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MÉMOIRE POUR AUGMENTER LA VALEUR DES BILLETS [•] D’ÉTAT ET POUR LES FAIRE CIRCULER VOLONTAIREMENT DANS LE COMMERCE [•]

§ 1

1° Il serait fort à souhaiter, pour le bien du royaume en général et pour l’utilité des habitants de Paris en particulier, que les billets d’État pussent y circuler librement et volontairement dans le commerce, sinon au pair de l’argent comptant1, ce que je n’ose espérer d’ici à quelques années, du moins à un prix connu et qui augmenterait chaque semaine, et que celui qui a un billet de cent francs pût compter d’en trouver facilement la valeur actuelle et journalière dans un bureau public et autorisé par la loi ; car alors ils seraient volontairement reçus sur ce pied-là dans le commerce, chez les marchands et entre particuliers.

§ 2

2° Il serait à souhaiter que ces billets, qui perdent présentement plus de 50 pour cent, pussent diminuer peu à peu de perte et arriver au moins à vingt pour cent de perte et monter ensuite peu à peu au pair de l’argent comptant ; voyons s’il n’y aurait pas moyen de procurer un si grand bien à mes concitoyens.

§ 3

On sait par exemple à quel denier de perte les billets d’État se vendaient pendant la dernière semaine. Je suppose que ce denier soit 58 pour cent de perte ; il est certain que plus la perte est grande, moins il s’en présente à vendre ; et effectivement il faut être dans une grande nécessité pour donner un billet de cent francs, qui rapporte quatre francs par an, pour quarante-deux francs d’argent ; il n’y a peut-être pas cent personnes dans la semaine à Paris qui soient réduites à cette extrémité ; on attend, on emprunte, on obtient du crédit, on trouve quelque autre expédient, on cherche d’autres secours, enfin il n’y a rien qu’on ne tente pour éviter une perte si considérable.

§ 4

Il est certain que la marchandise ne baisse de prix que lorsqu’il se présente moins d’acheteurs que de vendeurs ; or deux choses ont infiniment diminué à Paris le nombre des acheteurs des billets d’État qui est une sorte de marchandise ; la première, c’est le scrupule bien fondé des personnes qui ont de la conscience et qui n’ont eu garde de se présenter pour acheter cette sorte de marchandise à un plus bas prix que celui auquel il paraissait que la loi en fixait le prix, c’est-à-dire au prix même que portait le billet, parce que c’eût été faire une sorte de profit que l’État n’avait autorisé par aucun règlement ; la seconde, c’est la honte et la punition que craignaient les marchands de billets, qui n’étaient pas retenus par des motifs de conscience et que nous avons nommés agioteurs, nom odieux, qu’on leur a donné avec justice, parce qu’ils trafiquaient sans permission du roi d’une marchandise sur un taux qui n’avait pas été permis par aucune loi ; et effectivement ils auraient toujours été répréhensibles quand ils auraient borné leur profit à cinq ou six pour cent ; voilà les sources de la grande diminution de valeur où sont tombés nos billets, diminution dont l’on aurait pu éviter l’excès si l’État eût réglé semaine par semaine le taux, où l’on eût pu vendre et acheter librement et en conscience ces billets ; le nombre des acheteurs n’aurait jamais tant diminué et les billets se seraient peut-être soutenus à dix pour cent de perte et même à moins.

§ 5

Je suppose donc présentement que le roi établisse pour la semaine prochaine un bureau et que, par un arrêt du Conseil, il déclare, que l’on y recevra à certaines heures tous les billets à 58 de perte que je suppose être le dernier prix que les agioteurs ou acheteurs cachés ont mis à ces billets, et que le roi déclare que c’est dans le dessein de les augmenter peu à peu de prix et de diminuer ainsi semaine par semaine la perte des vendeurs ; je mets en fait que s’il se présente des vendeurs pour cent mille francs dans la première semaine, il se présentera en même temps des acheteurs pour plus de deux cent mille francs au prix du bureau.

