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OBSERVATIONS SUR LES COLONIES ÉLOIGNÉES

§ 1

Depuis que j’ai vu le Discours du chevalier Petty, anglais, sur les colonies éloignées, j’ai bien rabattu de l’estime que j’en faisais par rapport à l’utilité de la nation qui fournissait des habitants à ces colonies. Je crois au contraire qu’elles lui sont à charge [•], quoiqu’elles puissent être utiles à quelques familles particulières, aux dépens de quelques autres [•] du même État.

§ 2

La grande raison de l’auteur, c’est que si la colonie est petite, elle peut [•] facilement être envahie ; si elle est grande, elle sera souvent tentée de se révolter, et de refuser les tributs à sa mère. Or dans les deux cas, la nation mère en serait d’autant affaiblie [•].

§ 3

Il est vrai que dans le système de la Diète européenne, cette raison perdrait toute sa force ; et même la nation mère, pour conserver sa fille obéissante, n’aurait point besoin, ni de diminuer la liberté [•] de la colonie dans une partie de son commerce, ni d’en user avec elle avec des manières impérieuses, contraignantes et tyranniques.

§ 4

De là il suit que pour répondre à votre question, il faut distinguer.

§ 5

Dans le système de [•] la police générale de la Diète européenne, je suis de votre avis. Les colonies françaises éloignées peuvent être utiles à la France, même en les laissant jouir du même degré de liberté dont les Français jouissent dans nos provinces [•] : c’est que les bonnes terres, bien arrosées de ruisseaux et de rivières navigables, bien plantées d’arbres, et où il y a de bons ports de mer, et où il croît des fruits utiles à la santé et au commerce qui ne viennent pas dans le pays de la nation, sont des biens nouveaux que cette nation peut ajouter à ses biens anciens.

§ 6

Mais dans le système d’impolice européenne où nous sommes encore, je suis de l’avis du chevalier Petty. Il y a le plus souvent pour [•] l’État plus à perdre qu’à gagner, à former des colonies éloignées.