir une connaissance aussi parfaite qu’eux de l’importance d’élever partout un grand nombre de petits commerçants, comme une pépinière nécessaire aux grands commerces, nos ministres des Finances des règnes précédents ont mal à propos laissé la liberté aux collecteurs actuels d’empêcher par leurs taxes excessives les taillables de commencer, et les autres de continuer, leur trafic et leurs manufactures dans les lieux taillables.

§ 426

Comme il est de l’intérêt des collecteurs de lever la taille le plus facilement qu’ils peuvent dans leur année de collecte, s’ils voient un petit commerçant qui a la valeur de deux cents livres en marchandises, et qui sur le pied du deux centième denier ne devrait payer que vingt sous, ils le taxent à quinze livres, parce qu’en saisissant le cheval ou la marchandise, ils peuvent dans le moment être payés des quinze livres qu’ils ne pouvaient faire payer à un autre taillable qu’en un an.

§ 427

Ainsi la pratique et le pouvoir arbitraire des collecteurs dans la taille arbitraire vont directement contre le but du bon gouvernement, et contre la multiplication et l’augmentation des petits commerces et des petits commerçants.

§ 428

Il faut donc trouver un moyen d’assurer d’un côté à l’État ce subside modéré sur les effets qui sont en commerce, et de l’autre empêcher le collecteur de vexer le commerçant. Or c’est ce qu’opère le point fixe du deux centième denier dans le registre de proportion. La liberté qu’il a de déclarer en gros de quel rang il est, c’est ce qu’opère la défense de le taxer au-delà de sa déclaration en gros, sauf aux collecteurs à l’accuser de fausse déclaration s’ils veulent hasarder la peine de fausse accusation.

§ 429

Ces sortes de règlements paraissent souvent de peu d’importance à ceux qui n’ont pas cherché avec soin les véritables sources de l’augmentation ou de la diminution du commerce dans une nation, et qui n’ont jamais approfondi les gains annuels et les revenus réels que le commerce apporte à un État, mais ceux qui ont suffisamment étudié la matière n’en jugeront pas de même.

§ 430

Ils verront qu’une des grandes sources de l’affaiblissement de notre commerce vient du pouvoir excessif que l’on a laissé aux collecteurs de taxer chaque taillable commerçant suivant leur fantaisie, c’est-à-dire arbitrairement, et de n’avoir pas donné à chaque taillable le moyen de se garantir de la vexation des collecteurs en faisant une déclaration juste de la valeur en gros de ses effets commerçables ; mais heureusement ce qui n’avait pas encore été ni proposé ni essayé peut enfin être approuvé, essayé en plusieurs élections, et mis ensuite en exécution dans toutes les autres, lorsque les essais auront réussi [•].

OBSERVATION V
Avantages de la taille tarifée sur la taille cadastrée

§ 431

Je suppose 1° que le Conseil de France ait trois partis à choisir sur la manière de répartir le subside de la taille dans les pays d’élections.

§ 432

Le premier, c’est de continuer aux collecteurs le pouvoir de répartir arbitrairement sur chacune des familles de la communauté ou paroisse la somme demandée par l’intendant à cette communauté, et c’est ce que l’on appelle taille arbitraire, sujette à tant de disproportions ruineuses pour les particuliers et pour l’État [•], comme je l’ai, je crois suffisamment démontré.

§ 433

Le second, c’est de donner aux collecteurs des règles fixes, ou des tarifs pour tous les biens qui portent revenu, avec obligation de s’y assujettir dans leur répartition sous peine suffisante pour les y engager, et au sou la livre de la taxe marquée dans le registre de proportion, lequel contiendra les taxes faites tant suivant les déclarations que suivant les tarifs sur les différents revenus de chaque famille.

§ 434

Ces tarifs, joints aux déclarations des taillables et aux estimations des douze principaux habitants, donneront une connaissance suffisante du revenu de chaque famille au commissaire qui présidera à la répartition, et par conséquent à l’intendant une connaissance suffisante du revenu de chaque communauté taillable, et par conséquent une connaissance incomparablement plus sûre qu’il n’avait des différents revenus de chaque élection, et par conséquent le Conseil aura une connaissance suffisante des différents revenus de chaque généralité, et c’est cette méthode qu’on appelle taille tarifée.

§ 435

Le troisième parti, c’est d’arpenter et d’estimer le revenu annuel des terres de chaque communauté, et d’en faire un registre qu’on appelle cadastre, afin de répartir la somme demandée au sol la livre de ce revenu.

§ 436

On lève aussi en Languedoc une taxe d’industrie et de commerce qui est une sorte de capitation qui se fait à la décharge des fonds, mais cela ne monte pas à la quarantième partie de la taxe des fonds, et voilà ce qu’on appelle taille cadastrée.

§ 437

Je suppose 2° que par l’examen que l’on a fait des malheureux effets de la taille arbitraire qui cause au royaume plus de quarante millions de perte annuelle, et qui ruine les roturiers, et par conséquent qui préjudicie beaucoup aux nobles et aux ecclésiastiques par la disette de bons fermiers, le Conseil soit résolu de remédier aux grands inconvénients de cette sorte de taille, il ne reste plus qu’à comparer la taille tarifée à la taille cadastrée.

§ 438

On propose deux sortes de projets de taille cadastrée : le premier, c’est de mettre dans le cadastre de chaque communauté le revenu annuel des terres et maisons de cette communauté sans aucune distinction des terres exemptes de la taille, en supposant que nulle terre ne doit être exempte de ce subside.

§ 439

Le second projet, c’est de faire ces cadastres avec la même distinction des terres nobles et ecclésiastiques et autres terres exemptes que l’on observe en Languedoc.

§ 440

Mais ces deux projets souffriraient des oppositions insurmontables de la part de la noblesse et du clergé. Ces oppositions seront d’autant mieux fondées que la noblesse et le clergé des provinces d’élections seraient effectivement fort lésées par l’exécution de chacun de ces projets, injustice que le conseil veut éviter : on va voir cette lésion dans les objections suivantes.

OBJECTIONS
Contre le premier projet de non-distinction des terres

§ 441

La noblesse et le clergé des provinces d’élections, qui sont cinq ou six fois plus considérables que la noblesse et le clergé du Languedoc, ne doivent pas être plus mal traités que la noblesse et le clergé du Languedoc, c’est une maxime de justice incontestable.

§ 442

Or 1° il est évident que par le projet de non-distinction de terres exemptes et roturières, ils seraient plus mal traités, puisque la noblesse et le clergé du Languedoc ont beaucoup de terres exemptes de toute taille, au lieu que toutes les terres des autres provinces, soit roturières, soit nobles, soit ecclésiastiques, y seraient sujettes.

§ 443

Or contre cette nouvelle sujétion s’élèveraient comme de concert toutes les personnes de considération tant de la cour que de Paris et des provinces, et particulièrement tout le Conseil et tous les principaux magistrats : première lésion considérable de la noblesse et du clergé de ces provinces.

§ 444

2° Le fermier, qui tient une ferme de 600 £ d’un gentilhomme ou d’un évêque qui n’a aucune terre noble dans une paroisse, n’est pas taxé présentement et ne doit pas l’être sur la même proportion que le propriétaire roturier qui possède 600 £ de terres roturières dans la même paroisse. Or cependant par le projet proposé il n’y aurait nulle distinction : seconde lésion de la noblesse et du clergé de ces provinces d’élections.

§ 445

3° Il y a dans les deux tiers des paroisses des pays d’élections, c’est-à-dire dans quinze ou seize mille paroisses, plus de vingt mille gentilshommes qui cultivent leurs propres terres, et qui ont la liberté d’en cultiver autant qu’ils peuvent faire avec quatre charrues, outre les bois, les prairies, et les pacages, et cela sans distinction de terres nobles ou roturières, ce qui peut monter à quatre ou cinq mille livres de rente.

§ 446

Or s’il n’y avait nulle distinction dans ces terres, ces vingt mille familles de gentilshommes perdraient un privilège très avantageux, et paieraient la taille comme les roturiers : troisième lésion très considérable du clergé et de la noblesse de ces provinces.

§ 447

4° Si l’on faisait un cadastre, il coûterait plus de 1 000 £ par paroisse ou communauté l’une portant l’autre pour les arpenteurs, les estimateurs, et les indicateurs, ce qui ferait au moins 25 millions à la charge des roturiers et plus encore à la charge de la noblesse et du clergé de ces provinces, parce qu’ils possèdent les trois quarts des fonds : quatrième lésion de la noblesse et du clergé de ces provinces.

§ 448

5° Il y a la moitié des terres de la noblesse et du clergé qui est baillée aux habitants de la compagne à bail perpétuel, moyennant des rentes foncières et perpétuelles en argent et en blés. Or si comme en Languedoc les terres étaient taxées à la taille sans aucune diminution de ces rentes foncières, presque tous les tenants déguerpiraient, ainsi la noblesse et le clergé demeureraient chargés tout d’un coup d’une quantité prodigieuse de terres qu’ils seraient obligés de donner à ferme ou de faire valoir eux-mêmes, ce qui les incommoderait fort : cinquième lésion.

§ 449

6° Mais une grande perte que ferait l’État : c’est le plus de travail et de culture extraordinaire que le propriétaire fait à sa terre, quand il sait que ses enfants ou héritiers en profiteront, et cette culture extraordinaire ne se fait point par le simple fermier, qui par conséquent ne fait pas de certaines améliorations durables comme bâtiments, défrichements, desséchements, moulins, engrais de marne, canaux, clôtures, terres labourables mises en prairies, manufactures, etc. Or toutes ces sortes d’améliorations durables d’un nombre prodigieux d’arpents de terres seraient ainsi perdues pour l’État en diminuant le nombre des locataires, ce qui serait une grande perte pour les roturiers, et par conséquent pour l’État.

§ 450

Il est vrai que le roi pourrait ordonner que ces preneurs à rentes perpétuels pourraient retenir par leurs mains la taille que doivent les héritages dont ils jouissent en déduction de ces rentes : mais une preuve que cette retenue a ses inconvénients, c’est qu’on ne la pratique pas en Languedoc.

OBJECTIONS
Contre le second projet de distinction de terres exemptes

§ 451

Ce projet propose d’établir dans les pays d’élections la taille d’industrie de la même manière qu’elle est établie en Languedoc, c’est-à-dire en distinguant les terres exemptes des non-exemptes, mais il porte avec lui différents inconvénients et différentes lésions par rapport au clergé, à la noblesse et aux taillables des autres provinces.

§ 452

1° Il est vrai qu’il semble qu’une partie de la noblesse et du clergé des provinces d’élections y gagnerait, mais supposé qu’ils y gagnassent trois millions par an, qui est-ce qui les perdrait si ce n’est les roturiers, les gentilshommes qui n’ont que des terres non nobles, et les ecclésiastiques qui n’ont que peu de donations royales. Or est-il juste d’ôter aux uns qui sont plus pauvres, pour donner aux autres qui sont plus riches : première injustice qui se ferait contre les roturiers et premier inconvénient. Supposé que le roi ne voulût point perdre lui-même ces trois millions d’exemption.

§ 453

2° La distinction des terres exemptes et des terres roturières causerait un nombre innombrable de procès et de divisions, ce qui serait une grande perte tant pour les taillables que pour les exempts : second inconvénient très considérable.

§ 454

3° Ces procès ne seraient pas terminés de plus de dix ans, et il faudrait encore dix ans après pour achever les cadastres qui n’auraient pu être achevés faute de ces décisions : troisième inconvénient.

§ 455

4° Les vingt-cinq millions que coûteraient ces cadastres seraient supportés par les seuls biens roturiers dont la moitié est possédée par plus de vingt mille familles nobles, ce qui serait une terrible taxe à payer presque comptant à des arpenteurs, à des estimateurs et à des indicateurs qui travailleraient presque tous les jours durant neuf ou dix ans, car le cadastre de Dauphiné a duré neuf ans, quoique l’on s’y servît des arpentages anciens : quatrième inconvénient.

§ 456

5° Le privilège des quatre charrues pour tous les gentilshommes qui habitent les campagnes, et qui n’ont point de terres nobles, et pour tous les autres qui peuvent les habiter, leur serait ôté par cet établissement : grande lésion, injustice criante, et cinquième inconvénient.

§ 457

6° Le fermier de 600 £ du gentilhomme sans fief noble paierait autant de taille que le roturier qui posséderait 600 £ de terre dans la même paroisse, grand sujet de plainte et d’opposition : sixième inconvénient.

§ 458

7° Dans ce second projet on obligerait tous les tenants à bail perpétuel de déguerpir, ce qui serait une grande perte pour les particuliers cultivateurs et pour l’État : septième inconvénient.

CONSÉQUENCES

§ 459

Comme aucun de ces sept grands inconvénients ne se trouve dans la taille tarifée, et comme par le registre de proportion qui sera une espèce de cadastre ou registre de compost46 ou de supputation, elle aura les mêmes avantages pour la répartition proportionnelle sur tous les fonds que la province de Languedoc tire du registre du cadastre ou du registre de compost, sans avoir aucun autre inconvénient que la répartition annuelle à laquelle tous les taillables sont déjà tout accoutumés par la taille arbitraire, il s’ensuit qu’elle est de beaucoup préférable à la taille cadastrée.

§ 460

La taille tarifée aura même un grand avantage que n’a pas la taille cadastrée : c’est que le registre de proportion se rectifiera tous les ans lors de la répartition sur des estimations annuelles plus exactes, sur des baux nouveaux, sur des augmentations nouvelles des fonds causées, ou par des bâtiments, ou par des ouvrages les uns qui servent à dessécher, les autres qui servent à humecter les terres, ou par les différentes manières de les engraisser, ou de les cultiver.

§ 461

Or cette estimation annuelle des fonds aura plus leurs grands avantages sur les estimations qui ont été, et qui sont la base des cadastres de Languedoc et de Dauphiné.

§ 462

1° Elles se font sans frais dans l’assemblée des douze principaux habitants désignés et présidés par le commissaire, en présence de deux des collecteurs perpétuels, avantage que n’a pas l’estimation des cadastres.

§ 463

2° Ces estimateurs étant habitants du lieu ont l’avantage de connaître mieux que des étrangers la valeur annuelle de chaque arpent de terroirs différents. Ils parlent entre eux incessamment de cette valeur, et ils en font tous les ans les expériences par eux-mêmes, ce que ne sauraient faire les estimateurs, ou experts nommés pour réformer les cadastres.

§ 464

3° Outre une connaissance plus exacte de cette valeur de chaque arpent, les estimateurs habitants ont encore un intérêt vif, l’un pour empêcher que leur terre ne soit estimée trop haut, les autres pour obtenir qu’elle soit estimée assez haut ; combat d’intérêt qui fait que l’estimation se fait le plus souvent selon la vérité et l’équité, ou très approchante de l’équité.

§ 465

4° Cette estimation est fondée sur les mêmes raisons qui font croire avec fondement que le prix des baux ordinaires doit passer pour la juste valeur annuelle, année commune des terres baillées à ferme, vu le combat de l’intérêt du bailleur de les bailler un peu plus haut que les fermiers ne les estiment, et de l’intérêt du preneur de les avoir à un peu moins qu’elles ne valent.

§ 466

5° Si le propriétaire ou le fermier se sont trompés dans leur estimation du premier bail, ils ont l’avantage de pouvoir le corriger dans le second, mais il faut qu’ils attendant la fin du bail qui est quelquefois de six ou de neuf années, au lieu que dans la répartition de chaque année, le taillable ou les habitants qui se seront trompés dans leur estimation de l’année courante pourront remédier à leur erreur dans la répartition de l’année suivante, ce qui est un grand avantage de plus que n’a ni le bailleur ni le preneur à ferme.

§ 467

6° Il y a dans ce subside de taille tarifée une différence infiniment avantageuse qui n’est pas dans le subside de la capitation, c’est que le capitable ne craint point de donner sa déclaration et son estimation fausses, parce qu’il n’a point de voisins et de collecteurs intéressés à le faire punir de son crime de mensonge et de fausseté, au lieu que le taillable faux déclarant armerait contre lui toute la paroisse et surtout les collecteurs qui sont lésés par sa fausse déclaration, qui profiteraient de sa punition et qui sont connaisseurs et aussi bien instruits que lui de ses différents revenus. Il est vrai que la taxe de la capitation pourrait se faire non sur un capitable, mais sur une communauté dont il ferait partie, et alors il serait des intérêts de tous les membres de la communauté que chacun déclarât la vraie valeur annuelle de son revenu annuel.

§ 468

7° Les personnes qui ont connaissance de la valeur des terres et bâtiments de la campagne et des maisons des villes savent aussi que leur valeur, loin d’être égale chaque année et le long d’un demi-siècle, est au contraire très inégale, souvent d’un quart ou d’un tiers, quelquefois de plus de moitié par des augmentations et par des diminutions de bâtiments, par des desséchements et par des inondations, et qu’ainsi il est de la justice du roi, de l’intérêt du recouvrement et de l’intérêt des propriétaires perdants que les répartiteurs aient égard chaque année à la valeur des terres de chaque année, afin de proportionner le subside annuel à la valeur annuelle, car sans cela il y aurait encore une porte ouverte aux disproportions excessives.

§ 469

8° Il est évident, par exemple, que les grêles, les inondations, les ouragans, les incendies, les pillages des ennemis, le défaut ou de soin ou d’argent des propriétaires leur causent de grandes diminutions de revenu, et de l’autre on sait le proverbe, tant vaut l’homme, tant vaut sa terre, et que la bonne culture en augmente quelquefois du double la valeur annuelle qu’en tire le mouvais ménager.

§ 470

9° Or peut-on jamais apporter un remède efficace et proportionné à la vicissitude annuelle de la valeur de ces fonds, que par des estimations annuelles des diminutions ou des augmentations arrivées dans la valeur de ces fonds mêmes ?

[OBSERVATION VI]47
Réflexion sur les pays d’états

§ 471

Si la taille tarifée était une fois établie dans sa perfection pour faire cesser les plaintes que l’on fait dans la répartition des pays d’états entre évêché et évêché, communauté et communauté, famille et famille, et pour traiter toutes les provinces du royaume avec la même proportion au sou la livre de leurs différents revenus annuels, le roi pourrait ordonner que les répartiteurs des pays d’états se serviraient de la méthode de la taille tarifée ; il en tirerait un grand avantage, c’est qu’il verrait alors avec évidence ce qu’il faudrait ou augmenter ou diminuer du subside à chacune de ses provinces pour mettre dans toutes le subside sur le même sou pour livre de leur revenu, il serait alors en état de rendre avec sûreté la justice qu’il doit aux provinces surchargées, en faisant porter partie de leur fardeau aux autres provinces trop peu chargées.

OBSERVATION VII [•]
Les campagnes se dépeuplent au grand préjudice de l’État [•], comme on peut le voir par le dénombrement des morts et des baptêmes

§ 472

Il naît année commune à Paris un vingtième plus de personnes qu’il n’en meurt, quoiqu’il y meure plusieurs voyageurs.

§ 473

Il meurt environ vingt mille personnes de huit cent mille, et il en naît vingt et un mille : le nombre des habitants augmente donc tous les ans d’une huit centième partie, c’est-à-dire de mille par la seule naissance sans compter les changements de demeure. Or en 80 ans ce serait quatre-vingt mille personnes, et quatre-vingt mille est la dixième partie de huit cent mille.

§ 474

De là on peut conclure que les familles des villages des provinces et des environs de Paris devraient augmenter en nombre à proportion, et que en quatre-vingts ans elles devraient augmenter d’un dixième, s’il y entrait autant d’habitants qu’il en sort.

§ 475

Cependant les paroisses taillables de Normandie, au lieu d’être augmentées d’un dixième pour le nombre des familles, sont diminuées au contraire, les unes d’un dixième, les autres d’un huitième, et quelques-unes de davantage depuis 1640 jusques en 1720.

§ 476

J’ai vérifié ce fait sur plusieurs paroisses de la généralité de Caen, en comparant le nombre des familles des rôles de tailles de certaines paroisses de l’année 1722 avec le dénombrement des familles des mêmes paroisses fait vers 1640, imprimé chez Saugrain in-4o en 172048.

§ 477

Quiconque a ce dénombrement imprimé peut faire la même vérification sur le rôle des tailles de sa paroisse et des paroisses de son voisinage : par la même raison on pourra voir que les villes tarifées ont augmenté le nombre de leurs familles.

§ 478

Cependant c’est l’abondance des fruits que produit la terre qui est la première cause de l’abondance et de la richesse d’un royaume, et c’est du nombre des cultivateurs que naît cette abondance de fruits, et plus il y a d’habitants, plus il y a de cultivateurs.

§ 479

La multitude des bonnes manufactures et le commerce maritime n’en sont que la seconde et la troisième causes, elles dépendent elles-mêmes de l’abondance des nourritures et des fruits de la terre comme de leur fondement. Celui qui sème et qui plante a même un furieux avantage dans le succès de son travail sur les manufactures, c’est que tous les éléments travaillent de concert avec lui, et rendent vingt, trente pour un : et tel est l’avantage des voitures par mer sur les voitures par terre. Le commerçant par mer trouve le moyen de mettre à son profit la liquidité de l’eau, et l’agitation de l’air, ce que ne fait pas le charretier.

§ 480

De là il suit que le gouvernement ne saurait trop tôt arrêter la désertion des campagnes, et remédier aux désertions précédentes par la nouvelle méthode de la taille tarifée qui consiste en trois points : déclarations, tarifs, et collecteurs perpétuels. Car par cette méthode les habitants des villes tarifées seront suffisamment invités à repeupler les villages, et les anciens habitants des villages ne songeront plus à en sortir, mais à mieux cultiver les terres de leurs paroisses, quand ils seront sûrs par la nouvelle méthode qu’eux et leurs enfants profiteront de leurs travaux [•].

OBSERVATION VIII [•]

§ 481

L’intendant a deux objets dans l’établissement de la méthode de la taille tarifée.

§ 482

La première, c’est de faire répartir la taille annuelle de chaque paroisse par le commissaire, sur chacun des taillables, à proportion de ses différents revenus, ou profits annuels, déduction faite de ses charges annuelles ; en sorte que nul habitant ne soit ni mieux, ni plus maltraité dans cette répartition qu’aucun autre, à proportion de leurs revenus annuels ; et que l’on pourra conclure à coup sûr que les taillables égaux, les fermiers égaux, sont précisément taxés à même somme, sans aucune différence.

§ 483

Le second objet de l’intendant, c’est de répartir la taille d’une élection sur toutes les paroisses, à la même proportion et au même sol la livre du total des différents revenus ou profits annuels taillables de chaque paroisse ; en sorte que si le total des différents revenus ou profits annuels de la paroisse du Val monte à seize mille livres, et le total du revenu taillable de la paroisse du Mont à huit mille livres, la taxe du Mont ne soit précisément que la moitié de la taxe de la paroisse du Val, afin que ni l’une ni l’autre n’est sujet de se plaindre du traitement de l’intendant, et que toutes deux aient lieu de se louer de sa justice, qui est fondée sur la connaissance exacte qu’il a prise par les déclarations constatées du total de leurs différents revenus.

§ 484

De là il suit qu’un article principal du rôle du commissaire doit être de mettre à la tête des deux rôles de proportion et d’exécution le total des revenus de la paroisse, le total de la taxe, et à quel sol la livre ; et cette taxe totale, afin que l’intendant puisse avec sûreté et facilité observer la justice et la proportion entre paroisse et paroisse de chaque élection, et même entre élection et élection ; et afin que le Conseil puisse garder cette même proportion entre généralité et généralité. Le fardeau étant ainsi proportionné aux forces des contribuables, il en sera porté avec beaucoup moins de peine ; personne ne sera jamais accablé, et il n’y aura plus ni tant de frais, ni tant de retardements au recouvrement du subside, ni de mauvais deniers ou de restes ; ce qui est le plus important pour l’État.

§ 485

Il serait encore à propos que les imprimés de chaque intendant fussent en petits caractères et en une brochure in-douze ; 1° afin de diminuer de moitié la dépense annuelle de l’intendant pour les impressions ; 2° afin que plus de personnes en pussent acheter à peu de frais ; 3° afin qu’un plus grand nombre de personnes fussent par ce moyen instruites de la justice qui est rendue à chacun ; 4° afin que plus de gens d’esprit et intelligents, ecclésiastiques, avocats, notaires, etc. puissent faire les rôles à moindres frais ; 5° afin que le travail du commissaire en devienne plus facile et que par conséquent il y emploie moins de temps et moins de dépense.

OBSERVATION IX [•]

§ 486

 [•]Les intendants ne sauraient eux seuls faire l’établissement de la taille tarifée, et ils ont besoin [•] tant du subdélégué, que de quatre, cinq ou six commissaires dans chaque élection, et surtout pour faire faire les premiers rôles ; ils en ont besoin tous les ans, pour faire faire de nouveaux rôles [•], et pour assister à la rectification des rôles de l’année précédente avec les collecteurs et principaux habitants, afin de faire les changements nécessaires à cause des nouveaux entrants, des sortants, des morts, ou à cause des nouvelles estimations et déclarations, des baux nouveaux, des terres reprises par les propriétaires, etc.49.

§ 487

Ces officiers seront chacun à son égard employés plusieurs jours à remplir les fonctions auxquelles chacun d’eux sera destiné [•]. Les subdélégués seront chargés d’un nouveau travail. Ainsi il est à propos qu’ils [•] y soient encouragés par une rétribution proportionnée. Les commissaires que l’intendant nommera pour être présents à la répartition de la taxe exigible de chaque taillable suivant le registre de proportion seront obligés de se transporter en différents endroits pour y voir faire les rôles et les signer. Or il ne faut pas qu’ils fassent des voyages et des séjours à leurs frais.

§ 488

On peut supposer que ces commissaires seront huit jours pour ces deux opérations ; à dix livres par jour, c’est à chacun huit pistoles que leur paiera le receveur.

§ 489

Il faudra au subdélégué environ quatre pistoles par chaque collecte générale de 80 000 livres ou environ. Ainsi le subdélégué d’une élection de six collectes générales aurait 240 £ par an à prendre chez le receveur, et pour les douze commissaires des six collectes générales, à 80 £ chacun, c’est 960 £, qui, jointes à 240 £ font 1 200 £ à ajouter à la taille de cette élection ; de sorte que si l’élection paie 480 000 £ de taille, c’est une augmentation d’une quatre centième partie ; et que celui qui payait vingt livres de taille paiera pour ces frais un sol plus qu’il ne payait et paiera vingt livres et un sol, au lieu que par le système de la taille arbitraire, il était bientôt ruiné [•] quand il plaisait aux collecteurs de le surcharger.

§ 490

Ces frais seront encore moins considérables lorsqu’il faudra moins de douze commissaires dans une élection qui paiera 480 000 £ et plus.

§ 491

Chaque intendant a besoin auprès de lui d’un commissaire général des rôles pour recevoir les plaintes, soit contre le commissaire particulier, soit contre les collecteurs, afin de lui en faire le rapport, et pour délivrer aux plaignants leurs sentences sans frais ; c’est que par le moyen de ce commissaire général, l’intendant pourra faire sommairement et sans frais la plus grande partie des fonctions de toutes les élections de la généralité.

§ 492

Il faudra même quelquefois deux commissaires généraux dans les généralités d’une grande étendue. Le commissaire général suivra l’intendant dans ses tournées ; et s’il y a dix élections de cent paroisses de cent habitants chacune, il aura mille écus dans cette généralité pour ses peines, à raison d’un écu par paroisse, que les collecteurs remettront à cet effet entre les mains du receveur, lorsque le mandement de l’intendant en aura chargé la paroisse, ou qu’il y aura pourvu autrement.

OBSERVATION X [•]
Commissaire président des collecteurs volontaires

§ 493

En supposant que l’on divise les élections par collectes générales de 25 à 30 paroisses chacune, et que l’on y établisse sept ou huit collecteurs volontaires, article très important, il serait peut-être à propos que le commissaire d’une collecte fût le président ou syndic de ces sept ou huit collecteurs volontaires avec double part ou environ. On en peut faire l’essai dans plusieurs élections avant que d’en faire un article de règlement général ; c’est qu’alors on pourra connaître avec plus de certitude par la comparaison des élections où il n’y a que des collecteurs forcés le grand avantage de cet établissement.

OBSERVATION XI [•]
Honoraire ou solde des commissaires des rôles des paroisses où il n’y a que des collecteurs forcés

§ 494

Les premiers rôles de la taille tarifée sont plus difficiles que les rôles des collectes générales, où il y a des collecteurs volontaires intelligents ; les commissaires y mettent trois fois plus de temps. Il faut dans chaque élection de cent paroisses, quatre commissaires qui en fassent vingt-cinq chacun en présence des collecteurs et de douze des principaux paroissiens après l’assemblée générale où les déclarations auront été constatées.

§ 495

On prend ordinairement pour commissaires des élus, comme plus instruits ; mais ils n’ont garde d’y travailler sans sûreté du paiement de leur travail, eux qui perdent beaucoup à l’établissement de la taille tarifée ; car d’un côté ils perdent leur crédit avec lequel ils faisaient favoriser injustement leurs paroisses et leurs fermiers, ou ceux de leurs amis, aux dépens des autres paroisses et des autres fermiers ; et de l’autre, cette méthode anéantit presque entièrement les procès entre taillables, et ces procès faisaient partie du revenu des élus.

§ 496

Pour payer ces commissaires, soit élus soit avocats, soit ecclésiastiques ou autres, on propose de leur donner un sol pour chaque taillable employé dans le rôle où il préside, soit pour ceux qui, comme simples journaliers, n’y occupent qu’une ligne, soit pour les riches qui y occupent plusieurs lignes.

§ 497

Or comme un commissaire peut faire par jour un rôle de deux cents taillables, ou deux rôles de cent chacun, ce serait dix francs par jour : il est vrai que la première année ce serait trop peu, parce qu’il n’en pourrait faire qu’un de cent taillables par jour ; mais la seconde année ce sera assez, parce qu’il pourra faire deux de ces rôles par jour.

§ 498

À l’égard du fonds nécessaire pour payer le travail de ces commissaires, il y en a un très juste en lui-même, parce qu’il est juste de soulager les collecteurs en augmentant les deniers de collecte, parce que les mauvais deniers ont fort augmenté les pertes des collecteurs depuis cent ans par l’augmentation de plus de moitié des tailles.

§ 499

Il suffira d’ordonner par arrêt du Conseil que les collecteurs, pour leur collecte, outre leurs six deniers anciens, lèveront autres nouveaux six deniers de plus par livre de la somme qu’ils recueilleront, et que, sur ces nouveaux six deniers, ils mettront entre les mains du receveur des tailles les sommes destinées par les ordres de l’intendant pour les commissaires des rôles.

§ 500

Je suppose une élection de cent paroisses, de cent taillables chacune, qui soit imposée à deux mille livres ; ces six deniers anciens pour livre font cinquante livres, ce qui n’est pas assez pour recueillir, pour faire les deniers bons, et pour faire les avances de quantité de pauvres redevables. Or n’est-il pas juste de donner aux collecteurs encore autres cinquante livres de plus et les obliger à en remettre aux mains du receveur des tailles trois livres pour le commissaire général des rôles qui sera auprès de l’intendant et environ cent sols pour le commissaire particulier du rôle de la paroisse dans laquelle il n’y a que cent taillables ?

§ 501

Quand toutes les cent paroisses de cette élection seront mises à la taille tarifée, deux commissaires pourront faire deux rôles de cent taillables par jour, et en vingt-cinq jours de travail, gagner vingt-cinq pistoles par an pour les commissaires de chaque élection de cent paroisses, de cent taillables chacune ; et comme il y a environ deux cent cinquante élections présentement, c’est une augmentation de cent vingt cinq mille livres, à la charge des collecteurs qui auront encore quarante-deux livres à répartir entre eux par paroisse de deux mille livres de taille, outre le paiement des commissaires.

§ 502

Je conviens que ces nouveaux six deniers par livre ou 50 £ par paroisse de 2 000 £, font une augmentation d’un quarantième de la taille, mais il en coûte déjà aux collecteurs, et par conséquent à chaque paroisse plus que ces nouveaux six deniers : or il n’y eût jamais une augmentation non seulement moins onéreuse, mais même plus désirable, non seulement parce qu’il est juste de soulager les collecteurs forcés, mais encore parce qu’en établissant les collecteurs volontaires avec le sol pour livre en entier, on délivrera pour toujours toutes les paroisses de la fâcheuse sujétion des collecteurs forcés, ce qu’elles rachèteraient volontiers au double de ces nouveaux six deniers pour livre.

§ 503

Ces commissaires pourront même travailler à leur rôle trois ou quatre mois avant de recevoir le mandement de l’intendant pour chaque paroisse, en supposant que la taxe de l’année future sera la même que celle de l’année présente, de sorte que lorsque le mandement sera arrivé, si la taxe de cette année est plus forte d’un dixième que celle de l’année passée, le commissaire n’aura plus qu’à augmenter d’un dixième la taxe de chaque taillable au même sol la livre ; et si la taxe du mandement est plus faible d’un dixième, il n’aura qu’à diminuer la taxe de chaque taillable d’un dixième ; ce ne sera plus qu’une affaire de calcul au même sol la livre pour chaque rôle, ce qui sera fait par les deux commissaires pour toute l’élection en moins de huit jours.

§ 504

Le métier de collecteur sera encore fort à charge aux collecteurs forcés, mais la moitié moins à charge, et par conséquent moins à charge à chaque paroisse qui doit les fournir à tour de rôle du nombre de ses habitants. Cette augmentation des nouveaux six deniers de collecte sera donc un règlement utile à chaque paroisse même.

OBSERVATION XII [•]

§ 505

Les collecteurs forcés [•] qui souvent sont peu intelligents, plusieurs ne sachant pas même écrire, auront besoin non seulement d’un commissaire pour diriger le rôle sur les déclarations et sur les tarifs, mais encore d’un calculateur pour faire les répartitions de l’augmentation ou de la diminution au sol la livre. D’ailleurs tout le monde sait que quand ces collecteurs forcés auraient un sol et demi pour livre de la somme qu’ils recueillent pour en faire les deniers bons dans les termes précis [•], pour les dédommager d’une partie des journées qu’ils emploient à leur collecte, et d’autres faux frais qu’ils sont obligés de faire, ils perdraient encore assez à cette collecte ; ainsi il paraît juste, et même dans les intérêts de chaque paroisse, de charger le rôle d’un sol pour livre en faveur des collecteurs, à la charge de payer le calculateur ou copiste, et [•] les vacations du commissaire : cela se peut exécuter par un simple arrêt du Conseil dont on fera dans la suite un article du règlement général [•].

§ 506

 [•]Il est juste de payer aux commissaires leurs vacations pour chaque rôle qu’ils font faire. J’ai consulté sur cela un intendant et deux personnes fort instruites sur ces matières ; ils ont trouvé raisonnable de les payer selon le plus ou le moins de leur travail, et pour cet effet de leur faire donner un sol pour chaque ligne ou cote payante pour le premier rôle de la taille tarifée, et six deniers par ligne payante des rôles des années subséquentes. L’édit des vérifications des rôles qui a été révoqué leur assignait six deniers par ligne [•], ou cote payante, et l’on ne peut moins leur accorder. On sait bien que les lignes ou les cotes payantes ne sont pas égales, mais le peu de travail des petites sera compensé par le grand travail nécessaire pour achever les grandes.

§ 507

On cherche une sorte de récompense, qui d’un côté soit suffisante pour engager le commissaire au travail, et qui de l’autre ne soit pas excessive ni trop à charge pour les taillables, et surtout pour les collecteurs qui seront chargés de payer ces vacations, et le calculateur, sur le sol pour livre qui leur sera accordé, comme je l’espère.

OBSERVATION XIII [•]

§ 508

L’établissement des compagnies de collecteurs volontaires, choisis parmi les taillables les plus habiles, les plus modérés et les plus laborieux, pour une collecte de vingt à trente paroisses, à un sol pour livre pour droits et appointements, à la place de ce prodigieux nombre de collecteurs forcés, malhabiles, emportés [•], vindicatifs ou autrement passionnés, qui perdent beaucoup de temps à faire moins bien leur recouvrement, paraît aux connaisseurs un article des plus importants pour l’établissement et le perfectionnement de la taille tarifée ; cela prouve qu’il serait à propos de recommander aux intendants d’en faire l’essai dans chacune de leurs élections, pour en connaître les grands avantages avec plus de sûreté.

OBSERVATION XIV [•]
Nécessité de mettre le rôle de proportion en livres tournois

§ 509

Si par le nouveau règlement proposé le Conseil n’établit pas une méthode avec laquelle il y ait toujours dans chaque paroisse un rôle entre les mains du syndic ou des collecteurs perpétuels, dans lequel sous la ligne de chaque taillable son revenu annuel, son occupation, sa puissance en maisons et terres, tant en propriété qu’en fermage, soit marqué précisément en livres tournois, le Conseil ne pourra jamais savoir précisément le total du revenu annuel des taillables de cette paroisse, ni par conséquent à quel sol pour livre de son revenu taillable cette paroisse paie sa taille actuelle, ni, si c’est à un sol pour livre, à deux sols, à trois sols, à quatre sols, à cinq sols, à six sols, à sept sols, à huit sols, à neuf sols, à dix sols pour livre ; car il y a des paroisses dans plusieurs généralités qui sont à ces différents sols pour livre, ce qui ne paraît pas croyable dans un État policé [•], parce qu’au-dessus de quatre sols pour livre au plus, il est certain que la taxe est excessive et ruine les taillables.

CONSÉQUENCES

§ 510

De là il suit que sans un pareil rôle l’intendant ne peut jamais être suffisamment instruit des facultés annuelles, des jouissances annuelles, des fruits annuels de chaque paroisse d’une élection.

§ 511

De là il suit qu’il ne pourra jamais être sûr sans de pareils rôles de distribuer avec proportion la somme totale de cette élection sur chaque paroisse.

§ 512

De là il suit qu’il ne pourra jamais savoir avec sûreté à quel sol la livre de son revenu annuel le total de cette élection paie sa taille.

§ 513

De là il suit qu’il ne pourra jamais, sans un pareil rôle, savoir avec sûreté de quelle somme de livres tournois il faut charger telle paroisse, et de quelle somme il faut décharger l’autre pour les mettre au même sol pour livre de leurs revenus ou gains annuels.

§ 514

De là il suit que sans le secours de pareils rôles il ne pourra jamais savoir avec sûreté la somme dont il faut décharger l’une de ces élections et charger l’autre, afin que toutes les élections de son intendance paient toutes pour leur taille annuelle le même sol pour livre de leur revenu annuel.

§ 515

De là il suit que sans de pareils rôles établis dans chaque paroisse il est impossible que le Conseil ait par les intendants une connaissance sûre du revenu ou profit annuel de toutes les généralités.

§ 516

De là il suit que sans de pareils rôles de proportion il ne pourra jamais savoir avec sûreté de quelle somme il faut charger l’une de ces généralités et décharger l’autre, pour les imposer toutes au même sou pour livre de leur revenu annuel.

§ 517

De là il suit qu’avec de pareils rôles on fera cesser trois sources de disproportions ruineuses entre généralité et généralité, entre élection et élection, et entre paroisse et paroisse.

§ 518

De là il suit que ce même rôle des revenus annuels, joint au tarif et à quelques articles du règlement, fera cesser les disproportions ruineuses si fréquentes et si préjudiciables à l’État qui se rencontrent dans chaque paroisse entre famille et famille.

§ 519

De là il suit que si le règlement nouveau se contente, comme le règlement de 1688, d’ordonner que sous chaque ligne du rôle d’exécution ou de recette le collecteur mettra de combien d’arpents le taillable jouit, prés, terres labourables, vignes, pâturages, moulins, soit comme fermier, soit comme propriétaire, sans évaluer en livres tournois les parties et le total de ces différentes jouissances, le Conseil ne pourra jamais avoir une connaissance sûre sur quel sol pour livre de ses facultés annuelles le taillable, la paroisse, l’élection, la généralité paie sa taille annuelle, et ne pourra jamais par conséquent remédier efficacement aux disproportions ruineuses : unique but du règlement proposé.

§ 520

Je sais bien qu’il y aura quelques difficultés à établir ce rôle. Je sais bien qu’il faudra y ajouter tous les ans les nouveaux taillables, les successions, les diminutions d’habitants, les uns morts, les autres transférés, les fermes nouvelles données aux habitants par les exempts, l’estimation des terres dont les propriétaires jouissent par leurs mains, les fermes baillées non en argent mais à moitié de fruits ; mais nous avons donné les moyens de lever ces difficultés, et les essais que feront les intendants en différentes élections nous apprendront encore à rectifier ces moyens ; et après tout ces difficultés ne sont rien moins que des impossibilités, et s’il se trouvait dans quelques paroisses des impossibilités passagères de faire des estimations, on laisserait ces paroisses dans le même état qu’elles sont aujourd’hui, jusqu’à ce qu’on eût trouvé les moyens de lever ces impossibilités présentes.

OBSERVATION XV [•]
Moyens pour faciliter l’exécution du rôle de proportion

Premier cas

§ 521

Dans le premier cas où l’on suppose que le Conseil adopte le projet d’établir comme par essai dans une élection de chaque généralité une collecte générale composée de plusieurs paroisses, et une compagnie perpétuelle de collecteurs à forfait pour cette collecte générale, cette compagnie sera très intéressée à faire promptement ces rôles de proportion dans chaque paroisse de sa collecte en présence des douze principaux habitants et du commissaire, afin d’être prêts à distribuer la taxe de l’intendant dans le rôle d’exécution ou de recette au sol la livre du rôle de proportion, et de procéder à la recette et au recouvrement. Or en ce cas l’exécution de ce rôle de proportion sera très facile. J’en ai donné les instructions et le modèle de règlement sur lequel on peut travailler comme sur un canevas proposé, surtout présentement que le Conseil est résolu de ne rien faire de définitif et de général qu’après divers essais.

Second cas

§ 522

L’exécution de rôle de proportion sera plus difficile dans le système ordinaire, dans lequel les collecteurs sont annuels, malhabiles, peu diligents, agités de passions qui tendent à la disproportion, haïs de plusieurs des habitants.

§ 523

Ceux des habitants qui craignent la proportion, et qui sont favorisés et soutenus par leurs protecteurs, y mettront tous les obstacles qu’ils pourront.

§ 524

Il semble donc qu’il faudrait, d’un côté, que le règlement encourageât les collecteurs à l’exécution de ce rôle de proportion, en leur attribuant le sol pour livre ; et d’autre côté menacer de hausser la paroisse où le rôle ne serait pas fait dans tel temps, et ordonner que ceux qui auraient signé la requête au subdélégué pour l’exécution de ce rôle ne porteraient rien de cette hausse.

§ 525

Il faudrait encore intéresser le subdélégué à l’exécution de ce rôle en lui attribuant une somme une fois payée par chaque rôle.

§ 526

Il serait même à propos que l’intendant taxât d’office ceux qui seraient convaincus de s’y opposer.

§ 527

Ainsi le Conseil emploierait avec prudence et justice la punition et la récompense, les seuls ressorts du bon gouvernement.

§ 528

On peut dans deux ou trois élections de la généralité de Paris faire l’essai des collecteurs perpétuels, des collectes générales, et l’essai des collectes ordinaires. Le Conseil, après ces essais ordonnés par deux ou trois arrêts du Conseil pour deux ou trois généralités, sera bien plus en état de choisir le parti le plus convenable à la proportion de la répartition, et à la facilité du recouvrement.