§ 6

Voici les raisons que j’ai de croire qu’il y aura plus du double d’acheteurs que de vendeurs. 1° Le même nombre d’agioteurs s’y trouvera puisque se présentant bien pour acheter lorsqu’ils craignaient la honte et la punition, ils y viendront plus volontiers et en beaucoup plus grand nombre quand ils n’auront plus rien à craindre ; 2° il y a plusieurs personnes dans Paris qui ont de l’argent inutile pour six mois, pour trois mois. Plusieurs de ceux-là y viendront ; il y en a qui aiment à cacher leur bien, il y en a qui veulent toujours l’avoir en billets, il y en a qui craignent les saisies de leurs créanciers, il y en a qui craignent les diminutions de monnaie ; il y en aura beaucoup qui espèreront gagner beaucoup par l’augmentation qu’ils prévoiront devoir arriver à la valeur de ces billets ; cette espérance d’augmentation fera même que les possesseurs de ces billets diffèreront à vendre et diminueront ainsi le nombre des vendeurs.

§ 7

Le Conseil pourra donc en toute sûreté mettre le prix des billets à cinquante sept et demi de perte pour cent et diminuer ainsi la perte de semaine en semaine d’un demi pour cent tant qu’il se trouvera plus d’acheteurs que de vendeurs, ce qui arrivera certainement toutes les semaines ; et quand, par autorité publique, il y aura un bureau où l’État vendra et achètera toutes les semaines cette espèce de marchandise à un prix réglé par l’État, chacun saura qu’il n’y a rien d’injuste à suivre la permission de la loi.

§ 8

Je dis plus, c’est que le nombre des acheteurs augmentera d’autant plus que l’on verra qu’en cela même on rend service au public en contribuant à l’augmentation de la valeur d’une sorte de monnaie établie par autorité publique ; mais l’intérêt seul suffira pour multiplier le nombre des acheteurs ; et effectivement, celui qui a 10 000 £ et qui ne veut en faire emploi que dans six mois sera bien aise, en achetant vingt mille francs de billets au bureau, de profiter de ce dont les billets auront augmenté de valeur pendant ces six mois, c’est-à-dire pendant vingt-six semaines ; or comme demi pour cent de vingt mille francs font 100 £, il gagnera 100 £ par semaine, et en vingt-six semaines ce profit montera à 2 600 £. Il gagnera donc 400 £ d’intérêt pour six mois et 2 600 £ d’augmentation : c’est en tout 3 000 £ ; et il retrouvera ses dix mille francs pour en faire l’emploi qu’il s’était proposé six mois auparavant ; et si le bureau affichait une augmentation de valeur d’un pour cent par semaine, ce qui peut fort bien arriver par le grand nombre d’acheteurs qui se présenteront, il gagnerait 5 600 £ en six mois au lieu de 3 000 £.

§ 9

Que par arrêt du conseil le bureau affiche que la seconde semaine d’après l’État vendra et achètera à cinquante sept et demi de perte ou même à cinquante-sept, Il est sûr qu’il n’y aura jamais que ceux qui seront extrêmement pressés qui viendront vendre leurs billets et qu’ils en vendront pour la plus petite somme qu’ils pourront et que ce nombre de vendeurs qui perdent, quand la perte sera grande, sera toujours plus petit que le nombre des acheteurs qui veulent faire profiter leur argent à un si gros profit.

§ 10

Que sur la fin de la seconde [semaine] on affiche que pendant la troisième l’État vendra et achètera à cinquante six et demi de perte et ainsi de semaine en semaine en diminuant la perte d’un demi pour cent, on verra que les billets pourront parvenir en peu de temps à vingt-cinq pour cent de perte ; et pour y arriver demi pour cent à demi pour cent depuis 58 jusqu’à 25, il faudra soixante et six semaines, qui feront environ quinze mois.

§ 11

Quand je prends quinze ou dix-huit mois pour faire monter les billets d’État à vingt pour cent de perte, c’est sur le pied qu’ils ne monteraient que d’un demi pour cent par semaine ; mais je suis persuadé que depuis 58 jusqu’à 30 de perte ils monteront beaucoup plus vite et qu’il y aura plusieurs semaines où ils monteront de plus de deux pour cent ; mais le Conseil de commerce, qui règlera le taux journalier, suivra, comme on dit, le cours du marché dans ces différentes taxations, c’est-à-dire la proportion du nombre des acheteurs au nombre des vendeurs. Ainsi j’ai lieu d’espérer qu’avant huit mois ils ne seront plus qu’à un cinquième de perte.