OBSERVATION XVI [•]
Sur les baux des fermiers

§ 529

1° Il est à propos que le vrai prix du bail du fermier soit constaté en livres tournois entre les coparoissiens, pour ne point taxer ce fermier plus haut que les autres fermiers, de peur de lui faire tort ; et pour ne point le taxer plus bas qu’il ne doit l’être, de peur de faire tort aux autres fermiers et aux coparoissiens.

§ 530

2° Il serait même utile pour proportionner la taxe entre les paroissiens de la même élection, de savoir par la déclaration du fermier combien d’arpents de sa ferme sont sur la paroisse voisine, et leur valeur annuelle.

§ 531

3° Il est vrai que jusqu’à présent les baux ne font point cette spécification en faveur des paroisses voisines de la ferme ; mais on peut y assujettir à l’avenir les fermiers sous une amende de dix livres, au profit de la paroisse du domicile du fermier ; mais en l’état où sont ou seront les baux d’ici à quelques années, les fermiers doivent au moins dans leurs déclarations marquer les arpents, et estimer à peu près la valeur annuelle de ces héritages qui sont hors de la paroisse de leur domicile ; et ils doivent aussi dans leur déclaration dire s’il y a contre-lettre, et quelle, à peine du quadruple de la fraude, et à peine de l’amende arbitraire au profit de la même paroisse et des collecteurs : ils doivent même porter leurs baux dans l’assemblée pour être représentés s’ils en sont requis par le commissaire.

§ 532

Alors le prix du bail sera suffisamment constaté pour proportionner la taxe d’un fermier dans la paroisse de son domicile à la taxe des autres fermiers.

§ 533

Il est vrai qu’un fermier de six cents livres peut avoir son bail à un quart meilleur marché que son voisin qui a le sien à pareil prix et trop cher d’un quart ; mais 1° celui qui a sa ferme à trop cher d’un quart, aurait-il droit de demander que sa taxe fût plus faible d’un quart que les autres fermiers qui tiennent leur ferme à un prix modéré ? Ainsi on doit s’en tenir au prix du bail pour éviter les frais d’une estimation de la ferme ; et d’ailleurs cet inconvénient est peu de choses et passager, et se corrige à chaque renouvellement de bail ; et en s’en tenant au prix du bail, on évite les procès et les frais des experts d’une estimation. Cela prouve qu’il est de petits perfectionnements qu’il faut éviter, parce qu’ils coûteraient plus qu’ils ne vaudraient. Il y a même une considération importante : c’est que les paroissiens étant intéressés à voir le prix de cette ferme à un quart plus haut ne manqueront pas d’en avertir le propriétaire qui en profitera et qui en fera profiter la paroisse dans le bail suivant.

§ 534

4° Le registre des déclarations, s’il est fait sur le modèle de l’intendant, contiendra le nom des différentes pièces de terre, leur nature, le nombre d’arpents, leur valeur annuelle en livres tournois, et rendra toujours témoignage du vrai revenu des taillables de la paroisse.

§ 535

Au reste les perfectionnements qui ne se font pas les premières années, se font peu à peu dans les années suivantes : c’est toujours beaucoup que par la méthode telle qu’elle est, quoiqu’encore un peu imparfaite, on soit sûr de diminuer tous les ans les trois quarts et demi des malheurs que cause l’arbitraire, et d’éviter entre les familles d’une même paroisse, entre les paroissiens d’une même élection, entre les élections d’une même généralité, sinon toutes les petites disproportions, du moins toutes les grandes disproportions ruineuses.

OBSERVATION XVII [•]
Sur le temps du paiement de la taxe des fermiers

§ 536

Quelques-uns ont prétendu que le fermier qui entre en possession de sa ferme à la Saint Michel, ou à la Toussaint 1737 devait être imposé sur le rôle que l’on fait en décembre 1737 afin de payer la taille dans cette paroisse pour sa ferme le long de l’année 1738 ; mais cela ne serait pas juste.

§ 537

Il ne peut payer pour sa ferme la taille annuelle que sur les fruits annuels qu’il en recueille ; or, au commencement de 1738, il n’a pu encore recueillir aucun fruit ; il n’a encore fait que de la dépense pour recueillir vers la fin de 1738.

§ 538

Ainsi il est clair qu’il ne doit être mis en rôle de paiement pour sa ferme que sur la fin de l’année 1738, dont il a eu le loisir de recueillir les fruits dans l’été et dans l’automne de 1738, pour payer la taille de sa ferme le long de l’année 1739.

OBSERVATION XVIII [•]
Propriétaire taillable exploitant son héritage

§ 539

Le taillable qui a un héritage qu’il loue à un fermier cent francs paiera vingt livres si la taxe de la paroisse est à quatre sols pour livre de ses revenus ; mais s’il fait valoir lui-même cet héritage, il paiera deux livres, ou un dixième de plus, c’est-à-dire vingt-deux livres : c’est qu’alors il est censé avoir pour deux cents livres de bestiaux ou d’autres meubles avec lesquels il fait valoir son propre héritage ; or ces deux cents livres mises en rente lui vaudraient dix livres par an de revenu, pour lequel revenu il paierait alors quatre sols pour sa taille.

§ 540

Le fermier de cet héritage qu’il tient au prix de cent livres, paiera la moitié moins que le propriétaire, c’est-à-dire dix livres si la taxe de la paroisse est à quatre sols pour livre du propriétaire taillable ; mais si cette taxe de l’intendant était à cinq sols pour livre de ce revenu, alors il faudrait augmenter les taxes des taillables de cette paroisse au marc la livre ; si la taxe n’était qu’à trois sols il faudrait diminuer au marc la livre les taxes particulières des taillables. Le devoir de l’intendant est de mettre toutes les paroisses d’une élection et toutes les élections de la généralité au même sol pour livre de leur revenu, quand il aura connu ce revenu par leurs rôles de proportion sur les déclarations des taillables constatées dans l’assemblée générale devant le commissaire.

OBSERVATION XIX [•]
Sur les exempts de taille

§ 541

1° Ces exemptions ne doivent pas être portées au-delà de ce qu’elles étaient au temps où les rois ont commencé de les accorder.

§ 542

2° Elles doivent être confirmées de règne en règne.

CONSÉQUENCES

§ 543

De là il suit que, supposant la date du premier privilège de deux cents ans, on prouvera que la taille d’aujourd’hui est huit fois plus grande, et de huit fois plus de poids d’argent que celle de 1530.

§ 544

Il est vrai que l’exempt peut dire qu’il a acheté ce droit en achetant cette charge, mais alors il n’aura pas à se plaindre quand on lui déduira sur la taille le denier dix de l’argent qu’il justifiera avoir payé.

§ 545

De là il suit que, sur ce pied-là, un exempt qui, à proportion de son revenu, paierait 400 £ de taille, et qui a acheté une charge 1 500 £, qui font au denier dix quinze pistoles, étant exempt de la huitième partie par sa charge, c’est-à-dire de 50 £ et de 150 £ pour l’intérêt de son argent, devrait être taxé par modération à 200 £ au soulagement de la paroisse.

§ 546

De là il suit que si les exemptions étaient ainsi réglées et la taille tarifée établie, il arriverait bientôt que les habitants de la campagne n’achèteraient plus de charges d’exemption, et que le grand nombre de procès et les faux certificats de service, que font naître ces exemptions, cesseraient entièrement, et les riches paysans n’achetant plus de charges pourraient faire valoir des fermes, ou établir des manufactures, et les campagnes en deviendraient ainsi beaucoup mieux cultivées et plus riches.

OBSERVATION XX [•]
Sur les rentes actives des taillables

§ 547

Le taillable qui jouit de cinq cents livres de rente, ou foncière, ou hypothèque, ou viagère, doit payer comme le propriétaire des terres ou des maisons de valeur annuelle de 500 £ de rente ; en voici la preuve :

§ 548

Le subside annuel ne peut se lever avec justice et avec sûreté que sur le revenu annuel du taillable.

§ 549

Or les rentes foncières, les rentes hypothèques, les rentes viagères sont au nombre des revenus annuels des taillables, et ils en sont aussi sûrement payés que du revenu de leurs terres.

§ 550

Donc les taillables qui ont des rentes doivent payer également pour leurs rentes, comme pour leurs terres et pour leurs maisons.

OBSERVATION XXI [•]

§ 551

Le taillable qui jouit de terres et de maisons pour la valeur de mille livres par an, mais qui doit dessus 500 £ de rente ne doit pas payer plus de taille que le taillable qui ne jouit de terres et de maisons que pour la valeur de 500 £ par an ; en voici la preuve.

§ 552

Le subside annuel ne peut se lever avec justice et avec sûreté sur le taillable qu’à proportion de son revenu annuel effectif. Or son revenu annuel effectif, le revenu dont il peut disposer, n’est effectivement que de cinq cents livres, puisqu’il ne peut et ne doit pas disposer du revenu d’autrui ; donc il ne doit payer la taille que comme possédant seulement un revenu annuel de cinq cents livres.

§ 553

De là il suit que le taillable, qui donne la déclaration de ses revenus, doit y employer les rentes actives qu’on lui doit.

§ 554

De là il suit que le taillable qui jouit de terres et de maisons, et qui en donne déclaration, doit y employer les rentes passives qu’il doit dessus, pour donner une idée juste de son revenu effectif.

OBSERVATION XXII [•]
Difficulté à éclaircir

§ 555

Dans le recouvrement du dixième le propriétaire de terres de valeur de mille livres par an, qui devait sur ces terres cinq cents livres de rente, payait le dixième en entier, c’est-à-dire cent livres ; mais il était autorisé par l’édit à retenir à son créancier cinquante livres pour le dixième de la rente de cinq cents livres ; pourquoi n’en pas user de la même manière dans la répartition de la taille ? Pourquoi ne pas ordonner que, si le taillable paie le cinquième de son revenu pour la taille, il retiendra par ses mains le cinquième de la rente de cinq cents livres qu’il doit ?

ÉCLAIRCISSEMENT

§ 556

Il est certain que si le taillable devait ces cinq cents livres de rente à un autre taillable son voisin, il n’en arriverait aucun inconvénient. Mais s’il devait cette rente au gentilhomme son seigneur, ou à un bourgeois d’une ville tarifée, et qu’il retînt cinquante livres à son seigneur ou à ce bourgeois, il arriverait que par cette ordonnance le gentilhomme paierait la taille qu’il ne doit point. Il arriverait que le bourgeois qui paie la valeur de sa taille par les droits d’entrée paierait ainsi une seconde taille, ce qui serait injuste et contre l’intention du roi.

OBSERVATION XXIII [•]

§ 557

Quoique j’ai dit ailleurs que le taillable qui a des terres et des rentes en d’autres lieux que dans la paroisse où il réside ne doit être imposé que sur le rôle de sa paroisse pour tout son revenu, des réflexions sérieuses m’ont fait reconnaître qu’il est plus de l’intérêt de l’État de mettre sur le rôle de chaque paroisse les domiciliés étrangers qui occupent des terres dans cette paroisse, que de les mettre seulement sur le rôle de la paroisse de leur domicile.

§ 558

Il est vrai que dans le système de la taille arbitraire, où le Conseil avait plus en vue la grande facilité du recouvrement de ce subside que la plus grande proportion dans la répartition du subside entre paroisse et paroisse, le parti qui suivait le taillable dans son domicile et qui ne l’obligeait à payer qu’à un seul rôle, paraît plus commode.

§ 559

Mais dans la méthode de la taille tarifée où l’on a plus en vue la justice et la proportion de la répartition du subside entre paroisse et paroisse que la plus grande facilité d’un recouvrement qui devient lui-même incertain par les effets de la disproportion, il me paraît qu’il vaut mieux pour l’intérêt de l’État que chaque paroisse emploie toujours sur les rôles la même quantité de terres, soit affermées soit en propriété, et que les collecteurs puissent toujours avoir droit d’en demander la taille aux fermiers et aux propriétaires taillables, quoique domiciliés ailleurs.

§ 560

L’intendant en fera ainsi bien plus sûrement et plus facilement l’imposition proportionnée sur chaque paroisse pour les fonds.

§ 561

Ces rôles seront toujours semblables pour la quantité et la valeur annuelle des terres, et serviront comme de cadastres où il n’y aura de changement considérable que par être tantôt mis en valeur par des propriétaires exempts ou taillables, ou par leurs fermiers.

§ 562

De là il suit que le propriétaire taillable paiera dans plusieurs paroisses où il aura des fonds différents, mais seulement sur ses déclarations qu’il donnera aux collecteurs ou au syndic de ces paroisses ; ces déclarations contiendront la quantité de vergées50 ou d’acres ou d’arpents, et la valeur annuelle telle qu’il en pourrait tirer communément d’un fermier ; et s’il a un fermier, ce fermier donnera sa déclaration de ce qu’il tient à ferme dans la paroisse et le prix de son bail.

§ 563

En général, il vaut mieux pour l’État que les rôles suivent principalement les fonds de terre des paroisses, qui sont immuables, et qui sont un bien plus considérable à l’égard du subside que ne sont le travail et le commerce des personnes qui changent perpétuellement.

§ 564

Il y a encore une raison considérable pour laisser les fonds à la décharge des paroisses où ils sont situés, c’est que les habitants en savent bien mieux la quantité, la véritable valeur et les charges que les habitants d’une paroisse éloignée où est le domicile de l’occupant.

OBSERVATION XXIV [•]

§ 565

Les maisons qui sont louées séparément des terres doivent être employées séparément dans les rôles.

§ 566

Les maisons qui sont affermées ou occupées conjointement avec des terres ne doivent être estimées que conjointement avec ces terres, c’est que séparées elles font revenu, et non séparées, elles augmentent le revenu des terres avec lesquelles elles sont unies.

OBSERVATION XXV [•]

§ 567

Il serait à propos que par le mandement il fût ordonné à chaque taillable d’apporter chaque année sa déclaration signée de lui au syndic dans le mois de mai, contenant toutes ses sortes de revenus sujets au tarif, ou les changements qui leur sont arrivés depuis le dernier rôle, soit par augmentation ou par diminution, sous peine de ne pouvoir se plaindre ni former aucune action en réduction de cote, parce que le commissaire et les collecteurs ne peuvent pas connaître son revenu comme lui-même.

§ 568

L’intendant d’Alençon en a ainsi usé dans son mandement pour 1736, et l’intendant d’Amiens a été plus loin sur la peine ; car il est ordonné trente livres d’amende contre ceux qui refuseront de donner leur déclaration, et contre ceux qui donneront de fausses déclarations, ce qui est juste et nécessaire pour construire tous les ans un rôle des revenus des taillables qui deviendra tous les ans de plus en plus exact.

§ 569

Ces déclarations vraies, jointes aux différents tarifs du mandement pour les différents revenus, garantiront pour toujours tous les taillables des disproportions ruineuses, et diminueront tous les ans de plus en plus les petites disproportions.

§ 570

Je doute que l’amende de 30 £ et le paiement du triple de fausse déclaration et de fausse estimation soient une peine suffisante pour les taillables riches ; ainsi je voudrais mettre sur peine d’amende au moins de 30 £ ; je dis au moins, afin que les riches puissent craindre une plus grande amende s’il y échet, et rendre ainsi par crainte de la punition aux autres habitants la justice qu’ils ne veulent pas leur rendre de bonne volonté.

§ 571

Sans ces déclarations enregistrées les commissaires seraient obligés d’avoir recours à beaucoup d’estimations, dans lesquelles il entre toujours un peu d’arbitraire, et c’est ce que la sagesse du gouvernement veut de plus en plus diminuer par des lois sages et positives sur tous les cas tant soit peu importants.

§ 572

Il faut distinguer deux temps pour ces déclarations : le premier, c’est le temps de la construction du premier rôle ; dans ce temps qui est plus long, on lit toutes les déclarations en présence du commissaire, des collecteurs et des autres principaux habitants pour les certifier. Cela demande plus de temps : mais il ne faut pas tant de temps pour l’année suivante ; car on n’y lit que les déclarations des nouveaux habitants et de ceux des anciens qui ont quelque chose à changer à leur première déclaration, soit en diminuant, soit en augmentant leur revenu [•].

§ 573

 [•]Lorsque le taillable n’aura absolument rien à ajouter ou diminuer à sa déclaration de l’année précédente, il suffira qu’il notifie au syndic qu’il n’a point de changement à y faire, et signera cette notification.

OBSERVATION XXVI [•]

§ 574

Le rôle de proportion pourrait se faire devant le commissaire sur les déclarations faites avant le mandement de l’intendant durant les mois de mai et de juin, en prenant pour règle les différents tarifs, et en supposant, par exemple, les revenus en propriété à quatre sols, etc.

§ 575

Après l’arrivée du mandement le commissaire n’aurait plus qu’à faire le rôle de recette, en ajoutant à chaque ligne l’augmentation que portera le mandement, en le répartissant au marc la livre sur chaque ligne du rôle de proportion.

§ 576

Chacune de ces lignes dans le rôle de recette ne contiendrait que le nom de chaque taillable et le total de sa taxe, au lieu que sa qualité et tous ses différents revenus seraient à sa ligne dans le rôle de proportion qui servirait dans le pays d’élection de ce registre, qu’on appelle en Languedoc registre de compôt, qui serait toujours la base de la taxe qui est proportionnée au revenu. J’ai expliqué ailleurs fort au long l’utilité de cette méthode et de ce registre de proportion.

OBSERVATION XXVII [•]

§ 577

J’ai vu, dans les différents rôles qu’ont faits les commissaires de l’élection de Valognes, que la plupart des disproportions qui s’y trouvent ne sont pas importantes, et qu’elles cesseront l’année prochaine s’ils suivent la méthode du registre de proportion fait sur les déclarations certifiés par le témoignage des collecteurs et des principaux habitants, qui feront aussi connaître les différents revenus des non-déclarants.

§ 578

Ces commissaires auront ainsi beaucoup moins de peine à faire beaucoup mieux qu’ils n’ont fait, quoique les rôles qu’ils ont faits soient incomparablement plus proportionnés que les rôles de la taille arbitraire, qui ne suppose dans les collecteurs aucune connaissance suffisante du revenu de chaque taillable, ni surtout aucune loi ou tarif qui les assujettisse comme il faut, malgré leurs passions, à l’observation de la proportion de la taxe annuelle au revenu annuel.

§ 579

Si un commissaire, qui avait fait une faute à bonne intention dans son rôle, avait eu attention à faire d’abord un rôle de proportion de la paroisse où il départissait la taille, il n’y serait jamais tombé.

§ 580

Cette faute consistait en ce qu’ayant fait la supputation sur le pied de quatre sous pour livre sur les terres des propriétaires de cette paroisse, et ne pouvant trouver son compte, ni la somme totale du mandement, au lieu de mettre les terres en propriété aux cinq sous pour livre, il les avait mises à huit livres la vergée51 pour arriver à la somme du mandement, en ne mettant la taxe que sur le pied de quatre sols pour livre ; il avait ainsi augmenté l’estimation des fonds des propriétaires à un revenu plus grand d’un quart que leur véritable valeur, de sorte que par son rôle on voyait le revenu des taillables de cette paroisse un quart plus grand qu’il n’était ; ainsi au lieu d’en montrer à l’intendant la véritable valeur, afin qu’il pût, après en avoir comparé la taxe à la taxe de la paroisse voisine qui était favorisée, la décharger, il prouvait, sans y penser, par son estimation excessive des fonds de la paroisse excédée, qu’elle devait être encore augmentée, ce qui était contre son intention.

§ 581

Le prix du bail est une règle plus sûre que l’estimation, mais pour cela il faudrait une ordonnance qui annulât les contre-lettres des baux, comme faites pour tromper.

OBSERVATION XXVIII [•]

§ 582

Les tarifs différents pour les différentes espèces de revenus ne sont pas encore portés jusqu’à une grande précision, parce que, faute d’expériences suffisantes, l’on n’a pas encore eu assez de lumières pour subdiviser ces espèces de revenus, parce que les uns sont sujets à de plus grandes charges et à plus de fâcheuses casualités que les autres ; mais tous les ans on fera des subdivisions de tarifs à proportion que l’on aura remarqué avec sûreté la nécessité de subdiviser un genre de revenu en différentes espèces.

§ 583

Cinq cents livres de revenu des terres en prairies, en herbages ou pâturages qui ne demandent point ou peu de réparations, et qui ne craignent point la grêle, doivent par exemple avoir un tarif différent de 500 £ de revenu en terres labourables où il y a des bâtiments à réparer et des grêles à craindre.

§ 584

Autre exemple : il y a en Normandie beaucoup de terres baillées à rente perpétuelle en argent avant l’an 1716 lorsque le marc d’argent était environ à vingt-huit livres tournois monnaie numéraire. Ces baux perpétuels sont appelés fiefs dans cette province ; les bailleurs sont appelés fieffants ; les preneurs sont appelés fieffataires52. Or, comme le même marc d’argent a augmenté depuis la fin de 1715 de vingt-huit livres tournois à quarante-neuf livres tournois ou environ, il est arrivé que cette augmentation de monnaie numéraire a causé la diminution réelle en poids d’argent d’une rente de quarante-neuf livres qui se payait avec un marc et deux cinquièmes d’argent, au lieu que depuis 1715 jusqu’à présent elle ne se paie que sur le pied d’un marc.

§ 585

De sorte qu’il est juste que le taillable preneur à rente, ou débiteur de ladite rente de quarante-neuf livres qui gagne par cette augmentation de monnaie environ vingt livres par an, paie au roi partie de son gain, et doit ainsi être traité différemment du preneur ou fieffataire qui a pris une portion de terre à quarante-neuf livres depuis 1716, c’est-à-dire depuis l’augmentation de la monnaie ; car celui-ci ne doit être traité à peu près que comme simple fermier que l’on suppose taxé à deux sols pour livre du prix de la ferme, suivant un ancien règlement du Conseil sous le ministère de M. Colbert, suivi particulièrement par la cour des aides de Normandie.

§ 586

On doit donc faire deux tarifs pour les deux classes de fieffes53 : la fieffe moderne faite depuis 1715 à deux sols pour livre ; la fieffe ancienne faite avant 1715 à trois sols pour livre de la rente du contrat de fieffe. Ce sont là des perfections qui arriveront de temps en temps aux règlements du Conseil, soit généraux pour tout le royaume, soit particuliers et locaux pour certaines généralités.

OBSERVATION XXIX [•]

§ 587

Les plus basses lignes et les deux plus pauvres d’entre les imposables sont le journalier, la veuve ou la fille de trente ans qui n’ont aucun revenu que leur travail.

§ 588

 [•]Il paraît juste de ne demander jamais plus de quarante sols au journalier et le tiers à la veuve sur le profit de leur travail et industrie, et cela dans les élections où le prix commun de la journée d’été et d’hiver du commun des journaliers est estimé huit sols par l’intendant ; et encore en seront-ils exempts s’ils ont quelque enfant au-dessous de douze ans à nourrir, et quatre livres dans les élections où la journée du journalier est au double, c’est-à-dire à seize sols ; mais ils pourront être diminués si l’imposition totale de la paroisse est diminuée ; c’est que leur demander pour l’État au-delà de cinq journées de leur travail, ce serait leur demander de leur extrême nécessaire, ce qui serait cruel et injuste.

§ 589

Le journalier et la veuve de soixante ans ne doivent même plus payer que la moitié de leur cote d’industrie et en être quittes à soixante et dix ans : voilà ce que dicte l’humanité.

REMARQUE [•]

§ 590

Il y a une remarque juste à faire en faveur du journalier qui n’a que ses bras pour tout revenu, et même en faveur des ouvriers malsains54 et de certains métiers de petit rapport : c’est 1° qu’ils peuvent manquer plusieurs jours de travail ; 2° que pour vivre et pour s’habiller eux et leur famille, ils n’ont que l’extrême nécessaire ; ainsi ils n’ont que peu de journées de leur travail dont ils puissent se passer pour porter leur part des besoins de l’État.

§ 591

De sorte que si vous demandiez au journalier un quart ou un cinquième du revenu de ses bras ou de son industrie, comme vous le demandez sur les journées de l’avocat ou du notaire, ou sur leurs revenus en fonds de terre, vous lui demanderiez la cinquième partie de son extrême nécessaire, ce qui serait inhumain et par conséquent très injuste ; il ne peut au plus donner qu’un cinquantième de son travail.

§ 592

Ainsi quand on demandera au simple journalier la valeur de cinq jours de son travail par an, c’est tout ce qu’on peut jamais lui demander, et encore faut-il qu’il n’ait point d’enfants au-dessous de neuf ou dix ans à nourrir.

§ 593

La taille aurait beau augmenter dans la paroisse, la taille du journalier a ses bornes à la valeur de six journées de son travail ; l’augmentation ne porte point sur celui qui n’a rien, et pour une famille c’est n’avoir rien que de n’avoir précisément que l’extrême nécessaire pour vivre : ceux qui composent cette famille n’ont pas leur soûl de pain d’orge ; or peut-on jamais penser que le roi voulût leur ôter le quart de ce pain d’orge dont ils n’ont pas même assez ?

§ 594

Que chacun de nous se mette pour un moment à leur place, ne trouverions-nous pas injuste qu’on nous ôtât ainsi de notre extrême nécessaire, tandis qu’on laisserait à d’autres taillables non seulement le nécessaire, mais encore beaucoup de sortes de superflu, en comparaison de l’extrême pauvreté du journalier et de sa famille ?

§ 595

Il est vrai qu’il serait injuste de vouloir ôter la différence entre les conditions différentes ; mais il n’est pas moins injuste de vouloir que le tarif, suivant lequel la classe des plus riches métiers qui ont du superflu doit payer sa portion du subside de l’État, soit le même que celui de la classe des plus pauvres qui n’ont nul superflu et à qui il ne reste pour vivre que l’extrême nécessaire.

§ 596

De là il suit que dans la paroisse où la journée du journalier est estimée le long de l’année au prix commun huit sols, sa cote d’industrie ne doit être à présent que de quatre jours, c’est-à-dire trente-deux sols, à présent que les taxes des rentes en propriété sont au cinquième, c’est-à-dire à quatre sols pour livre.

§ 597

De là il suit que l’industrie du journalier ne peut être estimée, alors, à l’égard du subside de l’État, que comme un fonds qui rapporterait cinq fois trente-deux sols, c’est-à-dire huit livres par an.

§ 598

De là il suit qu’il serait à propos de taxer à présent sur le pied de sept journées l’ouvrier qui gagne journée commune douze sols, c’est quatre livres quatre sols en lui laissant pour sa subsistance et pour celle de sa famille un quart plus qu’au journalier ; ainsi son industrie sera estimée comme un fonds taillable dans la paroisse, de cinq fois quatre livres quatre sols, ou de vingt et une livres dont le cinquième est quatre livres quatre sols.

§ 599

De là il suit que les autres métiers plus lucratifs doivent être estimés à proportion.

§ 600

De là il suit que les journaliers des paroisses voisines des villes riches et de grand commerce, et qui gagnent le double des autres journaliers, doivent être taxés au double.

§ 601

De là il suit que l’on peut connaître peu à peu le véritable revenu taillable d’une paroisse, non seulement en terres et en rentes, mais encore en industrie, et avec une exactitude et une sûreté suffisante ; et par conséquent l’intendant pourra taxer toutes les paroisses au même sol la livre de leur revenu, ce qui jusqu’à présent avait paru impossible ; mais à dire la vérité cette connaissance ne saurait être fort sûre et fort exacte qu’en plusieurs années d’expérience, et lorsque la crainte du quadruple et de l’amende arbitraire, punition suffisante et inévitable, aura fait éclipser en trois ou quatre ans tous les faux déclarants.

§ 602

Mais c’est beaucoup d’être enfin parvenu dans le chemin de la justice, où l’on ne trouve que lumière, tranquillité et abondance, et de pouvoir y faire tous les ans différents progrès ; c’est beaucoup d’être enfin sorti du chemin de l’arbitraire, chemin ténébreux où l’on ne rencontre que craintes, que terreurs, que fortunes renversées et pauvreté affreuse.

OBSERVATION XXX [•]

§ 603

L’artisan pour son industrie, lorsqu’il n’a point d’autre revenu pour vivre que son métier, ne doit jamais payer plus du double du journalier, à quelque somme que l’on puisse mettre la taille de sa paroisse ; encore faut-il supposer qu’il soit employé et qu’il y ait à travailler toute l’année.

§ 604

Le meunier est un artisan qui doit la taxe de son industrie, et si, avec ses chevaux et son blé, il a quatre cents livres de commerce, il doit payer comme s’il avait vingt livres de rente, outre sa taxe d’industrie.

§ 605

L’artisan qui a des apprentis ou compagnons doit payer pour chacun d’eux la moitié de la taxe du journalier.

§ 606

L’artisan qui a déclaré cent francs en commerce doit payer comme s’il avait cent sols de rente ; or supposant la taxe de la paroisse à quatre sols pour livre, le cinquième de cinq livres c’est vingt sols.

§ 607

Il est vrai que ces cent francs lui rapportent plus de cent sols de profit par an, mais il y met son industrie et partie de son travail ; et puis il est de l’intérêt de l’État de favoriser et de multiplier les petits commerçants si l’on veut multiplier les grands commerçants dans le royaume ; car c’est le grand nombre de grands commerçants qui attire le grand commerce et les grandes richesses.

§ 608

L’artisan qui n’a d’autre revenu que son métier, s’il a un enfant au-dessous de douze ans, sera exempt de sa taxe d’industrie.

OBSERVATION XXXI [•]

§ 609

Par la même raison il est de l’intérêt de l’État de multiplier dans le royaume les moutons, les vaches, les bœufs, les chevaux, et comme ces animaux sont nécessaires pour tirer du revenu des terres, il suffit de taxer les terres qui les nourrissent ; ainsi il ne faut point mettre de taxe sur les bêtes, mais sur les terres ; autrement ce serait taxer deux fois les mêmes terres [•].

§ 610

Mais un voiturier qui a deux ou trois chevaux et qui ne fait valoir aucune terre sera taxé à proportion de l’argent qu’il emploie pour faire son commerce ; ainsi il ne sera pas taxé pour ses chevaux, mais pour cent francs, deux cents francs que lui coûtent ses chevaux et qu’il met en commerce [•].

§ 611

Le marchand [•] qui fait commerce de chevaux, de bœufs, de moutons, etc. sera de même taxé selon qu’il met de sommes plus ou moins grandes pour le commerce qu’il fait de ses bestiaux, et non pas suivant la valeur de telle ou telle espèce de ses bestiaux : mais il n’en doit pas être de même pour ceux qu’ont les laboureurs et les autres gens de la campagne qui n’en font pas un commerce ordinaire. Celui qui a deux ou trois vaches ou des moutons ne sera point taxé pour ses vaches et pour ses moutons, mais pour la terre qui les nourrit, parce que sans les vaches et sans le blé que l’on sème, la terre ne rapporterait aucun revenu [•].

§ 612

D’ailleurs si par les taxes sur les bestiaux des gens de la campagne, on ôtait ou empêchait l’augmentation et la multiplication de ces sortes de bestiaux, ce serait causer pour l’État en général, et pour tous les particuliers, une perte très considérable : ainsi quatre motifs doivent déterminer à favoriser la multiplication de toutes sortes de bestiaux nécessaires ou utiles pour la vie ou l’entretien des hommes.

PREMIER MOTIF [•]

§ 613

Sans les bestiaux on ne pourrait tirer aucun revenu des terres [•], et les bestiaux ne sauraient eux-mêmes ni subsister, ni rapporter aucune sorte de revenu que par les fruits de la terre ; le revenu qu’ils produisent fait donc, pour ainsi dire, partie du revenu de la terre, de sorte qu’en taxant leur revenu séparément du revenu de la terre, on taxerait ainsi deux fois le même revenu.

§ 614

Il est vrai que je ne mets pas de ce nombre le revenu que les marchands de bestiaux tirent de l’argent qu’ils mettent en commerce, par l’achat et la revente continuelle des bestiaux qu’ils mènent aux foires et qu’ils en ramènent le long de l’année ; c’est aux collecteurs à taxer cette sorte de revenu par rapport à la somme que ces marchands ont dans ce commerce, qui sera le centième denier ; ainsi par exemple, le marchand sera taxé à neuf livres pour neuf cents livres qu’il a en commerce, et à neuf pistoles pour neuf cents pistoles.

§ 615

Sur quoi il faut observer : 1° que le marchand qui donnera au syndic la déclaration de la somme qu’il a dans ce commerce, soit comme propriétaire, soit comme facteur d’autres particuliers, ne pourra être taxé que suivant sa déclaration, sauf aux collecteurs et habitants à le faire condamner au quadruple et à l’amende, comme fraudeur, s’il est coupable de fausse déclaration.

§ 616

2° Le centième denier du capital de neuf cents livres, qui est neuf livres, est le cinquième du revenu que produirait une rente de quarante-cinq livres que l’on achèterait pour neuf cents livres.

§ 617

 [•]On peut de même taxer les rouliers et les autres voituriers55, suivant le prix des bestiaux qu’ils ont pour leur commerce.

SECOND MOTIF

§ 618

Il est certain que dans les paroisses où les bestiaux ne seront point taxés les paysans seront plus portés à en nourrir un plus grand nombre ; ce qui multipliera toutes ces sortes d’animaux et en augmentera le commerce dans l’État ; ainsi il y aura plus de beurre, de fromages, plus de laine, plus de cuirs, ce qui est une richesse de plus.

§ 619

Ce qui manque à la France, c’est l’augmentation du commerce que la taille arbitraire a presque entièrement ruiné dans les province taillables.

TROISIÈME MOTIF

§ 620

Il est certain qu’il faut viser à simplifier les rôles, tant pour diminuer la peine des commissaires, des collecteurs, que pour diminuer les contestations sur le nombre des bestiaux, des fermiers et propriétaires ; or il est visible que les rôles seront beaucoup plus faciles et plus courts et sans tant de contestations, et le subside entièrement et proportionnément réparti sur le revenu des taillables.

QUATRIÈME MOTIF

§ 621

Mais ce qu’il y a de plus intéressant pour tous les sujets comme pour l’État, c’est que plus il y aura de bœufs, de moutons et de cochons, etc. il est certain que ces bestiaux seront à meilleur marché : le boucher, le chaircuitier56 pourront alors donner la viande à un sol, à deux sols la livre, moins qu’ils ne font quand ils achètent plus cher les bestiaux qu’ils tuent. Cet objet est, comme on voit, très considérable.

§ 622

Plus il y aura de vaches, de chèvres, de brebis, l’abondance du beurre, des fromages et des autres espèces de laitage fera qu’on les aura à un sol, plus ou moins, la livre, à meilleur marché : ce n’est pas encore un petit objet.

§ 623

Plus il y aura de brebis, de moutons, et plus il y aura de laine : il s’ensuit qu’il y aura aussi plus de manufactures d’ouvrages où la laine est employée ; qu’il faudra dans ces manufactures un plus grand nombre d’ouvriers de toutes espèces : hommes, femmes, enfants ; les vieillards même et les infirmes pourront y trouver à travailler selon leurs forces et leurs talents. Outre que par ce moyen d’occuper plus de gens aux différents ouvrages des différentes manufactures des ouvrages de laine, on diminuera le nombre de mendiants ; l’abondance de tous ces ouvrages fera que le marchand d’étoffes, le chapelier, le bonnetier, le mercier pourront aussi donner chacun la marchandise dont il fait commerce à meilleur marché : cet objet n’est guère moins important que les deux précédents.

§ 624

Plus il y aura de cuirs, plus il faudra encore de manufactures de cette marchandise. Si par l’abondance des cuirs il sera nécessaire d’y employer plus d’ouvriers, le prix en diminuera en même temps assez pour que le cordonnier, le sellier, le bourrelier et les autres artisans qui emploient le cuir, donnent leurs ouvrages à moindre prix qu’ils ne peuvent faire lorsque cette marchandise est plus chère.

§ 625

Que chacun selon son état et sa dépense examine le profit que lui rapporte la diminution de toutes ces denrées et marchandises, et il trouvera sans contredit que rien n’est plus avantageux que de favoriser la multiplication des bestiaux ; que d’en empêcher l’augmentation par des taxes qui ôtent la liberté aux gens de la campagne d’en avoir et d’en élever, c’est une perte réelle pour les gens de tous les états et de toutes les conditions.

§ 626

On devrait même encourager les pauvres journaliers et les pauvres veuves à élever ce qu’ils pourraient de ces pauvres bestiaux, en leur en donnant à cheptel, lorsqu’ils n’ont pas le moyen d’en avoir à eux, comme il se pratique en quelques endroits du royaume : au lieu que dans la plupart des lieux où la taille est arbitraire, les collecteurs ont l’inhumanité de taxer à un écu, et quelquefois à une pistole à la taille, des misérables déjà surchargés, lorsqu’ils ont seulement une vache ou une chèvre, afin de pouvoir nourrir leurs enfants : comme ces pauvres gens ne peuvent payer, la vache ou la chèvre est d’abord saisie et vendue impitoyablement, sans égard que c’est réduire le pauvre dans la nécessité d’envoyer ses enfants mendier et d’abandonner lui-même tout, pour aller demander l’aumône avec toute sa famille, hors de sa paroisse et quelquefois hors de sa province. Ce sont ces duretés des collecteurs qui sont le plus souvent la cause qu’on voit presque dans tout le royaume de ces familles entières de mendiants, le père et la mère portant et traînant une troupe d’enfants ; et ces enfants ainsi accoutumés à gueuser, deviennent la plupart des fainéants et quelques-uns des voleurs, faute d’avoir été dressés au travail dès leur plus tendre jeunesse, comme ils l’auraient été si leurs pères n’avaient point été contraints par des taxes excessives de s’en aller à l’aventure, ne pouvant nourrir leurs enfants de leur travail, ni avoir en élevant quelques bestiaux ou quelque volaille le moyen de les faire subsister.

§ 627

 [•]La méthode de ne point taxer les bestiaux est déjà pratiquée en Normandie dans la généralité de Caen et dans celle d’Alençon, et tout est payé sans murmure, sans plainte, et imposé avec facilité, avec proportion, sur les déclarations des taillables. Il est vrai que d’abord on employait sur les rôles une taxe sur les bestiaux ; et comme ces taxes étaient arbitraires, il en résultait une infinité de contestations et d’autres inconvénients dont on a d’abord reconnu les conséquences par le préjudice que ces sortes de taxes auraient infailliblement causé à tous les particuliers.

§ 628

Lorsqu’il y aura abondance de chevaux et de bœufs dans le royaume, on ne sera point obligé d’en faire venir des pays étrangers, surtout pour les armées, comme on est souvent obligé de faire, et par là faire sortir du royaume des sommes très considérables57.

OBSERVATION XXXII [•]

§ 629

Un propriétaire taillable, qui possède quatre cents livres de rente en terres affermées à un habitant de la même paroisse, paie, par exemple, quatre sols par livre comme propriétaire, c’est-à-dire le cinquième ou quatre-vingts livres ; et son fermier comme fermier paie les deux sols pour livre de quatre cents livres, c’est-à-dire quarante livres ; mais [•] s’il reprend sa terre, par la protection de la loi des tarifs et des déclarations véritables, il aura le grand avantage de ne pouvoir jamais être taxé qu’en même proportion que tous les autres taillables du royaume.

OBSERVATION XXXIII [•]

§ 630

Il s’est présenté une question dans le cas où le propriétaire de terres qu’il afferme est taxé au cinquième denier du prix du bail ; par exemple, si le bail est à cinq cents livres, il paie cent livres, et où le fermier paie les deux sols pour livre du bail, c’est-à-dire cinquante livres [•].

§ 631

Si ce propriétaire reprend sa terre des mains de son fermier pour la faire valoir lui-même par ses mains, ne paiera-t-il que cent livres en tout, ou bien paiera-t-il cent livres comme propriétaire, et cinquante livres comme occupant ou jouissant, ou enfin que paiera-t-il ?

RÉPONSE [•]

§ 632

Il faut observer qu’alors dans la paroisse où sont ces terres, l’argent en commerce est taxé au centième denier. En supposant ce qui est regardé comme vrai, que pour faire valoir une ferme de cinq cents livres, il faille ordinairement mille francs, et que le centième denier de ces mille livres ou cent pistoles en commerce, ce soit une pistole, il s’ensuit qu’en suivant les tarifs des terres et du commerce, ce propriétaire qui a repris sa ferme de cinq cents livres pour la faire valoir par ses mains paiera cent dix livres. Il est de l’intérêt de l’État de favoriser ceux qui mettent leur industrie à faire valoir l’argent et à augmenter le commerce. Il est de l’intérêt de l’État que les propriétaires fassent eux-mêmes la culture de leurs terres ; il en résulte un plus grand nombre de fruits. Au reste les intendants ont soin de diminuer la taxe d’une paroisse lorsque les propriétaires reprennent leurs terres des mains de leurs fermiers.

OBSERVATION XXXIV [•]

§ 633

Un propriétaire fait vendre les meubles de son fermier et reprend sa terre avant la confection du rôle ; le commissaire ne doit pas alors l’employer dans le rôle comme fermier, puisqu’il a abandonné la ferme par impuissance de la faire valoir [•] ; et si la terre est déjà ensemencée, celui qui prendra les fruits qu’aura recueilli ce fermier s’il eût joui, doit pour cette année-là, payer la taxe à laquelle il aurait été imposé : ce cas est arrivé, et il est bon qu’il soit décidé afin que le commissaire y ait égard ; moins on laisse de cas indécis, plus on assure l’observation de la justice, plus on fait tarir de sources de procès [•].

OBSERVATION XXXV [•]

§ 634

Comme le locataire d’une maison ne peut pas tant gagner à son louage que le fermier d’une terre peut gagner à sa ferme, et qu’il n’y met pas tant d’argent pour la meubler que le fermier, il paraît raisonnable de diminuer le tarif de ces loyers à la moitié des tarifs des fermes des terres ; il faut tâcher d’approcher en tout le plus près qu’il est possible de la justice ; ainsi lorsque le fermier d’une terre est taxé aux deux sols pour livre de son bail, le locataire d’une maison ne sera qu’à un sol pour livre du prix de son bail.

OBSERVATION XXXVI [•]

§ 635

1° La division des terres en bonne, médiocre et mauvaise ne suffirait pas [•], comme on l’a déjà dit, dans quantité de paroisses où il y a des terres qui valent depuis quarante sols jusqu’à quinze et vingt livres l’arpent ; il faut les estimer séparément et en faire autant de classes que de valeurs différentes, et toujours par estimation en livres tournois.

§ 636

2° La meilleure terre d’une paroisse ne vaut pas souvent la médiocre d’une autre paroisse : ce mot, médiocre, est donc alors un terme très équivoque ; ainsi c’est une nécessité d’en revenir à l’estimation en livres, et même en livres dix sols ; il faut s’en rapporter au prix annuel déclaré par le propriétaire soumis à la peine de fausse estimation.

§ 637

3° Comme la taxe de l’intendant sur chaque paroisse, et celle du Conseil sur chaque généralité, est en livres tournois, il est absolument nécessaire que le revenu qui doit la payer avec proportion soit aussi estimé et déclaré en livres tournois [•] ; et à l’égard des fermes, il n’y a qu’à suivre le prix annuel du bail.

OBSERVATION XXXVII [•]
Sur la confection et signature des rôles

§ 638

On a pu remarquer ce qui a déjà été observé au commencement de ce livre, dans l’idée de la taille tarifée dont j’ai fait un préliminaire de tout cet ouvrage58, que quand le commissaire aura fait le rôle d’une paroisse sur le pied de quatre sols pour livre de la valeur des terres ou rentes actives en propriété et de deux sols pour livre pour fermage ou exploitation, et l’industrie sur le pied des autres tarifs, il trouvera à la fin du rôle de deux choses l’une : la première, que le total des sommes que les taillables de cette paroisse doivent payer suivant les tarifs sera plus grand, par exemple d’un dixième que le total de la taxe du mandement ; or en ce cas il faudra que le commissaire fasse diminuer d’un dixième et au marc la livre chaque ligne avant que de signer le rôle, dans lequel il sera fait mention de cette différence.