§ 12

Je sais bien qu’il y a une grande différence de 58 de perte pour cent à 25 et que cette différence semble devoir produire un beaucoup plus grand nombre de vendeurs à 25 pour cent de perte que lorsque les billets étaient à 58, et qu’alors pour suppléer au nombre d’acheteurs qui pourraient manquer et pour continuer à diminuer les billets, il faudra peut-être dans certaines semaines vingt mille francs, que l’État pourrait fournir jusqu’à ce que les billets soient arrivés à vingt pour cent de perte. Et encore y aura-t-il beaucoup de semaines où il n’en coûtera rien ; mais enfin, quand il en coûterait deux millions par an, c’est-à-dire trente sept mille francs par semaine, l’une portant l’autre2, cet emploi, ce remboursement apportera à l’État plus d’utilité qu’aucune espèce de remboursement qu’il pût faire en soutenant ainsi le crédit public.

§ 13

Pour voir d’un coup d’œil le grand profit que fera l’État en diminuant la perte des billets d’État et la réduisant à un cinquième, c’est qu’à proportion que leur valeur croîtra, les rentes et les autres effets sur l’État augmenteront de valeur à proportion, de sorte qu’en augmentant cette valeur d’un tiers en supposant neuf cent millions de ces sortes d’effets, c’est faire faire un profit à l’État de trois cent millions ; et tout le monde sait qu’il y en a pour plus de neuf cent millions.

§ 14

À cette occasion je proposerais volontiers que le Roi établit un semblable bureau à l’égard des rentes sur la Ville pour y recevoir et les vendeurs et les acheteurs en facilitant davantage les ventes et les achats, ce qui est très possible et ce qui ferait une nouvelle monnaie et produirait une grande augmentation de commerce. Mais c’est le sujet d’un autre mémoire3.

§ 15

Quand les billets parvenus à vingt pour cent de perte circuleront librement dans le commerce de Paris sur le taux du bureau, ils circuleront bientôt dans toutes les villes des environs de Paris. Il se fera par conséquent par jour deux mille ventes ou échanges de plus qu’il ne s’en faisait ; or quand [par] chaque vente, l’une portant l’autre4, les vendeurs et les acheteurs ne gagneraient que chacun deux pistoles, c’est huit mille pistoles de profit par jour, qui font en trois cents jours vingt quatre millions par an, dont cette nouvelle monnaie augmentera le revenu des habitants de Paris et des environs ; et l’on peut estimer ce profit le double sans craindre de se tromper ; car comme cette sorte de monnaie n’entrera guère que dans les gros marchés, un profit de quatre pistoles n’y est presque compté pour rien ; le revenu des maisons de Paris monte à vingt millions, témoin le dixième qui monte à deux millions ; or procurer aux habitants de Paris et des environs, en augmentant leur commerce, un revenu égal au revenu des maisons de Paris, n’est-ce pas leur procurer un très grand avantage ?

§ 16

Pour porter la diminution de vingt à quinze ou à dix pour cent de perte, il faudra se régler sur trois choses : 1° sur le nombre de ceux qui voudront vendre ; 2° sur le nombre de ceux qui voudront acheter ; 3° sur le fonds que le bureau aura à y employer pour rembourser quelques billets ; mais quand les billets demeureraient quelques années à 20 pour cent de perte, comme ils seraient reçus dans le commerce sur le pied de l’affiche, le commerce n’en souffrirait point. Au contraire ce serait comme une nouvelle monnaie courante parce que celui qui aurait reçu aujourd’hui en paiement 500 £ de billets d’État pour 400 £ d’argent les donnerait le lendemain sans peine à son créancier ou à son marchand pour le même prix [•]. Si je suis sûr qu’en envoyant ou demain ou dans trois jours 300 £ au Bureau j’aurai pour 400 £ de billets, je ne ferai nulle difficulté de donner aujourd’hui mes 400 £ de billets à un créancier à qui je dois 300 £ et ce créancier ne fera non plus nulle difficulté de les donner à un autre pour le même prix qu’il les aura reçus ; ainsi il arrivera que 200 millions de billets circuleront comme feraient 150 millions d’argent, de sorte que par l’établissement de ce bureau, ceux qui ont des billets auront de l’argent et un fonds mobile, commerçable, qui produira beaucoup par une circulation fréquente, au lieu qu’auparavant ils n’avaient tous qu’un fonds de la valeur de 150 millions qui était mort, immobile, et qui ne produisait rien, faute de circulation et de mouvement.