§ 639

La seconde, que le total des sommes de toutes les lignes formées sur les tarifs sera plus petit, par exemple, d’un dixième, ou autre partie aliquote, que le total des impositions portées par le mandement : en ce cas le commissaire augmentera au marc la livre chaque ligne du rôle de la paroisse d’un dixième ou autre partie aliquote avant que de le signer, et il y sera fait mention expresse de la différence entre le total que produisent les tarifs et le total des sommes du mandement de l’intendant.

§ 640

C’est que le but du projet de la taille tarifée et de l’intention du roi étant de faire rendre justice non seulement entre famille et famille de la même paroisse, mais encore entre paroisse et paroisse, entre élection et élection, et entre généralité et généralité, il est absolument nécessaire de connaître celles qui paient plus de livres tournois qu’elles ne doivent à proportion du revenu en livres tournois des taillables, et celles qui paient moins qu’elles ne doivent : en suivant précisément les mêmes tarifs, il est absolument nécessaire de connaître la somme dont il faut charger les unes, et la somme en livres tournois dont on déchargera les autres.

OBSERVATION XXXVIII [•]

§ 641

Les élus perdront certainement à la diminution du nombre des procès une partie de leur considération et de leur autorité, et par conséquent une partie de leur revenu : je trouverais raisonnable de les en dédommager par différentes manières. 1° En les préférant, quant à présent, aux gentilshommes pour commissaires des rôles. 2° En leur donnant l’autorité de juger en dernier ressort les affaires de peu d’importance qui ne passeraient pas la valeur de quatre-vingts livres et de cent soixante livres quand ils seraient d’avis uniforme ; je dis quant à présent et pour un dédommagement viager ; car après leur mort il serait raisonnable de préférer les gentilshommes, surtout à l’égard des autres paroisses que celles où ils demeurent ; on peut aussi les décharger de leur capitation.

OBSERVATION XXXIX
Remarques sur le plan de la taille proportionnelle arrêté au bureau de M. Amelot, dans la Régence, le 27 octobre 1716

§ 642

Ce n’est pas d’aujourd’hui que le Conseil, informé des injustices qui se commettent dans la répartition du subside de la taille, a cherché les moyens d’en arrêter le cours ; c’est dans cette vue que de temps en temps ont été faits tant de sages règlements.

I

§ 643

Dans la lettre aux intendants, le Conseil leur donne pouvoir de faire un état des gratifications qu’ils accorderont aux commissaires qu’ils emploieront, et ils pourront y employer des commissaires de tous les ordres, ce qui est juste et raisonnable.

II

§ 644

Dans l’instruction aux intendants, on a rejeté la Taille réelle et la Dîme royale, à cause de leurs inconvénients.

§ 645

Le Conseil convient de la nécessité du dénombrement des terres de chaque paroisse appartenant aux taillables, et des fermages appartenant aux taillables et aux non-taillables ; du nombre d’arpents, et de la valeur de chaque arpent en livres tournois.

§ 646

Mais au lieu d’obliger le propriétaire taillable et le fermier à donner sa déclaration et estimation véritable sous punition suffisante, il s’en fie à la connaissance qu’en prend le commissaire ; et voilà ce qui a fait évanouir ce projet, parce que les relations des commissaires se sont trouvées toutes fausses, les unes de moitié, les autres d’un tiers et plus, les autres d’un quart ; c’est qu’il n’y a point de punition à imposer aux estimateurs étrangers pour fausseté, mais seulement aux propriétaires et fermiers qui estiment faux.

III

§ 647

Dans le projet d’Articles, Article 3, le même taillable doit être imposé dans toutes les paroisses où il a des terres, sous le titre des non-domiciliés, ce qui paraît le meilleur parti.

§ 648

On déduit aux propriétaires les rentes foncières qu’ils doivent, et avec raison : on doit en faire autant des rentes hypothèques, le tout en justifiant.

§ 649

Il est ordonné avec raison que le rôle contiendra tout le revenu ; et que le total de ce revenu sera marqué à la fin du rôle, et à quel sol la livre la paroisse est imposée ; ce qui est très raisonnable et très utile pour l’intendant.

§ 650

Mais dans ce revenu des taillables, on a omis de mettre l’industrie pour un revenu ; par exemple, dix livres par an de profit que peut faire le journalier de dix sols par jour, pour ses deux cents journées, sa subsistance prélevée ; et c’est à quoi l’intendant d’Amiens a largement remédié, en faisant mettre au nombre du revenu taillable de chaque paroisse, dix livres pour un journalier pour l’année 1736. Il est vrai que le gain annuel du journalier près d’Amiens peut être estimé douze ou quinze livres, tandis que le gain du journalier éloigné de cinq lieues d’une ville ne sera qu’à dix livres ; mais ce sont de ces perfectionnements de proportion qui viendront peu à peu.

§ 651

Dans ce projet le tarif des fermiers est à la moitié du tarif des propriétaires, comme dans le projet de la taille tarifée.

OBJECTIONS ET RÉPONSES

CHAPITRE VI

§ 652

 [•]Il est rare de voir que le projet le mieux inventé, et dont l’exécution serait la plus avantageuse, soit généralement approuvé de tout le monde : il arrive au contraire que quelque judicieuse que soit une proposition de l’établissement le plus utile et le plus juste, il se trouve toujours des contradicteurs qui tâchent d’en empêcher l’effet, soit par l’intérêt particulier qu’ils croient avoir de s’y opposer, ou par d’autres motifs dont la justice et l’utilité publique ne sont pas toujours le fondement.

§ 653

C’est par ces considérations que j’ai voulu prévenir les objections que l’on pourrait faire à l’établissement de la taille tarifée, en les faisant moi-même, avec les réponses que j’ai cru y devoir joindre ; de même qu’à celles qui m’ont été faites effectivement, et auxquelles je crois aussi avoir répondu d’une manière à faire voir l’illusion des difficultés prétendues qu’on s’imagine y trouver.

OBJECTION I [•]

§ 654

Les différents tarifs que vous proposez de faire pour rendre la taille tarifée souffriront toujours bien des inconvénients ; car outre les difficultés d’y réussir, pourra-t-on se promettre de les avoir jamais avec exactitude. Dans celui qui regarde les commerçants par exemple, il est à craindre que celui qui aura plus de deux mille francs de marchandises, d’effets ou d’argent en commerce ne se déclare de la classe de mille livres, et que celui qui en a pour plus de quatre cents livres ne se déclare de la classe de deux cents livres. Or, contre cette fausseté de déclaration, il n’y a point de préservatif qui ne soit pire que le mal, car d’un côté, si vous obligez un marchand taillable à donner devant le juge la déclaration en détail de ses marchandises, billets et argent, lorsqu’il serait mis en justice, ce serait trop gêner le commerce ; et de l’autre, sans une pareille déclaration détaillée, on ne peut jamais le convaincre de fausse déclaration.

Réponse

§ 655

1° On peut statuer que le marchand sera obligé à la réquisition des collecteurs d’affirmer devant les juges que la déclaration qu’il fait est véritable, et qu’il n’a que la valeur de mille livres dans le commerce. Or de cent marchands qui ont tous intérêt de conserver leur crédit et leur réputation de bonne foi pour le commerce, il y en aura à peine un qui veuille faire une déclaration qu’il ne pourra soutenir que par un parjure solennel, et cela pour gagner quarante sous, quatre francs, ou au plus une pistole, s’il n’a dans le commerce que mille livres plus que sa déclaration.

§ 656

2° Le marchand accusé de fausse déclaration sera tenu de donner devant le juge sa déclaration détaillée avec cette clause que si les collecteurs perdent leur procès, ils paieront deux cents livres d’intérêt au marchand, et que si le marchand perd, il paiera pareille somme aux collecteurs, dont le quart aux habitants. Or avec cette clause on peut compter que de cent marchands il n’y en aura peut-être pas un qui pour quarante sous, ni même pour une pistole, de plus ou de moins veuille risquer de perdre deux cents livres, et avoir la réputation de fripon.

§ 657

On peut en dire autant des collecteurs, qui ne risqueront jamais de perdre deux cents livres sans un grand fondement. Ainsi il n’y aurait sur cet article presque jamais de procès, et les marchands qui se feraient justice n’auraient jamais à craindre d’être forcés à donner devant le juge leur déclaration détaillée. Ainsi le commerce n’en serait point du tout gêné.

§ 658

3° En général le marchand, le commerçant, quand il n’a point à craindre la répartition excessive et ruineuse du subside, a plus d’inclination et plus d’intérêt de passer pour plus riche que pour moins riche que son voisin, il en est plus considéré et en a plus de crédit, et l’on sait que le crédit du marchand est un bien qui sert à augmenter son revenu : ainsi tel petit marchand, loin de vouloir être sur le registre de proportion à moins qu’il ne doit, s’y mettra volontiers pour six livres de plus, afin de passer pour plus riche de six cents livres que son voisin, mais du moins il s’y mettra sans peine selon la vérité, surtout quand il sera sûr par l’établissement des tarifs qu’il ne pourra jamais souffrir aucune répartition excessive en déclarant la vérité. Cette considération diminuera encore le nombre des faux déclarants.

§ 659

4° Il y a une autre observation à faire qui diminuera encore le nombre des fausses déclarations des commerçants, c’est qu’un marchand qui voudrait gagner une pistole sur la taxe, en estimant ses effets cent pistoles moins qu’ils ne valent, ne saurait faire perdre un sou au roi, c’est que la perte en retomberait tout entière sur tous les autres habitants de sa paroisse, qui porteraient tous leur part de cette pistole. Ainsi ce serait leur voler une pistole, et aux pauvres comme aux riches. Or il ne peut jamais en user de la sorte sans souffrir des reproches de sa conscience, sans se rendre odieux, et sans se faire montrer au doigt par les paroissiens comme une espèce de voleur du public. C’est ce qui fait croire que de cent marchands il y en aura à peine un seul qui, pour un si petit profit qu’il connaît illicite et injuste, voulût dans la paroisse où il demeure devenir l’objet de la haine publique, et être regardé comme voleur du public. C’est ce qui me fait penser que les fausses déclarations des marchands seront si rares que la loi n’aurait peut-être pas besoin de statuer de punition pour les faire éviter.

§ 660

5° À l’égard du tort que la fausse déclaration d’un marchand peut faire à une paroisse en déclarant deux cents livres, quatre cents livres, huit cents livres, mille livres de moins qu’il n’a en argent et marchandises dans le commerce, il faut considérer que ce tort est bien moins grand qu’on ne pense. 1° Il n’y a point de marchand dans les villages, il n’y en a guère que dans les bourgs où il y a marché, et les bourgs ne sont pas la vingtième partie des autres paroisses taillables du royaume. 2° Les moindres de ces bourgs ou grosses paroisses paient au roi une grosse somme de taille comme trois ou quatre cents pistoles et plus. 3° Il est vrai qu’en suivant une proportion exacte, ce marchand que l’on suppose ne point craindre ni le remords de sa confiance, ni les reproches des autres paroissiens, ni le faux serment, ni la peine des fausses déclarations, portera quatre francs, huit francs, une pistole de moins à proportion qu’il ne devrait porter : il est vrai que c’est une disproportion dans ce système, j’en conviens, mais d’un autre côté si l’on considère que cette pistole n’est que la trois centième partie de trois cents pistoles que paie la paroisse, et qu’ainsi ce ne serait point une disproportion excessive et ruineuse.

§ 661

6° Si l’on considère que dans le système de la taille arbitraire un collecteur ôtait injustement une pistole de la taxe d’un de ses amis et l’ajoutait tout entière à la taxe d’un de ses ennemis, qui au lieu de deux pistoles qu’il aurait dû payer selon la justice en payait trois, ce qui était une disproportion excessive et ruineuse.

§ 662

7° Enfin si l’on compare la différence de trois à un, et celle de trois cents à un, on verra que même dans le côté faible du nouveau système, qui sont les commerçants, les inconvénients de la disproportion sont infiniment moindres que ceux du système ancien. On verra que partout où le système peut atteindre pleinement et facilement comme dans les baux, il en chasse pour toujours toute disproportion, et que là où il ne peut atteindre que faiblement et difficilement, comme dans l’estimation des effets qui sont en commerce, il ne laisse que des disproportions ou passagères ou insensibles, et qui sont souvent même compensées entre elles, sinon de personne à personne, du moins de famille à famille, comme nous l’avons marqué quelque part.

§ 663

8° Cette disproportion ne porte ni sur la vingtième partie des paroisses, ni sur la vingtième partie des habitants de la paroisse où il y a des marchands, ni sur la vingtième partie des marchands mêmes, et d’ailleurs elle ne fait porter à chaque habitant de la paroisse trop chargée d’une pistole qu’une trois centième partie de plus du fardeau légitime, tandis que les trois cents familles de ce bourg et deux millions d’autres familles ressentent les effets pernicieux de la disproportion excessive de la taille arbitraire.

§ 664

9° Un taillable qui dans cette paroisse paie quinze francs ou trois cents sous de taille, en portant sa part de cette pistole dont le marchand faux déclarant fait tort à la paroisse, ne porte de cette perte qu’un sou pour sa part. Or quelle différence entre les deux systèmes, dans l’un il paie souvent, ou du moins il est toujours dans un danger prochain de payer cent sous, deux cents sous, trois cents sous plus qu’il ne devrait payer, et dans l’autre il ne paie rien de plus, et n’est jamais en danger que de payer au plus un sou, deux sous, trois sous plus qu’il ne devrait payer, et cela par quelques fausses déclarations très rares entre les habitants des paroisses où il y a des marchands, et très rares entre les marchands mêmes.

§ 665

Or n’est-il pas évident que l’une de ces disproportions est ruineuse, et que l’autre n’est presque pas sensible ? Cette dernière considération me paraît décisive.

OBJECTION II

§ 666

Les tarifs que vous proposez opéreront à la vérité de la proportion entre les diverses espèces de biens en fonds de terres, en fermages et en marchandises, mais vous avez beau vous tourmenter, vous ne trouverez jamais le moyen d’établir une proportion suffisante entre les taillables sur ce qui regarde leur industrie, entre les juges, entre les avocats, entre les cabaretiers, entre les marchands, entre les artisans ; les uns gagneront toujours le double, le triple plus que les autres. Or comment ferez-vous pour les taxer à proportion de leur gain annuel ?

Réponse

§ 667

1° Je conviens que l’un a plus d’esprit et d’industrie du double, du triple que l’autre, et qu’il fait un gain annuel double, triple de celui de son voisin. Je conviens qu’il serait à souhaiter de trouver un moyen de mettre sans se tromper des tarifs différents aux différents degrés d’industrie, mais dans l’impossibilité où nous sommes d’avoir une mesure pour les esprits et pour le travail comme nous en avons pour la grandeur des corps, le plus sage législateur en fait de répartition du subside ne peut rien faire de plus juste, de plus humain que de ne demander à toute la classe des avocats, à toute la classe des marchands que sur le pied du gain annuel du moins industrieux, de peur de lui demander plus qu’il ne peut payer.

§ 668

2° Il est vrai que le plus industrieux profite de cette impossibilité où nous sommes d’avoir une règle certaine pour mesurer juste la supériorité de son industrie sur ses camarades ; mais que l’on y prenne garde, cet excédent de gain annuel qu’il fait se résout bientôt, ou en achat d’un fonds, ou en achat d’une rente, ou en augmentation de marchandises, toutes choses qui sont en évidence, et qui paient une partie du subside. Ainsi en amassant de quoi acheter dix livres de rente, il amasse de quoi payer à l’État quarante sols par an plus que son camarade, en supposant la taille du mandement de l’intendant au centième denier, c’est-à-dire au cinquième du revenu du propriétaire.

§ 669

J’ai observé dans la levée des subsides de la province de Hollande, où il y a tant d’argent, tant de richesses, qu’à la vérité les fonds de terre et les rentes sont plus chargées qu’en France, mais qu’on n’y lève rien sur l’industrie des habitants, ni même sur les effets qu’ils ont en commerce, et c’est la grande cause de la multiplication de leur commerce, et de l’augmentation de leurs richesses, mais on y lève des droits sur la bière qu’ils boivent, et sur la farine du pain qu’ils mangent.

§ 670

3° Quelque système que l’on imagine, on ne trouvera jamais de méthode qui remédie à cet inconvénient qui vient de l’inégalité d’esprit, d’industrie et de travail. Ainsi il ne faut pas rejeter celui-ci, parce qu’il ne surmonte pas une difficulté insurmontable à tous les systèmes : mais comme j’ai dit, l’inconvénient n’est pas grand, puisque le gain annuel de l’industrie devient bientôt une sorte de bien sur lequel se peut établir la proportion du subside, et c’est toujours beaucoup d’empêcher les disproportions excessives et ruineuses qui étaient non seulement entre les diverses espèces de revenus, mais encore entre les individus de la même espèce.

§ 671

Un avocat qui aura mille livres dans son coffre n’a garde de les laisser inutiles s’il peut en acheter un morceau de terre ou une rente de cinquante livres, de peur d’en payer une pistole au roi dans la répartition de la taille, car ce serait perdre sans raison les autres quarante livres qui lui reviendraient en faisant emploi de son argent.

§ 672

4° Il y a sur ce gain même une compensation naturelle entre famille et famille. C’est que la supériorité d’esprit ne demeure pas toujours dans une même famille. Le fils d’un habile avocat ne sera qu’un esprit médiocre, et le fils de l’avocat médiocre sera un esprit excellent. Il en est des autres professions à proportion, et ces sortes de compensations insensibles qui remédient aux disproportions sensibles sont en plus grand nombre que l’on ne pense.

OBJECTION III [•]

§ 673

Si de ces deux taillables des basses classes l’un a vingt-cinq ans, l’autre soixante, c’est une grande inégalité dans le travail ; cependant votre tarif ne met aucune inégalité dans leur taxe ; il est vrai qu’à soixante-dix ans vous l’exemptez de la taxe d’industrie, mais c’est attendre bien tard.

Réponse

§ 674

1° Souvent le travail du taillable de soixante ans vaut mieux et rapporte davantage que le travail du taillable de vingt-cinq ans. C’est qu’il est conduit par la connaissance que donne une longue expérience.

§ 675

2° Ce même homme de soixante ans a passé par vingt-cinq ans. Or supposé qu’il ait payé quelque chose de moins qu’il ne devait payer à vingt-cinq ans, il le paie de plus depuis soixante, cela fait une compensation de lui à lui-même.

§ 676

3° Cette même compensation se fait entre famille et famille, car il y a souvent dans deux familles des hommes de vingt-cinq et trente ans et d’autres de soixante ans. Donc de ce côté-là les familles sont encore traitées également par le tarif.

OBJECTION IV [•]

§ 677

Je suppose deux fermiers de chacun une ferme de six cents livres et d’égale valeur ; mais l’un dont la ferme soit en bon fonds, l’autre dont la terre soit en mauvais fonds ; l’un a beaucoup plus de facilité à payer son fermage que l’autre ; cependant le tarif n’a aucun égard à ce plus de facilité ; tous deux doivent payer également sur le même tarif.

Réponse

§ 678

Dès que vous supposez ces fermes d’égale valeur annuelle, à tout peser, il s’ensuit qu’il y a plus de terres à proportion dans la ferme de mauvais fonds pour payer six cents livres, et que le fermier de la mauvaise terre, prévoyant le plus de travail, demande plus de terre pour avoir une récompense proportionnée à son plus de travail ; chacun veut être payé de sa peine et s’en paie autant qu’il peut par ses mains. Or dès que cela est ainsi supposé égal, le fermier du mauvais fonds paie avec aussi peu de difficulté son maître que le fermier du bon fonds. De sorte que si l’un doit payer la taille sur le pied d’un sol pour livre, l’autre ne doit pas la payer sur un moindre tarif.

OBJECTION V [•]

§ 679

Je suppose que les deux fermes soient réellement égales en valeur, mais on sait le proverbe : Tant vaut l’homme, tant vaut sa terre, et je suppose que l’un soit fort industrieux, et que l’autre le soit peu ; cette supériorité d’industrie mettra une grande inégalité dans le revenu qu’ils tireront de ces deux fermes égales. Or cependant votre tarif n’a nul égard à cette inégalité d’industrie. On peut en dire autant de deux marchands qui auront chacun mille livres en marchandises ou en effets : l’un gagnera le double, tandis que l’autre ne gagnera que le simple.

Réponse

§ 680

1° J’ai déjà répondu à ce qui regarde l’inégalité d’industrie d’entre marchand et marchand, et cette réponse doit suffire pour ce qui regarde l’inégalité d’industrie d’entre fermier et fermier.

§ 681

2° Je répéterai seulement ici une considération qui nous découvre une sorte de compensation qui se fait entre famille et famille, et dans la suite des générations, de ce qui n’a pu être égal entre personne et personne pendant quinze ou vingt ans : c’est que le fils du fermier, homme d’esprit, peut être un esprit très médiocre, et que le fils du fermier homme d’un médiocre esprit, peut être un esprit excellent. Or c’est beaucoup de voir que de pareilles inégalités, qui arrivent dans un certain espace de temps un peu court, n’opéreront souvent que de véritables égalités dans l’assemblage de plusieurs de ces espèces.

§ 682

De là on peut conclure qu’un système qui a quelques règles, qui procure de si grands avantages, et contre lequel on ne peut opposer que de pareils inconvénients, infiniment moindres et en moindre nombre que les inconvénients du système ancien qui n’a nulle règle et qui est purement arbitraire, est un projet très désirable.

OBJECTION VI

§ 683

La journée d’un journalier d’une paroisse éloignée de la ville de l’élection sera à six sols, tandis que la journée du journalier près de la ville de l’élection sera à neuf sols, et la journée du journalier ou crocheteur de cette ville sera à douze sols : comment l’intendant fera-t-il de toutes ces différences un tarif commun ?

Réponse

§ 684

1° Cela est bien facile. Car, par exemple, en supposant que la journée d’un journalier de la ville, l’un plus fort, l’autre plus faible, et que des journées d’hiver et d’été, on puisse faire un prix moyen et commun de douze sols, pourquoi ne pourra-t-on pas supposer que l’on puisse faire un prix mitoyen et commun en le composant des journées des journaliers de six sols qui sont en plus grand nombre dans les paroisses éloignées de la ville, et des journées de douze sols des journaliers de la ville et des paroisses voisines, et que si l’on en suppose les deux tiers des paroisses à six sols et le tiers à douze, le prix mitoyen de toutes les paroisses sera huit sols pour prix commun ?

§ 685

2° Il faut observer que si vous composez le prix de la journée d’un journalier éloigné de cinq lieues de Valognes qui est à six sols, au prix de la journée du journalier éloigné de cinq lieues de Rouen qui est à douze sols, vous y trouverez toujours la même proportion de six sols à douze, qui est la même que celle qui sera entre le prix commun de l’élection de Valognes de huit sols à seize sols, prix commun de l’élection du Rouen.

§ 686

3° Quand de ces additions de différents prix pour faire un prix commun et mitoyen, il résulterait quelque erreur, elle ne sera jamais plus considérable que d’un dixième, elle ne sera jamais telle qu’elle puisse nuire considérablement à une élection, car cette journée du journalier ne règle que le tarif de l’industrie. Or l’industrie ne fait pas la dixième partie des autres revenus des taillables, lesquels revenus ne se règlent pas sur la journée du journalier, de sorte que l’erreur d’un dixième sur cette dixième partie ne peut jamais être que d’une centième sur le total.

§ 687

4° Mais je suppose l’erreur d’un centième par rapport à une élection ; elle ne fera jamais aucun préjudice entre les paroisses, ni entre les familles de cette élection ; aucune n’aurait jamais sujet de se plaindre d’être plus mal traitée que sa voisine.

§ 688

5° Je sais bien que le journalier éloigné de quatre ou cinq lieues de la ville d’élection sera peut-être taxé d’un vingtième plus que le journalier qui n’est qu’à une demi-lieue de cette ville, mais la subsistance de la famille du bourgeois peut bien être d’un vingtième plus chère à demi-lieue qu’elle n’est pour la famille du journalier éloigné de cinq lieues, ce qui opère une compensation, ou égale, ou à peu près égale.

OBJECTION VII

§ 689

Les officiers des élections, des cours des aides des parlements, du Conseil, les seigneurs qui ont beaucoup de crédit profitent presque tous de ces disproportions ; par la protection qu’ils donnent à leurs paroisses et à leurs fermiers, ils profitent du désordre. Donc beaucoup de gens de crédit tâcheront de décréditer un établissement qui rétablirait l’ordre, la justice et la proportion.

Réponse

§ 690

1° Il n’y a jamais eu de règlement pour faire cesser un grand désordre qu’il n’y ait eu beaucoup d’opposition de la part de ceux qui profitent de ce désordre. On écoute leurs raisons et leurs objections : mais quand ces objections ne sont fondées que sur l’injustice de leur intérêt particulier au préjudice de l’intérêt public, le Conseil a coutume d’aller en avant vers le plus grand bien de l’État, et par conséquent à l’observation de la justice.

§ 691

2° Ce que gagnent ces opposants par la disproportion n’est pas la dixième partie de leur revenu ; et encore la protection qu’ils donnent injustement à leurs fermiers leur coûte-t-elle des soins, au lieu que par le système de la proportion il y aurait un cinquième plus de consommation de denrées ; ils trouveraient des fermiers plus riches et en plus grand nombre qui enchériraient leurs fermes à l’envi, et qui cultiveraient bien mieux les terres. Ainsi les droits des dîmes et des champarts59, qui appartiennent au clergé et à la noblesse, augmenteraient d’un quart. Le prix des fermes augmenterait aussi en peu d’années d’un quart.

§ 692

Or n’est-il pas plus avantageux à un seigneur qui abuse de son crédit d’employer ce crédit à faire recevoir un projet équitable qui augmentera son revenu d’un quart, qu’à faire subsister un établissement plein d’injustice, où son crédit ne lui procure qu’un dixième de plus sur le prix de ses baux ? Or n’est-ce pas au souverain prudent, quand les sujets ont des opinions fausses, de leur procurer par son autorité divers avantages malgré leurs erreurs ?

§ 693

Dans la taille arbitraire, sur une ferme de huit cents livres, le seigneur protecteur vend sa protection au plus quatre-vingts livres de diminution, au lieu que si les taxes deviennent tarifées, le protecteur gagnera au moins deux cents livres, et le fermier n’y gagnera pas moins que le protecteur, parce qu’il n’aura plus besoin de protection.

§ 694

3° Avec un peu d’humanité on reçoit une véritable joie d’avoir eu le bonheur de faire cesser les pleurs de quelques familles affligées. Les personnes compatissantes qui font leur plus grand plaisir de diminuer les malheurs et les peines des familles qui souffrent, ces âmes bien nées qui s’occupent volontiers à soulager et à consoler les pauvres, regarderaient comme un grand bonheur si l’effet de leurs soins et de leurs aumônes pouvait s’étendre sur un plus grand nombre de malheureux.

§ 695

Ces considérations me font espérer que non seulement dans le Conseil et parmi les intendants, mais encore dans le clergé, dans la noblesse et parmi les magistrats il se trouvera un grand nombre de gens de vertu qui, si l’occasion s’en présente, feront tous leurs efforts pour contribuer à faire cesser, non pour un an, mais pour toujours la malheureuse source de ces grandes afflictions qui accablent tous les ans plus de dix-huit cent mille familles du royaume.

OBJECTION VIII [•]

§ 696

Par vos tarifs sur les propriétaires et sur les fermiers vous changez en partie la taille personnelle en taille réelle.

Réponse

§ 697

Je conviens que cette méthode s’approche de la taille réelle ; elle en a tous les avantages sans en avoir les défauts et les inconvénients, et a encore plusieurs autres avantages sur la taille cadastrée, qui sont expliqués ailleurs.

OBJECTION IX [•]

§ 698

Ces receveurs des seigneurs, ces riches taillables protégés, ces coqs de paroisse60 que vous allez faire payer beaucoup par la proportion que produiront les tarifs, prêtaient à plusieurs taillables et surtout aux collecteurs dans leurs besoins, et soutenaient ainsi plusieurs familles qui, sans ces secours, auraient souvent succombé ; il est vrai qu’ils s’assuraient par ces prêts de la voix de la plupart des collecteurs. Or dans la répartition proportionnée ils seront obligés de payer, les uns cent livres, les autres deux cents livres, au lieu de dix francs et de vingt francs qu’ils payaient. Ils ne pourront plus secourir par leurs prêts plusieurs pauvres familles ruinées, et ne prêteront plus aux collecteurs qui n’auront plus le pouvoir de les favoriser. Vous ôtez donc ce secours à ces pauvres familles ?

Réponse

§ 699

Quelles sont les sources de la ruine de ces pauvres familles qu’assistent ces coqs de paroisse si puissamment protégés ? Cette ruine ne vient-elle pas de diverses impositions excessives et disproportionnées ? Or d’où viennent ces impositions excessives, sinon de ce que ces riches ne portent pas leur part proportionnée du subside ? Et d’où viennent ces sommes qu’ils prêtent, et souvent à usure, sinon de la petitesse excessive de leurs taxes ? Établissez la proportion, il sera vrai que ces coqs de paroisse ne prêteront plus, mais comme il n’y aura plus de familles ruinées, elles n’auront plus besoin que ce coq de paroisse leur prête rien, parce qu’elles auront tout ce qui leur appartient, et parce qu’il ne leur ôtera plus ce qui leur appartenait. Plaisante manière de secourir les pauvres que de leur enlever de quoi leur prêter !

OBJECTION X [•]

§ 700

Il y a beaucoup d’abus de la part de ceux qui par leurs offices ont des exemptions de taille ; les plus anciens privilèges sont les plus autorisés ; ils ont été donnés dans des temps où le subside de la taille n’était pas la quinzième partie du revenu du taillable. Or il est visible que l’intention du roi était alors de n’accorder l’exemption que de cette quinzième partie. Or comme le subside est présentement environ au quart ou au cinquième du revenu du taillable dans les généralités de Normandie, il semble raisonnable, pour suivre cette première intention, de diminuer les plus anciens privilèges et de les réduire à l’exemption du quinzième de leur revenu, et à l’exemption de la taxe d’industrie. Ces privilégiés sont en grand nombre dans le royaume ; ils sont les plus riches des paroisses, et leurs privilèges font que les non-privilégiés sont excessivement chargés. Ainsi ils devraient payer les deux tiers de la taille actuelle, et n’être exempts que de l’autre tiers.

§ 701

C’est un grand abus que l’on pourrait corriger peu à peu d’autant plus facilement qu’il y a plus de deux cents sortes de privilèges, en réduisant tantôt l’un et tantôt l’autre à l’exemption de la taxe d’industrie, et à un tarif d’un huitième ou d’un dixième sur leur revenu, et seulement après quelques années de possession de leurs charges : car tel privilège pourrait n’exempter que du tiers de la taille tandis que l’autre exempterait de la moitié. Or vous ne proposez aucun expédient pour remédier à un abus aussi onéreux pour les pauvres familles.

Réponse

§ 702

Je conviens des abus des privilèges et des privilégiés, abus qui se sont augmentés à mesure que la taille a augmenté ; je conviens qu’ils sont nombreux et très importants, et qu’il serait à propos d’y remédier ; mais outre que je ne suis pas suffisamment informé des faits, je me suis borné dans cet ouvrage aux seuls expédients nécessaires pour remédier aux grands inconvénients qui naissent de la disproportion.

OBJECTION XI [•]

§ 703

L’estimation de la journée du journalier est la base du tarif de l’industrie. Ainsi il est à propos qu’elle soit faite par l’intendant avec le plus d’exactitude et le plus de fondement qu’il est possible : mais la chose n’est pas facile.

Réponse

§ 704

1° L’intendant sur la connaissance qu’il tirera des élus, du receveur de l’élection et du subdélégué, qui se seront informés des différents prix des journées des paroisses éloignées de deux lieues et de quatre lieues de la ville de l’élection, ne pourra jamais se tromper que d’un sol dans son estimation de la journée commune par comparaison d’une élection à une autre. Or c’est une erreur très peu importante.

§ 705

2° Supposons que de deux élections qui rapportent au roi chacune quatre cent mille livres, dans l’une la journée du journalier soit estimée à huit sols et dans l’autre à neuf sols, il arrivera que le journalier paiera quarante-cinq sols au lieu de quarante sols, et les autres classes d’industrie à proportion ; c’est donc à peu près un dixième que l’industrie paie de trop à la décharge des terres, des rentes, des maisons, des fermiers et des commerçants ; et comme l’industrie ne fait pas un dixième du revenu total, et qu’il ne s’agit que de ce dixième, il ne s’agit que d’un centième du total de la taille où il y aurait quelque disproportion, mais comme ceux qui paient la taxe d’industrie paient encore les autres taxes, ce qu’ils perdent sur l’industrie, ils le regagnent sur les autres taxes, ce qui fait alors compensation dans la même famille.

§ 706

3° Il sera facile à l’intendant de corriger les années suivantes cette estimation.

OBJECTION XII [•]

§ 707

Votre plan est bon et praticable pour les élections dont le revenu est fixe et presque entièrement certain, tels que sont les pays de blé et de pâturage ; mais tel qu’il est, il ne suffit pas pour les élections dont le revenu est aussi casuel que celui des vignes. Il y a même des généralités, comme celle de Bordeaux, où le revenu des vignes est sujet à une casualité61 de plus que les vignes des autres provinces : c’est l’augmentation, la diminution et la perte du commerce du vin avec les Anglais, avec les Hollandais, et avec les autres nations du Nord. Cela vient quelquefois au point que le propriétaire, trouvant qu’il lui en coûte plus à façonner sa vigne qu’il n’en peut tirer de profit, l’abandonne et est forcé de l’arracher pour tirer quelque chose du pâturage ou du labourage du fonds où croissait sa vigne.

Réponse

§ 708

1° Le revenu des terres à froment ne laisse pas d’être casuel pour le fermier, soit par les intempéries de l’air qui gâtent le grain, ou qui l’empêchent de multiplier, soit par trop de pluie, soit par une trop grande sécheresse, soit par la vileté de prix qui arrive quelquefois, cependant cela empêche-t-il que le fermier et les propriétaires ne conviennent pour trois, pour cinq, pour six, pour neuf années d’un prix commun pour chaque année, quoique ces années soient très inégales entre elles en rapport et en produit ? C’est que l’on sait que les bonnes aident à payer les mauvaises.

§ 709

2° Je conviens que le revenu de la terre mise en vigne est beaucoup plus casuel que le revenu de la terre mise en blé, mais cependant il est certain que les propriétaires donnent tous les jours à ferme pour neuf ans, ou à bail perpétuel des terres plantées en vigne, et les donnent à plus haut ou à plus bas prix selon l’âge de la vigne, selon la bonté du terroir, selon la bonne exposition, selon la nature du plan et la qualité du vin. Il faut bien que des diverses années futures, bonnes et mauvaises, le bailleur et le preneur fassent entre eux un prix commun dont ils conviennent pour chaque année, et cela malgré les grandes inégalités causées par les années de paix et de guerre.

§ 710

Il est impossible que dans l’élection de Bordeaux les preneurs et les bailleurs dans leurs baux de neuf ans, ou dans leurs baux perpétuels, ne conviennent d’un pied commun62 pour chaque année, de la valeur d’un arpent de cette terre plantée en telle espèce de vigne et à telle exposition. Or c’est ce pied commun des baux entre particuliers que l’on peut prendre pour pied commun de l’estimation de ces sortes de terres améliorées par le plantage des vignes.

§ 711

Ces terres ne doivent donc pas être estimées, ni sur la plus mauvaise année, ni sur la meilleure, mais sur un prix commun composé des neuf ou dix années précédentes, les unes bonnes, les autres mauvaises, eu égard au commerce étranger ou continué, ou interrompu. Ainsi tel arpent planté de la même élection vaudra vingt-quatre livres à cause de l’exposition, et même à cause de la réputation du vin, mais enfin parmi les vignerons les terres en vignes ont, comme les terres labourables parmi les laboureurs, un prix courant pour année commune, et c’est sur ce pied courant de leur revenu que les uns les vendent et que les autres les achètent.

§ 712

3° Un taillable peut donc donner sa déclaration et faire l’estimation annuelle de son arpent de terre en vigne, comme le laboureur de son arpent de terre en blé dont il jouit par ses mains, et si le vigneron estimait dans sa déclaration sa vigne à trop bas prix d’un tiers, les laboureurs et les autres vignerons verraient avec évidence la fausseté de l’estimation, ainsi il serait bientôt condamné par les experts du lieu même.

§ 713

4° Ce qui est certain, c’est qu’il y a des baux des terres plantées en vigne, et que dans ces baux on n’y compte point les peines et les dépenses du vigneron, et qu’ainsi il est facile d’y voir ce que chaque arpent est estimé, plusieurs baux semblables peuvent servir de règle d’estimation pour chaque arpent de la même terre, et de la même exposition.

§ 714

5° La taille doit être imposée dans la généralité de Bordeaux sur ce pied commun du revenu, année commune, des terres plantées en vigne, de sorte que le vigneron puisse achever de payer sa taxe des mauvaises années avec le produit des bonnes années précédentes.

OBJECTION XIII

§ 715

Vous ne sauriez fixer votre tarif à deux sols pour livre de terre possédée en propriété par un taillable, ni les autres tarifs, jusqu’à ce que vous ayez vu par l’imposition de l’intendant si le produit de ces tarifs ira plus haut ou plus bas que la taxe de la paroisse portée par le mandement. Car si le produit de vos tarifs est d’un quart plus faible que la taxe du mandement, il faudra alors augmenter d’un quart ces mêmes tarifs, et de là il suit que la taxe des taillables faite sur les tarifs ne sert de rien pour former la taxe réelle et exigible de chaque taillable.

Réponse

§ 716

Cette difficulté ne vient qu’à ceux qui n’ont pas encore bien compris la différence entre la taxe du registre de proportion de chaque taillable, et sa taxe du rôle exigible, ou de recette.

§ 717

La taxe du registre de proportion du taillable est faite sur la déclaration des différents revenus de ce taillable, et sur les différents tarifs, elle ne décide autre chose sinon que la taxe totale du taillable qui est dans ce registre est proportionnée au total de ses différents revenus, et qu’ainsi pour rendre la taxe exigible, qui doit être faite par les collecteurs, parfaitement proportionnée à tous ses revenus, il n’y a qu’à la répartir au sou la livre sur sa taxe qui est dans le registre de proportion, et qui est sûrement proportionnée par les tarifs à ces mêmes revenus de ce même taillable.

§ 718

Cette taxe inscrite dans le registre de proportion sert infiniment à rendre la taxe faite par les collecteurs proportionnée aux différents revenus du taillable, et c’est cette proportion si désirable que le Conseil et les intendants cherchent inutilement depuis si longtemps.

§ 719

Quand le registre de proportion a été formé, tant sur les tarifs que sur les déclarations et mémoires des taillables, si la taxe pour une collecte générale est connue par le mandement de l’intendant, les collecteurs perpétuels la répartiront facilement sur chaque paroisse en faisant une opération de règle de proportion, en disant : si soixante mille livres, total du registre de proportion de la collecte générale, produit trois mille livres pour telle paroisse, combien quatre-vingt mille livres total de la taxe exigible de la collecte générale produiront-ils pour la même paroisse ? Et l’on trouvera que ce total produira quatre mille livres pour cette paroisse ; c’est-à-dire le tiers en sus, ou le quart au total. Mais outre cela il y aura des tables de proportion qui seront imprimées dans des livres, et qui soulageront les collecteurs dans ce calcul.

§ 720

Les mêmes collecteurs feront pareille opération pour former la taxe exigible en disant : si la somme de trois mille livres donne douze livres de taille tarifée à Jean Nourri, combien celle de quatre mille livres lui donnera-t-elle ? Et l’on trouvera par la règle et par les tables de proportion qu’elle lui donnera seize livres, ni plus ni moins ; et ce qui est important, c’est que cette taxe de seize livres sera aussi proportionnée à ses revenus que les autres taxes de tous les autres taillables sont proportionnées à leurs revenus.

§ 721

Je me suis un peu arrêté à expliquer l’utilité du registre de proportion formé sur les différents tarifs, et sur la déclaration des différents revenus du taillable, parce que des personnes d’ailleurs intelligentes n’ont pas d’abord compris de quelle importance est cette taxe de proportion pour rendre la taxe réelle proportionnée aux différents revenus de chaque taillable ; et c’est le même registre qui en Languedoc s’appelle registre de compoids63 pour la taille réelle et cadastrée.

OBJECTION XIV

§ 722

Il est vrai que par votre règle ni aucun journalier, ni aucun artisan, ni aucun avocat ne sera ruiné par la taxe d’industrie, parce que vous faites ce tarif sur le pied commun64 de la valeur de la journée de chaque taillable, et que votre tarif est fondé sur ce que vous demandez à chacun d’eux pour taxe de leur travail la valeur d’un certain nombre de journées communes de ce travail ; mais il sera toujours vrai que, si vous demandez assez au médecin, à l’avocat malhabile, vous ne demanderez pas assez à l’avocat, au médecin habile.

Réponse

§ 723

1° S’il n’y a aucun tarif possible sur le revenu de cette espèce d’industrie, faudra-t-il abandonner pour cela la taxe d’industrie de ces professions à l’arbitraire des collecteurs injustes ? Ne vaut-il pas mieux établir un tarif léger qui ne ruine personne, que de laisser un arbitraire ruineux qui ruine tout le monde ?

§ 724

2° Il faut toujours se souvenir que le but du Conseil, en posant des règles, des points fixes, des tarifs, c’est premièrement de lever le subside annuel de la taille sur les différents revenus ou gains annuels du taillable ; secondement, de le lever de la manière la moins sujette aux disproportions excessives et ruineuses, et l’on sait que plus on approche de la proportion, plus le recouvrement est facile.

§ 725

Il faut donc voir en premier lieu si, en ordonnant les tarifs proposés, le subside de la taille sera levé en entier, et si tous les revenus des taillables en terres, en maisons, en rentes, en fermages, en commerce, en industrie seront taxés. Il est évident que la taxe du taillable haussera et baissera selon que le roi la demandera ou plus forte ou plus faible, mais elle haussera et baissera toujours dans toutes les élections, dans toutes les généralités suivant les tarifs qui sont dans des règles universelles et uniformes de proportion. Premier point essentiel.

§ 726

Secondement, il est évident que le subside de l’industrie sera levé sans qu’aucun taillable puisse se plaindre d’une taxe excessive et ruineuse, au lieu que si on laissait aux collecteurs liberté entière de taxer l’industrie suivant leurs passions, un malhabile avocat, un malhabile médecin pourrait être taxé à une taxe dix fois plus forte que celle qu’il paierait par le tarif.

§ 727

Voilà donc le but du Conseil rempli, le subside est levé, et aucun taillable ne peut souffrir de disproportion ruineuse.

§ 728

3° Je conviens que ni l’habile médecin, ni l’habile avocat, ni l’habile commerçant, en ne payant de taxes d’industrie que comme le médiocre médecin, comme le médiocre avocat, comme le médiocre commerçant, l’habile se trouve favorisé d’un tiers, d’une moitié. J’avoue que c’est un inconvénient, mais vous m’avouerez aussi que cet inconvénient en sauve un autre beaucoup plus grand, qui est que l’habile ni le malhabile ne pourront jamais être ruinés et chassés de leurs paroisses par les grandes injustices des collecteurs. Or de deux maux ne faut-il pas choisir le moindre ?

§ 729

4° L’inconvénient que l’État ne tire pas de l’industrie de l’habile avocat, de l’habile médecin, de l’habile commerçant tout ce qu’il en pourrait tirer paraît peu important quand l’on considère que ce que l’habile homme gagne en deux ou trois ans se trouve bientôt employé en acquisitions de maisons, de rentes, de marchandises qui vont bientôt former un revenu nouveau, lequel paiera par conséquent une nouvelle taxe au roi, à la décharge de la paroisse.

§ 730

5° Il y a encore une autre considération importante à faire, c’est que les taillables de la première classe, avocats, procureurs, notaires, médecins, etc., sont des professions qui ne font pas la trois centième partie des autres taillables ; ainsi quand sur une élection de trois cent mille livres, le roi ne lèverait pas cinq cents livres d’industrie qu’il pourrait lever de plus sur les plus habiles de ces professions, en vérité serait-ce une raison pour empêcher d’établir une règle qui empêche que le petit nombre de ces habiles, et que le grand nombre des médiocrement habiles ne soient jamais ruinés par des taxes arbitraires, excessives, et obligés de se réfugier dans les villes tarifées ? Surtout lorsque le Conseil est sûr que ces trois cent mille livres seront levées dans cette élection, et beaucoup plus facilement levées qu’ils ne l’étaient dans la taille arbitraire excessivement disproportionnée.

§ 731

6° Que l’on compare donc présentement l’inconvénient du tarif pour l’industrie, qui est que le plus habile ne porte pas tout ce qu’il pourrait porter65, qu’on le compare aux grands inconvénients du non-tarif, tant par rapport à la sûreté de la fortune du taillable que par rapport à la facilité et à la sûreté du recouvrement du subside, et l’on verra que l’objection n’a de force que dans la première apparence, puisque tout le monde convient qu’en politique comme en morale, de deux inconvénients il faut toujours choisir le moindre, et que presque dans tous les établissements on se trouve dans la fâcheuse nécessité de choisir avec prudence entre deux maux.

OBJECTION XV

§ 732

Je ne fais pas ici la comparaison des taillables de même métier qui gagnent plus l’un que l’autre à cause d’un travail plus long, plus assidu, et dirigé par une plus grande industrie ; je fais la comparaison entre métier et métier, entre profession et profession, car il y a des métiers où l’artisan gagnera communément seize sols par jour, tandis que dans l’autre l’artisan gagnera communément dix-sept sols, dans un autre dix-huit sols, dans un autre dix-neuf sols ; il en est de même des professions de ceux qui composent la première classe : la journée commune d’un juge, d’un avocat, d’un notaire n’est pas d’un prix égal ; cependant votre tarif est le même pour toutes.

Réponse

§ 733

1° À l’égard des professions de la première classe, il y a peu de taillables de cette espèce : ce n’est pas la trois centième partie ; de sorte que ce qui peut y manquer d’exactitude, faute de faire de nouvelles distinctions entre ces professions, n’est pas un inconvénient considérable.

§ 734

2° Je sais bien qu’il y a des métiers où la journée commune de l’artisan est de treize sols, l’autre où la journée commune est de quatorze sols, d’autres où elle est de quinze sols, d’autres où elle est de seize sols, de dix-sept sols, d’autres où elle est de dix-huit sols ; mais pour ne pas tomber dans l’inconvénient de trop multiplier les classes et les tarifs, il a fallu faire un pied commun66 entre treize sols et dix-huit sols et c’est seize sols.

§ 735

Or sous prétexte qu’il est impossible de faire autant de tarifs que de métiers, et autant de tarifs que de qualités personnelles de chaque artisan, sous prétexte qu’ils ne peuvent empêcher toutes les petites disproportions, faudra-t-il se priver absolument des grands avantages de quelque espèce de règle et de tarif qui remédie à toutes les grandes disproportions ? En vérité ce serait très mal raisonné de dire : On n’a pas le secret de garantir des petits maux, donc il ne faut pas faire usage des préservatifs qui garantissent des grands maux.

§ 736

3° Je ne dis pas que par l’expérience on ne trouve encore à propos de multiplier les classes d’industrie, mais il faut songer à faire en sorte que la chose puisse facilement s’exécuter d’abord dans la pratique. Car souvent la peine que l’on sentirait à perfectionner la pratique passerait l’utilité que produirait ce perfectionnement.

OBJECTION XVI [•]

§ 737

Vous évitez à la vérité par votre projet les procès en surtaux entre le taillable vexé et le taillable favorisé, mais vous ouvrez la porte aux procès entre les taillables et les collecteurs, tant sur l’omission et fausse déclaration que sur la fausse estimation.

Réponse

§ 738

1° À l’égard des omissions elles seront volontaires. Car chaque taillable sait toutes les parties de son revenu, et s’il en a omis quelque partie dans la déclaration, le procès est bientôt fini, et sans frais par la justification du fait ; mais quelle apparence qu’il veuille se mettre dans un danger évident de perdre deux cents francs d’amende, et le quadruple du subside du revenu qu’il aura omis, pour éviter de payer vingt sous, ou un écu de plus. Il n’y aura donc jamais aucune omission, et par conséquent de ce côté-là il n’y aura jamais aucun procès.

§ 739

2° À l’égard de l’estimation, il n’y aura non plus presque jamais aucun procès, car premièrement du côté du taillable, qui sera celui qui, pour éviter de payer vingt sols ou un écu, voudra hasarder la perte d’un procès qui lui coûterait le quadruple, les frais de l’estimation, et l’amende de deux cents livres, surtout quand ce taillable sait que les douze principaux habitants savent aussi bien que lui la vraie valeur de l’héritage dont il fait l’estimation. On peut croire même que cette crainte à l’égard des trois quarts des taillables leur fera plutôt estimer cet héritage un dixième de plus qu’un dixième de moins.

§ 740

3° Du côté des collecteurs le plus grand nombre sera toujours pour ne point hasarder de perdre le procès et deux cents livres d’amende, à moins que la fausseté de l’estimation ne fût évidente. Or nous venons de montrer qu’un taillable, à moins qu’il ne fût devenu fou, ne peut jamais tomber volontairement dans une fausse estimation évidente qui souvent le ruinerait, et qui le couvrirait de confusion parmi tous les habitants de la paroisse avec qui il est obligé de vivre, et avec qui il doit porter sa part du subside selon ses forces, et lorsqu’il lui serait honteux de vouloir, par une friponnerie odieuse, charger injustement ses voisins de payer partie de ses propres dettes.

§ 741

4° On peut donc faire ce raisonnement : Là où l’estimation ne sera point évidemment fausse, là les collecteurs n’intenteront jamais de procès ; or par le grand intérêt du taillable, l’estimation ne sera presque jamais évidemment fausse ; donc il n’y aura presque jamais de procès. Donc il y aura beaucoup moins de procès en omissions, ou fausses déclarations, entre le taillable et les collecteurs, qu’il n’y a présentement de procès en surtaux entre taillable et taillable. Ce qu’il fallait démontrer.

OBJECTION XVII [•]

§ 742

Il y a déjà d’excellents règlements anciens, même pour diriger la répartition des collecteurs, et pour la rendre proportionnelle aux revenus du taillable ; ces règlements sont suffisants, il n’y a qu’à les faire exécuter.

Réponse

§ 743

1° Une preuve sensible que ces règlements ne sont ni bons, ni suffisants, ce sont les grands inconvénients réels et actuels qui en dérivent et que tout le monde connaît.

§ 744

2° Il est vrai que par ces règlements il est recommandé aux collecteurs de faire les taxes des taillables uniformes, et proportionnées aux facultés. Mais le règlement n’a posé aucun point fixe, aucune règle, aucun tarif pour arriver à cette proportion et cette uniformité, ni aucune peine contre les collecteurs. Ainsi ces collecteurs peuvent impunément demander à deux fermiers qui ont un bail du même prix de mille livres, et un pareil revenu de soixante livres, à l’un non protégé trois cents livres, et à l’autre protégé seulement cinquante livres ; et voilà la source des restes des insolvables, des frais exorbitants, de la désertion des paroisses, de la ruine, ou commencée, ou achevée, d’une infinité de familles, et la première source d’un grand nombre de mendiants qui viennent en foule se jeter dans les grandes villes. Telle est la source d’un grand nombre d’autres inconvénients.

§ 745

3° Donnez des règles aux collecteurs, donnez-leur des tarifs, assujettissez-les à les suivre sous une punition suffisante : tout se remettra dans l’ordre, tous les taillables sentiront les effets journaliers de la protection toute-puissante d’une loi sage et suffisante ; mais n’attendez rien de bon des lois mêmes, s’il n’y a, et des peines suffisantes et inévitables contre les contrevenants, et d’autres hommes en nombre suffisant, et suffisamment intéressés à faire subir la punition aux coupables ; les lois ne sont pas assez bonnes tant qu’elles ne sont pas telles qu’elles s’observent, pour ainsi dire, d’elles-mêmes.

§ 746

4° Les collecteurs forcés n’ont pour loi que leur confiance et leur propre estimation. Ils n’ont aucun point fixe auquel ils soient obligés de s’assujettir. Ainsi pour former contre un taillable une taxe de deux cents livres, ils n’ont qu’à dire qu’ils l’ont cru riche de deux mille livres de rente, quoiqu’en effet il n’ait que deux cents livres de rente.

§ 747

5° Le Conseil n’a point encore donné de règlement par lequel les collecteurs sachent la taxe qu’ils doivent demander à Paul ; et Paul lui-même n’a aucune règle sur laquelle il puisse savoir ce qu’il doit, ou ce qu’il ne doit pas.

§ 748

6° Le Conseil n’agirait pas prudemment d’ordonner des peines contre les collecteurs, tandis qu’on ne leur donne aucune loi, aucune règle, aucun tarif, aucun point fixe à suivre, car ils n’en ont ni pour l’industrie, ni pour le commerce, ni pour les rentes, ni pour les fermages, ni pour les terres, ni pour les maisons, ni pour les moulins ; ils n’en ont pour aucune sorte de revenu du taillable, ils ne savent s’il faut lui demander la moitié, le tiers, le quart, le sixième, le dixième de tous ces différents revenus : sur quoi donc condamner les collecteurs pour l’inobservation de la justice tant qu’il n’y a point pour eux de loi suffisante qu’ils soient obligés de suivre ?

§ 749

Mais quand il y aurait des points fixes, et des tarifs sur toutes ces sortes de revenus, s’il n’y a point de la part de Paul une déclaration certifiée juste, qui les empêchera de dire, avec un fondement suffisant, qu’ils le croient plus riche de la moitié en revenu ? Sur quoi fonderiez-vous votre condamnation d’une grosse amende contre les collecteurs ? Ils ne seront point collecteurs l’année suivante ; ils satisfont leur haine, leur vengeance, et leurs autres passions ; et c’est ainsi qu’au lieu de se secourir, les habitants se ruinent tour à tour les uns les autres par différentes représailles injustes.

OBJECTION XVIII

§ 750

Je conviens que la terre roturière serait auparavant trop chargée par l’établissement du cadastre dans les pays de taille arbitraire ; mais il serait facile d’y suppléer, en augmentant la capitation de ceux qui auraient des terres exemptes.

Réponse

§ 751

1° Il faudrait donc augmenter davantage la capitation de la noblesse qui posséderait plus de terres nobles, et non la capitation des nobles qui ne possèdent point de terres nobles. Or si l’on voulait répartir ce subside avec proportion, ne faudrait-il pas toujours en revenir à connaître le revenu de chacun des nobles par leur déclaration ?

§ 752

2° De même, à l’égard de la capitation annuelle des roturiers, ne faudrait-il pas la proportionner à leurs revenus annuels ? Ainsi ne faudrait-il pas toujours en revenir à les connaître par leurs déclarations, et par l’établissement des collecteurs perpétuels suffisamment intéressés à faire punir les faux déclarants, par l’intérêt que les uns auront à profiter de la punition des autres ?

OBJECTION XIX

§ 753

Vous donnez à la vérité une règle pour punir la fausse estimation des terres non affermées, qui sont de valeur annuelle de cent livres et au-dessous, lorsque vous dites que, si l’estimation du déclarant ne va qu’à quatre-vingt-dix livres, tandis que l’estimation des experts monte à cent livres sur le pied commun67 de pareille quantité de pareilles terres baillées à ferme dans le canton, le déclarant sera condamné au quadruple et à deux cents livres d’amende, mais vous ne proposez aucune règle pour les terres de valeur de mille livres. Or il ne serait pas juste de mettre la règle au dixième pour les grosses sommes comme pour les petites ?

§ 754

Car par exemple, un homme qui jouirait par ses mains de terres de quatre mille livres de rente ne serait point sujet à l’amende en les estimant à trois mille six cent cinquante livres. Ainsi il pourrait frauder impunément sa taille sur trois cent cinquante livres.

Réponse

§ 755

On peut ajouter à la règle que la déclaration sera censée fausse quand par chaque somme annuelle de mille livres déclarées, il y aura cinquante livres, ou un vingtième de trop peu dans l’estimation du propriétaire, par comparaison à l’estimation des trois experts.

OBJECTION XX

§ 756

Je conviens que c’est un avantage pour les taillables de pouvoir se garantir de la crainte d’être taxés disproportionnément à leurs revenus, mais c’est une peine de donner leur déclaration juste.

Réponse

§ 757

1° Leur revenu n’est-il pas déjà connu au juste dans leur paroisse par leurs voisins ?

§ 758

2° Ceux qui craignent une taxe disproportionnée sont en vingt fois plus grand nombre que les protégés qui donneront leur déclaration avec peine. Or qu’un de ces protégés qui ne paie qu’une pistole aujourd’hui, et qui devrait en payer dix, soit taxé à quinze pistoles cette année, il donnera l’année prochaine sa déclaration avec plaisir pour être déchargé de cinq pistoles l’année suivante.

§ 759

3° Il ne faut que deux ou trois ans pour y accoutumer tout le monde. Les habitants d’Alsace y sont de longue main tous accoutumés. Leur déclaration ne leur coûte rien. C’est un devoir commun dont personne ne sent l’assujettissement, parce qu’il est commun, et parce que chacun en voit la nécessité pour opérer la proportion.

OBJECTION XXI

§ 760

Il faudra retoucher tous les ans aux déclarations et aux taxes particulières à cause des morts, à cause des changements d’habitants, à cause des mariages, à cause des majorités, etc.

Réponse

§ 761

1° Dans les rôles d’aujourd’hui il y a du changement d’année en année ; ce qui se fait aujourd’hui tous les ans dans les rôles des collecteurs annuels se fera de même tous les ans dans les rôles des collecteurs perpétuels.

§ 762

2° N’est-il pas juste de diminuer la taxe des paroisses et des familles qui sont devenues plus pauvres, et d’augmenter la taxe des familles qui sont devenues plus riches cette année ? N’est-il pas juste de dérôler les morts et ceux qui quittent ? N’est-il pas juste d’enrôler les nouveaux habitants et ceux qui ont atteint leur majorité ? Or on prépare ces changements sur les cotes et sur les notes que donnent aux collecteurs de l’année suivante les douze principaux paroissiens, mais ce n’est point un travail nouveau ; et n’est-il pas raisonnable de suivre dans la répartition du subside annuel de la taille les changements annuels qui arrivent dans les revenus annuels des taillables ?

§ 763

3° Celui auquel il sera arrivé une augmentation de revenu sera tenu de déclarer cette augmentation s’il ne veut pas courir le risque de porter une augmentation de taxe disproportionnée à ce nouveau revenu.

OBJECTION XXII

§ 764

Il y a des élections trop chargées, et dans ces élections des paroisses si excessivement chargées qu’il est impossible que dans le recouvrement il ne s’y trouve beaucoup d’insolvables, et par conséquent de mauvais deniers à la perte des collecteurs, si on ne leur donne qu’un sol pour livre ; en ce cas il ne faut pas espérer de trouver des collecteurs volontaires à un sol, ni même à un sol et demi qui s’obligent à faire leurs deniers bons.

Réponse

§ 765

1° L’intendant sera alors obligé de laisser ou cette élection ou cette collecte générale et ces paroisses avec leurs collecteurs ordinaires jusqu’à ce qu’ils trouvent des expédients pour faire désirer ces places de collecteurs volontaires dans telle élection, dans telle collecte générale.

§ 766

2° Il ne faut pas compter que ces sortes d’établissements généraux puissent se faire autrement que peu à peu, avec les soins des intendants et de leurs subdélégués ; et c’est pour cela qu’il est à propos de promettre une pension à chaque subdélégué dès qu’il aura commencé cet établissement dans son élection ; et ce qu’il en coûtera au roi, tant pour eux que pour les collecteurs volontaires, sera tiré au-delà de la taille ; et le Conseil aura soin, lorsqu’il voudra faire une diminution de la taille, de retenir pour les faux frais la somme qui sera nécessaire, afin que la chose ne paraisse point une imposition nouvelle, mais seulement une destination nouvelle des deniers de diminution, pour délivrer les taillables de l’affreuse sujétion de la collecte.

OBJECTION XXIII

§ 767

Je conviens qu’il se trouvera des provinces où les déclarations de la valeur des terres seront faciles, parce que les baux sont à forfait, et en argent, mais elles seront difficiles dans les intendances où la plupart des baux sont à moitié des fruits.

Réponse

§ 768

1° Les trois quarts et demi des provinces du royaume ont presque tous leurs baux à prix d’argent.

§ 769

2° À l’égard de l’autre quart, quand les métayers verront que, s’ils ne donnent pas d’estimation année commune de leur métairie par livres tournois, ils seront à la discrétion des collecteurs, et quand ils verront que s’ils ne la donnent pas juste, ils tomberont dans le cas de l’amende, ils mettront bientôt leurs baux à prix d’argent, et à forfait, ou du moins ils feront leurs estimations fort justes.

§ 770

3° Pendant ce temps-là on ne laissera pas de répartir la taille à l’ordinaire, soit avec les collecteurs annuels des paroisses, soit avec le secours des collecteurs perpétuels. La répartition et le recouvrement ne seront pas d’abord si faciles que dans les autres intendances, mais ils ne laisseront pas de se faire tous les ans avec plus de connaissance et avec plus de proportion que les premières années, et dans peu d’années tout sera bien estimé en livres tournois.

OBJECTION XXIV

§ 771

Je crois bien que sur les rentes actives et passives, et sur les héritages que le taillable baille ou retient à ferme, vous obtiendrez de lui une déclaration vraie, parce que ce sont choses déjà connues dans la paroisse qu’il ne peut ni cacher, ni diminuer, ni désavouer, et qui sont trop faciles à vérifier ; mais pour la valeur annuelle des héritages dont il jouit par ses mains, vous n’aurez que rarement une estimation juste à un dixième près.

Réponse

§ 772

1° Les terres affermées et les rentes font les trois quarts du revenu des taillables. Or c’est déjà beaucoup que d’être sûr d’avoir une déclaration vraie des trois quarts de leur revenu, et d’être sûr que, sur la déclaration de l’autre quart, ils n’oseraient vous tromper de la moitié ni même du tiers sur l’estimation.

§ 773

2° De vingt déclarants il n’y en aura pas un qui ose donner une estimation qui soit d’un quart trop faible, et qui au lieu d’estimer les héritages cent livres de revenu, ce qui est la valeur qu’il pourrait en tirer facilement d’un fermier, ne l’estime cependant que soixante-quinze livres dans sa déclaration. Ces sortes d’estimations trop faibles d’un quart sont trop évidemment fausses pour être soutenues en justice et devant des experts du canton même.

§ 774

3° Tous les habitants seront fort aises que l’opiniâtre soit puni de son opiniâtreté et de son injustice. Or une pareille punition suffira pour contenir dans le devoir cent autres pareils injustes.

§ 775

4° De là on peut conclure que par cette méthode on saura avec sûreté la valeur annuelle du total du revenu de tous les taillables d’une paroisse à environ un centième près, et par conséquent il ne pourra jamais y avoir de disproportion plus grande que d’un centième entre élection et élection, entre collecte générale et collecte générale, entre paroisse et paroisse, et entre famille et famille.

§ 776

5° Les habitants, qui auront connaissance des déclarations, seront suffisamment intéressés à dénoncer les faux déclarants et les fausses estimations, et de l’autre côté les collecteurs seront suffisamment intéressés à en poursuivre la punition.

§ 777

De là il suit qu’il n’y aura point, ou presque point, de faux déclarants, ni de fausses estimations, et que ce qu’il y aura de fausses estimations n’opérera jamais aucune répartition sensiblement disproportionnée, et que cette méthode garantira toujours tout taillable de toutes disproportions ruineuses.

§ 778

6° Si quelque taillable non déclarant, ou faux déclarant, était épargné par les collecteurs, il serait bientôt dénoncé à l’intendant, qui le taxerait d’office et qui punirait les collecteurs eux-mêmes par une amende au profit de la paroisse.

OBJECTION XXV

§ 779

Les seigneurs, les magistrats, les juges protecteurs et leurs fermiers protégés ont un grand intérêt présent et apparent pour s’opposer à tout règlement qui bannirait les grandes disproportions dans la répartition de la taille. Les non-protégés n’ont ni les moyens de faire entendre au Conseil les injustices qu’ils souffrent, ni les plaintes qu’ils auraient à faire contre les effets du crédit des personnes puissantes ; les protecteurs et les protégés auront au contraire un grand nombre de voix pour décrier auprès des ministres toute nouvelle méthode qui produirait la proportion dans la répartition de la taille. Ainsi il ne faut pas espérer que ni votre projet de taille tarifée, ni aucun autre bon projet puisse jamais s’exécuter.

Réponse

§ 780

Je conviens que s’il n’y avait pas un bureau de magistrats habiles, et gens de probité, établi de longue main pour écouter les raisons des protecteurs et des protégés, et les raisons contraires des non-protégés, votre objection serait très solide, et que la France serait pour jamais en proie aux injustices des disproportions excessives : mais dès qu’il y a une fois un bureau de juges justes et éclairés tout établi pour examiner la vraie valeur des raisons des protégés et des protecteurs, et la valeur des raisons des non-protégés, ce ne sera plus qu’un procès en règle, sur lequel il sera facile à ce bureau d’avoir devant les yeux les principes de décision, et d’être instruit de la vérité des faits par les intendants des provinces.

OBJECTION XXVI

§ 781

Il y a dans chaque élection quarante ou cinquante protecteurs qui ont deux cents fermiers à protéger. ils recommanderont leurs fermiers aux collecteurs. Or comment voulez-vous que ces pauvres collecteurs puissent se dispenser de favoriser les fermiers du receveur des tailles, du subdélégué, du juge, de l’élu, du greffier, etc. ? Or peu[ven]t-il[s] les favoriser [autrement] qu’aux dépens des non-protégés ?

Réponse

§ 782

1° Les collecteurs seront obligés à se conformer à la déclaration de ces fermiers, et aux tarifs du registre de proportion, et ces fermiers ne peuvent pas tromper ni sur les baux dont ils sont preneurs, ni sur les baux dont ils sont bailleurs, ni sur les rentes qu’on leur doit : ce qui fait les trois quarts et demi des revenus des taillables. Ils ne peuvent tromper que sur la valeur des terres dont ils jouissent par leurs mains, ce qui n’est pas la huitième partie de leurs biens ; et de ce côté-là même ils ne peuvent pas tromper les collecteurs d’un tiers ; ils n’en seront pas tentés à cause de la punition inévitable de l’amende de deux cents livres.

§ 783

Il est vrai que, pour favoriser les fermiers du protecteur, les collecteurs peuvent ne point les assigner en fausse estimation ; mais cette fausse estimation sur cinquante francs de revenu estimés vingt-cinq livres ne produira pas au fermier faux déclarant cent sols de diminution dans sa taille. Or le protecteur voudra-t-il pour cent sols employer son crédit ?

§ 784

2° Ce fermier, pour son profit injuste de cent sols, voudra-t-il s’exposer à être attaqué en fausse déclaration par tout autre que les collecteurs, et risquer de payer le quadruple et l’amende de deux cents livres ?

§ 785

Il n’y aura donc plus rien à craindre des recommandations des personnes puissantes, et les collecteurs ne seront donc point sollicités de faire des grâces injustes, parce que la loi des tarifs et des déclarations ne leur permettra pas d’en faire impunément.

§ 786

Ainsi les fermiers ne pourront plus espérer de leur protecteur autre chose que de les garantir de toute injustice de la part des collecteurs, et ils pourront eux-mêmes s’en garantir facilement en déclarant simplement la vérité ; car la loi seule protège suffisamment le vrai déclarant ; il n’y aura plus que l’injuste qui aura besoin de protecteur, et il n’en pourra jamais trouver d’assez puissant pour le garantir de la punition ordonnée contre les injustices évidentes.

OBJECTION XXVII

§ 787

Tout changement nuira au recouvrement ; donc il ne faut jamais proposer aucun changement.

Réponse

§ 788

1° Je ne propose pas de faire l’établissement tout d’un coup dans toutes les généralités, ni dans toutes les paroisses, cela serait impossible. Je ne propose à chaque intendant que d’en faire un essai dans la cinquième et dans la sixième partie de la première élection de son intendance, et de ne commencer son essai que lorsqu’il aura fait tous les préparatifs pour le recouvrement de la taille de cette centième partie de sa généralité.

§ 789

Or il est évident que tous ces préparatifs étant faits à loisir, et la répartition étant faite avec beaucoup plus de proportion que dans les autres paroisses, et que les collecteurs perpétuels étant tous plus instruits, plus habiles et communément plus riches que les collecteurs annuels, il arrivera au contraire qu’ils feront le recouvrement avec beaucoup plus de facilité dans cette dixième partie de l’élection que les autres collecteurs ne la feront dans les autres neuf parties de la même élection.

§ 790

2° Il est visible que cet essai se faisant, pour ainsi dire, sous les yeux de l’intendant, il en lèvera facilement tous les obstacles, de sorte que le recouvrement, loin d’en souffrir, en sera beaucoup plus prompt.

§ 791

3° Si cet essai réussit la première année, comme l’intendant sera mieux instruit la seconde année, il pourra faire pareil établissement dans les autres parties de la même élection.

§ 792

4° Si cet essai sur cette élection réussit également, l’intendant encore plus instruit pourra travailler ainsi par parties dans les sept ou huit autres élections de sa généralité, et achever son ouvrage en quatre ou cinq ans.

§ 793

5° Si chaque intendant faisait pareils essais chacun dans sa généralité, et que la chose réussît, ils pourraient tous ensemble finir cette grande affaire dans le royaume en peu d’années.

OBJECTION XXVIII

§ 794

Les déclarations enregistrées seraient de trop gros volumes, et en trop grand nombre.

Réponse

§ 795

1° J’ai les déclarations des habitants de Saint-Pierre-Église qui sont au nombre d’environ trois cents qui ne tiennent que quarante-huit pages de papier à la Tellière68, c’est douze feuilles. De là il suit que pour trente paroisses de cent familles chacune, c’est-à-dire de trois mille habitants, à quatre feuilles par paroisse, ce serait quatre cents feuilles ; ainsi ce ne serait que deux registres de chacun huit cents pages pour vingt-cinq ou trente paroisses, et même on peut facilement employer du papier de registre qui est un tiers plus grand.

§ 796

2° De là il suit que pour une grande élection comme celle de Valognes, composée de cent soixante et quinze paroisses, il ne faudra au plus que dix registres semblables.

§ 797

3° Il est vrai qu’il faudra un registre de supplément pour les changements qui arrivent tous les ans dans les déclarations par les morts, par les mariages, etc. avec des renvois réciproques aux pages des différents registres, mais il n’y a rien là de difficile, surtout pour des gens qui sauront tenir des registres, et ces changements ne se feront pas sur la vingtième partie des taillables ; de sorte que le premier registre avec le registre de supplément pourra facilement durer cinq ou six ans ; il n’y a que la dépense des registres qui se prendra sur le sol pour livre destiné aux collecteurs perpétuels.

§ 798

Sur quoi j’observerai qu’aucun des financiers qui ont vu cet ouvrage n’a objecté que ce sol pour livre fût trop ou trop peu, mais l’expérience nous apprendra s’il faudrait quelques deniers ou plus ou moins que ce sol pour intéresser d’un côté suffisamment ces collecteurs volontaires à s’engager à la collecte, et de l’autre pour ne les pas trop enrichir aux dépens des autres taillables.

§ 799

4° À l’égard du registre rendu exécutoire pour recevoir les paiements divers des taillables, il ne sera ni plus grand ni plus petit que celui qui est présentement dans chaque paroisse ; il n’y aura de différence, sinon qu’il y aura plusieurs paroisses voisines en un seul registre pour contenir environ cinq cents taillables, et pour la plus grande commodité des collecteurs perpétuels.

§ 800

5° Ces registres du revenu de chacun des taillables, c’est le fondement du subside même ; c’est ce qui en assure le recouvrement, c’est la base de la justice d’une répartition proportionnée que le roi doit à ses provinces, à ses sujets. C’est la base de la connaissance des finances, et des forces de l’État. Or pour avoir des fondements solides, doit-on épargner les travaux et les frais des collecteurs perpétuels quand ils sont aussi importants, d’un côté, à la sûreté et à la facilité du recouvrement des finances, et de l’autre, aussi nécessaires pour empêcher les injustices, les haines entre les sujets, et l’entière ruine de la plupart des habitants ?

OBJECTION XXIX

§ 801

Il ne sera pas facile de trouver dans le canton huit hommes propres à faire la collecte ; ils ne conviendront pas facilement des deux trésoriers qui porteront l’argent chaque semaine au receveur ; ils ne quitteront pas volontiers leur profession ; ils se diviseront souvent.

Réponse

§ 802

1° Le subdélégué en nommera d’abord trois qui se choisiront le quatrième : ces quatre se choisiront le cinquième en présence du subdélégué, et ainsi de suite jusqu’au huitième.

§ 803

2° Ils auront pour maxime que tout se décidera entre eux par provision à la pluralité des voix, et quand les voix seront égales, la chose sera décidée par le subdélégué. Ainsi rien ne restera à décider.

§ 804

3° Les cas de contestation seront bientôt après décidés par l’intendant qui en fera un petit règlement pour pareils cas futurs.

§ 805

4° Ne voit-on pas dans toutes les sociétés des contestations entre les associés ? Cela empêche-t-il que la considération de leur grand intérêt commun ne les tienne toujours unis ?

§ 806

5° Si ces trente paroisses peuvent fournir quatre-vingt-dix collecteurs, à plus forte raison pourront-elles en fournir huit des meilleurs d’entre eux ; il n’est pas vraisemblable que dans plus de deux mille quatre cents taillables, il ne se trouve pas huit hommes capables de devenir excellents collecteurs.

§ 807

6° Pourquoi leur serait-il difficile de choisir entre eux les deux plus riches, plus modérés, plus économes, plus laborieux, plus prudents pour porter l’argent chaque semaine au receveur ?

§ 808

7° Pourquoi leur serait-il difficile de se rassembler dans le bourg chez un de leurs associés les jours de marché, et d’y avoir le principal bureau de leur recette, et un coffre à deux clefs ?

§ 809

8° Il n’y a point de profession parmi eux qui leur vaille cinq cents francs par an, ou s’il y en a, c’est en petit nombre, et les autres seront fort aises d’avoir une profession qui leur rapportera ou le double ou le triple de ce qu’ils gagnent.

§ 810

9° S’il ne se trouvait pas huit hommes assez habiles pour devenir bons collecteurs, rien n’empêche que l’on n’en puisse choisir dans le canton voisin, ou dans la ville voisine, mais il les faut choisir, tant que l’on pourra, dans leur propre collecte, ils en seront plus propres à faire donner des déclarations véritables, parce que moins il y aura de déclarations fausses dans leur collecte, moins eux et les autres taillables de cette collecte paieront de taille.

OBJECTION XXX

§ 811

Vous proposez de multiplier les lieux tarifés par les droits d’entrée, mais on ne peut pas établir les droits d’entrée dans un lieu, s’il n’est fermé de murailles.

Réponse

§ 812

Il n’y a point de murailles à Paris ; cependant les entrées y sont bien établies ; il n’y en a point à la petite ville de Valognes ; cependant on y a établi facilement les droits d’entrée il y a vingt-sept ou vingt-huit ans, à la place de la taille ; on y a seulement établi des barrières aux diverses entrées de la ville.

OBJECTION XXXI

§ 813

On a vu par l’expérience des déclarations faites au subside du dixième qui presque toutes étaient fausses, les unes d’un tiers, les autres de plus de moitié, et cela malgré la peine du quadruple. Donc il est impossible d’avoir des déclarations véritables.

Réponse

§ 814

Il y avait trois défauts essentiels dans l’édit de ce subside.

§ 815

Le premier et le plus grand, c’est que la taxe ne se fit point par communautés, mais par personnes, ce qui y met une différence essentielle ; car lorsque la taxe est faite sur une communauté, chacun de ceux qui la composent a intérêt que, sa déclaration étant vraie et entière, celles de ses voisins ne soient pas trop faibles, parce que le vrai déclarant porte nécessairement partie de la taxe trop faible du faux déclarant. Or le voisin vexé, qui connaît le revenu du vexant, en donne volontiers avis à ceux qui ont droit de faire punir la vexation.

§ 816

Au lieu que la taxe du dixième a été faite par têtes comme la capitation, et alors le voisin vrai déclarant n’avait nul intérêt de dénoncer le voisin faux déclarant, ni de montrer en quoi sa déclaration était fausse.

§ 817

Or ici ce ne sont pas les personnes qui sont taxées par l’intendant, ce sont les paroisses, les communautés qui sont taxées, et c’est à la paroisse à faire la répartition de cette taxe entre tous ceux qui en font partie ; et alors les vrais déclarants qui craignent la punition sont tous très intéressés à dénoncer les faux déclarants qui veulent faire porter partie de leur taxe à leurs voisins.

§ 818

Le second défaut de ce subside, c’est que la punition du quadruple de ce que fraudait le faux déclarant n’était pas suffisante ; il fallait y ajouter encore une amende.

§ 819

Or ici il y a non seulement punition, mais il y a encore amende, ce qui rend la punition suffisante pour détourner le taillable de donner une fausse déclaration.

§ 820

Le troisième défaut essentiel, c’est que cet édit n’établissait point dans chaque canton une compagnie permanente, destinée à poursuivre la punition des faux déclarants, et ne l’intéressait pas suffisamment à cette poursuite. Or qui ne sait que les plus grandes peines dont la loi menace les contrevenants ne sont jamais suffisantes à moins qu’elles ne soient inévitables aussi ; chacun à l’envi donnait des déclarations trop faibles de moitié sans craindre aucune punition.

§ 821

Or ici on ne trouvera pas un pareil défaut, puisqu’il y aura dans chaque collecte ou grande communauté une communauté de huit hommes toujours subsistants, gens habiles, instruits par les voisins laborieux qui auront trois intérêts à poursuivre les faux déclarants, la peine du quadruple, et l’amende pour les trois quarts à leur profit, et ils paieront d’autant moins de taille, eux et leurs copayants vrais déclarants, qu’ils en feront payer davantage aux faux déclarants.

§ 822

De là il suit que l’exemple des fausses déclarations du dixième, qui était un subside où il y avait trois défauts essentiels, ne peut jamais faire aucune preuve qu’il y aura beaucoup de fausses déclarations dans le subside de la taille tarifée, dans lequel il n’y aura aucun de ces trois défauts.

OBJECTION XXXII

§ 823

Le fermier qui a des terres à ferme peut gagner sur ces terres ; mais le locataire d’une maison ne peut rien gagner sur la maison qu’il tient à louage. Donc il semble que le tarif ne doit pas être égal pour celui qui fait valoir des terres et pour celui qui occupe une maison.

Réponse

§ 824

1° Celui qui fait valoir des terres peut y gagner, il peut aussi y perdre.

§ 825

2° Celui qui tient une maison à louage gagne quelque chose au trafic qu’il fait dans cette maison.

§ 826

3° Un moulin n’est qu’une maison où le fermier fait une sorte de trafic par une machine, comme l’artisan fait avec ses outils un trafic dans la sienne.

§ 827

4° Un fermier qui a dans sa ferme une maison et des terres paie plus au propriétaire que s’il n’y avait que des terres sans maison. Donc la maison fait partie du prix du bail, il paie sa taille sur le total du prix du bail. Donc il paie la taille pour le loyer de sa maison.

OBJECTION XXXIII

§ 828

Les chefs de manufacture, les négociants maritimes et autres marchands taillables seront plus maltraités dans la taille tarifée, en ce qu’ils seront obligés de donner la déclaration en gros de la valeur de leurs effets.

Réponse

§ 829

1° Nos petits ports maritimes, nos bourgs et petites villes taillables se dépeuplent tous les ans de négociants, de matelots, de chefs de manufacture par la crainte des disproportions excessives et arbitraires des taxes de la taille, et des années de collecte ruineuse, ce qui cause un dommage d’autant plus grand que ces habitants occupaient et faisaient travailler utilement une grande quantité de pauvres familles. Or en donnant leur déclaration en gros, la taille tarifée et les collecteurs perpétuels les délivreront de ces craintes.

§ 830

2° Il est juste que celui qui tire un revenu annuel de son argent mis en commerce et en marchandises paie sur ce revenu une partie du subside nécessaire pour soutenir l’État, et qu’il paie sur cette espèce de revenu en même proportion qu’il paie pour les revenus qu’il a en fonds de terre ; de sorte que s’il a dix mille livres en commerce, et autres dix mille livres en fonds de terre affermé à cinq cents livres par an, et qu’il paie le dixième de ce revenu de fonds de terre, c’est-à-dire cinquante livres par an, il sera encore obligé de payer pour ses dix mille livres mis en commerce autres cinquante livres.

§ 831

3° Mais il n’est pas juste, il n’est pas raisonnable, il n’est pas de l’intérêt de l’État que ces marchands si utiles aux autres habitants soient exposés à la haine, à la jalousie, à la colère, à la vengeance des répartiteurs, tels que sont les collecteurs annuels de la taille arbitraire. Il faut que la loi les mette désormais à couvert de ces vexations qui chassent plusieurs négociants des lieux taillables, et qui empêchent les autres de s’y établir. Or c’est l’effet du tarif du roi et de la déclaration du marchand juste qui déclare la vraie valeur en gros des effets qu’il a en commerce. Avec le secours de cette loi, il est sûr de n’être jamais plus chargé que les autres taillables à proportion de son revenu.

§ 832

Tel est le grand avantage que trouveront dans cette loi tous les marchands qui ne sont point assez injustes pour vouloir faire porter aux habitants partie de leur propre fardeau, au lieu que dans la taille arbitraire nul marchand, ni juste, ni injuste, n’avait aucune sûreté de n’être pas ruiné en peu d’années, soit par les taxes excessives, soit par les collectes ruineuses.

§ 833

4° Il y a même une chose à considérer, c’est qu’un marchand injuste, qui aurait été puni par le quadruple, par l’amende et par les dépens, ne serait pas ruiné par cette punition juste de la taille tarifée, au lieu que communément, il se trouvera ou ruiné, ou chassé de la paroisse en peu d’années dans la taille arbitraire.

§ 834

5° Il est vrai que les habitants et les collecteurs peuvent faire au marchand qui déclare vrai un mauvais procès en l’attaquant en fausse déclaration, au risque d’être condamnés à l’amende et aux dépens ; mais les meilleures lois ne peuvent jamais empêcher l’homme passionné et imprudent de faire un mauvais procès à son voisin.

§ 835

6° Le même marchand, qui dans la taille arbitraire paie de la taille de sa paroisse la portion qu’il en doit payer par proportion à son profit annuel, et au revenu annuel des autres habitants, n’est-il pas exposé au mauvais procès que lui peut faire un voisin injuste et ignorant qui croira le marchand plus riche de moitié qu’il n’est en effet ?

§ 836

7° Ce que la loi peut encore faire en faveur du marchand juste, pour éloigner davantage de lui tout mauvais procès en fausse déclaration, c’est d’augmenter l’amende ou la punition pour dommages et intérêts, parce qu’il est plus pénible au marchand de donner la déclaration des terres qui sont toujours exposées aux yeux de tous les voisins.

§ 837

8° Le marchand, surtout le marchand maritime, peut avoir des effets pour son compte et être en même temps facteur pour les effets des autres marchands ; en ce cas il paiera comme propriétaire de ces effets, et comme facteur ou régisseur des effets des autres, c’est-à-dire selon deux tarifs très différents, le deux centième denier pour les siens, et le quatre millième pour la régie comptable des effets des autres.

§ 838

9° Enfin le Conseil pourra faciliter un jour ces déclarations en détail par des modèles, et ordonner que les crédittes69 du marchand, lorsqu’elles ne portent point d’intérêt, ne seront point comptées au nombre de ses revenus ou profits annuels : les règlements vont toujours en se perfectionnant avec le secours de l’expérience.

§ 839

10° Il y a même une considération, c’est que dans les procès en surtaux entre marchands taillables dans la taille arbitraire, les juges, pour s’assurer de la vérité des faits allégués sur la valeur des effets de ces marchands, et pour fonder leurs jugements, ne peuvent pas se dispenser d’ordonner et de voir des déclarations de ces effets en détail, et les contestations des parties sur chaque article. Ils font estimer les effets de la boutique et des magasins du marchand par experts, mais cela est si rare qu’un juge de la cour des aides de Paris m’a dit qu’en vingt-huit ans il n’avait vu qu’un pareil procès.

§ 840

Il y a donc dans la loi de la taille tarifée d’un côté un asile en faveur du marchand juste et vrai déclarant, et de l’autre il y a en faveur des habitants et des collecteurs un moyen de punir et de corriger le marchand injuste faux déclarant, c’est-à-dire un moyen de le rendre juste, ce qui fait la bonté et la perfection de la loi.

§ 841

11° Le marchand juste doit être favorisé, et la loi le favorise tellement que, si on propose à cent marchands taillables, même protégés, les deux systèmes, on verra qu’aucun ne voudra rester dans la taille arbitraire, et demandera avec empressement la taille tarifée malgré l’obligation où il sera de donner sa déclaration en gros.

§ 842

12° Cette objection ne regarde point les lieux où il n’y a ni gros marchands, ni négociants, ni chefs de manufacture.

§ 843

Or on sait que dans une élection de cent paroisses, il n’y a qu’à peine une ville où il y ait de gros marchands, des négociants et des chefs de manufacture.

§ 844

Or serait-il raisonnable de laisser la disproportion excessive entre dix mille familles, parce que parmi elles la méthode des déclarations gênerait un peu dix familles marchandes ou commerçantes ?

§ 845

13° Le nouveau projet ne les oblige pas de donner leur déclaration, ils la donneront s’ils veulent : la déclaration n’est demandée qu’à ceux qui craignent d’être vexés par la trop forte estimation des collecteurs et des douze principaux habitants.

§ 846

14° Il y avait autrefois de gros marchands et des négociants dans plusieurs lieux taillables, mais les collecteurs annuels étant devenus les maîtres de répartir la taille à leur fantaisie, ils ont, pour faciliter leur recouvrement, si fort chargé les gros marchands, les commerçants par mer, et les chefs de manufacture qu’ils les ont ou ruinés ou contraints d’aller s’établir ailleurs, au grand préjudice du commerce.

§ 847

15° Les gros marchands, qui ont voulu faire diminuer leurs cotes excessives, donnaient dans leurs procès des déclarations détaillées, et cela ne leur produisait rien, et le plus souvent ils étaient obligés de quitter les affaires de leur commerce pour aller à cinquante lieues de là poursuivre des procès qu’ils perdaient.