§ 17

Je ne crois rien perdre en donnant pour 3 000 £ de billets qui montent à 4 000 £ lorsque je sais que dès que j’aurais 3 000 £ je pourrai réparer cette perte en rachetant la semaine suivante des billets au Bureau au même prix ou à peu près au même prix ; cependant c’était cette opinion de perte qui m’empêchait de donner mes billets pour 3 000 £ et de les remettre ainsi dans le commerce et il ne faut pas chercher d’autres raisons de la rareté de l’argent dont tout le monde se plaint que le manque de circulation des 200 millions de billets qui tiendraient lieu de [mot non déchiffré] cent millions et dans six mois de cent cinquante millions d’argent en mouvement.

§ 18

Quelques-uns ont proposé de forcer les créanciers à prendre en paiement un quart en billets d’État ; mais ils ne savent pas qu’il ne faut jamais rien de forcé dans le commerce. Ceux qui vendent ou qui prêtent à crédit stipuleraient bientôt dans leurs conditions que l’on ne pourra les payer que tout en argent, et le nombre des ventes et des achats diminuerait considérablement par ces sortes de stipulations et diminuerait par conséquent très considérablement les petits profits que font les sujets par la multitude prodigieuse de leurs échanges ; l’argent en deviendrait trop cher. En un mot il faut liberté entière dans le commerce, il faut souffrir que cent francs en papier ne vaille que 60 £, que 80 £, quand on ne peut en faire alors que 60 £, que 80 £ au bureau des billets.

OBJECTION I

§ 19

L’État peut-il en conscience établir un bureau où il achète à 50 £ des particuliers un papier qu’il leur a donné en paiement pour 100 £ ?

Réponse

§ 20

1°. Par la même raison l’État ne pourrait pas en conscience établir un bureau où il rachetât pour 99 £ 10 s d’argent un papier qu’il aurait donné en paiement pour 100 £ ; cependant personne ne ferait l’objection de la conscience, s’il y avait un bureau ouvert pour recevoir son remboursement à demi pour cent de perte.

§ 21

2°. Qu’est-ce que l’État, qui a liquidé les dettes de la nation, si ce n’est l’assemblage des sujets qui doivent pour les affaires publiques et à qui il est dû pour les mêmes affaires publiques ? Ils sont tous membres d’un même corps ; c’est la main gauche qui vend à bon marché à la main droite ; or quand la main droite ne gagne que ce que perd la main gauche, l’homme ne perd rien et ne gagne rien ; l’État est un corps dans lequel ce que l’on perd en cette occasion, l’autre le gagne ; or là où il ne se fait aucune perte que du consentement du vendeur et de l’État, il ne peut y avoir aucune injustice.

§ 22

3°. Quand l’État, faute de pouvoir, ne paye point à ses sujets l’intérêt à cinq pour cent comme il le leur avait promis, fait-il quelque chose contre la conscience ? Fait-il une injustice de mettre cet intérêt à quatre pour cent quand l’État, faute de pouvoir payer, réduit ce qu’il doit à ses sujets aux deux cinquièmes, à la moitié, aux trois cinquièmes etc… ? Fait-il quelque chose contre la conscience ? Fait-il une injustice ? Non, sans doute. C’est que l’État n’étant que l’assemblage de ceux qui doivent et de ceux à qui il est dû, il faudrait qu’il tirât de ceux à qui il est dû de quoi les payer eux-mêmes ; et lorsqu’il fait ces réductions, il ne fait qu’un sage règlement pour l’utilité commune de tous les sujets ; règlement dans lequel il est juste de préférer un très grand nombre à un très petit nombre d’égaux ; ainsi, lorsqu’il établira un bureau pour payer à perte ceux qui sont pressés de vendre leurs billets et pour augmenter peu à peu le prix de cette espèce de marchandise, loin de faire une injustice, il fait deux biens par cet établissement : il empêche d’un côté l’usure des particuliers qui est un péché et un crime pour eux, qui n’ont pas l’autorité publique pour fixer le prix de chaque chose ; et il prend de l’autre l’unique moyen qui soit en son pouvoir d’augmenter tous les jours la valeur des effets de ses créanciers jusqu’à ce qu’il puisse les rembourser tous totalement et sans leur faire souffrir aucune perte.