§ 848

Or dans le nouveau projet, si leur déclaration en gros est véritable, elle les mettra pour toujours à couvert de toute taxe excessive et de tout procès, parce qu’il y a dans ce système un tarif qui répond dans le registre de proportion à la taxe du deux centième denier des Hollandais70.

§ 849

Ainsi la déclaration en gros et le tarif du nouveau projet, loin de gêner le commerçant, est un moyen qui le garantit de toute injustice, et de toute mauvaise volonté de la part des collecteurs. Or peut-on dire qu’un moyen sûr, que l’on a sous la main quand on craint un ennemi, puisse être regardé comme chose gênante.

§ 850

16° Dans les villages, et même dans les bourgs, il n’y a aucun des habitants qui puisse cacher son revenu, et dont on ne sache toutes les parties à dix francs près ; ainsi en donnant leur déclaration, ils ne s’apprennent rien les uns aux autres, et puis ils ne la donneront que lorsqu’ils voudront se mettre à couvert ou de l’injustice, ou de l’ignorance des collecteurs.

§ 851

17° Il y a dans le royaume plusieurs petites villes taillables où il y a du commerce, et où il y en aurait beaucoup plus si on les tarifait. Nous avons divers exemples en Normandie que, pour lever les droits d’entrée avec sûreté, il n’est point nécessaire de les entourer de murs, et en général on ne saurait disconvenir que c’est la manière la plus commode, la plus proportionnée, et la moins coûteuse pour les sujets, de payer les subsides dus à l’État ; les commerçants sont trop gênés par la taille arbitraire.

OBJECTION XXXIV

§ 852

Je conviens que de cent habitants d’une paroisse il y en aura plus de la moitié qui, craignant d’être taxés cette année au-delà de leurs tarifs, donneront leurs déclarations véritables ; je conviens qu’aucun n’osera donner sa déclaration fausse, mais il y en aura un tiers qui n’en donneront point du tout dans l’espérance que le collecteur estimera leur revenu moindre qu’il n’est.

Réponse

§ 853

1° Il peut bien arriver aussi que les collecteurs estiment le revenu du non-déclarant un tiers, une moitié plus qu’il ne vaut, et comme il est non-déclarant dans le dessein de tromper, ne mérite-t-il pas d’être puni du désir qu’il a de tromper les déclarants ?

§ 854

2° Comme ces non-déclarants sont les plus riches, les collecteurs seront toujours intéressés à les taxer à plus que leur véritable taux, parce qu’ils seront toujours mieux payés par les plus riches que par les moins riches.

§ 855

3° Les collecteurs, pour faire l’estimation des revenus des non-déclarants, assembleront devant le commissaire les douze plus riches déclarants, qui auront tous intérêt à estimer au plus haut le revenu des non-déclarants. Ainsi les non-déclarants ne seront pas épargnés par les collecteurs.

§ 856

4° Les douze principaux déclarants signeront sur le registre des déclarations l’estimation qu’ils feront dans leur assemblée du revenu du non-déclarant, et alors il n’y aura point à craindre que les collecteurs puissent jamais le favoriser.

OBJECTION XXXV

§ 857

Si le fermier donne une fausse déclaration du prix de son bail, il sera condamné au quadruple, et à deux cents livres d’amende, mais le propriétaire pourra frustrer les collecteurs si le fermier, en cachant ses quittances, fait semblant de devoir plus qu’il n’a de bien à son propriétaire.

Réponse

§ 858

1° La plupart des propriétaires n’oseront jurer et faire un faux serment contre la justice et contre la vérité.

§ 859

2° La loi a déjà statué : qu’en ce cas le propriétaire ne pourra demander que deux années de termes échus au préjudice des collecteurs.

OBJECTION XXXVI

§ 860

Le nouveau règlement que vous proposez renverserait presque entièrement la jurisprudence des édits précédents sur la taille, ce qui produirait plusieurs procès nouveaux en interprétation des articles de ce règlement, et un grand embarras dans les juges sur cette interprétation.

Réponse

§ 861

1° Le roi ne peut pas faire un édit nouveau sur quelque matière que ce soit sans renverser la jurisprudence qui se pratiquait auparavant. Cependant malgré tous ces prétendus inconvénients, le feu roi et les rois ses prédécesseurs ont fait avec raison beaucoup d’édits nouveaux très avantageux à la nation.

§ 862

2° En établissant des collecteurs perpétuels et des tarifs, on fait tarir deux grandes sources de procès à l’égard de la collecte, et à l’égard des assignations en surtaux ; ainsi loin que ce nouvel établissement produise plus de procès, il est visible qu’il en produira beaucoup moins.

§ 863

3° À l’égard de l’interprétation des articles, ils n’en auront point besoin, parce qu’ils seront clairs et bien digérés, surtout si le Bureau de la taille communique le projet des articles de l’édit aux intendants, aux plus habiles de la cour des aides de Paris, et à quelques receveurs généraux des mieux instruits.

§ 864

De là il suit que le renversement d’une jurisprudence pernicieuse, loin de produire aucun inconvénient réel, produira au contraire plus de trente-six millions de profit par an à la nation, et épargnera des maux infinis à dix-huit cent mille familles opprimées par les défaut de l’ancienne jurisprudence.

OBJECTION XXXVII

§ 865

Les collecteurs perpétuels seront moins instruits des revenus des taillables des paroisses dont ils ne sont point habitants, que ne sont les collecteurs annuels de la même paroisse.

Réponse

§ 866

Il est évident au contraire que les collecteurs perpétuels, ayant pour leur instruction le registre des déclarations justes du revenu de chaque habitant qui craindra la punition inévitable des fausses déclarations, seront beaucoup mieux informés de ce revenu que ne sont la plupart des collecteurs annuels.

OBJECTION XXXVIII

§ 867

Je sais bien qu’à l’égard du sol pour livre que vous attribuez aux collecteurs perpétuels, les taillables en paient déjà environ six deniers aux collecteurs annuels, et que pour être à jamais garantis de la collecte ruineuse, il ne leur en coûtera au plus que l’augmentation d’une trente-cinquième, ou quarantième partie de leur taille, mais c’est toujours une augmentation de taille, c’est toujours une imposition nouvelle.

Réponse

§ 868

1° Il est évident qu’une augmentation de taille d’un sol sur trente-cinq ou quarante sols, ou d’une livre sur trente-cinq ou quarante livres, sera toujours regardée par tous les taillables non comme une charge nouvelle, comme une imposition nouvelle, mais au contraire comme un très grand soulagement, lorsque cette petite augmentation les garantit pour toujours des grands malheurs de la collecte forcée.

§ 869

2° Que l’on suppute ce qu’il en coûte aux habitants d’une paroisse en vingt ans pour la collecte en frais, en journées perdues, en emprisonnements, et mauvais deniers, sans compter les chagrins et les inquiétudes, et l’on trouvera qu’au lieu d’un trentième ou d’un trente-cinquième de plus de leur taille, il leur en a coûté pour la collecte plus d’un quinzième de plus, ils y gagnent donc la moitié à donner un sou pour livre par an aux collecteurs volontaires et perpétuels pour être exempts de ces frais, de ces emprisonnements, et de tous les chagrins de la collecte.

OBJECTION XXXIX

§ 870

Huit collecteurs ne suffiront pas pour faire la collecte de vingt-huit paroisses de cent taillables chacune l’une portant l’autre.

Réponse

§ 871

1° Je suppose que ces huit collecteurs aient la qualité d’huissiers des tailles et qu’ils se partagent entre eux les 28 paroisses, de sorte que deux d’entre eux en auront sept et marcheront ensemble pour faire les exécutions dans ces sept paroisses.

§ 872

2° Il y aura les trois quarts moins de mauvais payeurs et d’exécutions, parce que la taille étant proportionnée au revenu, au gain annuel de chacun, l’impuissance de payer sera plus rare.

§ 873

3° Il y aura plusieurs taillables qui, dans la crainte que s’ils payaient fort régulièrement, les collecteurs ne fissent augmenter leurs taxes l’année suivante, aiment mieux souffrir des exécutions, ceux-là n’en souffriront plus, puisqu’ils se verront garantis de toute taxe arbitraire.

§ 874

4° Ceux qui souffriront les exécutions, faute de payer leur quartier, ne seront donc pas un sur trente ; ainsi ce ne sera que trois sur cent familles, les autres taillables porteront le quartier de leur taille, ou le feront porter aux collecteurs le jour de leur tournée.

§ 875

5° De là il suit que pour ces paroisses ces deux collecteurs n’auront pas en trois mois dix exécutions à faire, et qu’ils les pourraient faire en moins de quinze jours.

§ 876

6° Ils feront savoir chaque mois à l’issue de la messe paroissiale les deux jours de leur tournée dans cette paroisse, et le lieu où ils seront depuis neuf heures jusqu’à midi, et puis feront leurs exécutions. Or comme ils auront des imprimés d’exploits d’exécution, ils les rempliront en peu de temps, et de là il suit que ces huit collecteurs auront encore plus de trois mois sans occupation. Ce qu’il fallait démontrer.

§ 877

7° Dans les élections où l’intendant sera obligé de faire les collectes générales de quarante ou cinquante mille livres, les huit collecteurs n’auront alors que deux cent cinquante livres ou trois cents livres pour le sol pour livre ; mais en ce pays-là trois cents livres leur vaudront autant que cinq cents livres dans l’élection de Paris : c’est à l’intendant à faire ces petits arrangements selon sa prudence et selon les cas différents.

§ 878

8° C’est à lui à observer toujours une sorte de milieu équitable entre l’intérêt des taillables, qu’il ne faut pas trop charger par les appointements des collecteurs, et entre l’intérêt des collecteurs, qui doivent avoir assez de profit pour désirer de se bien acquitter de cet emploi au gré du receveur, qui demande de l’activité et de la diligence, et au gré du subdélégué, qui désapprouve toute injustice et toutes manières dures et paroles insultantes qui n’apportent nul avantage au roi, et qui rendent au contraire le recouvrement plus difficile, et les collecteurs plus odieux.

OBJECTION XL

§ 879

Je crains que ces places de collecteurs perpétuels ne deviennent un objet des traitants qui proposeront de vendre ces emplois.

Réponse

§ 880

1° Je sais bien que dans des temps malheureux on a vendu des emplois où il faut des talents, des mœurs et de l’expérience, comme les commissaires de marine et tant d’autres, mais cela prouve-t-il qu’il ne fallait jamais créer des emplois nécessaires et avantageux à l’État ?

§ 881

2° Ces cinq cents livres d’appointement sont la récompense des soins, des peines, des voyages du collecteur, de sorte que si vous vouliez l’obliger à donner de l’argent, il faudrait que vous lui assignassiez l’intérêt de son argent au denier douze ou quinze, et par conséquent augmenter la taille, ce qui serait bien plus onéreux pour l’État que de créer des rentes sur la ville au denier vingt ou vingt-cinq.

§ 882

3° Pour bien faire la fonction de collecteur perpétuel, il faut du travail et de l’assiduité, il faut de l’intelligence, il ne faut point de vexation, il faut par conséquent que la compagnie puisse changer l’imbécile, le paresseux, celui qui vexe les taillables. Or la vente de ces charges introduirait bientôt la paresse et la vexation, et alors le remède serait pire que le mal.

OBJECTION XLI

§ 883

Vous mettez le tarif de la propriété au double du tarif du fermage. Si le taillable qui a cinq cents livres de rente en propriété paie cent livres ou quatre sols pour livre, et qu’il occupe une ferme d’un gentilhomme de cinq cents livres, il ne paiera que deux sols pour livre ou cinquante livres pour sa ferme ; pourquoi cette différence ?

Réponse

§ 884

1° C’est que l’on suppose qu’il ne fait de profit annuel que deux cent cinquante livres sur une ferme de cinq cents livres avec l’argent qui est nécessaire pour acheter des bestiaux, et pour mettre cette ferme dans toute sa valeur. Or en payant cinquante livres par an, il se trouve qu’il paie de ce côté-là quatre sols pour livre, c’est-à-dire le cinquième de son profit annuel.

§ 885

2° Il est vrai que si le roi voulait assujettir la ferme du gentilhomme à la taille, et à la même taille que celle du paysan taillable, il faudrait user du même tarif ; mais jusqu’ici ce n’a pas été son intention ; il s’est contenté d’assujettir le gentilhomme ou à la capitation, ou au dixième ; ainsi pour suivre l’intention du roi, il faut observer de la différence dans ces deux tarifs.

§ 886

3° Il est vrai que comme le roi met de la différence entre les exempts par charges, et les exempts par naissance noble, il serait peut-être raisonnable de mettre un tarif d’un tiers plus haut sur les fermes de ces exempts par charges.

§ 887

4° Je sais bien que plusieurs nobles ont acheté leur noblesse depuis cent cinquante ans, mais l’argent qu’ils ont donné à l’État dans ses besoins pour acquérir leur exemption, n’est-ce pas une sorte de service rendu à l’État ?

§ 888

5° Si le roi trouve que les nobles ne paient pas assez pour les charges de l’État en comparaison des roturiers, il peut augmenter leur capitation et ne point tant charger leurs fermiers ; mais alors il ne faudrait pas que la répartition s’en fît par rapport à la différence des emplois et des dignités, ce qui est ridicule, mais il faudrait la faire par rapport à la différence du revenu de chaque noble ; et effectivement n’est-il pas très injuste que le seigneur de paroisse, qui n’a que cinq cents livres de rente, paie autant de capitation que le seigneur de paroisse qui a dix mille livres de rente ? Cependant il y a plus de trente ans que l’édit qui ordonne cette étonnante répartition subsiste et s’exécute.

§ 889

6° La capitation des exempts privilégiés peut bien aussi avoir un tarif différent de celui des nobles. Ces différences sont fondées sur le plus de service que l’État tire de la noblesse, surtout en temps de guerre.

OBJECTION XLII

§ 890

Pour être sûr que le taillable a donné une déclaration juste des terres et rentes qu’il possède dans une paroisse d’une autre collecte, ou d’une autre élection, il semble plus raisonnable de l’y faire taxer comme non-résident, ou de s’adresser au fermier ou au rentier pour avoir paiement de cette taxe, que de le taxer dans la paroisse ou dans la collecte de sa résidence, cela épargnerait à l’intendant la peine d’avoir égard à ces changements de résidence des taillables.

Réponse

§ 891

Il importe peu que la taxe suive la résidence du propriétaire, ou la résidence du fermier ou du rentier de ce propriétaire. J’ai vu la chose débattue entre personnes éclairées, pour savoir lequel des deux partis était le plus à désirer pour l’intérêt du taillable, et pour l’intérêt du roi. J’ai trouvé les avantages et les inconvénients à peu près égaux, et que la pratique en était différente en différentes généralités. Je demeure indécis sur cet article jusqu’à ce que l’on m’ait apporté une véritable démonstration du parti qui, à tout peser, sera réellement le plus avantageux au public, ce qui n’est pas si aisé qu’on pourrait le croire [•]. Voyez sur cet article, l’observation XXIII, p. 18971.

OBJECTION XLIII

§ 892

Je conviens que votre système procurerait une grande proportion dans la répartition, et que cette proportion opérerait une grande facilité dans le recouvrement, mais c’est cette grande facilité du recouvrement qui est un grand mal pour les taillables. Car c’est la grande difficulté d’être payé de ce subside qui seule peut arrêter le Conseil des finances, et l’empêcher de demander aux généralités du royaume une somme excessive pour la taille.

§ 893

C’est la grande difficulté que les receveurs des tailles trouvent dans le recouvrement qui fait que le roi, que le ministre des Finances s’arrête, et borne enfin sa demande, qui, sans ces difficultés presque insurmontables du recouvrement, ne s’arrêterait à nulle somme, et ne se bornerait jamais à aucun point, surtout dans un gouvernement despotique.

§ 894

Or que faites-vous avec votre bon système de proportion ? Vous augmentez la funeste facilité du recouvrement, vous ôtez la plupart des désirables difficultés du paiement, et par conséquent vous anéantissez la seule borne, le seul frein que les effets de la disproportion excessive mettait à l’avidité et à l’insatiabilité des maîtresses, des favoris et des courtisans qui demandent des pensions, et aux fantaisies des rois bâtisseurs, ou conquérants ambitieux qui font des dépenses excessives en bâtiments dans la paix, et en troupes en temps de guerre.

Réponse

§ 895

1° Il est vrai que la répartition excessivement disproportionnée cause de grandes difficultés et de grands retardements dans le recouvrement ; mais comme d’un côté ni le roi, ni les receveurs ne sauraient rien perdre à la taille d’une paroisse, parce que les taillables sont obligés solidairement à payer les uns pour les autres le total de la taille de la paroisse, sauf leur récompense les uns sur les autres suivant le rôle d’imposition, et comme de l’autre ces receveurs ne gagnent jamais tant pour les frais du recouvrement que sur les paroisses qui sont en retard de payer, il s’ensuit qu’il est fort de leur intérêt de favoriser les répartitions excessivement disproportionnées, et de là il suit encore qu’il n’est point du tout de leur intérêt de faire diminuer la taille de cette paroisse, tant qu’ils sont sûrs qu’il y a assez d’habitants parmi les protégés qui sont assez riches pour en payer tous les arrérages avant que d’être entièrement ruinés.

§ 896

2° De là il suit que les difficultés du recouvrement ne peuvent être regardées par les taillables comme une ressource pour faire diminuer la taille d’une paroisse qui est trop chargée, et dont la taille est fort disproportionnément répartie, puisque les receveurs sont toujours intéressés à la voir augmenter, à cause que les quatre deniers pour livre du recouvrement et leurs frais en augmentent à mesure que les tailles sont augmentées, et à mesure que la disproportion est plus grande dans la répartition.

§ 897

3° Il est visible que par la disproportion les habitants protégés ne sont point à couvert d’être ruinés à cause de la solidarité de l’obligation de la taille.

§ 898

L’effet des protections injustes et des disproportions excessives ne peut donc jamais être regardé comme une ressource sûre contre les taxes excessives causées par l’avidité des favoris, des favorites, et des autres courtisans.

§ 899

4° Si l’argument tiré de ce que, le recouvrement de la taille étant devenu trop facile, le Conseil serait plus disposé à augmenter ce subside prouvait que la méthode de la proportion est mauvaise, il prouverait trop ; car il prouverait aussi que les droits d’entrée sur les marchandises et sur les denrées serait une mauvaise méthode, parce qu’elle est fort proportionnée et que le recouvrement en est fort facile, et même presque sans frais : conclusion qui est pourtant absurde.

§ 900

5° Nous ne voyons point que ce subside des entrées, quoique le recouvrement en soit plus facile, soit cependant plus augmenté à proportion que le subside de la taille, dont le recouvrement n’est pas si facile. Nous voyons même le contraire, et c’est ce qui fait que les habitants de la campagne désertent pour se retirer dans les villes tarifées. Ces deux dernières réponses sont évidemment sans réplique.

§ 901

6° S’il y a quelque motif pour arrêter l’augmentation de la taille sur les terres, c’est la comparaison du denier sur lequel les Anglais et les autres voisins paient leurs subsides par rapport à leurs revenus. Car si le Conseil voyait que ces étrangers ne paient que le huitième de leur revenu, tandis que nous payons plus du cinquième, cette considération seule pourrait arrêter le Conseil des finances. Or comment le Conseil et le public pourraient-ils faire cette comparaison, si la proportion n’était jamais établie dans tout le royaume ?

§ 902

Il faut observer à l’égard de quelques Provinces-Unies des Pays-Bas que plus de la moitié des impositions des Hollandais et Zélandais ne doivent pas être comptées sur les charges de l’État, puisque cette moitié est destinée à l’entretien des digues qui garantissent une partie de leurs terres qui leur rapportent un revenu qu’ils n’auraient point sans cette dépense ; cette partie ne doit pas être mise au nombre des subsides ordinaires de l’État, mais au nombre des réparations des terres de cet État.

OBJECTION XLIV

§ 903

Il est vrai que par la répartition excessivement disproportionnée il y a ordinairement, l’un portant l’autre72, dans chaque paroisse de cent habitants six familles taillables non protégées, qui avaient plus de trente livres de rente, et qui commencent chaque année à se ruiner, et deux autres qui achèvent au bout de dix ans d’être ruinées, mais par la même raison il y a trois ou quatre autres familles protégées qui profitent du commencement et de la fin de la ruine des autres. Or qu’importe au roi, qu’importe à l’État que les uns s’enrichissent de ce que les autres perdent, si le revenu ou gain annuel de la paroisse demeure toujours le même ?

Réponse

§ 904

1° Celui qui n’a nulle sûreté de jouir de son travail, ni d’en faire jouir ses enfants, a moins de courage pour travailler, et fait moins d’efforts pour augmenter son industrie. Or cette diminution de travail et d’industrie diminue le gain annuel de la paroisse, et demeure en pure perte pour le roi et pour l’État.

§ 905

2° Il importe fort au bonheur de l’État que la justice y soit toujours bien observée entre les habitants, car sans cela ils en sortent pour chercher la protection des bonnes lois : ainsi les campagnes se dépeuplent, et l’agriculture et les autres arts vont en décadence, ce qui va en pure perte pour l’État.

§ 906

3° Il n’y a personne qui ne sache que plus l’argent est divisé dans un plus grand nombre de familles industrieuses et laborieuses, plus il rapporte de profit à l’État : il importe donc beaucoup à l’intérêt de l’État que les riches protégés ne ruinent pas les moins riches qui n’ont point de protection et qui sont plus laborieux, plus industrieux, et vingt fois plus nombreux.

OBJECTION XLV

§ 907

Il y a telle petite paroisse où un riche habitant gouverne la paroisse, donne à travailler aux journaliers, leur prête de petites sommes pour payer leur taille, fait et défait les collecteurs ; celui-là pourra ne point donner sa déclaration, ou la donner plus faible de moitié sans craindre d’être taxé arbitrairement à l’excès, ou accusé de fausse déclaration par ceux qu’il a faits collecteurs.

Réponse

§ 908

1° Ces petites paroisses ainsi gouvernées sont en petit nombre, ainsi l’inconvénient n’est pas considérable.

§ 909

2° Dans le système des collecteurs perpétuels ce riche habitant n’aura aucun crédit sur les collecteurs, et pourra être accusé de fausse déclaration par ceux qui seront intéressés à le faire punir par amende.

§ 910

3° L’intendant pourra toujours taxer d’office cet habitant riche et protégé, jusqu’à ce qu’il soit sûr qu’il ait donné une déclaration juste de son revenu.

§ 911

4° Quand l’intendant soupçonnera une paroisse d’être gouvernée despotiquement, il pourra joindre à cette paroisse une paroisse voisine qui ne dépende point de ce riche habitant, et n’en faire qu’une seule communauté, et alors il y aura beaucoup d’habitants assez intéressés et assez courageux pour mettre en évidence la fausseté du déclarant. Il n’y a point de réplique à cette réponse.

§ 912

5° Comme la fausse déclaration ne peut être donnée par les injustes que pour voler les autres habitants qui sont justes, les curés seront obligés de déclamer dans leurs prônes contre cette sorte de vol, sujet à restitution sous peine de damnation, et de prêcher sur cet article principalement dans les temps des déclarations et de la confection des rôles d’estimation que l’on fera. Les curés qui sont les officiers de l’État, destinés pour inspirer aux peuples des mœurs justes et bienfaisantes, ne font pas assez d’usage pour l’utilité publique de la crainte de l’enfer et de l’espérance du paradis. Les évêques dans leurs mandements auront soin de recommander aux curés d’exhorter leurs paroissiens à observer la justice les uns envers les autres, en disant vérité entière dans les déclarations de leur différents revenus.

§ 913

6° Enfin le rôle de proportion ou d’estimation du revenu des habitants, qui ne sera pas entièrement juste les premières années, se rectifiera peu à peu dans les années suivantes en présence du commissaire et des douze principaux habitants nommés ou par l’intendant, ou par le subdélégué.

OBJECTION XLVI

§ 914

Ne pourrait-on pas dans une paroisse faire la répartition proportionnelle sur le pied du nombre des arpents de terre ? Si par exemple, la terre d’une paroisse est partout d’égale valeur, il n’est point nécessaire de savoir la valeur d’un arpent en livres tournois, ni s’il vaut plus ou moins que huit livres de fermage, année commune, dans cette paroisse ; pour proportionner la taxe de chaque habitant, il n’y aura qu’à compter le nombre d’arpents qu’un taillable possédé.

§ 915

Dans les paroisses où la terre est inégalement fertile, ce qui est le plus ordinaire, il y en a de trois valeurs différentes, bonne, médiocre, mauvaise ; les terres à vigne de même : or dans la répartition on aura de même égard à ces différentes valeurs. Alors personne ne sera jamais ruiné par la disproportion, quoique l’on ne fasse dans le rôle de la paroisse aucune estimation de ce que vaut par an en livres tournois tel arpent de terre, comme s’il était affermé année commune, il suffira de compter le nombre des arpents de ces trois valeurs différentes.

Réponse

§ 916

1° Je conviens que la taille de cette paroisse qui paiera, par exemple, douze cents livres de première taille et deux mille huit cent livres de toutes tailles, je conviens, dis-je, que les deux mille huit cent livres seront ainsi très proportionnément réparties, et que nul habitant n’aura sujet de se plaindre d’aucune disproportion.

§ 917

Mais jusqu’à ce que l’on ait fait ou fait faire par les habitants l’estimation de l’arpent de terre en livres tournois dans cette paroisse, et dans toutes les paroisses de l’élection, on ne pourra jamais savoir sur quel sol la livre de leur revenu chaque paroisse est taxée, si l’une est taxée au dixième et l’autre au cinquième de leur revenu, ni on ne pourra connaître par conséquent lesquelles doivent être diminuées.

§ 918

Ainsi il pourra arriver que par cette ignorance une autre paroisse de pareil nombre d’arpents de terre et de pareil nombre d’habitants ne sera taxée en total qu’à pareille somme de deux mille huit cent livres quoi qu’elle ait un tiers plus de revenu, tant à cause de la plus grande fertilité de la terre qu’à cause de la grande proximité d’une grande ville ; et il est certain d’ailleurs qu’il peut bien être que l’arpent de bonne terre d’une paroisse ne rapporte effectivement que ce que rapporte l’arpent de la terre médiocre d’une autre paroisse.

§ 919

Il est vrai que, sans estimation du revenu annuel de la terre de chaque taillable, vous pouvez bien éviter la disproportion dans la répartition de la taxe entre les familles d’une même paroisse, mais sans l’estimation du revenu annuel en livres tournois du total des terres différentes de deux paroisses différemment situées, on ne saurait jamais avoir de sûreté d’éviter la disproportion dans la répartition de la taxe en livres tournois entre paroisse et paroisse, car de deux arpents de même terre l’un vaut dix livres à dix lieues de Paris, et l’autre vaut vingt livres à une lieue de cette ville.

§ 920

C’est donc la seule comparaison du revenu annuel en livres tournois de chacune des paroisses de l’élection qui peut donner sûreté de la répartition proportionnée de la taxe annuelle de l’intendant, qui est comme la taxe du Conseil, en livres tournois. Ainsi il est visible que l’intendant, pour être sûr de proportionner la somme demandée en livres tournois à telle et telle paroisse au sol la livre de leurs revenus en livres tournois, doit nécessairement être sûr de la somme totale du revenu de ces paroisses en livres tournois.

§ 921

Je suppose, par exemple, que la paroisse la plus modérément taxée de l’élection paie quatre sols pour livre de son revenu en livres tournois ; il s’en trouvera quelques-unes taxées à trois sols, les autres à cinq sols pour livre de leur revenu, et cela faute de connaissance suffisante du nombre d’arpents de terre de chacune de ces paroisses, et faute de connaissance suffisamment sûre de la véritable valeur en livres tournois de chaque arpent tel qu’il est affermé communément, année commune, dans le canton.

§ 922

De même, l’intendant, pour être sûr que dans la taxe annuelle en livres tournois de deux élections, il ne demande pas à l’une un sixième plus à proportion qu’à l’autre, ne doit-il pas être sûr du total du revenu en livres tournois de chacune d’elles ?

§ 923

De là il suit qu’il est absolument nécessaire d’ajouter dans le rôle de proportion de chaque paroisse l’estimation des différents revenus en livres tournois de chaque famille, et que l’on puisse perfectionner et rectifier tous les ans le rôle de proportion et d’estimation, puisque c’est sur ce rôle que se fera le rôle exigible de chaque année.

OBJECTION XLVII

§ 924

Il est vrai qu’il serait nécessaire de pousser l’information non seulement jusqu’à la quantité d’arpents de terre, mais encore jusqu’à l’estimation du revenu, année commune, de chaque arpent en livres tournois dans chaque paroisse ; mais comment avoir sans frais ces estimations justes pour faire un rôle entier des différentes sortes de revenus de tous les taillables ?

Réponse

§ 925

1° Les taillables seront fort intéressés, pour éviter les excès de la taxe arbitraire des collecteurs, de donner chacun leur déclaration de leur revenu en livres tournois au syndic ou autre officier de la paroisse nommé par l’intendant.

§ 926

2° Celui qui ne la donnera point pourra être taxé arbitrairement sans qu’il puisse se plaindre.

§ 927

3° Celui qui donnera sa déclaration fausse sera puni par la peine du quadruple et de l’amende ; ainsi elle sera bientôt rectifiée.

§ 928

4° À l’égard des non-déclarants, le mémoire de leurs différents revenus sera fait par l’assemblée composée des douze principaux habitants déclarants nommés par le subdélégué, du commissaire, et quelquefois de deux autres, soit nobles, soit ecclésiastiques que pourra nommer le subdélégué par commission de l’intendant.

§ 929

5° Comme il y a des terres qui rapportent plus et moins en diverses années, et des baux qui diminuent ou qui augmentent, on rectifiera sur les baux nouveaux et sur les nouvelles déclarations le rôle de proportion et d’estimation tous les ans dans l’assemblée générale, avant de faire le rôle exigible.

OBJECTION XLVIII

§ 930

Vous ne mettez point de tarif sur les bestiaux.

Réponse

§ 931

1° Pour encourager les habitants à nourrir des bestiaux et surtout des chevaux de voiture, et à multiplier les voituriers pour augmenter le commerce, il n’est pas à propos de taxer les bestiaux. C’est le commerce qui fait valoir les denrées et les fruits de la terre.

§ 932

2° Les terres qui nourrissent les bestiaux sont déjà taxées, soit comme appartenant à un propriétaire taillable, soit comme appartenant à un colon ou fermier.

§ 933

3° Ces bestiaux sont des instruments sans lesquels les terres elles-mêmes ne seraient pas mises en valeur, et c’est la même raison pour laquelle on ne taxe point les bœufs d’un fermier : on doit seulement taxer les voituriers, les marchands de bœufs, de moutons, ou de chevaux, comme marchands et tous ceux qui ont de l’argent en commerce, car l’argent mis en bestiaux rapporte du revenu comme l’argent mis en d’autres marchandises.

OBJECTION XLIX

§ 934

Les habitants d’une paroisse peuvent comploter entre eux de ne déclarer le revenu en livres tournois de leurs terres, maisons et fermages que pour la moitié de leur véritable valeur, et faire ainsi porter aux autres paroisses de l’élection moitié de la taille qu’ils devraient porter, car étant tous du même complot, et tous dans le même intérêt de cacher la moitié de leur revenu, nul d’entre eux ne déclarera la fraude de son voisin. Ainsi cette fraude ne pourra être, ni soupçonnée, ni vérifiée, ni punie.

Réponse

§ 935

1° Un secret confié à quatre-vingts ou cent familles, à des femmes, à des veuves, à de jeunes gens, ne saurait demeurer longtemps secret, surtout s’il y a entre eux des habitants qui soient intéressés à le révéler.

§ 936

2° Il y aura plus de la moitié de ces habitants, et surtout les veuves qui, de peur d’être condamnées au quadruple, à l’amende et aux dépens, ne voudront jamais entrer dans le complot, et faire une déclaration fausse de la moitié de leur revenu.

§ 937

3° Il suffit même qu’il y ait un chef de famille de cent qui, par scrupule de confiance bien fondé, déclarerait son vrai revenu et refuserait d’entrer dans ce complot qui tend à voler les autres paroisses ; ce refus ferait craindre tous les autres que leur complot ne fût par lui révélé ; car il serait d’autant plus intéressé à révéler le mystère d’iniquité qu’il se trouverait, en déclarant son vrai revenu, être un de ceux qui porteraient la moitié du fardeau des autres paroissiens faux déclarants.

§ 938

4° Les habitants de cette paroisse ont des frères, des sœurs, des pères, des mères, des amis dans toutes les paroisses environnantes ; ainsi un pareil secret ne peut jamais durer trois mois. Or si les habitants d’une semblable paroisse avaient été une fois punis par la restitution du quadruple de la fraude, par l’amende et par les dépens, nulle autre ne serait tentée de suivre son exemple.

§ 939

5° Il y a dans chaque paroisse plus de la moitié des habitants qui n’ont que leur maison et leur métier, et qui par conséquent ne sauraient déclarer leur revenu la moitié plus petit qu’il n’est, parce qu’ils n’ont nul revenu. Ainsi ils ne gagneraient rien à être faux déclarants, et ils perdraient beaucoup s’ils portaient la moitié du fardeau des riches faux déclarants.

§ 940

Ainsi ils révéleraient volontiers le complot de ces faux déclarants s’il y en avait, mais cela même empêchera qu’il ne s’en trouve.

§ 941

6° Ces faux déclarants ne pourraient pas déclarer faux sur la valeur de leurs maisons qui sont en évidence, sur leurs baux qui sont souvent devant notaires, sur leurs rentes actives connues dans leurs familles et par leurs contrats ; ce ne pourrait être que sur les terres qu’ils cultivent par leurs mains ; et sur cela il ne peut jamais y avoir de complot secret, parce que tous les autres habitants seront toujours suffisamment intéressés à informer les collecteurs et le commissaire de l’intendant de la vraie valeur des revenus des faux déclarants.

§ 942

7° À l’égard des contre-lettres des fermiers, les punitions sont si grandes contre les propriétaires, et il y a tant de gens intéressés à les découvrir qu’elles seront toujours très rares.

§ 943

8° Le roi, par une déclaration, ne peut-il pas défendre tout complot entre les habitants pour tromper Sa Majesté, et pour vexer les paroisses voisines, à peine de bannissement et de confiscation, et de la restitution du quadruple au profit des autres paroisses de l’élection, et de l’amende au profit des collecteurs pour les trois quarts ? Or alors quelqu’un osera-t-il jamais se mettre au hasard d’une pareille punition ?

§ 944

9° Comme l’intendant, pour la facilité du recouvrement de la taille de l’élection, a le pouvoir de diviser une paroisse en plusieurs communautés taillables, il a de même le pouvoir d’unir plusieurs paroisses en une communauté taillable : or s’il soupçonnait quelque complot injuste et criminel dans une paroisse pour estimer les revenus des terres et des maisons une moitié ou un tiers moins qu’elles ne valent en effet, ne pourra-t-il pas facilement unir en une communauté la paroisse soupçonnée avec une ou deux autres voisines non soupçonnées, et avoir ainsi un grand nombre de taillables très intéressés à découvrir la fraude et le complot, et à faire punir les coupables selon la loi, et selon les circonstances du complot qui aurait été fait contre l’État, ou contre l’observation de la justice entre les sujets ?

§ 945

Il n’y a point de réplique à cette dernière réponse.

OBJECTION L

§ 946

On m’a objecté à l’égard des tarifs différents que j’ai proposés pour proportionner la taxe d’industrie au revenu des industries différentes, et à l’égard du tarif que j’ai proposé, pour quiconque aurait au moins deux cents livres en commerce, de mettre le total du subside de la taille sur le revenu seul des fonds de terres et maisons, tant sur les propriétaires que sur les locataires ; sur ce principe que les propriétaires et fermiers des fonds, recueillant seuls les fruits de la terre, pourraient aisément vendre leurs denrées, par exemple un huitième plus cher qu’ils ne les vendent présentement, et payer ainsi un huitième de taille de plus, si tant est que la taxe d’industrie, et la taxe des marchands, monte à ce huitième dans leur paroisse : il est vrai que cette augmentation sur les fonds, et cette diminution sur l’industrie et sur l’argent en commerce, ne pourrait se faire que peu à peu, mais que le ministère devrait y viser comme à un subside plus simple et plus facile à répartir et à recouvrer, bien entendu que les débiteurs de rentes sur ces fonds retiendraient la part du subside par leurs mains.

Réponse

§ 947

Je conviens que ce plan de subside est plus simple, mais il serait sujet à deux grands inconvénients.

§ 948

1° Cet enchérissement des denrées, que paieraient ceux qui seraient exempts de payer leur taxe d’industrie et leur taxe d’argent en commerce, serait à la vérité un moyen de leur faire payer leur part du subside par leur consommation des denrées que vendent les fermiers et propriétaires des fonds de terre, mais vous ne prenez pas garde que les propriétaires eux-mêmes et les fermiers des fonds, en achetant plus chèrement qu’à l’ordinaire toutes les sortes de denrées qui leur manqueraient, et qu’ils n’auraient pas recueilli sur leurs fonds, paieraient encore eux-mêmes une nouvelle partie du subside par l’enchérissement des sortes de denrées qu’ils n’auraient pas recueillies ; ce qui serait un subside excessif pour eux, et par conséquent ruineux et entièrement injuste.

§ 949

2° Si nos denrées, par exemple notre blé, notre vin, nos bestiaux, nos laines, nos lins, étaient trop chers d’un huitième dans le royaume à cause de l’augmentation du subside qu’elles porteraient, il arriverait que nos voisins, soit par mer, soit par terre, nous apporteraient leurs denrées à vendre comme étant pour nous à meilleur marché que les nôtres ; ils profiteraient de cet enchérissement de nos denrées, et empêcheraient ainsi la vente et la consommation des nôtres, ce qui, au lieu de servir, nuirait au recouvrement du subside lui-même.

§ 950

C’est qu’il y a toujours entre nos voisins et nous une certaine proportion entre l’argent et les denrées nécessaires à la vie, à laquelle le gouvernement doit toujours avoir attention, afin qu’ils aient toujours plus besoin de nos denrées que nous des leurs.

§ 951

3° Les marchands, les ouvriers ont leur revenu qui vient et de leur travail et de l’argent qu’ils ont en commerce : or par cet enchérissement des denrées d’un huitième, il se trouverait que les nobles, les ecclésiastiques, les bourgeois des villes paieraient la plus grande partie de ce huitième que portent présentement l’industrie et le commerce, et par conséquent les ouvriers et les marchands n’en paieraient presque rien, ce qui ne serait ni juste ni proportionné.

OBJECTION LI [•]

§ 952

Une preuve que la méthode de la taille tarifée n’est pas avantageuse aux taillables, c’est que les paroisses ou l’on en a fait l’essai, s’en plaignent toutes.

Réponse

§ 953

1° Le fait est totalement faux, puisqu’au contraire aucune ne s’en plaint.

§ 954

2° Pour juger si une paroisse peut s’en plaindre, il faudrait savoir si le plus grand nombre des habitants s’en plaignent ; or par cet examen on verrait au contraire qu’il n’y a que ceux dont la taxe a été augmentée qui s’en plaignent ; on verrait que ce sont les plus riches et les plus protégés qui ne sont souvent que dix contre cent.

§ 955

3° Ce qui pourrait faire croire à quelques-uns que ces paroisses se plaignent de cet établissement, c’est que les gentilshommes un peu considérables dans la province, les élus, les juges, et les autres gens de considération dont les fermiers ont été augmentés, sont les seuls qui crient et qui se font écouter, au lieu que ceux dont la taxe a été diminuée, les uns d’un quart, les autres d’un dixième, etc. sont des pauvres indéfendus et non protégés qui n’ont point de voix et qui ne peuvent se faire entendre pour se louer de la taille tarifée.

§ 956

4° Mais venons à la vraie preuve : qu’on fasse deux requêtes dans toutes ces paroisses pour être signées librement des paroissiens, l’une afin de maintenir cette méthode, l’autre afin de remettre l’ancienne méthode, et l’on verra laquelle sera signée d’un plus grand nombre de chefs de famille.

§ 957

5° Que l’on voie dans laquelle des deux méthodes il y a plus de sûreté pour les taillables pauvres et riches, protégés et non protégés, de n’être jamais accablés d’aucune taxe excessive.

§ 958

6° J’ai vu les paroissiens de quatre paroisses tarifées, et la plupart sont ravis de cet établissement et en donnent des bénédictions au gouvernement : peu en sont fâchés et disent même qu’ils s’en consoleront si cet établissement devient permanent et parfaitement solide, c’est qu’ils voient que ni eux ni leurs enfants n’auront plus besoin d’acheter des protections pour vivre en tranquillité, et pour avoir sûreté de n’être jamais plus mal traités que leurs pareils.

OBJECTION LII [•]

§ 959

Votre tarif sur l’industrie, c’est-à-dire pour les journaliers, pour les artisans qui ont des métiers et pour ceux qui font quelque commerce avec de l’argent, est trop faible, et par conséquent le tarif sur les terres soit en propriété, soit en ferme est trop fort ; le journalier moins chargé de taille pourra se passer de travailler quelques jours, et voudra vendre sa journée un sol, deux sols plus cher qu’à l’ordinaire ; ainsi la noblesse y perdra ce que le journalier y gagnera ; les paysans pauvres seront moins soumis, moins dépendants, ils ne seront pas plus soumis aux gentilshommes dans les campagnes que les bourgeois leur sont soumis dans les villes où le journalier est libre de mettre le prix à sa journée, le marchand libre de mettre le prix à sa marchandise, et l’artisan à l’ouvrage de son art, de son métier, comme le gentilhomme est libre de son côté de l’acheter ou de ne le pas acheter au prix qu’y veut mettre tel artisan, tel marchand.

Réponse

§ 960

1° N’est-il pas de la justice du roi de rendre les journaliers des campagnes aussi heureux, aussi libres que ceux des villes, et par conséquent aussi indépendants, aussi libres de vendre leur travail plus ou moins chèrement ? N’est-il pas libre à la noblesse de chercher ailleurs des journées à meilleur marché ? N’est-il pas juste de laisser, comme au marché, chacun libre de vendre et d’acheter tantôt plus, tantôt moins cher ?

§ 961

2° Il est vrai qu’un gentilhomme vaut mieux pour l’État qu’un journalier, qu’un artisan ; il est vrai qu’un officier vaut mieux qu’un soldat, mais cinquante journaliers, cinquante soldats valent mieux pour l’État qu’un gentilhomme, qu’un officier, et s’il y a dans le royaume cinquante mille familles de gentilshommes, n’y a-t-il pas quatre millions de familles roturières ? De sorte que le roi, en observant l’égalité entre les journaliers des campagnes et les journaliers des villes, ne fait que leur rendre justice à tous ; et pourrait-on imaginer un bon roi qui refuserait de faire observer la justice entre trois ou quatre millions de sujets ?

§ 962

3° Ce qui fixe le prix de la marchandise, c’est le cours du marché ; ce prix baisse lorsque le plus grand nombre des vendeurs sont plus pressés par leurs besoins d’acheter au prix des vendeurs : la diminution du prix vient de ce qu’il se trouve au marché moins de demandeurs que de vendeurs, c’est une balance perpétuelle qui penche tantôt d’un côté, tantôt de l’autre, ce qui fait que rien dont les hommes peuvent avoir besoin n’a aucun prix qui soit toujours fixe.