§ 23

4°. Comme dans le même bureau l’État revendra aux uns chaque jour et à chaque instant au même prix les billets qu’il viendra d’acheter des autres sujets, l’État ne fera aucun profit sur les sujets ; il rendra d’une même main ce qu’il recevra de l’autre ; ainsi l’État, loin d’en profiter, ne fait qu’en [sic] chercher à soutenir et augmenter la valeur de ces billets et à faire aussi profiter les particuliers qui en sont possesseurs.

§ 24

5°. Une autre raison qui prouve invinciblement que dans ce règlement et dans cet établissement la conscience d’aucune personne n’y peut jamais être intéressée, c’est que ce ne peut être que la conscience du roi ou la conscience du régent ou la conscience des conseillers de l’État ; or ce ne sera pas certainement la conscience du roi, quand même il serait majeur ; c’est qu’il n’a pas contracté les dettes pour le paiement desquelles l’État a donné des billets d’État. Ce ne sera pas non plus la conscience de ceux qui ont part au gouvernement puisqu’ils ne tirent aucun profit de ce règlement et qu’ils n’ont autre intérêt à cet établissement que le bien même de l’État et l’utilité des particuliers possesseurs de ces billets ; je dirai plus, c’est qu’ils sont obligés en conscience à prendre les moyens les plus propres pour augmenter peu à peu la valeur du papier qu’ils ont donné en paiement aux créanciers de l’État, surtout lorsque ces moyens, loin de nuire à personne, se trouvent infiniment commodes pour tout le monde.

OBJECTION II

§ 25

Je suppose que pendant que l’on ne craint point de guerre, les billets d’État haussent de prix jusqu’à dix pour cent de perte par le grand nombre d’acheteurs que vous procurerez par votre établissement. Mais que ferez-vous si l’on vient à craindre la guerre ? Car alors plus de personnes iraient demander au bureau à vendre, qu’il n’y en aurait qui y viendraient pour acheter.

Réponse

§ 26

1°. L’État suivra alors le cours du marché ; il augmentera la perte semaine par semaine d’un quart ou d’un demi ou d’un pour cent à proportion du nombre des acheteurs. Il est bien certain qu’en augmentant cette perte, il se trouverait moins de vendeurs et plus d’acheteurs ; et la balance en viendra à un équilibre d’égalité qui se formera entre la crainte et la nécessité des vendeurs d’un côté et l’espérance et l’avidité des acheteurs de l’autre ; équilibre qui se forme naturellement dans le prix des actions de toutes les compagnies d’Angleterre en baissant, jusqu’à ce que la crainte venant à diminuer, l’espérance revienne à reprendre le dessus et à faire hausser cette sorte de marchandises.

§ 27

2°. Il n’y a pas un si grand inconvénient que l’on pense à voir ainsi hausser et baisser les actions sur l’État, pourvu que le papier continue à servir de monnaie courante et volontaire au prix du bureau. Car enfin, celui qui vend volontiers aujourd’hui parce qu’il craint beaucoup achètera demain volontiers quand la crainte aura ou cessé ou diminué ; et puis quand un membre de l’État ne perd rien dans un marché que ce que l’autre gagne, l’État ne perd rien et le grand profit de l’État qui se fait par la circulation de la monnaie de papier subsiste ; car enfin quand les monnaies d’argent diminuent de prix, la circulation n’en diminue pas pour cela.

§ 28

3°. Tout le monde sait que pendant la dernière guerre5, il y avait à Londres une sorte de billets d’État que l’on appelait billets de la flotte6, dont la valeur était si diminuée qu’on ne les vendait qu’à 55 et même à 60 pour cent de perte. Harley7, grand trésorier et grand génie, en formant la Compagnie de la mer du Sud, permit d’y former des actions avec ces billets et l’on vit bientôt après que la perte sur les actions ou billets de cette compagnie n’était plus que de 25 pour cent, et non seulement la perte a diminué peu à peu depuis ce temps-là, non seulement ils sont montés au pair de l’argent comptant8, mais nous voyons même par les nouvelles publiques qu’ils sont présentement à sept ou huit pour cent de profit ; or qu’est-ce que ces actions sinon une monnaie de papier qui hausse et baisse toutes les semaines comme toutes les autres marchandises ?