§ 963

Or n’est-il pas raisonnable de laisser aux vendeurs et aux acheteurs la liberté d’estimer leurs besoins tantôt plus tantôt moins, aux uns de vendre au plus haut prix, aux autres d’acheter au moindre prix qu’ils peuvent ? Il n’y a que pour les choses nécessaires à la vie où la police, dans certaines occasions de disette, règle sagement le prix des choses nécessaires à la vie.

§ 964

4° Il y a une règle de conduite que tout le monde approuve parce que tout le monde a grand intérêt qu’elle soit approuvée, et c’est la première loi et le premier fondement de toute société : Ne faites point contre un autre ce que vous ne voudriez pas qu’il fît contre vous, s’il était à votre place et le plus fort, et vous à la sienne et plus faible.

§ 965

Or voudriez-vous, si vous étiez journalier, que l’on vous ôtât la liberté d’augmenter le prix de votre journée d’un ou de deux sols, si vous le pouviez ? Ne devez-vous pas à l’observation de cette première loi de l’équité naturelle tous les biens que vous laissent ceux qui sont plus forts, plus puissants que vous, et aurions-nous aucune sûreté de nos biens si des scélérats plus puissants que nous pouvaient nous les ôter ? Et ils le pourraient si nous n’avions des juges plus puissants qu’eux, et fortement intéressés à faire observer cette première loi par les injustes lorsqu’ils sont plus forts que les autres ; or le roi, qui est le juge des juges mêmes et de tous les sujets, peut-il mieux employer sa puissance qu’à procurer entre eux l’observation de cette première loi que vous approuvez tant lorsque vous avez affaire avec un plus puissant que vous ?

OBJECTION LIII [•]

§ 966

Il est vrai que la taille tarifée nous donne des tarifs sur les différents genres et espèces de revenus ; il est vrai que les déclarations des taillables, soit sur chacun de leurs trois genres de leurs revenus, héritages, argent en commerce, et travail personnel, soit sur chacun des différentes espèces nous donneront, moyennant la crainte d’une punition suffisante, une connaissance entière, exacte et certaine de toutes les sortes de revenus de chaque taillable d’une paroisse, et par conséquent de tous les taillables de toutes les élections, et par conséquent de toutes les généralités : il est vrai que c’est une méthode désirée en vain depuis longtemps par les bons ministres des Finances ; mais enfin cette méthode tant désirée fait tort aux fermiers et rentiers des gentilshommes les plus distingués, les plus riches et les plus considérables, en ce que leurs fermiers paient un dixième, un vingtième plus qu’ils ne payaient ; après la fin du bail présent, les fermiers ne voudront leurs fermes qu’à un dixième ou un vingtième de moins ; ainsi cela fait tort à la noblesse ou du moins à une partie de la noblesse.

Réponse

§ 967

1° Je conviens de cette perte future pour ces gentilshommes protégeants ; mais il faut convenir que c’est la perte d’un vingtième, d’un quinzième, d’un dixième qui ne leur appartenait pas légitimement, puisque sans leur protection injuste leurs fermiers auraient payé à proportion des autres fermiers et habitants non protégés ; or peuvent-ils se plaindre avec quelque raison d’une méthode qui les empêche de faire un profit illicite et injuste qu’ils faisaient aux dépens des taillables non protégés, et des fermiers des gentilshommes ou peu riches ou absents pour le service de l’État ?

§ 968

2° Ces protecteurs injustes ne conviennent-ils pas qu’il faut observer la première règle de toute société : Ne faites point contre un autre, etc. Or en bonne foi voudraient-ils que leurs fermiers payassent une partie de ce que les fermiers de seigneurs plus puissants qu’eux auraient dû payer pour le subside dû à l’État ?

§ 969

3° Ne convenez-vous pas que si cette méthode est une fois bien établie par tout le royaume, il sortira bien moins d’habitants des paroisses, les uns dans leur jeunesse, les autres riches tous établis, de peur d’être ruinés par les taxes excessives, par les procès et par les collectes de la taille arbitraire, que beaucoup de gens riches des grandes villes ne craignant plus la taille arbitraire, et se voyant dans une sûreté entière de n’être jamais ruinés par de pareilles injustices viendraient habiter les campagnes ; que le commerce et l’industrie de la campagne, qui ont tant diminué par les manufactures ruinées et par la désertion des petits ports des rivières et de la mer, augmenteraient beaucoup en peu de temps les richesses des habitants des campagnes ?

§ 970

Or de là ne suit-il pas que ces gentilshommes trouveraient beaucoup plus aisément des fermiers tant pour de petites que pour de grosses fermes, qu’ils seraient mieux payés qu’ils ne sont, qu’ils souffriraient moins de banqueroutes, et que leurs fermes augmenteraient à la fin de plus d’un quart, et par conséquent qu’ils gagneraient alors par la méthode des tarifs deux fois, quatre fois autant que perdent ceux qui perdent présentement un dixième, un vingtième du revenu de leurs fermes ?

§ 971

De là il suit que le roi, qui n’est présentement que juste en faisant observer la justice en faveur des malheureux non protégés, serait reconnu alors comme très bienfaisant même envers les gentilshommes protecteurs injustes après l’expiration de leurs baux présents.

§ 972

4° Comme les terres seront alors un quart mieux cultivées, les seigneurs qui ont des droits de champart, et les ecclésiastiques qui ont droit de dîmes, y gagneront un quart ; et voilà comment il arrive que les hommes qui n’entendent point leurs intérêts crient souvent contre des lois et contre des règlements qui leur doivent être très avantageux.

OBJECTION LIV [•]

§ 973

Les intendants, comme vous l’avez dit, ne sauraient eux seuls faire l’établissement de la taille tarifée, et ils ont besoin de quatre ou cinq commissaires dans chaque élection, et surtout pour faire faire les premiers rôles ; ils en ont besoin tous les ans, pour faire faire de nouveaux rôles dans de nouvelles paroisses, et pour assister à la rectification des rôles de l’année précédente avec les collecteurs et principaux habitants, afin de faire les changements nécessaires à cause des nouveaux entrants, des sortants, des morts, des nouvelles estimations et déclarations des baux nouveaux, des terres reprises par les propriétaires, etc. Or il n’est pas possible de trouver dans chaque élection quatre ou cinq hommes assez habiles, et qui aient assez de probité pour bien diriger ces rôles et pour répartir la somme du mandement de l’intendant dans une paroisse sur chaque taillable, à proportion de ses différents revenus suivant les différents tarifs portés dans le mandement.

§ 974

Ainsi c’est un vrai projet de la République de Platon ou de l’Utopie de Thomas Morus. Tous ces grands projets de réformation dans différentes parties des États sont admirables dans la spéculation, mais ce qui empêche qu’ils ne soient mis en exécution, c’est qu’il faudrait des anges pour les exécuter, pour gouverner les hommes et pour opérer ; mais malheureusement nous n’avons que des hommes qui puissent s’en mêler : tant que le monde sera fait comme il est, il ne faut pas se flatter que les passions injustes n’y domineront point ; or qui ne voit qu’il vaut encore mieux laisser le monde comme il est, que de l’agiter inutilement même dans la vue d’un grand bien ?

Réponse

§ 975

1° Tout cet amas de lieux communs et de maximes vraies en un sens, mais mal appliquées au sujet, disparaît par l’expérience. On a fait des essais de la méthode de la taille tarifée dans diverses provinces suivant des modèles envoyés par les intendants. On a fait des rôles suivant cette méthode dans plus de cent élections ; et quoique les uns soient plus parfaits que les autres, on voit cependant qu’il est bien aisé de les porter tous les ans à une plus grande perfection, et l’on voit que les moins parfaits sont faits avec incomparablement plus de justice et de proportion que ceux de la taille arbitraire ; on voit que ces nouveaux rôles donnent aux intendants une connaissance incomparablement plus exacte et plus sûre du revenu et de la force de chaque paroisse que ne faisaient les anciens rôles ; on voit que ces nouveaux rôles mettent le pauvre taillable indéfendu à couvert de l’oppression du taillable riche et protégé. On voit que tous les taillables qui déclarent la vérité ont présentement sûreté altière de n’être jamais ruinés par des taxes arbitraires et par des procès ; on voit enfin qu’il ne leur manquait qu’une loi bien faite, que chacun fût suffisamment intéressé à observer soi-même et à faire observer aux autres.

§ 976

Or a-t-il fallu des anges pour faire ces rôles dans quatorze ou quinze cents paroisses de ce petit nombre de généralités où les essais ont été faits selon les tarifs et les déclarations ? Sont-ce d’autres hommes que des hommes semblables à ceux avec qui nous vivons tous les jours ? sont-ils exempts de passions ? Faut-il des anges pour faire des rôles encore un peu plus exacts que ceux qui ont été faits ; ce qui est déjà fait est-il donc impossible à faire, et pourquoi serait-il impossible aux intendants de perfectionner tous les ans les uns à l’envi des autres leur modèle de rôle ?

§ 977

Comment peut-on s’assurer de la possibilité d’un projet, si ce n’est par des essais ? voilà enfin des essais la plupart bien faits dans cinq intendances par des commissaires, par des élus, par des receveurs des tailles, par des subdélégués, par des gentilshommes intelligents et bons citoyens, par des curés habiles : dira-t-on que ce sont tous des anges ? A-t-on besoin d’autres ouvriers que des hommes d’un esprit, d’une vertu, d’une capacité médiocres ; et ces hommes sont-ils si rares ?

§ 978

Ces commissaires seront suffisamment payés de leurs vacations ; et les hommes ont-ils besoin d’être des anges pour travailler quand ils sont suffisamment payés de leurs travaux ?

§ 979

Il est vrai que s’il n’y avait ni tarifs, ni déclarations du revenu en livres tournois, rendues véritables par les punitions suffisantes et inévitables, il faudrait des anges pour faire un pareil ouvrage ; mais quand par un bon modèle, on donne aux commissaires des règles de justice et que tous les habitants sont intéressés à faire suivre ces règles, il arrive que les passions mêmes travaillent vivement à procurer l’observation de ces règles.

§ 980

C’est donc une illusion de confondre des projets simples, faciles à exécuter peu à peu par divers petits essais qui réussissent, avec des projets de la République de Platon et de l’Utopie de Tomas Morus que l’on regarde comme impossibles, et dont on n’a jamais fait d’essais.

§ 981

Or, dire qu’il est impossible de continuer ces essais et qu’il faudrait des anges pour les continuer, et que les hommes ordinaires ne le peuvent pas, quoique guidés par des règles, et lorsque le Conseil et les intendants veulent qu’on observe ces règles, en vérité n’est-ce pas confondre le possible, le facile, l’existant, avec l’impossible ?

§ 982

2° Avec de pareils discours oratoires remplis de grands mots et de maximes générales, dont le contradictoire est vrai en certains cas, on rejetterait tout projet nouveau proposé pour perfectionner les différentes parties de la justice, de la finance, du commerce et de la milice. Toutes les nouveautés ne sont pas mauvaises ; il en est d’avantageuses : et ne peut-on pas s’assurer de leur bonté par différents essais ?

§ 983

3° Qui ne sait qu’avec de bonnes maximes mal appliquées, on ne ferait jamais aucuns nouveaux essais, quelque salutaires qu’ils pussent devenir ? Il ne faudrait plus espérer aucune nouvelle loi, aucun nouvel édit, aucun nouveau règlement pour rectifier notre police ; de sorte que si notre ministère s’était gouverné avec un pareil esprit, nous n’aurions rien de mille bons règlements et établissements nouveaux faits avec tant de sagesse parmi nous depuis les deux ou trois derniers règnes.

§ 984

Voilà où mène le mauvais usage des lieux communs, de ces maximes vagues mal appliquées, et dont on tire très mal à propos des conséquences très fausses ; c’est aux orateurs à en faire usage ; mais c’est aux esprits justes et qui ont approfondi les matières à montrer l’abus et le défaut de ces applications.

§ 985

4° Il est vrai que le travail des commissaires, ou paresseux, ou de mauvaise volonté, sera un peu plus lent et moins bien fait : mais l’intendant les peut changer, et l’ouvrage avancera toujours et se perfectionnera tous les ans à mesure que l’intendant se donnera plus de peine, soit pour perfectionner les modèles de rôles et de déclarations et les subdivisions des tarifs pour les différents revenus, soit pour employer de nouveaux commissaires, soit pour multiplier les paroisses tarifées, et l’on peut prédire qu’il y aura tel intendant qui achèvera son ouvrage deux ou trois ans plutôt que les moins laborieux.

OBJECTION LV [•]

§ 986

Ne suffirait-il point, pour répartir avec proportion la taille du mandement de l’intendant entre chaque famille de la paroisse, de faire comme ont fait quelques commissaires dans certaines généralités ? Le commissaire de concert avec les principaux paroissiens divise les terres de la paroisse en trois espèces : bonnes, médiocres et mauvaises, non compris les prairies. Il estime les bonnes, par exemple, à 6 £ l’arpent ; les médiocres à 4 £ ; les mauvaises à 2 £ : et comme chacun donne la déclaration du nombre de ses arpents de terre, et que la nature en est estimée et connue pour bonne, ou médiocre, ou mauvaise par les habitants, chacun se trouve taxé au marc la livre comme les autres paroissiens, jusqu’à ce que toutes les taxes fassent la somme totale du mandement de l’intendant. On suppose que la taxe de l’industrie et du commerce, suivant le tarif, a précédé la taxe des terres, alors il est impossible que nul ait à se plaindre d’être plus taxé à proportion qu’un autre.

Réponse

§ 987

1° Nous avons vu par l’expérience que des terres de la seconde classe avaient été mises dans la première, et qu’elles avaient par conséquent été estimées trop haut d’un tiers ; et que d’autres de la première avaient été estimées de la seconde.

§ 988

Or on évitera ces injustices et ces inconvénients, en disant à chacun : donnez la déclaration de votre bail pour en avoir le prix, donnez la déclaration de la valeur annuelle en livres tournois de votre fonds en propriété dont vous jouissez, sous peine du quadruple et de l’amende si vous déclarez faux, moitié au profit de la paroisse, et moitié au profit des collecteurs.

§ 989

Alors c’est le déclarant qui par sa déclaration est seul juge de sa taxe ; ainsi il ne se plaindra pas qu’elle est disproportionnée ; d’un autre côté les autres habitants ne se plaindront pas qu’il a donné sa déclaration trop faible de plus d’un dixième, puisqu’ils y gagneront par la moitié de l’amende et du quadruple qui leur en reviendront par sa condamnation.

§ 990

2° Cette division des terres en trois classes n’est pas juste ; car dans une même paroisse, il y a presque toujours plus de six classes de terres, de sorte qu’il y a des arpents de vingt sols, de trente sols, de trois livres, de cinq livres, de sept livres, ce qui cause une grande disproportion dans les taxes.

§ 991

3° Il arrive souvent que la terre de la première classe d’une paroisse ne sera que la seconde classe des terres de la paroisse voisine, ce qui jetterait sûrement l’intendant dans une erreur considérable dans les taxes de ces deux paroisses.

§ 992

Or on évitera ce grand inconvénient, si chacun donne la déclaration véritable de ses baux, et de la valeur annuelle en livres tournois des terres dont il jouit en propriété ; et si la métairie est à moitié de tous fruits, ou à tant de boisseaux de blé, il en donnera l’estimation en livres tournois, et sa déclaration sera véritable, s’il est ordonné qu’en cas qu’il trompât de plus d’un dixième, il serait condamné au quadruple de ce dont il tromperait, et à l’amende ; car aucun habitant ne saurait espérer de cacher sa tromperie à tous les autres habitants, qui connaissent, comme lui, la véritable valeur annuelle en livres tournois des héritages de leur paroisse, et qui pour ne rien porter du fardeau du faux déclarant sont suffisamment intéressés à faire faire une estimation juste à ce déclarant.

§ 993

Or l’intendant, ayant ainsi devant ses yeux le total de la véritable valeur en livres tournois, des baux et des terres en propre, et de l’industrie de chaque taillable de toutes les paroisses de sa généralité, pourra voir facilement combien chaque élection et chaque paroisse doit porter au marc la livre de la somme qui lui est demandée par le Conseil pour sa généralité.

§ 994

Alors l’intendant sera sûr qu’il ne fait aucune injustice à aucune paroisse, comme il sera sûr que le commissaire et les collecteurs ne pourront faire aucune injustice à aucune famille, et cela par la méthode simple des déclarations véritables et des tarifs uniformes.

§ 995

4° Je dis que les déclarations seront véritables, parce que le taillable juste et le taillable timide déclareront plutôt un dixième de plus sur la valeur de leurs terres en propre qu’un dixième de moins, de peur du quadruple, de l’amende et des frais de l’estimation des estimateurs d’office : et à l’égard du taillable injuste qui déclarera faux, il sera puni au profit de la paroisse et des vrais déclarants ; ainsi ils n’y perdront rien, et le nombre des faux déclarants ira ainsi tous les ans en diminuant à cause de la punition suffisante et inévitable.

§ 996

5° À l’égard de cette estimation des terres en propre dont jouit le taillable, il la fera sur le pied commun qu’il pourrait la bailler à ferme à un autre ; mais par le tarif il paiera le dixième ou les deux sols pour livre de cette ferme, comme s’il tenait cette terre d’un autre.

§ 997

De sorte que si, par exemple, sa terre en propre est estimée cent livres pour un fermier, il paiera la taxe de propriétaire que je suppose à quatre sols pour livre, c’est-à-dire vingt livres ; et la taxe de fermier à deux sols, c’est-à-dire dix livres, parce que l’on suppose que pour la faire valoir, il y emploie de l’argent qui lui rapporte un revenu égal à celui que lui rapporterait cet argent mis dans un autre commerce ordinaire du pays.

§ 998

6° Alors chaque intendant, instruit à quel denier de sa généralité le taillable paie la taille sur ses différents revenus, en instruira le Conseil, qui de son côté proportionnera bien mieux et avec bien plus de sûreté la taxe totale des tailles à chaque généralité à proportion du revenu des taillables. Or le but du projet de taille tarifée est d’établir non seulement la proportion entre famille et famille, mais de l’établir encore entre paroisse et paroisse, entre élection et élection, et entre généralité et généralité.

§ 999

Alors, ni les taillables, ni les paroisses ne seront plus vexés avec disproportion, et le taillable qui voudra qu’on lui fasse justice, et faire justice aux autres, n’aura jamais à craindre aucune injustice de la part d’une puissance arbitraire.

§ 1000

Alors par l’observation nécessaire de la justice, on verra cesser l’extrême pauvreté ; on verra naître la sûreté perpétuelle des taillables, l’augmentation de leur commerce, et l’augmentation du revenu de la noblesse et du clergé, et l’abondance de tous les habitants, ce qui est le but du conseil et le désir des bons citoyens.

OBJECTION LVI [•]

§ 1001

Il est bien aisé de distribuer l’imposition au sol la livre sur les taillables, quand les revenus annuels de leurs terres sont constatés, ou par des baux, ou par des rentes, parce que l’estimation précise en est faite par la convention des parties, mais comme cette estimation n’est pas faite ni dans les baux à moitié de fruits, ni lorsque le taillable jouit par ses mains de son héritage, il est impossible dans ces deux cas de pouvoir avoir une règle sûre et uniforme pour estimer ces deux espèces de revenus du taillable, ni trop haut, de peur que le propriétaire n’ait à se plaindre d’être vexé, ni trop bas de peur que les autres paroissiens n’aient à se plaindre d’être vexés et de porter partie de la taille de ce taillable, si ses terres sont estimées trop bas.

Réponse

§ 1002

1° J’ai déjà répondu en partie à cette objection, p. 29073. Voici la suite.

§ 1003

Le propriétaire taillable a un moyen sûr d’éviter la vexation, c’est d’estimer lui-même un arpent ou autre mesure de telle ou telle terre, une certaine somme, et de déclarer qu’il en possède dans telle pièce tant d’arpents, et de déclarer vrai, sur le pied commun que la prendrait un fermier pour six ans.

§ 1004

Car s’il estime juste et que les collecteurs ne puissent pas le taxer plus haut que son estimation, il ne sera pas vexé ; ainsi il n’aura rien à craindre de la part des collecteurs, et les autres taillables de la paroisse ne pourront se plaindre d’être vexés par une estimation véritable.

§ 1005

Si la déclaration est fausse d’un huitième, et qu’elle soit déclarée fausse par les experts du canton, composé d’environ vingt-cinq paroisses, nommés par le subdélégué, il paiera le quadruple de la fraude qu’il aura faite à ses cotaillables, et une amende ; or comme la moitié tournera au profit de la paroisse, ces cotaillables ne seront point vexés par ce faux déclarant, qui n’aura à se plaindre que de lui-même s’il paie ce quadruple, les frais des experts et l’amende.

§ 1006

Or, qui peut mieux savoir que le propriétaire le prix commun que peut donner un fermier de l’héritage dont il jouit par ses mains, ou qu’il baille à moitié de fruits ?

§ 1007

Quelques-uns prétendent qu’il faudrait établir la punition du quadruple, si l’estimation était fausse d’un dixième au lieu d’un huitième, mais l’expérience en décidera.

OBJECTION LVII [•]

§ 1008

Vous ferez naître beaucoup de procès sur ces estimations entre les collecteurs et les taillables.

Réponse

§ 1009

1° À moins que l’estimation du propriétaire ne soit évidemment fausse d’un huitième ou d’un dixième, les collecteurs qui seraient condamnés eux-mêmes au quadruple et à l’amende envers le propriétaire, et aux frais des experts, n’entreprendront point un procès douteux.

§ 1010

2° Le propriétaire, qui craindra de son côté un procès, aimera mieux estimer son héritage un dixième de plus pour éviter un procès ruineux que de l’estimer un dixième de moins.

§ 1011

3° Quelques intendants, pour éviter ces procès en estimation, font lire ces déclarations et ces estimations devant le commissaire dans l’assemblée de paroissiens voisins du déclarant, et cette méthode est très bonne ; car celles qui passent pour vraies ne sont plus attaquables pour l’année, mais l’année suivante les habitants peuvent attaquer la fausseté de la déclaration.

§ 1012

4° De là il suit qu’un seul procès perdu par un propriétaire fraudeur empêchera les fraudes, non seulement dans cette paroisse, mais encore dans les paroisses voisines.

§ 1013

5° Le revenu annuel en argent de l’arpent de telle terre dans telle paroisse sera enfin constaté entre les paroissiens, soit par un ou deux procès perdus ou gagnés, soit même sans procès en trois ou quatre ans, et alors voilà la grande difficulté d’estimation levée pour toujours.

§ 1014

6° De là il suit que cette difficulté n’est que passagère, et qu’elle n’empêche pas même la juste estimation des trois quarts et demi des terres, parce qu’elles sont affermées à prix d’argent, ou dont le propriétaire jouit par ses mains ; ainsi ce n’est pas là un obstacle, ni grand en lui-même, ni insurmontable.

§ 1015

7° L’intendant ne peut jamais être sûr de mettre la proportion entre les cent paroisses d’une élection qu’après que ces estimations des terres de chaque paroisse auront été constatées ; ni par conséquent établir la même proportion en entier, entre élection et élection : ni par conséquent le Conseil ne pourra pas non plus mettre la même proportion et précisément le même sol pour livre entre généralité et généralité qu’après cette méthode établie dans toutes les paroisses de toutes les généralités ; et telle sera la source de la justice, de la proportion et de l’équitable uniformité si désirables dans un grand royaume.

OBJECTION LVIII [•]

§ 1016

Si vous mettez le même tarif pour les ouvriers, et par conséquent sur le pied du plus pauvre, il arrivera que tel ouvrier riche qui gagne le double ne paiera que comme le pauvre qui ne gagne que le simple ; ainsi il arrivera que le total de l’industrie sera moins chargé que le total des terres.

Réponse

§ 1017

1° On a déjà répondu en partie à cette objection, p. 24074. Voici la suite.

§ 1018

Si l’on considère que les ouvriers les plus riches n’ont pas cinquante livres en argent et en commerce plus que les pauvres, par exemple une vache, quelques brebis, quelques cochons, et que ces cinquante livres peuvent être regardées comme cinquante sols de rente, on peut le taxer pour son argent en commerce à dix sols de plus que le plus pauvre.

§ 1019

On verra que s’il y a dans une paroisse ou dans un bourg dix ouvriers de cette richesse, ce ne serait que cent sols de plus de subside qui seraient rejetés sur les terres ; or on voit que ce serait un très petit inconvénient en comparaison des inconvénients qui naîtraient de ce qu’on laisserait de l’arbitraire dans la répartition des collecteurs.

§ 1020

2° Il n’y a point d’ouvrier qui ne déclare volontiers cinquante livres en commerce, en payant dix sols pour le cinquième, si la taille est au cinquième du revenu dans sa paroisse, et cela pour se délivrer de la crainte des taxes arbitraires que font les collecteurs.

§ 1021

3° Ceux qui auront cent francs en commerce déclareront volontiers cette somme et paieront volontiers vingt sols pour éviter tout arbitraire ; et d’autres qui auront amassé une plus grande somme achèteront une maison, un morceau de terre, une rente qui paiera son cinquième.

§ 1022

4° Il faut donner à l’ouvrier riche un moyen d’éviter les taxes arbitraires, et il aura ce moyen en déclarant ce qu’il a en commerce au-dessus de quarante-neuf livres.

§ 1023

5° De là il suit que cet inconvénient est très petit pour les terres, et que même il est facile d’y remédier, si l’intendant ordonne que ceux qui auront cinquante livres en commerce et au-dessus seront tenus d’en faire déclaration pour éviter la taxe arbitraire du commerce.

§ 1024

6° De là il suit que le boulanger qui a cent livres de rente paiera vingt livres et quarante sols pour deux cents francs de blé qu’il aura en commerce, et six livres pour son métier, tandis que le pauvre boulanger son voisin ne paiera que six livres pour son métier, et dix sols pour cinquante francs de blé qu’il aura en commerce.

§ 1025

7° De là il suit qu’il est à propos de distinguer et de multiplier les cotes de chaque taillable ; à proportion qu’il a diverses sortes de revenus : sans cela il est impossible d’être sûr de faire observer la justice et la proportion entre eux. Il est vrai qu’il faudra quelques feuilles de papier de plus dans les rôles ; mais cette dépense peut-elle entrer en comparaison des grands avantages qu’apportera l’observation nécessaire et perpétuelle de la justice et de la proportion ?

OBJECTION LIX [•]

§ 1026

Nous voyons bien que, par le moyen des déclarations des différents revenus des taillables constatés ou rejetés en partie dans l’assemblée générale des paroissiens devant le commissaire et par les tarifs uniformes des intendants, il sera facile de faire observer la justice et la proportion du subside entre familles et familles, entre fermiers et fermiers, entre ouvriers et ouvriers, marchands et marchands de la même paroisse ; vous remédiez bien à une sorte de disproportion qui vient de l’injustice ordinaire des collecteurs ; mais votre méthode ne fera pas cesser les taxes excessives et disproportionnées qui se trouvent entre des paroisses, dont les unes qui appartiennent à des personnes de crédit sont excessivement favorisées, et les autres qui se trouvent sans protection sont nécessairement surchargés de ce que l’intendant, ou mal informé ou trop complaisant, aura jugé à propos de favoriser quelque autre paroisse.

Réponse

§ 1027

1° Cet inconvénient de disproportion sur chaque paroisse n’est pas moindre dans la méthode de la taille arbitraire. Il y doit être même plus fréquent que dans la méthode de la taille tarifée à cause de l’ignorance où est l’intendant dans la taille arbitraire du total du revenu taillable de chaque paroisse.

§ 1028

2° Vous n’avez pas pris garde à l’effet naturel des déclarations que donneront les taillables de leurs différents revenus annuels après qu’elle auront été lues et constatées véritables dans l’assemblée générale des paroissiens : car vous auriez vu qu’à la fin de chaque rôle on peut remarquer à quel sol la livre du revenu taillable se trouve la taxe de la paroisse ; et comme on use des mêmes tarifs dans toute l’élection, vous auriez vu qu’il sera facile à l’intendant en comparant les résultats de chaque rôle de voir les paroisses dont les taillables sont taxés par exemple sur le pied de deux sols pour livre de leurs revenus, et celles dont les taillables sont taxés sur le pied de trois sols ou de quatre sols pour livre de leurs différents revenus.

§ 1029

Ainsi vous auriez vu qu’il pourra facilement mettre s’il veut cent cinquante paroisses de cette élection à un même sol pour livre, qui sera fait du total des taxes de toutes ces paroisses, divisé par le total des taxes de toutes les paroisses de l’élection : par exemple cinq ou quatre sols pour livre fera le cinquième du revenu et le cinquième sol pour livre pour toutes les paroisses de l’élection.

§ 1030

Ainsi il pourra facilement mettre, s’il veut, par cette règle de proportion, les neuf ou dix élections de sa généralité sur le même cinquième sol pour livre du revenu taillable ; et comme le Conseil de son côté saura quel est le revenu de tous les taillables de chaque généralité il pourra facilement distribuer le subside de la taille avec proportion sur chacune des généralités.

§ 1031

L’intendant ne pourra donc jamais faire aucune injustice par ignorance du revenu des taillables entre paroisse et paroisse, non plus qu’entre élection et élection : comme il est établi juge entre elles pour la distribution du subside à proportion de leurs revenus et comme ce revenu est constaté dans chaque rôle, l’injustice qu’il ferait à une seule paroisse par comparaison à la paroisse voisine serait évidente et constatée par les deux rôles de cette paroisse. Au pis aller, les paroisses qui seraient évidemment vexées d’une moitié ou d’un quart en comparaison des autres paroisses leurs voisines n’auraient-elles pas la voie d’appel au Conseil, voie toujours ouverte contre les injustices des intendants ? Et la preuve des injustices qu’elles souffriraient ne serait-elle pas parfaitement évidente par la simple représentation des rôles des paroisses comparées, les une vexées, les autres favorisées ?

OBJECTION LX [•]

§ 1032

J’avais déjà bien compris que l’intendant pourrait avoir un jour connaissance certaine et suffisamment précise des différents revenus des taillables de chaque paroisse de toutes ses élections, et qu’ainsi il pourrait facilement, s’il voulait répartir sur chaque paroisse avec proportion, c’est-à-dire au même sol la livre la somme totale qui est demandée à l’élection ; mais votre méthode ne nous donne aucune certitude qu’il voudra faire cette répartition, ni nul moyen aux habitants des paroisses vexées, d’obtenir justice au Conseil.

Réponse

§ 1033

1° Une preuve que l’intendant voudra toujours faire justice à chaque paroisse, c’est que selon l’hypothèse même, s’il tenait deux paroisses dont le revenu taillable serait égal dans la même élection, l’une à deux sols pour livre de son revenu, par exemple, et l’autre à quatre sols, l’injustice serait si évidente et si facile à prouver contre lui qu’il ne voudra jamais se charger lui-même d’une injustice si grande et si facile à montrer à tout le monde.

§ 1034

2° N’est-il pas de la justice du Conseil de tenir la main à une répartition proportionnée ? Et par conséquent n’est-il pas de la justice du roi d’ordonner par sa déclaration que chaque intendant répartira la somme demandée par le roi à sa généralité au même sol la livre du revenu des taillables de chaque élection et de chaque paroisse ? Or, avec une pareille déclaration du roi, chaque intendant ne serait-il pas dans l’impuissance de faire aucune injustice aux paroisses tarifées ? Et cette impuissance de leur faire aucun tort, ne serait-elle pas même un grand bonheur, tant pour lui que pour elles ?

OBJECTION LXI [•]

§ 1035

Il y a dans les ouvriers de même espèce, par exemple dans les boulangers, supériorité de travail et d’industrie ; de sorte que l’un gagne le double de l’autre ; cependant la taille tarifée n’a qu’un tarif pour le même métier, tant pour celui qui gagne le moins que pour celui qui gagne le double ; de sorte que le plus laborieux et le plus industrieux du même métier est favorisé.

Réponse

§ 1036

1° Cette objection est à peu près la même que la quatorzième et la cinquante-huitième où l’on a répondu.

§ 1037

2° La taille tarifée favorise à la vérité le plus laborieux et le plus industrieux, et tant mieux ; car n’est-il pas à propos que la loi encourage à acquérir la supériorité d’industrie et de travail ? Mais cette faveur ne va pas trop loin car le résultat de cette supériorité de travail et d’industrie, c’est de faire amasser quelques pistoles pour acheter quelques bestiaux et faire quelque petit commerce, ou pour acheter quelque autre chose qui lui produit un revenu qui paiera quelque chose au roi. Car dès que cet ouvrier a gagné cinquante livres, il met cette somme en marchandise qui paye le centième denier au roi, dans la paroisse où ce taillable est taxé au cinquième de son revenu.

§ 1038

S’il a cent francs, deux cents francs, il prend quelques arpents de terre à ferme pour nourrir ses vaches, ses moutons ; et ces héritages affermés paieront au roi ; ou bien s’il a amassé cent francs, il achète une rente, un champ, il marie sa fille, à qui il donne cent sols de rente, qui paiera vingt sols au roi, quand la taille sera à quatre sols pour livre ou au cinquième du revenu. Ainsi la supériorité d’industrie et de travail du taillable n’est pas à la vérité taxée ; mais le résultat, le profit, de cette supériorité est taxé au bout d’un an ou de deux ans avec proportion ; et l’émulation pour le travail et pour l’industrie est conservée entre les ouvriers, entre les métiers, entre les marchands et les autres professions.

§ 1039

S’il garde durant un an ou deux ses cent francs inutiles dans son coffre, comme il n’en tire aucun profit, aucun revenu annuel, il ne doit rien du subside annuel qui n’est réparti que sur le revenu annuel du taillable.

OBJECTION LXII [•]

§ 1040

Il y a des paroisses dans lesquelles par les soins des seigneurs ou des curés habiles et équitables la taille est répartie avec tant de justice et de proportion que nul taillable n’a point à se plaindre d’aucune disproportion et que personne ne s’en plaint ; or pourquoi obliger ces paroisses à recevoir la méthode de la taille tarifée ?

Réponse

§ 1041

1° Il n’est pas vrai que personne ne s’en plaigne, soit justement soit injustement ; or l’on fait cesser les plaintes même injustes par l’évidence du même tarif et du revenu.

§ 1042

2° Si personne de telle paroisse ne s’en plaint, c’est que la taille tarifée y est déjà toute établie par des tarifs volontaires que font ceux qui la distribuent ; et ces tarifs font que chacun paye à proportion de ses différents revenus ; mais comme leur curé, leur seigneur équitables peuvent leur manquer, ils rentreront bientôt dans les injustices que causent les passions dans les collecteurs comme dans tous les autres hommes. Or que fait la loi et le commissaire qui la fait exécuter et qui fait le rôle avec le collecteur et les paroissiens si ce n’est la fonction du curé et du seigneur équitables ? Mais la loi et le commissaire sont immortels, au lieu qu’un nouveau curé et un nouveau seigneur peuvent n’être ni assez équitables ni assez habiles, ni assez zélés pour la justice.

§ 1043

3° L’objet du Conseil est à la vérité de faire observer la justice entre famille et famille d’une même paroisse ; mais son but est encore de faire observer la justice dans la répartition de la taille entre paroisse et paroisse, entre élection et élection, entre généralité et généralité : or comment voulez-vous faire observer cette justice par l’intendant si par la déclaration véritable du revenu de chaque habitant constatée dans l’assemblée générale, il ne connaît le revenu total des taillables et par conséquent à quel sol la livre de son revenu la taille est répartie sur telle paroisse et sur telle autre ? Et comment pourra-t-il faire la comparaison avec d’autres paroisses, et voir celles qui sont favorisées et celles qui sont surchargées, si la même méthode n’est pas établie dans toutes les paroisses de la même élection ?

§ 1044

Je sais bien qu’il y a des paroisses qui d’ancienneté sont excessivement favorisées par le crédit de leurs seigneurs tant passés que présents et que leurs fermiers sont aussi favorisés ; mais c’est cette faveur injuste et préjudiciable tant aux autres taillables qu’aux autres paroisses que le Conseil veut faire cesser ; et que peut après tout demander un seigneur juste et raisonnable sinon que sa paroisse ne paye pas plus à proportion de son revenu que les autres paroisses et que ses fermiers ne paient pas plus à proportion qu’aucun autre fermier ? S’il prétend quelque chose au-delà, c’est au préjudice des autres ; et alors n’est-ce pas vouloir faire contre un autre ce qu’il ne voudrait pas que cet autre fît contre lui ; ainsi n’est-ce pas une injustice évidente ?

§ 1045

De là il suit que les paroisses favorisées qui refusent la taille tarifée sont injustes et méritent par conséquent d’être punies de leur injustice.

OBJECTION LXIII [•]

§ 1046

Vous avez beau faire, vos commissaires auront toujours beaucoup de peine à connaître la vérité du revenu véritable d’un taillable. Premièrement il voudra le cacher ; en second lieu, souvent, il aura un revenu fort casuel, comme les vignes ; troisièmement les terres données à moitié de fruits75 ne sont pas faciles à estimer par le fermier.

Réponse

§ 1047

1° Celui qui ne voudra point risquer de payer le quadruple et l’amende d’une fausse estimation, n’a qu’à dire la vérité pour être couvert de toute disproportion excessive et de toute punition ; et ce sera le grand nombre car de mille il ne s’en trouvera pas un qui veuille risquer la honte d’être condamné à payer le quadruple et l’amende avec infamie pour se dispenser de payer dix francs qu’il doit et pour avoir la satisfaction injuste de les faire payer injustement à ses coparoissiens qui ne les devaient pas.

§ 1048

Pourra-t-il jamais espérer de tromper tous ses voisins les plus proches qui connaissent aussi bien que lui la valeur en livres tournois de ses héritages ? Pourrait-il jamais espérer que sa fraude demeurera inconnue et impunie, lorsque les collecteurs leurs coparoissiens sont aussi bons connaisseurs que lui, et lorsqu’ils doivent profiter de la punition qu’il méritera ?

§ 1049

La lecture que l’on fera tout haut dans l’assemblée générale des paroissiens de chaque article de la déclaration du taillable devant le commissaire a jusqu’ici opéré une déclaration entière et une estimation juste : 1° parce que personne ne veut ni avoir la honte de frauder publiquement et de faire porter partie de cette taxe à ses coparoissiens ; 2° parce que ce serait inutilement ; 3° troisièmement parce qu’il en serait puni immanquablement et honteusement ; et quand un de mille voudrait frauder une pistole de cette taxe, ce ne serait que pour un an et l’intendant aurait toujours l’avantage de connaître avec certitude le véritable revenu des neuf cent quatre vingt dix neuf autres.

§ 1050

2° Je conviens que le revenu de la vigne est un revenu fort casuel, soit à cause de l’intempérie de l’air, soit à cause de l’interruption du commerce ; mais cela n’empêche pas que le revenu annuel de chaque carton de vigne ne puisse être estimé en faisant une année commune composée des neuf ou dix dernières années et c’est ce qui se fait entre le propriétaire et le rentier ou le fermier.

§ 1051

3° À l’égard des terres baillées à moitié de fruits, elles sont de même nature que d’autres baillées à prix d’argent qui sont dans le voisinage ; et donc tout le monde sait le prix commun ou d’une année commune composé de neuf ou dix dernières années ; et surtout le propriétaire et le fermier connaissent le prix de cette année commune : ainsi le fermier n’a qu’à donner la déclaration de son estimation et il la donnera juste s’il craint d’être condamné au quadruple et à l’amende en la donnant trop faible d’un huitième ou d’un dixième selon que portera la Loi.

§ 1052

4° Quand le plan est bon, il se rectifie de lui-même avec le temps. Les paroissiens qui ont intérêt à l’observation de la justice chercheront à démontrer la vérité ; et le temps leur en découvrira les moyens. Tout sera donc rectifié deux ou trois ans après l’établissement, et c’est toujours beaucoup que d’approcher tous les ans de plus en plus de la plus exacte justice.

OBJECTION LXIV [•]

§ 1053

En supposant que le roi veuille faire payer la taille sur le pied de quatre sols pour livre ou du cinquième du revenu des taillables, à combien estimerez-vous le revenu ou le gain annuel d’un simple journalier qui n’a de revenu que son industrie et son travail ? Cela n’est pas facile.

Réponse

§ 1054

Les journaliers d’auprès des villes de commerce gagnent le double des journaliers qui en sont fort éloignés ; ainsi il est vrai qu’il faudra des tarifs différents pour le prix commun de la journée du journalier des paroisses différentes de différentes élections. Pour le journalier qui, à journée commune d’été et d’hiver, gagne dix sols, à deux cents journées de travail, c’est cent livres par an : sur quoi il a une redevance privilégiée de quatre vingt dix livres à payer, qui est la somme dont il a besoin pour sa nourriture, son vêtement et son logement. Cette dette privilégié acquittée, il lui reste au plus dix livres dont le cinquième est deux livres, supposé que la taille de sa paroisse soit cette année à quatre sols pour livre ou au cinquième de son revenu ; mais si la taille diminuait l’année suivante d’un dixième, il paierait un dixième de moins, c’est-à-dire quatre sols de moins ou trente-six sols au lieu de quarante sols.

§ 1055

De sorte que l’on peut dire qu’il y a autant de pistoles de revenu d’industrie que de journaliers dans une paroisse où la journée commune du journalier est à dix sols. Si ce journalier qui n’a point de terre ou peu à faire valoir a pour cent livres de chevaux ou de vaches ou moutons, etc. il paiera le centième denier de la valeur de ses bestiaux, ou le cinquième de cent sols d’une rente qu’il pourrait acheter avec ses cent francs, c’est-à-dire vingt sols ; ainsi tout gain, tout profit annuel, tout revenu annuel doit s’estimer en livres tournois, afin que le subside ne puisse jamais être disproportionné à ce revenu, et afin que deux familles taillables, deux paroisses qui auront pareil revenu puissent être sûres de ne payer jamais l’une plus que l’autre en quelque généralité qu’elles soient situées.

Extrait d’une lettre à un gentilhomme qui désapprouvait la nouvelle méthode [•]

§ 1056

Avez-vous quelque injustice à reprocher à la taille tarifée ? Connaissez-vous par exemple dans quelque paroisse où cette méthode a été établie deux fermiers dont l’un soit à proportion du prix de sa ferme plus taxé seulement d’une pistole ou même d’un écu que l’autre fermier ? Connaissez-vous dans cette paroisse quelque propriétaire taillable qui soit plus taxé qu’un autre propriétaire de pareil revenu ? Si vous en connaissez, nommez-les-moi.

§ 1057

Or si cette méthode opère nécessairement la justice entre tous les fermiers, entre toutes les familles des taillable ; si elle opère un jour la même justice et la même proportion entre les paroisses favorisées et les paroisses vexées, pouvez-vous, sans honte, vous plaindre d’un effet si juste, et jusqu’ici si inutilement désiré, tant par les malheureux qui n’avaient point de protection, que par tous les gens de bien qui voyaient avec douleur tant d’injustices criantes et sans remède dans les campagnes ?

§ 1058

Or sied-il bien à un homme juste et raisonnable de mépriser cette méthode ? Lui sied-il bien de me faire une espèce de reproche d’avoir indiqué au ministère un moyen sûr et l’unique moyen de faire toujours observer la justice ; et de faire cesser les malheurs de plus de dix huit cent mille pauvres familles non protégées, et opprimées injustement par quantité de gens qui n’ont nul scrupule d’abuser de leur crédit pour leur faire porter injustement la partie du subside de l’État qu’ils devraient porter eux-mêmes ou faire porter par leurs fermiers ?

§ 1059

Pouvez-vous jamais vous plaindre avec le moindre fondement d’une loi qui protège le pauvre juste contre le riche injuste ?

RÉCAPITULATION [•] [•]

§ 1060

On a vu dans le premier chapitre de cet ouvrage les cinq causes des disproportions excessives qui arrivent tous les jours nécessairement dans la répartition de la taille entre généralité et généralité, entre élection et élection, entre paroisse et paroisse, et entre famille et famille.

§ 1061

On a vu dans [•] le second que ces disproportions excessives ruinent l’État, en causant annuellement plus de trente-six millions de perte au royaume, soit par la désertion journalière des campagnes, soit par la diminution journalière de la culture des terres, soit par la grande diminution des petits commerces par terre et par mer, soit par la grande diminution des manufactures, soit par les procès ruineux, soit par les frais excessifs, soit par les emprisonnements des collecteurs, et par la perte d’un nombre infini de leurs journées. Or il est évident que tant que ces cinq pernicieuses causes subsisteront, il est impossible qu’elles ne produisent pas toujours d’aussi malheureux effets.

§ 1062

On a vu dans le troisième chapitre combien il serait plus utile à l’État d’établir dans chaque élection des collectes générales composées de vingt ou trente paroisses, et de sept ou huit collecteurs perpétuels et uniquement occupés de leur métier, que de se servir de quatre-vingt-dix collecteurs annuels malhabiles qui perdent beaucoup de journées inutilement à faire mal le recouvrement.

§ 1063

On a vu dans [•] les quatrième et cinquième chapitres un projet de règlement par lequel, en faisant cesser les cinq causes des disproportions excessives, le Conseil et les intendants sauront désormais avec sûreté le revenu total en livres tournois des taillables de chaque paroisse, et par conséquent le total des revenus et gains annuels de tous les taillables de chaque généralité.

§ 1064

On a vu les moyens faciles et efficaces d’avoir les déclarations de tous les taillables, et de les avoir toutes véritables dans le registre des déclarations de tous les taillables. On a vu qu’il serait facile aux collecteurs de faire dans le registre de proportion une répartition proportionnelle des tarifs sur toutes les espèces de revenus de chaque taillable de chaque paroisse, et de faire ensuite dans le rôle exigible la répartition proportionnelle de la taxe du mandement de l’intendant, en la répartissant au sol la livre sur chaque taxe proportionnelle du registre de proportion.

§ 1065

De là il suit qu’il n’y aura plus de disproportion ruineuse ni entre famille et famille, ni entre paroisse et paroisse, ni entre collecte générale et collecte générale, ni entre élection et élection, ni entre généralité et généralité.

§ 1066

De là il suit que nulle taxe ne pouvant plus être excessivement disproportionnée ; nul taillable ne pourra plus être ruiné par les taxes excessives ; et chacun d’eux, loin d’être découragé du travail, aura sûreté entière de conserver désormais son bien à ses enfants malgré les collecteurs, ce qui donnera un nouveau courage aux habitants pour travailler et pour mettre en œuvre toute leur industrie.

§ 1067

De là il suit que les campagnes ne se dépeupleront plus par la crainte d’être accablées de taille.

§ 1068

De là il suit que beaucoup de bourgeois des villes, qui ont des fermes, viendront s’y établir pour cultiver eux-mêmes leurs terres.

§ 1069

De là il suit qu’il se trouvera beaucoup plus de fermiers riches qui cultiveront beaucoup plus de terres et beaucoup mieux qu’elles ne sont cultivées, ce qui produira une grande augmentation de fruits. Or qui ne sait que la culture de la terre est une des plus grandes et la plus sûre source des richesses de l’État ?

§ 1070

De là il suit que des marchands riches viendront s’établir dans les petits ports taillables, et y feront construire de petits vaisseaux, ce qui produira une grande augmentation de commerce et de matelots.

§ 1071

De là il suit que plusieurs manufactures ruinées à cause des disproportions de la taille se rétabliront dans les bourgs, et donneront des occupations plus utiles aux pauvres familles.

§ 1072

De là il suit qu’il n’y aura plus de collecteurs forcés, qu’ainsi les habitants ne perdront plus une infinité de journées à courir pour le recouvrement, ni à souffrir dans les prisons, et qu’ils ne seront plus ruinés par les mauvais deniers de la collecte.

§ 1073

De là il suit que l’État sera enfin garanti d’une infinité de pertes annuelles que lui causait la mauvaise méthode de la répartition de la taille, qui de la part des premiers répartiteurs est nécessairement faite sans connaissance suffisante des revenus annuels des imposables, faute de déclarations vraies de la part des taillables de leurs revenus, faute de justice de la part des collecteurs ou derniers répartiteurs, et faute de tarifs de la part du roi ; et le royaume étant ainsi garanti de plus de trente-six millions de pertes annuelles reprendra bientôt ses anciennes forces, et jouira dans peu d’années d’une grande prospérité.

§ 1074

De là il suit que le ministère des Finances n’a rien de plus important, ni de plus pressé, que de faire faire des essais pour faire cesser les pertes immenses que causent tous les ans à l’État les disproportions excessives dans la répartition de la taille ; et c’est le but de ce mémoire [•].

§ 1075

On a vu dans le sixième chapitre les principales objections touchant les inconvénients qu’on croyait trouver à l’exécution du projet de tarif er la taille : j’en ai même ajouté à celles qu’on m’a faites quelques autres que j’ai prévu qu’on pourrait encore proposer, et je crois que les réponses que j’ai jointes à chacune de ces objections paraîtront assez plausibles pour convaincre toutes les personnes judicieuses du peu de fondement des raison qui tendraient à faire rejeter le projet d’un établissement si visiblement avantageux à l’État et si juste dans son objet pour la répartition de la taille ; au regard de quelques autres difficultés qu’on y trouverait par rapport à la diversité des lieux, principalement dans les provinces rédimées des droits d’aides et de la gabelle, les intendants pourront facilement les aplanir par leur prudence, par leur équité, et s’il est nécessaire, par leur autorité.

§ 1076

C’est par la connaissance que leur donneront les rôles de proportion, faits dans toutes les paroisses, du revenu de tous les taillables, qu’ils seront en état de répartir avec justice les impositions. J’ai, ce me semble, suffisamment expliqué la manière de faire dans chaque paroisse le rôle de proportion sur le registre des déclarations que seront obligés de donner les habitants sujets à la taille mais il ne sera peut-être pas inutile d’ajouter encore ici une observation à ce sujet.

§ 1077

Il serait à propos qu’à la fin du rôle de proportion on mît tous les totaux des différents revenus des taillables en faisant autant d’articles qu’il y a d’espèces de revenus et de classes des contribuables.

§ 1078

Dans le premier article, par exemple, le total de leurs revenus en propriété, c’est-à-dire de celui des fonds dont ils jouissent par leurs mains ; de ce qu’ils perçoivent du prix des fermages, loyers de maisons, ou autres choses, qu’ils donnent à ferme ou qu’ils louent ; des rentes actives et autres redevances qu’ils reçoivent, déduction faite des rentes passives et autres charges dont ils sont tenus : parce que tous ces revenus dont ils jouissent en propriété, sont taxables suivant un même tarif au même sol pour livre.

§ 1079

Le second article sera composé des fermes et des loyers dont les taillables payent un prix annuel aux propriétaires ; mais ce prix des fermages ne sera mis dans cette supputation que pour moitié de ce qui en est payé aux propriétaires parce que les fermiers, les locataires ne doivent être taxés par leurs tarifs que sur le pied de la moitié du revenu en propriété. Si un fermier par exemple tient une ferme de deux mille livres dans la paroisse, on ne doit estimer le profit qu’il retire que comme un revenu taxable de mille livres seulement.

§ 1080

Le troisième article de ces totaux sera composé des bestiaux en commerce et autres marchandises dont les taillables font trafic, en supposant par exemple que deux mille livres de bestiaux ou autres marchandises rapportent un revenu de cent livres de rente au denier vingt, dont le taillable jouit par ses mains : on entend que les bestiaux des rouliers et autres voituriers sont bestiaux en commerce, comme ceux dont les marchands de bestiaux font trafic et l’on doit entendre aussi la même chose des chevaux de louage.

§ 1081

Le quatrième article sera composé des totaux de l’industrie des journaliers, en supposant que l’industrie d’un journalier lui tient lieu, sa nourriture prélevée, d’une rente active de quinze livres dans l’élection où la journée commune du journalier est à dix sols, ou d’une rente de douze livres quand la journée est à huit sols.

§ 1082

Le cinquième article contiendra les totaux de l’industrie des artisans, regardés comme possédant un revenu annuel moitié plus grand que le journalier ; c’est-à-dire de trente livres ou de vingt quatre livres dans les lieux où la journée du journalier est à dix ou à huit sols.

§ 1083

Il y aura quelques autres articles, comme les veuves et les vieilles filles, les fermiers-généraux des terres etc. dont les industries seront estimées suivant ce qui a été dit à leur égard dans le quatrième chapitre.

§ 1084

Tous ces totaux particuliers étant mis à la fin du rôle de proportion, on en fera un total général qui fera connaître au premier coup d’œil tout le revenu taxable de la paroisse, en supposant par exemple que ce revenu est de quatre mille cinq cent livres.

Revenus dont jouissent les propriétaires2 350 £
Montant des fermes et loyers1 200 £
Revenu annuel de 2 000 £ en bestiaux et marchandises100 £
Industrie de 20 journaliers300 £
Industrie de 10 artisans300 £
Industrie de 20 veuves150 £
Le Fermier général de la terre et seigneurie100 £
 ____________
[Total]4 500 £
§ 1085

Ce même total général du revenu taillable, mais à la fin du rôle de proportion, sera mis à la tête du rôle d’exécution, avant le total de l’imposition porté par le mandement de l’intendant ; et alors en comparant ces deux totaux l’intendant verra facilement sur quel sol la livre de son revenu la paroisse paye la taille : de sorte que si le total taxable est de 4 500 £ et que le total du mandement monte à 900 £ on en conclura que la paroisse et chaque taillable sont à quatre sols pour livre, ou au cinquième de leur revenu.

§ 1086

De là on verra que si telle autre paroisse ne porte du subside que sur le pied de deux sols pour livre, elle serait favorisée injustement au préjudice de l’autre paroisse qui serait surchargée ; et alors l’intendant prendra les mesures convenables pour faire la répartition de la taille proportionnellement au revenu de toutes les paroisses, de manière que personne n’ait lieu de se plaindre de l’injustice et de l’excès de la taxe qui ne se commet ordinairement de la part de l’intendant que par le défaut de la connaissance des facultés ou revenus taxables de chaque paroisse et de chaque élection.

§ 1087

Je sais bien que pendant deux ou trois ans il y aura quelque chose à découvrir pour en avoir une connaissance certaine ; et de l’exactitude des déclarations : il sera nécessaire de les faire constater dans les assemblées des habitants, pour perfectionner les rôles de proportion mais en général tout se perfectionnera nécessairement d’année en année par l’expérience des commissaires et des collecteurs et les nouveaux ordres des intendants. Comme tous les habitants d’une même paroisse seront intéressés à découvrir les fraudes des faux déclarants, ce qui ne se découvre pas dans une année se découvrira dans l’autre, à la honte et au dommage du fraudeur qui porterait la peine due à sa fausse déclaration.

§ 1088

Si toute une élection se trouvait favorisée au préjudice d’une autre élection ou de plusieurs élections de la même généralité, les paroisses des élections surchargées et les seigneurs de ces paroisses auraient un juste sujet de s’en plaindre et ne manqueraient pas d’avertir l’intendant des fraudes qu’on aurait mis en usage pour surprendre sa religion. On voit par l’expérience que tout s’est perfectionné et les abus réformés dans les intendances où la taille tarifée est établie : tout s’y fait dans l’ordre, et les sages règlements des intendants sont ponctuellement exécutés ; de sorte qu’il n’y a personne qui ne soit content de la justice lui est rendue.

§ 1089

On ne sera peut-être pas fâché de voir de quelle manière ces messieurs ont commencé à faire cet établissement chacun dans sa généralité, c’est ce qui sera la matière du chapitre suivant.

PREMIERS ESSAIS DE LA TAILLE TARIFÉE

CHAPITRE VII

§ 1090

 [•]Après que le Projet de la taille tarifée eut été rendu public, plusieurs intendants des pays d’élections se déterminèrent aussitôt à en faire divers essais, dont le succès ne laisse plus douter des avantages réels qu’ils y ont reconnus ; mais nul n’a porté le travail si loin que M. Chauvelin76, intendant de Picardie : car de 1 400 paroisses dont son élection est composée il en tarifa tout d’un coup plus de six cents, comptant d’achever le reste en deux ans. Messieurs les intendants de Normandie en firent presque en même temps de semblables, et ils ont encore été suivis en cela par quelques autres. Comme leur travail pourra servir de modèle et d’encouragement aux autres intendants, j’ai cru que l’on verrait volontiers les premiers mandements qu’ils donnèrent à cet effet, d’autant plus que par leurs diverses expériences, par leurs réflexions, et les sages observations de leurs pareils, ils ont en moins de trois ans mis la dernière perfection à cet établissement, chacun dans sa généralité.

DE PAR LE ROI [•]

§ 1091

Jacques Bernard Chauvelin, conseiller du roi en ses conseils, maître des requêtes ordinaire de son hôtel, intendant de justice, police, finances, et des troupes de Sa Majesté en Picardie, Artois, Boulonnais, pays conquis et reconquis.

§ 1092

Sur les représentations qui nous ont été faites que la répartition de la taille de la paroisse D…. n’était point faite suivant la faculté de chacun des habitants de ladite paroisse.

§ 1093

Nous ordonnons que la taille de l’année prochaine mille sept cent trente ….. sera faite par devant le sieur …..

§ 1094

À l’effet de quoi les habitants seront tenus de donner dans huitaine pour tout délai la déclaration de leurs biens, facultés et industries entre les mains du syndic, lesquelles seront certifiées trois jours après par les maire et échevins, ou syndic, lieutenant, et quatre plus haut assis à la taille, et par eux transcrites sur un cahier de grand papier commun non marqué, le plus lisiblement que faire se pourra, conformément au modèle ci-joint, à peine de trente livres d’amende contre les refusants, ou ceux qui auront fait de fausses déclarations, lesquels paieront en outre le triple de la cote de la taille qu’ils devaient naturellement porter, de laquelle amende les dénonciateurs profiteront des deux tiers, et l’autre tiers sera mis ès mains du receveur des tailles à la décharge de la paroisse.

§ 1095

Enjoignons auxdits maires, échevins, ou syndics d’apporter dans quinzaine du jour de notre ordonnance les déclarations d’eux certifiées audit sieur …… ensemble un état de ceux qui n’auront pas fourni la leur, à peine d’en répondre en leur propre et privé nom, et de trente livres d’amende applicables comme dessus.

§ 1096

Ordonnons au procureur du roi de l’élection de tenir la main à l’exécution de cette ordonnance, et de poursuivre les défaillants par-devant les officiers de ladite élection. Les rôles seront faits suivant lesdites déclarations conformément au modèle ci-joint, à l’effet de quoi toutes les différentes natures de biens, faculté, et industrie seront réduites et prisées en argent à raison de dix livres chacune, en sorte que tout ce qui rapportera dix livres de revenu en terres, prés, bois, moulins, dîmes, champarts, censives, étangs, bestiaux, métiers, etc. fera une prisée.

§ 1097

Les biens en propres seront imposés le double des biens à ferme, les dîmes et champarts affermés, un tiers de plus que les autres fermes.

§ 1098

Mandons aux officiers et cavaliers de maréchaussée de se transporter avec le sieur ….. commissaire par nous nommé, lors de son transport, pour y faire ce dont ils seront par lui requis pour l’exécution de nos ordres, et lesdits syndic, maire et échevins seront tenus de représenter la présente ordonnance audit commissaire. Ordonnons en outre que dans les paroisses où les rôles ont été faits en conséquence de nos précédentes ordonnances, lesdits rôles serviront à l’avenir de règle aux collecteurs desdites paroisses pour imposer la taille et autres impositions qui seront ordonnées sur les taillables, et qu’en conformité les collecteurs à venir emploieront dans leur rôle article par article tous les biens, facultés, bestiaux, commerce et métiers, les évaluations d’iceux et leur nombre de têtes, ou prisées dans le même ordre à peine de cinquante livres d’amende, et se conformeront en tout audit rôle, sauf les augmentations ou diminutions de biens, facultés et exploitations qui pourraient arriver à chaque taillable, à l’effet de quoi un double dudit rôle sera remis par les collecteurs ès mains du marguillier en charge de ladite paroisse, ou du syndic qui s’en chargera par un récépissé pour y avoir recours, et l’autre remis pareillement par lesdits collecteurs auxdits marguilliers ou syndic pour être par eux déposé au greffe de l’élection, à peine de cinquante livres d’amende contre les syndics, marguilliers ou collecteurs qui n’auront pas satisfait à la présente ordonnance, lesquelles amendes ne pourront en aucun cas être modérées, pourquoi le procureur du roi de l’élection fera contre les contrevenants tous les réquisitoires nécessaires. Fait à Amiens le … jour du mois d …… mille sept cent trente …… Signé Chauvelin, et plus bas par Monseigneur Blondeau.

MODÈLE DE DÉCLARATIONS

Jaques La Thuile laboureur et fabriquant.

Un herbage sur deux journaux.

Vingt journaux de terre en propre.

Un marché de dix journaux à la sole77 appartenant à …………………………

Quatre journaux de terre à ferme appartenant à …………………………

Deux vaches.

Vingt moutons.

Quatre métiers et trois peigneurs78.

Louis Le Fevre manœuvrier, un demi-journal de terre propre.

Une vache.

Jaques ……… meunier et blatier79, une censive de la valeur de …………………………

Un moulin de la valeur de …………………………

Un champart de la valeur de …………………………

Un étang de la valeur de …………………………

Six chevaux servant à son commerce.

Christophe ……… charron, trois garçons

Entretient huit charrues.

Blaise ……… notaire, procureur.

MODÈLE DE RÔLE

Rôle et assiette de la taille de la paroisse de …… Élection de …… pour l’année mille sept cent trente …… fait par nous …… collecteurs de ladite paroisse, imposée au total à la somme de …… suivant le mandement des tailles de ladite année.

SAVOIR

Pour le principal de la taille.

Pour les six deniers à livre de droit de collecte.

Pour le scel80 du rôle et quatre sols à livre.

Pour les trois deniers à livre pour les hôpitaux.

Pour le sol à livre desdits trois deniers.

Pour le droit de quittance du receveur de tailles.

À la répartition de laquelle somme de ………………… il a été procédé par nous collecteurs susdits conformément à l’arrêt du Conseil d’État du roi du ………………… et à l’ordonnance de Monseigneur l’intendant en date du ……………………… eu égard aux biens exploités par chacun contribuable tant en propre qu’à ferme, aux bestiaux qu’ils ont en propre, à leur commerce, art, métier, négoce, trafic, et industrie, suivant et en conformité des déclarations de chaque taillable inscrites au présent rôle, et certifiées par le syndic et les principaux habitants de ladite paroisse de ………………………, de tous lesquels biens, exploitations, bestiaux, commerce, métier et industrie, l’évaluation a été faite de chacune partie à prix d’argent à raison du produit et revenu par année commune, lequel revenu est porté dans la première colonne du présent rôle, le nombre de têtes que produit ledit revenu à raison de dix livres par tête porté dans la deuxième colonne, et le montant de l’imposition de la taille dans la troisième, et s’est trouvé le total du revenu et produit de ladite paroisse, tant des biens propres qu’à ferme, bestiaux, commerce, et industrie, monté à la somme de neuf mille cent cinq livres, faisant neuf cent une tête et demie :

PremièrementRevenu par estimationTête à raison de dix livres de produitTaille
Jean Carlier laboureur, cabaretier et mercier, ses industries……45 £41/2 
Quarante verges d’héritage propre……15.11/2 
Quatorze journaux à la sole propre……168.164/5 
Vingt-huit journaux à la sole à ferme……168.164/5 
Deux journaux de prés à ferme……   
Trois vaches, deux truies et suivants……   
Deux cents brebis ou moutons……   
Faisant au total en argent……   
Imposé au total à   
    
Claude Carlier mulquinier……81   
Deux métiers……37 £ 10 s.33/4 
Deux setiers et demi d’héritage propre……75.71/2 
Deux setiers douze verges à la sole propre……25. 16211/20 
Deux setiers vingt-six verges à la sole à ferme……14.12/5 
Deux vaches……   
Faisant au total en argent……   
Imposé à   
    
Olivier Langlet maréchal sur huit charrues pour son industrie……80.8. 
Quarante verges d’héritage propre……15.11/2 
Deux setiers 52 verges sol propre……31. 16.33/10 
Deux vaches……   
Faisant au total en argent……   
Imposé à   
§ 1126

Nota, il faut faire l’évaluation et la taxe des autres articles non évalués, et de toutes les autres natures de biens dans la même forme, en observant que toutes les évaluations portées audit rôle n’ont été faites que pour servir de modèle, et qu’elles peuvent être plus ou moins fortes suivant la valeur des terres et autres biens dans chaque paroisse.

MANDEMENT DE L’INTENDANT DE CAEN POUR L’ANNÉE 1737 [•]

§ 1127

DE PAR LE ROI

§ 1128

FÉLIX AUBERY82, chevalier, marquis de Vastan, baron de Vieux-Pont, conseiller du roi en ses conseils, maître des requêtes ordinaire de son Hôtel, intendant et commissaire départi pour l’exécution des ordres de Sa Majesté en la généralité de Caen.

§ 1129

L’intention du roi, en ordonnant l’établissement de la taille tarifée par forme d’épreuves dans un certain nombre de paroisses de cette généralité, étant de faire rendre une justice exacte à chacun, et de soulager les pauvres indéfendus par une répartition des impositions proportionnée aux biens et aux facultés des contribuables.

§ 1130

Nous avertissons les habitants et possédants biens taillables dans la paroisse de ……………, qui voudront n’être imposés en conséquence du tarif qui sera fixé et réglé dans ladite paroisse par le sieur …………… commissaire par nous nommé en cette partie, qu’eu égard à leurs propriétés, fieffes ou exploitations, qu’ils seront reçus à fournir dans huitaine, à compter du jour de la notification de notre présente ordonnance, audit sieur commissaire leur déclaration juste et précise d’eux signée et affirmée véritable, ou en cas qu’ils ne sussent écrire, à venir faire entre ses mains leurs déclarations verbales, lesquelles seront rédigées par écrit par ledit sieur commissaire, et auxquelles ils apposeront leurs marques de la quantité et qualité ou valeur des héritages en propre qu’ils exploitent, ainsi que de ceux qu’ils tiennent à ferme ou à fieffe ; pour lesdites déclarations, après avoir été vérifiées en présence de tous les habitants de ladite paroisse, servir de base et de règle à leur imposition à la taille, si elles se trouvent justes et sincères ; et au contraire icelles être rejetées, et les faux déclarants condamnés en une amende telle que nous l’arbitrerons, jusqu’à concurrence de la somme de cent livres, suivant l’exigence des cas, attendu qu’ils auraient abusé d’une facilité qui ne leur est donnée que pour mettre les commissaires, par nous nommés, plus en état de leur rendre la justice qui leur est due.

§ 1131

Ordonnons aux collecteurs et habitants de la paroisse de comparaître devant ledit sieur au jour et lieu qui leur seront par lui indiqués, pour être procédés en leur présence à l’exécution du projet d’établissement de la taille tarifée dans ladite paroisse, à peine contre lesdits collecteurs de désobéissance et de prison ; et à l’égard des habitants d’être imposés suivant les informations qui seront faites, et les connaissances qu’on pourra avoir de la quantité et valeur de leurs possessions, faute par eux d’en avoir fait la déclaration par écrit, ou de s’être présentés devant ledit sieur commissaire, sans qu’ils puissent être reçus à se plaindre du prétendu excès de leur taxe dans le rôle des tailles de la prochaine année 1737, et à charge encore de ne pouvoir être reçus à faire rectifier ledit rôle à leur égard lors de l’assiette des années suivantes qu’en faisant leurs déclarations telles que dessus, et qu’ils affirmeront véritables dans toutes les circonstances ; pour quoi ledit sieur commissaire sera tenu de faire mention expresse dans son rôle des présents et des absents, lorsqu’il travaillera à la confection du rôle de la taille de ladite paroisse, à l’article d’un chacun.

§ 1132

Avertissons pareillement lesdits habitants que ceux qui lors de la confection dudit rôle n’auront point argué de fausseté, ou contesté les déclarations qui auront été faites, et en conséquence desquelles les impositions auront été arrêtées, ne seront point reçus à intenter devant nous leur action en comparaison et réduction de cote, contre les prétendus faux déclarants : à l’effet de quoi sera dressé procès-verbal sommaire par ledit sieur commissaire sur papier non marqué, lors de la confection dudit rôle, contenant les noms, tant de ceux dont les déclarations seront arguées que de ceux qui les contesteront, et les protestations et réservations expresses de ceux-ci de se pourvoir contre les premiers en comparaison et réduction de cote ; lesquelles protestations et réservations seront signées, ou marquées par ceux qui ne sauront signer.

§ 1133

Mandons au sieur ………… commissaire, par nous nommé en cette partie, de tenir la main à l’exécution de notre présente ordonnance.

§ 1134

Fait à Caen le 30e juin 1736.

§ 1135

Signé, DE VASTAN.

§ 1136

Et plus bas. Par monseigneur, LA SALLE.

§ 1137

Collationné par nous commissaire, et avons indiqué le ……………… jour du mois de ……………… la présente année pour la comparution devant nous des collecteurs et habitants de ladite paroisse.

§ 1138

Fait à ……………… le ……………… 1736.

Généralité de Caen, pour payer en 1737.
MODÈLE
De l’intitulé des rôles de la taille tarifée, et des tarifs qui doivent être mis en tête desdits rôles

Rôle de répartition fait de la somme de ………………. de taille à imposer sur les contribuables de la paroisse de ………………. pour l’année 1737.

Savoir,

Celle de ……………….. pour le principal de la taille, suivant le mandement de Monseigneur l’intendant.

Celle de ………………. pour le droit de collection.

Celle de ………………. pour le sceau.

Celle de ………………. pour le droit de quittance, etc.

Laquelle répartition a été faite conformément aux tarifs ci-après, tant sur les fonds que sur les rentes actives, et sur l’industrie et le commerce, par-devant nous …………………………….. conseiller du roi, ………………………… commissaire nommé par mondit Seigneur l’Intendant, en présence des collecteurs et habitants de ladite paroisse, auxquels nous avons donné communication des déclarations de ceux des taillables qui ont satisfait à en fournir pour la vérification d’icelles, et dont nous avons pris les instructions et renseignements nécessaires pour parvenir à de justes estimations à l’égard de ceux qui n’ont pas déclaré, à quoi nous avons procédé ainsi qu’il s’ensuit :

§ 1146

Dénombrement, distribution et valeur relative des taillables, ou aux estimations faites des biens, ou à leurs produits, sur le pied du prix des baux et des fieffes des fonds et héritages situés tant dans la paroisse que hors d’icelle, et pour raison desquels les propriétaires y domiciliés, ou les faisant valoir, doivent y être imposés avec les tarifs de contribution desdits fonds à la taille, et le produit desdits tarifs.

Cent acres de terre, dont cinquante en labour, dix en prés, trente en herbages et dix en bois appartenant à des propriétaires taillables résidant dans les paroisses voisines d’où ils les font valoir par leurs mains pour mémoire 100
Cent acres possédées ou exploitées par gentilshommes et privilégiés, dont soixante et dix en labeur, et vingt en prés ou herbages, et dix en bois, mémoire 100
Cent acres affermées par les gentilshommes et privilégiés aux naturels taillables de la paroisse, dont quatre-vingts en labeur, et vingt en prés ou herbages de valeur (suivant le prix des baux, ou les estimations ou évaluations qui en ont été faites au défaut d’exhibition desdits baux, ou dans le cas de contradiction de la vérité d’iceux) de deux mille livres. 100
 ____________
 300
TARIF 
Deux sols pour livre…… 200 £
Cinq cents acres possédées par des propriétaires taillables demeurants et imposés dans la paroisse dont les uns les font valoir par eux-mêmes, les autres les ont affermées à des naturels taillables de la paroisse, consistant : 500
I
En 300 acres de terre à labour, dont
 
25 acresà 15 £  
102à 12 £ 10 s.  
60à 10 £  
15à 8 £ 10 s.  
13à 7 £  
50à 5 £  
35à 1 £ 10 s.  
II
En 170 acres de prés ou herbages, dont
 
30 acresà 25 £  
25à 20 £  
70à 15 £  
15à 12 £ 10 s.  
10à 7 £ 10 s.  
20à 4 £  
III
En 30 acres de bois taillis, dont
800
20 acresà 6 £  
10à 3 £  
TARIF 
Six sols pour livre de la propriété et exploitation réunie dans la même personne   
Quatre sols pour livre de la simple propriété   
Deux sols pour livre de la simple exploitation   
Ce qui fait six sols pour livre du total, et 1 622 £ 9 s. 
Cent acres affermées à des exempts et privilégiés consistant en 70 acres de terre à labeur, et 30 acres de prés ou herbages, dont 20 acres de terre à labeur et dix acres de prés appartiennent propriétairement à des gentilshommes ou autres exempts et privilégiés, le surplus à des taillables domiciliés dans la paroisse, le tout de valeur (suivant le prix des baux, ou les estimations, ou évaluations faites comme ci-dessus) de deux mille livres.  100
  1 822 £ 9 s.83 
TARIF 
Quatre sols pour livre de la propriété des 70 acres appartenant à des taillables estimés valoir quatorze cents livres, ci……280 £680 £ 
Quatre sols pour livre de l’exploitation du total (Taxe de dérogeance suivant les règlements), ci……400 £ 
  2 502 £ 9. s.900
§ 1147

Nota. Les gentilshommes et privilégiés ne doivent rien pour raison de leur propriété.

Cent acres possédées par des propriétaires taillables de la paroisse et y domiciliés, mais dont les fonds sont situés hors paroisse, et dont soixante et dix sont fait valoir par eux-mêmes et trente affermées au prix de trois cents livres. 100
TARIF 
Quatre sols pour livre de la propriété de trente acres affermées, ci……60 £ 
Et quant aux 70 acres fait valoir par les propriétaires eux-mêmes, consistant :
I
En trente cinq acres de terre à labour, dont
 
25 acresà 15 £ 1 000
10à 8 £  
II
En trente-cinq acres de prés ou herbages dont
 
15 acresà 20 £  
20à 10 £  
TARIF 
Six sols pour livre de la propriété et exploitation réunie, ci……256 £ 10 s. 
Cent acres tenues à titre de fieffe
Savoir, soixante en labeur, trente en prés ou herbages, et dix en bois taillis, dont il y en a pour cinq cents livres de rente, suivant le prix des contrats de fieffe antérieurs à l’année 1700 pour trois cents livres depuis 1700 jusqu’en 1720 et pour deux cents livres depuis 1720
  100
  2 818 £ 19 s.84 
Deux sols pour livre de celles depuis 1720, ce qui donne un produit de132 £ 10 s. 
[Total acres] 1100
§ 1148

Nota. Les propriétaires taillables de rente de fieffe renvoyés à imposer au tarif des rentes actives.

TARIF
Pour l’industrie
Cinq maîtres maçonsà 5 £25 £149 £ 
Dix compagnons maçonsà 3 £30 £ 
Six journaliers ayant deux chevauxà 6 £36 £ 
Quatre journaliers n’ayant qu’un chevalà 4 £ 10 s.18 £ 
Dix journaliers sans chevauxà 3 £30 £ 
Cinq veuves fileusesà 1 £ 10 s.7 £ 10 s. 
Une pauvre veuve infirme et âgéeà 10 s[10 s] 
Deux journaliers chargés de petits enfantsà 1 £2 £ 
Et ainsi du reste de différentes professions, suivant les taux qu’on croira devoir fixer pour chaque espèce.
 3 100 £ 6 s. 
§ 1149

Nota. Il faut comprendre dans ce tarif les journaliers et artisans, tant maîtres que compagnons, en observant à l’égard des journaliers de distinguer ceux qui ont des chevaux d’avec ceux qui n’en ont pas, et subdiviser le tout en autant de différentes classes qu’on jugera à propos conformément aux instructions, à peu près dans la forme ci-contre.

TARIF
Pour les différentes espèces de commerce
On a compris dans ce rôle de la taille les marchands trafiquants et tous ceux qui font quelque espèce de négoce chacun sous sa dénomination particulière, et à proportion de ce qu’on a vérifié ou estimé qu’il a de fonds dans le commerce, dont mention expresse a été faite à chacun des articles qui se sont trouvés dans le cas : et à raison de quatre sols pour livre du revenu du denier vingt que devrait produire ce fonds, tous lesdits articles rassemblés composent la somme de……150 £ 
   ____________ 
   3 250 £ 9 s. 
TARIF
Pour les rentes actives
Quatre sols pour livre du montant des rentes foncières, hypothèques ou de fieffes, les articles rassemblés composant la somme de……100 £  
   ____________ 
Total des sommes imposées dans le présent rôle suivant les différents tarifs ci-dessus, et somme pareille à celle à imposer sur ladite paroisse, ci……  3 350 £ 9 s. 
MODÈLE
De la forme dans laquelle les cotes des taillables doivent être libellées dans le rôle, conformément aux tarifs ci-dessus, et sur le dépouillement des feuilles destinées à servir de minute audit rôle
Jaques Dufour, pour deux acres et demie de terre à labeur qu’il possède et fait valoir de son propre dans la paroisse sur le pied de six livres l’acre, et à raison de six sols pour livre……4 £ 10 s.38 £ 6 s. 
Le même, pour sept acres de terre à labeur, et sept acres de prairies affermées à Gilles Richeaume, moyennant cent trente livres à raison de quatre sols pour livre……26 £ 
Le même, pour six acres de terre à labeur et quatre acres d’herbages qu’il tient à ferme de M. de St-Sulpice, écuyer, moyennant soixante et dix-huit livres, à raison de deux sols pour livre……7 £ 16 s. 
Antoine Turpin, pour une maison et une vergée de terre de son propre, qu’il fait valoir sur le pied de huit livres l’acre, à raison de six sols pour livre, relativement à ladite vergée de terre……0 £ 12 s.5 £ 14 s. 
Le même, pour six livres de rente active, à raison de quatre sols pour livre……1 £ 4 s. 
Le même, pour trois vergées de terre affermées à Guillaume Servon, moyennant 4 £ 10 s. et à raison de quatre sols pour livre……18 s. 
Le même, pour son industrie de journalier……3 £ 
Louis Cordier exempt et privilégié, faisant valoir à ferme dix acres de terre à labeur au prix, suivant son bail, de cent livres et aux quatre sols pour livre ; taxe de dérogeance…… 20 £
Guillaume Feron, pour les trois vergées de terre qu’il tient à ferme d’Antoine Turpin, moyennant 4 £ 10 s., aux deux sols pour livre……9 s.2 £ 9 s. 
Le même, pour son commerce de blatier, dont le fonds est déclaré ou évalué à deux cents livres, à raison de quatre sols pour livre du revenu au denier vingt desdits deux cents livres……2 £ 
§ 1150

EXEMPTS

§ 1151

Mettre à la fin du rôle le chapitre des exempts à l’ordinaire.

MANDEMENT DE L’INTENDANT D’ALENÇON

§ 1152

DE PAR LE ROI

§ 1153

Louis-François LALLEMAND, chevalier, comte de Levignen, seigneur de Betz, Macqueline et Ormoy, conseiller du roi en ses conseils, maître des requêtes ordinaire de son hôtel, intendant de justice, police et finances en la généralité d’Alençon85.

§ 1154

L’établissement que nous avons fait les années dernières, en exécution des ordres à nous adressés, de la taille tarifée dans plusieurs paroisses de cette généralité ayant paru d’autant plus avantageux pour les contribuables qu’il détruit la source des vengeances qui règnent pour l’ordinaire dans les paroisses, et procure par une juste proportion les moyens de supporter plus aisément les impositions, le Conseil nous a adressé de nouveaux ordres pour continuer cette forme de répartition dans les mêmes paroisses, et même de l’établir dans celles où elle n’est pas connue ; à quoi désirant satisfaire.

§ 1155

Nous, intendant susdit, ordonnons que la taille de la paroisse d … élection d … de l’année prochaine 1737 sera assise conformément au tarif du Conseil, devant le sieur …… que nous avons commis à cet effet ; et au cas que dans ladite paroisse, il n’y ait pas encore de collecteurs nommés pour faire l’assiette, ou qu’il y en ait quelques-uns de ceux nommés qui soient déchargés ou exempts d’y passer, soit par privilège ou autrement, ordonnons que les habitants de ladite paroisse seront tenus de s’assembler le premier dimanche ou fête qui suivra la notification qui leur sera faite de la présente ordonnance, pour en nommer, et de remettre ladite nomination au greffe de l’élection dans huitaine, sinon et ledit temps passé, il en sera par nous nommé d’office, sur l’extrait du tableau qui nous sera envoyé par ledit sieur commissaire.

§ 1156

Ordonnons pareillement que lesdits habitants seront tenus dans huitaine pour tout délai après ladite nomination de fournir entre les mains du syndic ou trésorier de ladite paroisse leurs déclarations des différentes natures de biens qu’ils possèdent et font valoir, tant en propre qu’à ferme, et de leurs facultés, commerce et industrie, lesquelles seront certifiées véritables par lesdits syndic ou trésorier, et les quatre habitants plus haut imposés à la taille, et remises par ledit syndic trois jours après entre les mains des collecteurs pour être par eux procédé à l’assiette devant ledit sieur commissaire, conformément audit tarif, dont le modèle ainsi que celui de la déclaration seront joints à la présente ordonnance, même par avance, au cas que la présente ordonnance soit délivrée auxdits habitants avant notre département des tailles, sinon et faute par lesdits habitants de faire lesdites déclarations dans le temps, ils seront compris dans le rôle sur le pied le plus haut, eu égard à leurs occupations, facultés, commerce et industrie, suivant l’estimation qui en sera faite par ledit syndic ou trésorier, et lesdits quatre habitants plus haut à la taille, et ne seront reçus à former aucune action en comparaison de taux, ni en diminution desdits taux, sous prétexte d’être imposés trop haut, eu égard à leurs moyens, facultés et industrie ; et au cas de fausses déclarations par aucuns desdits taillables, ils seront imposés au double de la taille qu’ils auraient dû naturellement porter en en faisant mention dans le rôle, et le syndic et les habitants qui feront de fausses certifications sur lesdites déclarations seront par nous condamnés chacun en cinquante livres d’amende qui sera par eux payée entre les mains du receveur des tailles en exercice, à la décharge de ladite paroisse, dont la répartition sera faite sur chaque taux au marc la livre d’icelle.

§ 1157

Enjoignons auxdits collecteurs, lorsqu’ils se présenteront devant ledit sieur commissaire pour faire le rôle, de lui remettre entre les mains toutes les déclarations qui auront été fournies par lesdits habitants, certifiées dudit syndic ou trésorier et desdits quatre habitants plus haut à la taille, ensemble un état des habitants qui auront refusé de donner leurs déclarations, que ledit syndic ou trésorier et lesdits quatre habitants seront aussi tenus de leur fournir, certifié par eux véritable sous les mêmes peines, pour être par ledit sieur commissaire, en procédant à l’assiette, tenu la main à l’exécution de la présente ordonnance, et nous informer des fausses déclarations ou fausses certifications qui pourraient avoir été faites.

§ 1158

Mandons aux cavaliers de maréchaussée de se transporter dans les paroisses lorsqu’ils en seront requis par ledit sieur commissaire, soit pour obliger lesdits habitants à fournir leurs déclarations, soit pour, après icelles fournies, astreindre les collecteurs, le syndic ou trésorier, et les quatre habitants plus haut à la taille, de se trouver devant ledit sieur commissaire au jour par lui indiqué pour faire leurs rôles, et faire toutes autres courses nécessaires pour l’exécution de la présente ordonnance, auxquels cavaliers il sera payé par lesdites paroisses chacun trois livres par jour, chaque fois qu’ils s’y transporteront.

§ 1159

Ordonnons en outre que dans les paroisses où les rôles ont été faits, conformément audit tarif, en exécution de nos précédentes ordonnances, et dans celles où ils seront faits en conséquence de la présente, lesdits rôles serviront à l’avenir de règle aux collecteurs desdites paroisses pour imposer la taille, et qu’en conformité du tarif, les collecteurs emploieront dans leurs rôles, article par article, tous les biens et facultés, commerces et industrie des taillables dans le même ordre, et se conformeront en tout auxdits rôles, à peine de cinquante livres d’amende, sauf les augmentations ou diminutions de biens, facultés et exploitations qui pourront arriver à chaque taillable, à l’effet de quoi enjoignons aux greffiers des élections de remettre aux collecteurs de chaque année, sous leur récépissé, les rôles de l’année précédente qui auront été déposés à leurs greffes, à peine de pareille somme de cinquante livres d’amende.

§ 1160

Les habitants ou collecteurs des paroisses où la taille a déjà été assise conformément au tarif du Conseil les années précédentes, en exécution de nos ordonnances, seront tenus dès à présent de former par avance leurs rôles, en sorte que ledit rôle soit prêt lors de notre département prochain, sauf les augmentations ou diminutions qui pourraient se trouver sur la taille, dont la répartition sera faite au marc la livre d’icelle, à peine d’être lesdits habitants privés de la gratification qu’ils auraient pu espérer, soit par rapport aux grêles, inondations, incendies, ou autres accidents des saisons.

§ 1161

Ceux des paroisses qui n’auront obtenu notre présente ordonnance que lors de notre département, et depuis, seront tenus de satisfaire à icelle, et de faire leurs rôles dans la quinzaine de la réception de notre mandement, à peine de vingt livres d’amende, conformément à icelui, et sera ladite amende payée à la décharge de la paroisse, entre les mains du receveur des tailles en exercice, dont il sera fait répartition au marc la livre, comme dessus.

§ 1162

Les collecteurs seront tenus de faire faire une copie de leurs rôles en papier non marqué, bien lisible, en marge duquel ils marqueront, à côté du taux de chaque taillable, celui qu’il portait l’année précédente, et de remettre ladite copie signée d’eux ou marquée audit commissaire pour nous être par lui envoyée.

§ 1163

Faisons défense aux officiers des élections de rendre aucuns rôles exécutoires dans les paroisses où nous avons ordonné que la taille tarifée sera établie, qu’ils ne soient dans la forme prescrite par le tarif du conseil, et par la présente ordonnance ; enjoignons audit sieur commissaire par nous ci-dessus nommé de tenir la main à leur exécution, et de nous rendre compte des contraventions qui pourraient y être faites, pour y être par nous pourvu : et sera la présente ordonnance exécutée nonobstant oppositions ou empêchements quelconques, pour lesquels ne sera différé, et publiée dans ladite paroisse, issue de messe paroissiale, à ce que personne n’en ignore ; de laquelle publication le curé mettra son certificat au bas d’icelle. Fait à Alençon 1736.