§ 29

4°. Loin que ce soit un mal pour l’État qu’il y ait dans le commerce pour cent millions, pour deux cents millions de cette monnaie pour faire les gros paiements, c’est au contraire un grand avantage qui facilite beaucoup le commerce, pourvu qu’il y ait sûreté de la pouvoir convertir en argent d’une heure à l’autre sur un prix fixé chaque semaine par le Conseil ; et l’on aura cette sûreté journalière par le Bureau perpétuel des billets ; et plût à Dieu que l’on se sût aviser plus tôt d’un pareil bureau comme d’un préservatif contre le décréditement excessif des billets et que, dès le commencement, l’État eût offert d’acheter et de vendre ces billets à 20 pour cent de perte, en attendant qu’il les pût rembourser en entier sans causer de perte aux particuliers ; il lui en aurait fort peu coûté et [il] aurait soutenu ces billets à quinze et peut-être même à dix pour cent de perte dans le commerce ; mais enfin le mal est fait, il ne s’agit plus que de le faire cesser ou du moins de le diminuer considérablement en usant présentement comme remède de ce qui n’eût été alors regardé que comme préservatif.

OBJECTION III

§ 30

Vous ne ferez jamais monter le prix des billets de l’État au pair de l’argent comptant, ni même à dix pour cent de perte ; il ne faut pas sur cela vous régler sur l’Angleterre où les billets valent plus que le pair en temps de paix ; ceux qui y ont des billets de la nation savent l’état des affaires de la nation. On y rend public cet état9 ; chacun peut savoir quel revenu est destiné à payer l’intérêt de son billet ; chacun sait que l’on ne peut rien changer à cette destination sans le consentement du Parlement qui l’a faite, et que le Parlement ne la changera pas sans y suppléer d’une autre manière ; mais en France, on ne rend point public tous les ans l’état des revenus et des dettes de la nation, ni les destinations des revenus au paiement de certaines dettes passives de l’État ; les plus beaux établissements, les plus beaux arrangements se renversent d’un jour à l’autre par le seul caprice d’un favori ou d’un nouveau ministre ; or comment donner de la confiance aux créanciers de l’État tant qu’ils verront si peu de solidité dans la forme du gouvernement et surtout dans l’administration des finances ? Et cependant, sans cette confiance, le porteur des billets de l’État demandera toujours son remboursement et ne sera jamais disposé à prêter de nouveau à l’État, si ce n’est à un intérêt excessif proportionné au risque.

Réponse

§ 31

1°. Il y a déjà eu des déclarations où l’on voit certains revenus de l’État destinés à payer certaines dettes : telles sont les déclarations qui regardent les rentes de l’Hôtel de Ville.

§ 32

2°. Il est vrai que le créancier de l’État aurait plus de confiance s’il voyait tous les ans un mémoire public, une déclaration publique de l’état des affaires publiques ; mais rien ne s’oppose à une pareille déclaration, surtout quand les affaires auront été mises dans un arrangement parfait ; ainsi la confiance peut se rétablir.

§ 33

3°. Ce qui contribue le plus à rétablir la confiance c’est le paiement actuel des billets à un prix réglé par le Conseil, comme il s’en fera tous les jours dans le Bureau des billets d’État ; et Dieu merci, nous avons une nouvelle forme de gouvernement beaucoup plus solide que sous les règnes précédents10 ; les sages sont consultés, et l’on n’a dans les Conseils d’autres intérêts à suivre que le bien public.

OBJECTION IV

§ 34

Les agioteurs ne viendront point au Bureau par crainte d’y être arrêtés.