MODÈLE DES DÉCLARATIONS

Je soussigné Jaques ……………… laboureur de la paroisse d ……………… déclare pour satisfaire à l’ordonnance de Monseigneur l’intendant du ……………… que je possède en propre et fais valoir en ladite paroisse ……………… acres ou arpents de terre, ou journaux à froment, à méteil ou seigle, valant ……………… de revenu chaque acre, arpent ou journal : plus je fais valoir la ferme de ……………… appartenant à M. ………………. contenant ………………. acres, arpents ou journaux de terres à blé, méteil ou seigle ; valant ……………… de revenu chacun ……………… acres, arpents ou journaux de pré ou herbage ; valant de revenu chacun ……………… acres ou arpents de bois taillis ; valant de revenu chacun ……………… acres ou arpents de vignes, valant ……………… de revenu chacun, ……………… plus j’ai ……………… charrues composées de ……………… bœufs et ……………… chevaux : plus je fais commerce de bestiaux ou autres choses ; ou je suis charron de mon métier, ce que je certifie véritable, sous les peines portées par ladite ordonnance, à ……………… ce ……………….

Nous syndic et quatre habitants plus haut à la taille de la dite paroisse, certifions la déclaration ci-dessus véritable, à ……………… ce ……………….

MODÈLE DE RÔLE
De la généralité d’Alençon

Rôle et répartition faite de la somme de deux mille livres de taille, mandée être imposée sur tous les contribuables de la paroisse de ……………… l’année prochaine 1737, suivant le mandement de Monseigneur l’intendant de la généralité d’Alençon, en date du ……………… laquelle répartition a été faite suivant et conformément au tarif ci-après, en présence de ……………… commissaire nommé par mon dit seigneur l’intendant, et de ……………… collecteurs de ladite paroisse pour ladite année mille sept cent trente-sept, lesquelles impositions montent :
SAVOIR
Pour le principal de la taille2 000 £
Pour les six deniers pour livre accordés aux collecteurs50 £
Pour le sceau du présent rôle7 £ 4 s.
Pour le droit de quittance accordé au receveur des tailles2 £
Pour les trois deniers pour livre de la taille25 £
 ____________
Toutes les sommes ci-dessus revenant à celle de2 084 £ 4 s.
Laquelle somme sera répartie suivant le tarif ci-après :
§ 1166

Tarif suivant lequel la taille royale imposée sur la paroisse de ……… année 1737 a été répartie à raison de deux sols pour livre du produit annuel des biens de fonds affermés et des quatre sols pour livre sur les propriétaires, et le surplus sur l’industrie.

La paroisse est composée de 254 taillables ; il y a dans cette paroisse 400 journaux de terre à froment, qui à raison de 10 £ de revenu chacun sur le pied de 2 sols pour livre, pour la taille, fait quatre cents livres.400 £
300 journaux de terre à six livres de revenu chacun sur le pied de 2 s. pour livre180 £
225 de prés ou herbages, à raison de 10 £ de revenu chacun, sur le pied de 2 s. pour livre250 £
40 arpents de bois taillis à 8 £ de revenu chacun, à raison de 2 s. pour livre32 £
20 arpents de vigne à 5 £ de revenu chacun, à raison des 2 sols pour livre10 £
 ____________
 872 £
Industrie
6 fermiers2 à 15 £30 £60 £
2 à 10 £20 £
2 à 5 £10 £
10 marchands de bœufs4 à 20 £80 £160 £
4 à 15 £60 £
2 à 10 £20 £
8 cabaretiers3 à 15 £45 £91 £
3 à 10 £30 £
2 à 8 £16 £
4 boulangers2 à 12 £24 £40 £
2 à 8 £16 £
4 maréchaux2 à 10 £20 £32 £
2 à 6 £12 £
4 serruriers2 à 8 £16 £28 £
2 à 6 £12 £
2 bouchers2 à 10 £20 £20 £
8 tisserands4 à 6 £24 £36 £
4 à 3 £12 £
2088650 à 3 £150 £383 £
75 à 2 £150 £
83 à 1 £83 £
   ____________
   850 £
Fonds 372 £
Industrie 850 £
Taux naturel des taillables 362 £ 4 s.
   ____________
 2 084 £ 4 s.

OBSERVATIONS

§ 1167

On a taxé le propriétaire qui fait valoir son fonds aux quatre sols pour livre, et les fermiers aux deux sols pour livre suivant l’usage établi dans cette généralité, on ne doit pas taxer les fonds des occupants, qui ayant satisfait à la déclaration de 1723 sont imposés dans la paroisse de leur domicile, tant pour leur taux naturel et ce qu’ils y font valoir que pour ce qu’ils occupent dans une autre paroisse, ni ceux qui ont été déchargés de payer pour ce qu’ils font valoir dans une paroisse autre que celle de leur domicile où ils payent pour tout ; soit par sentence de l’élection ou arrêt de la cour des aides : il en doit être de même des extensions des fermes, dont le chef-lieu est situé dans une autre paroisse, pour lesquelles il n’est pas nécessaire de déclaration au greffe de l’élection.

§ 1168

La partie de taille que l’on fait porter à l’industrie est un peu forte, mais on ne doit pas charger les fonds plus que deux sols pour livre pour les propriétaires.

§ 1169

On a estimé les prés ou herbages et les terres sur même pied, parce que le revenu est à peu près pareil dans la plupart des élections de cette généralité ; lorsqu’il y aura de la différence, les collecteurs pourront faire la taxe eu égard au produit de chaque espèce d’héritage.

§ 1170

Ils pourront en faire de même par rapport au revenu des bois taillis que l’on a estimé à huit livres, suivant qu’ils jugeront le produit plus ou moins considérable, eu égard à leur valeur dans le pays, et ainsi de l’arpent de vigne que l’on a fixé à cinq livres de revenu.

§ 1171

On observera de laisser dans chaque rôle, comme on a fait dans le modèle ci-après, une somme pour le taux naturel de chaque taillable, ce qui est nécessaire dans le cas des translations de domicile en usage dans cette généralité ; on n’en a fait aucune fixation ; mais on sait à peu près ce que chacun en doit porter, et la différence n’en peut être considérable qu’elle ne s’aperçoive.

§ 1172

On satisfera au surplus à l’arrêt du Conseil du 7 juillet dernier, en distinguant le taux naturel de celui de l’occupation, et ce que doit payer un taillable pour ses biens propres et son industrie ; et on fera mention du nom du propriétaire, des terres qu’il fait valoir, et du nombre de charrues ou paires de bœufs servant au labourage, conformément à cet arrêt.

Guillaume de La Marre, fermier des religieux bénédictins de Sées
Faisant valoir seize journaux de terre de son propre32 £
Trente-cinq de sa ferme, avec deux charrues et quatre paires de bœufs35 £
Industrie10 £
Taux naturel15 £
 ____________
 92 £
Jaques Duchesne, marchand de bœufs
Taux naturel12 £
Fait valoir quarante journaux de prés et herbages40 £
Industrie20 £
 ____________
 72 £
Pierre Le Vilain, cabaretier
Taux naturel10 £
Fait valoir vingt journaux de prés20 £
Dix arpents de vignes5 £
Industrie15 £
 ____________
 50 £
Charles Meslin, boulanger
Taux naturel8 £
Quatre journaux de bois taillis3 £ 4 s.
Industrie12 £
 ____________
 23 £ 4 s.
Paul L’Éveillé, maréchal
Taux naturel6 £
Quatre journaux de bois taillis3 £ 4 s.
Industrie10 £
 ____________
 19 £ 4 s.
Bonaventure Le Sueur, serrurier
Taux naturel6 £
Trois journaux de bois taillis2 £ 8 s.
Industrie8 £
 ____________
 16 £ 8 s.
Noël Dubois, boucher
Taux naturel8 £
Trois journaux de bois taillis4 £
Industrie10 £
 ____________
 22 £
Georges Le Doux, tisserand
Taux naturel4 £
Deux journaux de terre de son propre4 £
Industrie6 £
 ____________
 14 £
Toussaint de La Haye, journalier
Taux naturel2 £
Un journal de terre de son propre2 £
Industrie3 £
 ____________
 7 £
Louis Laleu, fermier
Fait valoir dix journaux de prés de son propre20 £
Trente-cinq journaux de terre de sa ferme, appartenant à avec une charrue et deux paires de bœufs35 £
Industrie10 £
Taux naturel10 £
 ____________
 75 £
Jean Dubois, marchand de bœufs
Taux naturel12 £
Fait valoir vingt journaux de prés et herbages20 £
Industrie15 £
 ____________
 47 £
Laurent Le Roy, cabaretier
Fait valoir 15 journaux de prés15 £
Huit arpents de vignes4 £
Industrie10 £
Taux naturel10 £
 ____________
 39 £
Philippe La Vergne, boulanger
Fait valoir deux journaux de bois taillis1 £ 12 s.
Taux naturel8 £
Industrie8 £
 ____________
 17 £ 12 s.
Constantin Le Sourd, maréchal
Trois journaux de bois taillis2 £ 4 s.
Taux naturel6 £
Industrie6 £
 ____________
 14 £ 4 s.
Michel Le Doré, serrurier
Trois journaux de bois2 £ 8 s.
Taux naturel5 £
Industrie6 £
 ____________
 13 £ 8 s.
Martin Le Selleur, boucher
Deux journaux de pré de son propre4 £
Quatre journaux de pré à ferme4 £
Taux naturel6 £
Industrie10 £
 ____________
 24 £
Simon Le Danois, tisserand
Taux naturel3 £
Un journal de terre de son propre2 £
Industrie3 £
 ____________
 8 £
André Laffiley, journalier
Taux naturel1 £
Industrie2 £
 ____________
 3 £
§ 1173

Nota. Le terme de taux naturel n’est usité que dans la généralité d’Alençon, et signifie taxe personnelle, taxe qui dans les autres généralités est comprise sous le terme de taxe pour l’industrie.

Généralité de Soissons

§ 1174

M. de La Galéziere, intendant de Soissons87, a fait faire cette année des rôles de la taille tarifée dans les sept élections de sa généralité pour 1737 et il a connu par ses rôles ce qu’il n’aurait jamais pu connaître avec sûreté sans cette méthode, qu’il y avait une disproportion excessive de taxes, non seulement entre familles et familles, mais encore entre paroisses et paroisses.

§ 1175

Sur dix-sept paroisses dont les rôles ont été faits avec plus d’exactitude, il a trouvé dans une que le revenu en propriété du fonds du taillable n’était taxé pour le principal de la taille qu’à un sol deux deniers pour livre ; que dans trois paroisses, ce revenu était taxé à deux sols quelques deniers pour livre de principal, que dans sept paroisses ce revenu était taxé à trois sols quelques deniers ; que dans trois paroisses ce revenu était taxé à quatre sols quelques deniers ; que dans deux paroisses ce revenu était taxé à cinq sols quelques deniers ; et que dans une paroisse ce revenu était taxé à six sols neuf deniers pour livre.

§ 1176

Or s’il se trouve une si grande disproportion de la part des intendants entre paroisse et paroisse, par le seul défaut de connaissance exacte de la vraie valeur des fonds des taillables, quelle quantité de disproportions ruineuses ne doit-il pas y avoir entre famille et famille de la même paroisse, à cause des différentes passions de crainte, d’espérance, de haine, d’amour, de jalousie, de vengeance des collecteurs, surtout dans une paroisse déjà surchargée ? Et telles sont les misères effroyables que va faire cesser la méthode des différents revenus et des tarifs différents sur chaque sorte de revenu.

§ 1177

L’intendant, sur ces nouvelles connaissances de l’année dernière, a déjà diminué la taxe de quelques paroisses et augmenté la taxe des paroisses injustement favorisées ; c’est le grand avantage qu’en tireront les intendants d’année en année à l’égard des paroisses qui auront été tarifées l’année précédente, et par conséquent c’est un grand avantage que tirera le Conseil pour proportionner avec plus de sûreté la taxe des généralités entre elles.

Généralité de Paris

Élection de Paris

§ 1178

M. Aunillon, président de l’élection de Paris88, a fait les rôles de près de quatre vingt dix paroisses sur la méthode de la taille tarifée, et il a trouvé des paroisses dont les revenus des taillables en propre étaient taxés à six et sept sols pour livre, tandis que dans d’autres paroisses ils n’étaient pas taxés à quatre sols [•] par livre : c’est sans doute ce qui a porté M. l’intendant à faire cette année 173989 tarifer la taille dans une partie des élections de cette généralité : il est à présumer que les connaissances que cette méthode lui donnera de toutes les disproportions qui se trouveront en différents endroits le détermineront infailliblement à établir la taille tarifée dans toutes les autres élections.

Nouvelle et dernière observation [•]

§ 1179

J’ai dit que pour avoir une entière connaissance du revenu annuel de tous les taillables il était nécessaire que chacun d’eux donnât une déclaration et estimation de tous ses différents revenus ; mais il y en a d’assez injustes pour donner dans leurs déclarations une estimation fausse et trop faible du nombre d’arpents et du revenu annuel de leurs héritages, dans le dessein de faire porter injustement une partie de la taille qu’ils devraient payer, par leurs voisins qui auront déclaré vrai. On a proposé pour réprimer, leur injustice et les en punir, de les condamner à une amende, aux dépens du procès et aux frais de l’estimation qui serait faite suivant l’avis de trois experts du canton nommés par le subdélégué d’entre les six nommés par les paroisses, et à la restitution au quadruple depuis sa fausse déclaration.

§ 1180

Cette voie peut faire arriver à la connaissance de la vérité ; mais elle est coûteuse à cause des frais ; voici encore une autre manière d’y parvenir qui ne serait point coûteuse et qui, punissant le faux déclarant, l’empêcherait sans lui faire tort et sans frais de faire à ses voisins aucune injustice. Ce serait que dans l’assemblée des taillables de la paroisse, il fut permis à tout particulier d’offrir au faux déclarant de prendre l’héritage en question à ferme pour six ans, au moins à un vingtième de plus que ne porte son estimation ; de sorte que si l’héritage est estimé soixante livres de revenu annuel, le fermier en donnera aux propriétaires au moins soixante-trois livres et s’il est nécessaire sous une caution subsidiaire.

§ 1181

Alors le propriétaire injuste aura l’option ou de payer suivant l’offre ou de bailler son héritage à un plus haut prix qu’il ne l’estime ; ce qui ne lui fait aucun tort, et au contraire lui apporterait un profit réel s’il croit son estimation véritable.

§ 1182

Cette méthode simple a cet avantage que par là, l’intendant, le commissaire et les habitants même, chacun dans sa paroisse, approcheront de plus en plus de la connaissance de la vérité des revenus actuels de chaque année.

§ 1183

De là il suit qu’avant six ans nul ouvrier, nul laboureur, nul fermier, nul journalier, nulle veuve n’auront plus à craindre de payer vingt sols, un écu de plus que leurs semblables dans tout le royaume.

§ 1184

De là il suit qu’il y n’aura plus de taxes disproportionnées qui font tant crier avec justice, qui réduisent tous les ans au moins deux mille chefs de famille à devenir simples journaliers, et souvent à l’aumône, faute de travail pour gagner leur vie et faire subsister leur famille, surtout dans les temps de famine et de cherté des vivres.

§ 1185

De là il suit que plusieurs riches bourgeois qui ont été demeurer dans les villes pour éviter d’être accablés par les surcharges de la taille arbitraire reviendront volontiers habiter à la campagne les héritages de leur père pour y vivre plus commodément et à meilleur marché qu’à la ville, pour y cultiver eux-mêmes et faire valoir leurs terres beaucoup mieux qu’elles n’étaient ; et leurs enfants accoutumés dès leur jeunesse aux travaux et aux petits commerces de la campagne, deviendront eux-mêmes habiles. C’est encore un moyen d’avoir de riches fermiers qui enchériront à l’envi les fermes de la noblesse et du clergé.

§ 1186

On ne saurait estimer au juste tous les grands avantages qui reviendront à tous les états du royaume, et particulièrement aux malheureuses familles des habitants de la campagne, par la pratique perpétuelle de la justice dans l’imposition du subside. Il est vrai que cette méthode qui tend à faire observer la justice et faire cesser l’oppression est directement opposée aux intérêts de ceux qui par leur crédit profitent de l’oppression des non-protégés : cela leur fera perdre ce qu’il dérobaient à ces pauvres sans crédit ; et quoiqu’ils soient trente fois moins nombreux, ils crieront trente fois plus haut que les pauvres opprimés : mais à quel tribunal voudraient-ils porter leur plainte contre une méthode si équitable ? Oseraient-ils articuler la moindre injustice dont ils auraient à se plaindre si on la suivait ? Et eux-mêmes voudraient-ils que leurs petits enfants qui n’auront pas le même crédit fussent opprimés un jour par de nouveaux officiers qui seront en place et auront acquis un nouveau crédit ?

§ 1187

FIN

ADDITION AU PROJET DE LA TAILLE TARIFEE [•]
Dernière édition

OBJECTION

§ 1188

Consultez les personnes les plus instruites de la matière de la taille, et leur demandez si la méthode de la taille arbitraire, telle qu’elle est encore établie aujourd’hui dans les trois quart et demi des paroisses, n’est pas de beaucoup préférable pour le bien de l’État à la méthode de la taille tarifée, telle que l’on en voit des essais dans un petit nombre de paroisses de chaque élection : consultez les intendants et leurs subdélégués : consultez les cours des Aides et les deux cents élections du royaume ; consultez les quarante receveurs généraux, et surtout leurs quatre cents receveurs particuliers qui ont soin de faire payer non seulement la taille, mais encore les frais de la taille, et vous verrez que tous ou presque tous choisiront l’ancienne méthode.

Réponse

§ 1189

1° Les intendants ont été consultés, et ceux qui préféraient l’ancienne méthode, ont dit toutes leurs raisons, et par conséquent toutes celles de leurs subdélégués et des élus, et ces raisons n’ont pas paru solides au Conseil par rapport au plus grand bien de l’État.

§ 1190

2° Si la cour des Aides trouve de bonnes raisons pour montrer que l’ancienne méthode est préférable par rapport au bien de l’État, n’est-elle pas toujours en état de les envoyer au Conseil, tandis que l’on établit dans leur voisinage la taille tarifée ? Qui les empêche de réunir leurs raisons en un seul mémoire ? Qu’ils montrent que les procès seront beaucoup plus nombreux dans la taille tarifée, que dans la taille arbitraire : qu’ils montrent que les disproportions seront beaucoup plus grandes dans la taille tarifée que dans la taille arbitraire.

§ 1191

3° Les receveurs généraux et les receveurs particuliers font de grands frais sur les taillables : qu’ils montrent dans laquelle des deux méthodes ils en feront moins, et si ce sera dans celle où la proportion sera le mieux établie sur chaque espèce de revenu.

§ 1192

4° Il est vrai que par la méthode de la taille tarifée, plusieurs paroisses et plusieurs fermiers qui appartiennent à des personnes qui ont plus de crédit que les autres paieront un peu plus de taille ; et que les paroissiens et les fermiers de ceux qui n’ont nul crédit en paieront un peu moins à proportion : c’est l’effet naturel d’un tarif uniforme ; mais est-ce une méthode nuisible pour l’État, que d’établir entre les paroisses et les familles la justice et les mêmes tarifs, afin de proportionner le fardeau de la taille annuelle aux revenus et gains annuels de chaque taillable ? La pratique de cette justice de cette proportion n’est-elle pas au contraire le but du Conseil dans la répartition du subside ?

§ 1193

5° Il est vrai que par la méthode de la taille arbitraire, le roi recommande aux intendants de répartir la taille entre les paroisses de la même élection, à proportion du total des revenus des taillables de chaque paroisse ; et aux collecteurs de la même paroisse, il leur recommande de répartir la taille de la paroisse, à proportion des revenus de chaque famille ; il recommande la même chose dans la taille tarifée. La différence de la méthode de la taille tarifée, c’est 1° que dans cette méthode, les collecteurs par les déclarations des taillables, constatées dans l’assemblée, ont une connaissance plus exacte du détail des revenus de chaque taillable ; au lieu que souvent dans la taille arbitraire, ils n’ont pas une connaissance si parfaite ; 2° ces collecteurs et le commissaire n’ont qu’un même tarif pour la même espèce de revenu, et sont obligés de le suivre sur tous les taillables de pareil revenu sans aucune faveur ; et c’est ce qui opère nécessairement la proportion : de sorte qu’il ne leur est pas permis, lorsqu’il faut taxer deux propriétaires de chacun cent livres de revenu, ou deux fermiers de six cent livres de ferme, d’en taxer un à un écu plus que l’autre : au lieu que dans la taille arbitraire, on voyait souvent l’un chargé de quatre ou cinq pistoles plus que l’autre, et d’autres taxes beaucoup plus disproportionnées ; et la crainte de ces grandes disproportions et des années de collecte, font encore sortir tous les jours les habitants pour se réfugier dans les villes tarifées.

§ 1194

6° Laquelle des deux méthodes est la plus propre pour faire connaître avec exactitude à l’intendant la différence entre les totaux des revenus de deux paroisses, ou la méthode dans laquelle les habitants donnent leurs déclarations constatées dans leur assemblée générale, ou la méthode dans laquelle nul des habitants ne donne aucune déclaration de son revenu, telle qu’est la méthode de la taille arbitraire ?

OBJECTION II

§ 1195

Je comprends bien que la taille tarifée c’est, pour ainsi dire, un grand perfectionnement de la taille arbitraire, puisqu’avec un peu de peine, les collecteurs peuvent avoir une connaissance beaucoup plus exacte des revenus des familles de leur paroisse ; et que par conséquent les intendants qui ont une somme à répartir sur leur généralité, pourront facilement mettre toutes leurs élections sur un même sou le livre des revenus des taillables : mais pour faire une pareille opération dans une élection de cent paroisses, chacune de cent familles, il faudrait au moins dix commissaires par an, pour tarifer ces cent paroisses suivant le mandement de l’intendant, et chaque paroisse, cinq sous pour famille, ferait vingt-cinq livres. Or vingt-cinq livres par paroisse, l’une portant l’autre, à cent paroisses, c’est 2 500 £ par élection ; ce serait une dépense de 625 000 £ par an pour les 250 élections des pays d’élection, ce qui même ne suffirait pas pour avoir un nombre suffisant de commissaires par an pour 25 000 paroisses et pour 2 500 000 familles.

Réponse

§ 1196

1° Vingt-cinq livres par rôle de 100 familles sont suffisants pour un commissaire un peu instruit, parce que les collecteurs fournissent le copiste et le papier, et lorsque les paroissiens viennent à une lieue et demie chez le commissaire.

§ 1197

Il est vrai que lorsque le commissaire est obligé d’aller à deux lieues trouver les habitants, il est à propos de doubler les cinq sous.

§ 1198

Mais 1° ce n’est que pour la première année de l’établissement. Car pour les années suivantes, il y aura peu à faire pour le commissaire ; il suffira de moins de cinq sous par famille, pour le lieu de sa résidence, et moins de dix sous par famille lors du déplacement du commissaire.

§ 1199

2° Ceux qui pour commissaires emploient des élus, des subdélégués, des receveurs des tailles, emploient des personnes intéressées à mal faire leur besogne, pour faire tomber cette méthode : il n’est pas même étonnant qu’ils demandent une plus grande récompense que cinq sous par famille sans se déplacer, et le double dans le déplacement ; mais les intendants ne peuvent-ils pas y employer au même prix des notaires, des ecclésiastiques habiles, des curés qui seront fort contents de la rétribution et de l’honneur ?

§ 1200

3° Un profit de 250 livres ou 300 livres pour dix paroisses par an, fera grand plaisir à dix habiles curés, qui ne pourront, en suivant les mandements et les modèles du rôle, faire aucune faveur aux uns, soit propriétaires, soit fermiers ; ni aucune injustice aux autres, puisqu’ils se serviront partout des tarifs uniformes et des déclarations constatées dans les assemblées.

§ 1201

4° Je sais bien que quelquefois l’estimation sera difficile à constater à un dixième près ; mais c’est beaucoup faire que d’approcher de la vérité et de la justice à un dixième près ; au lieu que dans la taille arbitraire, nul n’était sûr de n’être pas taxé à un quart, à un tiers, à une moitié près de la véritable proportion.

§ 1202

Telles sont les différences des deux méthodes.

§ 1203

Or si cette méthode épargne aux taillables et à l’État une perte annuelle de trente ou quarante millions, n’y a-t-il pas beaucoup à gagner d’en être quitte pour six cent cinquante mille livres par an, pour faire cesser ces pertes annuelles si considérables ? Voilà ce qu’il faut comparer dans les deux méthodes pour en bien juger.

OBSERVATION

§ 1204

Je suppose que la déclaration du taillable sur les différents articles de son revenu annuel, ait été lue en pleine assemblée, et qu’il ne convienne point avec les habitants, ni sur le nombre des arpents de terre, ni sur l’estimation de chaque arpent, le commissaire, par l’avis des habitants, ne laissera pas de régler sa cote sur le rôle.

§ 1205

Il se peut bien faire que le commissaire se soit trompé de quelque chose de trop dans cette taxe ; ne faut-il pas laisser au taillable la liberté de s’en plaindre à l’intendant, pourvu que l’excès de sa taxe soit suffisant pour fonder une plainte et pour commencer un procès aux habitants, et causer les frais du procès ? Ainsi il serait à propos que le Conseil donnât pouvoir aux habitants et au commissaire de juger la taxe en dernier ressort, lorsque cette taxe a été faite sur le tarif, et lorsque l’excès de cette taxe dont on se plaint, ne passe point dix à onze francs : il serait de même à propos que le taillable ne pût se pourvoir au Conseil contre le jugement de l’intendant, à moins qu’il ne pût se plaindre d’avoir été taxé trente ou quarante francs de plus que le tarif n’ordonne.

§ 1206

Un pareil règlement empêcherait presque tous les petits procès au Conseil, et il n’y aurait plus de procès que de la part des taillables colères et injustes qui se corrigeraient bientôt et qui corrigeraient bientôt les autres semblables par leurs exemples en payant les frais du procès. Or la méthode où il y a beaucoup moins de procès, n’est-elle pas de beaucoup préférable ?

Extrait d’une lettre d’un commissaire de la taille tarifée sur la taxation des cinq sols par article de chaque rôle

§ 1207

Comme je savais que quelques commissaires de la taille tarifée se plaignaient de la modicité de cette taxe, je voulus savoir s’ils avaient sujet de se plaindre. Pour en être mieux informé, j’écrivis à l’un des mieux instruits d’entre eux, de la généralité d’Alençon, et voilà sa réponse :

§ 1208

Les cinq sols par cote pour les commissaires sont plus que suffisants pour les rôles des paroisses qui ne sont éloignées que de dix lieues de leur domicile, et pour la première année ; car quand une fois les paroisses auront été tarifées pendant deux ans, le travail du commissaire diminuera beaucoup, et pourra être fait à moins de cinq sous par cote.

RÉFLEXION

§ 1209

Il est vrai que ce commissaire n’est ni élu, ni receveur des tailles, ni subdélégué, qui sont la plupart intéressés à maintenir l’injustice et la disproportion de la méthode de la taille arbitraire en faveur de leurs fermiers ; et par conséquent intéressés à l’oppression des autres taillables : mais c’est un commissaire qui aime l’ordre et qui hait l’injustice.


1.Philibert Orry (1689-1747), contrôleur général des finances de 1730 à 1745, ancien intendant de Soissons, de Perpignan et de Lille, lança en 1733 une réforme inspirée de la théorie de l’abbé de Saint-Pierre ; voir Mireille Touzery, Taille, Introduction et L’invention de l’impôt sur le revenu : la taille tarifée, 1715-1789, Paris, Comité pour l’histoire économique et financière de la France, 1994, chap. II : « La réforme Orry de 1733 : la taille tarifée », p. 55-145, en ligne.
2.Le Mémoire sur l’établissement de la taille proportionnelle de 1717 (A) développe dans l’« Avantage XV » la disparition de la mendicité et le soulagement des hôpitaux.
3.De la fin 1706 à la fin 1709, l’abbé séjourne sur le domaine familial et chez le baron de Crèvecœur-sur-Eure, son frère Louis-Hyacinthe ; voir Taille, 1717, p. 3 et Chemins, § 10-13.
4.Il s’agit de la généralité de La Rochelle. L’abbé s’y rend pour étudier la mise en œuvre d’une expérience de dîme royale menée à l’instigation du marquis d’Argenson, alors chef du Conseil des finances, qui s’inspirait des méthodes de Pontchartrain et de Vauban ; voir Annales de Castel, § 41 ; Mireille Touzery, Taille, Introduction et « Taxinomie des contribuables : le classement fiscal en France de 1695 à 1789 », in ‪Études sur l’ancienne France offertes en hommage à Michel Antoine, Bernard Barbiche et Yves-Marie Bercé (dir.), Paris, Écoles des chartes (Mémoires et documents de l’École des chartes ; 69), 2003, p. 465 sq.
5.Cette remarque publiée en 1737 désigne l’édition de 1723 publiée in-4o et celle de 1737, qui constituent des reprises du Mémoire de 1717.
6.Le centième denier : 1 %.
7.Rôle (ou rolle) : « État de plusieurs taxes ou droits dont le recouvrement est à faire, de ce que chacun en doit porter suivant le régalement [partition ou distribution d’une tâche] qui en est fait par les Officiers. Le rôle des tailles se fait par les assesseurs et collecteurs, et doit être vérifié par les élus » (Furetière, 1690, art. « Rolle »).
8.Champart : « Droit qu’a un seigneur de prendre sur les champs dépendants de sa seigneurie la dixième, treizième ou quinzième gerbe dans la moisson de ses tenanciers » (Furetière, 1690).
9.L’un portant l’autre : « Faisant compensation de ce qui est moindre avec ce qui est meilleur » (Académie, 1694).
10.Porter au sens de « compenser » : voir note 9.
11.Abandonnement : « Délaissement, cession de biens, de terres » (Furetière, 1690).
12.Sur le mot champart, voir note 8 ; agrier : substantif masculin synonyme de champart (Furetière, 1690) ; la variante au féminin, agrière, est enregistrée par le Littré.
13.Petty écrivait qu’un marin valait trois laboureurs (« a seaman is in effect three Husbandmen » ; Political Arithmetick, Londres, Clavel, 1690, chap. I).
14.L’un portant l’autre : « Faisant compensation de ce qui est moindre avec ce qui est meilleur » (Académie, 1694).
16.Valentin Jamerey-Duval a témoigné de cette émigration des Français vers la Lorraine, duché indépendant de 1697 à 1738, pour fuir une pression fiscale inhumaine (Mémoires : enfance et éducation d’un paysan au XVIIIe siècle, Jean Goulemot (éd.), Paris, Minerve, 2011 [1re éd. : Paris, Le Sycomore, 1981]).
17.Terme employé dans le langage des finances pour désigner les arriérés dus par les taillables ; voir Furetière, 1690 (art. « Reste ») : « On a fait un traité avec le roi pour le recouvrement de ces restes, pour l’apurement des comptes. On a remis au peuple les restes des tailles pendant les troubles ».
18.« Les subsides annuels doivent être proportionnés aux revenus de l’année » (nous traduisons).
19.Deux communes situées, la première dans le département actuel de la Charente, la seconde dans celui de la Charente-Maritime, territoires qui dépendaient de la généralité de La Rochelle.
20.Ne prenant pas en compte le mémoire de 1717, écrit préparatoire imprimé, selon sa méthode, pour recueillir des avis, l’abbé de Saint-Pierre désigne ici le Projet de taille tarifée de 1723, qui comporte des « Essais de la taille tarifée sur quatre paroisses », avec le calcul des revenus de Vrasville, Angoville, Varouville et Saint-Pierre-Église, supprimés en 1737 (p. 149-172).
21.Terme employé dans le langage des finances pour désigner les arriérés dus par les taillables ; voir Furetière, 1690 (art. « Reste ») : « On a fait un traité avec le roi pour le recouvrement de ces restes, pour l’apurement des comptes. On a remis au peuple les restes des tailles pendant les troubles ».
22.Faire bon les deniers : garantir le paiement des sommes dues (voir Furetière, 1690, art. « Denier »).
23.Porter au sens de « compenser » : voir note 9.
24.Faire bon les deniers : garantir le paiement des sommes dues (voir Furetière, 1690, art. « Denier »).
25.Par un arrêt du Conseil du 21 décembre 1719, le roi remit à ses sujets les restes (arriérés) des tailles des années antérieures (Hubert Bellet-Verrier, Mémorial alphabétique des choses concernant la justice, la police et les finances de France…, 5e éd., Paris, Huart, 1742, p. 230).
26.L’un portant l’autre : « Faisant compensation de ce qui est moindre avec ce qui est meilleur » (Académie, 1694).
27.Terme employé dans le langage des finances pour désigner les arriérés dus par les taillables ; voir Furetière, 1690 (art. « Reste ») : « On a fait un traité avec le roi pour le recouvrement de ces restes, pour l’apurement des comptes. On a remis au peuple les restes des tailles pendant les troubles ».
28.Faire bon les deniers : garantir le paiement des sommes dues (voir Furetière, 1690, art. « Denier »).
29.Discuter quelqu’un : « Rechercher les effets d’un débiteur, les faire vendre par autorité de justice, faire voir qu’il est insolvable » (Furetière, 1690, art. « Discuter »).
30.Locution proverbiale « pour dire qu’on ne s’embarrasse point de ce qui arrivera après sa mort » (Académie, 1718, art. « Vigne »).
31.Champart : « Droit qu’a un seigneur de prendre sur les champs dépendants de sa seigneurie la dixième, treizième ou quinzième gerbe dans la moisson de ses tenanciers » (Furetière, 1690).
32.L’arrêt du Conseil est une décision souveraine et définitive prise par le roi en son Conseil, considéré comme l’œuvre du souverain lui-même.
33.Cette formule initiale signale un arrêt de propre mouvement résultant de la seule initiative du roi et non sur initiative d’un tiers (Albert Rigaudière, Histoire du droit et des institutions dans la France médiévale et moderne, 4e éd., Paris, Economica, 2010, p. 671).
34.Abandonnement : « Délaissement, cession de biens, de terres » (Furetière, 1690).
35.La formule « étant en son conseil » signale qu’il s’agit d’un arrêt en commandement pris en présence du roi lui-même, portant sur les affaires les plus importantes et de portée générale (Albert Rigaudière, Histoire du droit et des institutions…, p. 556, 670).
36.Faire bon les deniers : garantir le paiement des sommes dues (voir Furetière, 1690, art. « Denier »).
37.Fieffataire : emprunté au droit coutumier, ce terme non attesté dans les dictionnaires de la première moitié du XVIIIe siècle désigne un possesseur de fief (Jean-François Féraud, Dictionnaire critique de la langue française, Marseille, J. Mossy, 1787-1788, 3 vol., art. « Fieffataire ») ; voir son emploi répété dans : Roger André de La Paluelle, Résolutions de plusieurs cas de conscience et des plus importantes questions du barreau touchant les droits et devoirs réciproques des seigneurs et des vassaux, des patrons et des curés […], Caen, P. F. Doublet, 1710.
38.Pied au sens de mesure de proportion (Furetière, 1690, art. « pied »).
39.Comprendre : tenir compte […] de l’excédent… et le diminuer sur la taxe…
40.Unités de superficie : l’acre et la vergée correspondent respectivement à 5 107 m² et 1 276 m². Le journal désigne une surface labourable par un homme en un jour mais pouvait avoir des valeurs différentes selon les régions. Les striérées ou strées, termes non attestés, sont à rapprocher de la séterée, mesure agraire équivalant à une étendue qui se sème avec un setier de blé ; voir François Gattey, Tables des rapports des anciennes mesures agraires avec les nouvelles […], Paris, Michaud frères, 1810, p. 74.
41.Contre-lettre : « Écrit secret […] qui détruit, annule, change ou altère un acte public et plus solennel. […] La bonne foi du commerce ne les y souffre pas, ou du moins rarement » (Jacques Savary Des Bruslons, Dictionnaire universel de commerce […], Paris, J. Estienne, 1723, t. I, p. 1491).
42.Le centième denier : 1 %.
43.L’arrêt du 17 octobre 1665, pour remédier à l’insuffisance de la production équine française, avait établi la fonction de « garde-étalon », particulier chez qui étaient placés en dépôt les étalons achetés par l’État pour être mis à disposition des jumenteries. Les garde-étalons bénéficiaient d’exonérations fiscales et payaient une taille inférieure à celle de leurs concitoyens ; voir dans la suite de l’Encyclopédie par Panckoucke, le Nouveau dictionnaire pour servir de supplément aux dictionnaires des sciences, des arts et des métiers, Paris / Amsterdam, Panckoucke / Stoupe / Brunet / Rey, 1777, t. III, art. « Haras » ; Denis Bogros, « Les chevaux de la Cavalerie française à la fin du XVIIe siècle », Histoire, économie et société, 15e année, nº 1, 1996, p. 105-112.
44.Continuer quelqu’un dans une charge, dans un emploi, au sens de le maintenir (voir Académie, 1718, art. « Continuer »).
45.La règle volenti non fit injuria (« nul ne fait tort à qui consent ») est tirée d’un fragment d’Ulpien : Digeste, livre XLVII, titre X, § V
46.Compost : variante de compoids, terme de coutume utilisé en Languedoc pour désigner un document cadastral fondé sur un arpentage et une classification des terres et permettant de déterminer ce que chaque contribuable doit payer ; voir Albert Rigaudière, Histoire du droit et des institutions…, p. 757.
47.Le titre « Observation VI » figure dans la table des matières de l’édition de 1739 mais a été oublié dans le corps du texte, avant « Réflexion sur les pays d’états ». Nous le rétablissons entre crochets.
48.Claude-Marin Saugrain, Nouveau dénombrement du royaume par généralités, élections, paroisses et feux, Paris, P. Prault, 1720 ; voir Éric Brian, La mesure de l’État : administrateurs et géomètres au XVIIIe siècle, Paris, A. Michel, 1994, p. 162-165.
49.Ce paragraphe est repris plus bas, dans l’Objection LIV, § 973.
50.Vergée : voir note 40.
51.Vergée : voir note 40.
52.Sur le terme fieffataire, voir note 37. Le terme fieffant est formé sur le verbe fieffer, « Bailler en fief » (Académie, 1694).
53.Fieffe (n. f.) : « En Normandie, vente qui ne diffère de la vente ordinaire que parce que le prix, au lieu d’être un capital, est une rente perpétuelle ou foncière » (Émile Littré, Dictionnaire de la langue française, Paris, Hachette, 1874, t. II).
54.Malsain : « qui n’a point de santé » (Furetière, 1690).
55.Le voiturier désigne tout transporteur, par eau (batelier) et par terre (roulier) (voir Furetière, 1690).
56.Chaircuitier : forme désuète du mot charcutier, « marchand de chair de pourceau, […] ainsi nommé parce qu’il fait cuire les chairs » (Furetière, 1690, art. « Charcutier »).
58.Voir § 37-39. L’auteur reprend presque in extenso des paragraphes figurant plus haut dans l’ouvrage.
59.Champart : « Droit qu’a un seigneur de prendre sur les champs dépendants de sa seigneurie la dixième, treizième ou quinzième gerbe dans la moisson de ses tenanciers » (Furetière, 1690).
60.Coq : « signifie figurément un notable bourgeois, ou habitant d’une paroisse, qui s’y est mis en autorité, qui gouverne tous les autres. Un tel est le coq de la Paroisse » (Furetière, 1690).
61.Casualité : « Ce qui est fondé sur le cas fortuit, qui n’a rien de certain, ni d’assuré » (Furetière, 1690).
62.Pied au sens de mesure de proportion (Furetière, 1690).
63.Compoids, terme de coutume utilisé en Languedoc pour désigner un document cadastral fondé sur un arpentage et une classification des terres et permettant de déterminer ce que chaque contribuable doit payer ; voir Albert Rigaudière, Histoire du droit et des institutions…, p. 757.
64.Pied au sens de mesure de proportion (Furetière, 1690, art. « pied »).
65.Porter, au sens de « être chargé de » (voir Académie, 1718).
66.Pied au sens de mesure de proportion (Furetière, 1690, art. « pied »).
67.Pied au sens de mesure de proportion (Furetière, 1690, art. « pied »).
68.Le papier dénommé tellière, du nom du chancelier Le Tellier (1603-1685) qui imposa ce format aux administrations, devait avoir seize pouces de largeur sur douze pouces de hauteur, soit 44 x 34 cm (voir L’arrêt du Conseil d’État du roi du 18 septembre 1741, en interprétation de l’arrêt du 27 janvier 1739, Paris, Imprimerie royale, 1741, p. 7).
69.Crédittes : terme de coutume pour créances (TLF, art. « Crédit », Étymol. et Hist., B1).
70.Cette taxe (tweehonderdste penning) consistait à lever le deux-centième denier (2 %) de la valeur de tous les biens des habitants ; voir Gilbert van de Louw, introduction à Charles Lemaître, Relation de mon voyage de Flandre, de Hollande et de Zélande fait en mil six cent quatre-vintg-et-un, Paris, Les belles lettres, 1978, p. 150, note.
71.Pagination de l’édition de 1739 (Rotterdam / Paris, J. B. Beman / Briasson) ; voir § 557-564.
72.L’un portant l’autre : « Faisant compensation de ce qui est moindre avec ce qui est meilleur » (Académie, 1694).
73.Pagination de l’édition de 1739 (Rotterdam / Paris, J. D. Beman / Briasson). Voir la Réponse à l’Objection XXIII, § 768-770.
74.Voir la Réponse à l’Objection II, § 667-672.
75.Terres louées contre la moitié de leur production agricole.
76.Jacques-Bernard Chauvelin de Beauséjour (1701-1767), maître des requêtes (1728), intendant d’Amiens de 1731 à 1751, neveu du garde des sceaux, Germain-Louis Chauvelin, renvoyé en février 1737.
77.Sole (Agric.) : « Une certaine étendue de champ sur laquelle on sème successivement par années, des blés, puis des menus grains, & qu’on laisse en jachère la troisième année. On divise ordinairement une terre en trois Soles » (Encyclopédie).
78.Les métiers désignent les machines utilisées dans la fabrication des textiles ; les peigneurs sont les ouvriers peignant la laine, le chanvre, le lin…
79.Blatier ou blastier : « Marchand qui va acheter du blé dans les greniers de la campagne, pour le transporter et le revendre dans les marchés des villes et gros bourgs » (Furetière, 1690).
80.Scel pour sceau : mot tombé en désuétude sous cette forme et appartenant au vocabulaire de la procédure (Académie, 1718).
81.Mulquinier : « Celui qui fabrique des toiles fines » (Littré, 1872-1877).
82.Félix Aubery de Vastan (1681-1743), maître des requêtes, auparavant intendant à Limoges en 1723, intendant du Hainaut (1724-1727), puis de Caen de 1727 à 1740. Il remplaçait dans ces dernières fonctions François Richer d’Aube (1688-1752), parent de Fontenelle, qui avait lui aussi tenté de faire l’essai d’une méthode de répartition de la taille plus équitable, selon une lettre circulaire datée du 14 avril 1724, décrivant des modèles d’états à remplir par paroisse, et conservée dans un dossier de l’abbé de Saint-Pierre sur la question (archives départementales du Calvados, 38 F 41, ancienne liasse 1).
83.Somme des 200 £ et 1 622 £ 9 s.
84.Somme de 60 £ + 256 £ 10 s. + 2 502 £ 9 s.
85.Louis-François Lallemant (1686-1767), comte de Lévignen, maître des requêtes en 1719 et intendant d’Alençon de 1726 à 1766.
86.Groupe comprenant les journaliers et les troisième et quatrième classes d’industrie.
87.Antoine-Martin Chaumont, marquis de La Galaizière (1697-1783), maître des requêtes en 1720, intendant de Soissons de 1731 à 1736.
88.En 1739, Pierre Nicolas Aunillon (1684 ?-1758) avait succédé à son père dans cette charge.
89.Il s’agit de Louis-Auguste-Achille de Harlay de Bonneuil (1679-1739) qui mourra le 27 décembre de cette année.