Réponse

§ 35

1°. Peut on jamais soupçonner le Conseil et le Régent d’user d’une pareille supercherie ? Et quelle utilité pourraient-ils espérer d’en retirer pour l’État ? Au contraire, il est évident qu’en les arrêtant ils diminueraient le nombre des acheteurs et ceux qui auront vu ce mémoire-ci verront clairement que l’intérêt de l’État est de multiplier autant qu’il est possible le nombre des acheteurs afin que les billets haussent de valeur ; or peut-on imaginer que le Conseil, qui est si éclairé, pût jamais rien faire ni contre la foi publique, ni contre les intérêts évidents de l’État ?

§ 36

2°. Quantité de bourgeois et de gens de qualité qui auront de l’argent inutile et dont la garde leur est onéreuse et inquiétante, plusieurs même de ceux qui craindront le rabais des monnaies, viendront acheter des billets au Bureau royal dès que le prix en sera fixé semaine par semaine par le Conseil ; or les agioteurs craindront-ils de se mêler parmi les honnêtes gens ? Au contraire ils cesseront d’être eux-mêmes agioteurs, ils ne seront plus que simples marchands de papier, qui ne feront autre métier que d’en acheter et d’en vendre au prix du Bureau à différentes personnes dans le même jour par le profit qu’ils trouvent à vendre et à acheter ; car la plupart se trouvent fort contents de gagner dix francs par jour à dix marchés de vente et d’achat.

OBJECTION V

§ 37

En supposant que les billets n’augmenteront guère que d’un demi pour cent par semaine, il n’y aurait pas assez de profit pour les acheteurs de billets ; ainsi le nombre n’en sera pas grand, ce qui est contre votre système.

Réponse

§ 38

J’ai montré qu’un homme avec dix mille francs gagnera 3 000 £ en six mois à demi pour cent et peut gagner 5 600 £ si l’augmentation au lieu de demi pour cent par semaine, monte à un pour cent.

OBJECTION VI

§ 39

Votre bureau ruinera le métier des marchands de billets et c’est pourtant un métier utile à l’État comme tous les autres métiers de l’État.

Réponse

§ 40

Le grand profit des marchands de billets et de toutes sortes de marchands consiste à vendre et à acheter plusieurs fois par jour la même marchandise. C’est la grande multitude des petits profits qu’ils tirent des ventes et des achats, qui les enrichit ; or les vendeurs et les acheteurs qui ne veulent point aller au Bureau ou qui voudraient mettre certaines conditions à leurs ventes ou à leurs achats ont nécessairement besoin de ces sortes de marchands qui vont et viennent pour faciliter ces marchés ; on peut dire même que moins la différence est grande d’une semaine à l’autre pour les taux, plus ils seront nécessaires à faciliter les ventes et les achats.

§ 41

Il est vrai que par leurs artifices, lorsqu’ils ont envie d’acheter beaucoup, ils peuvent, en répandant divers sujets de crainte, faire baisser la marchandise qu’ils veulent acheter ; mais comme leur intérêt est de revendre la semaine d’après fort cher ce qu’ils ont acheté si bon marché, ils sont forcés de répandre quatre jours après divers motifs d’espérance. Ainsi ils réparent le même crédit public qu’ils avaient, huit jours auparavant, tâché de diminuer ; souvent même ils se trouvent opposés d’intérêts les uns aux autres, et ce que les uns font de mal par leurs sujets de crainte, les autres le défont par leurs sujets d’espérance ; ainsi le métier subsistera et il s’augmentera même considérablement à proportion que les billets auront cours et circuleront dans le commerce.

§ 42

Si ces marchands de papiers d’État ne gagnaient que dans les ventes, quand ils auraient vendu tout ce qu’ils ont de billets, n’ayant plus rien à craindre, ils demeureraient oisifs eux et leur argent ; ainsi ils sont forcés pour faire quelque commerce de racheter de la marchandise pour la revendre.

OBJECTION VII

§ 43

Il paraît par votre mémoire que vous voulez que le Conseil règle semaine par semaine le prix des billets ; et c’est ce que vous appelez le taux du roi ; mais inutilement le roi règlera-t-il le prix de l’achat des billets durant une semaine s’il ne se trouve point d’acheteurs à ce prix pendant cette semaine. Il faut laisser liberté aux acheteurs et aux vendeurs d’y mettre eux-mêmes le prix jour par jour comme on fait au marché des autres marchandises ; ainsi le règlement du taux des billets par le Conseil est une chose inutile.

Réponse

§ 44

1°. Je ne prétends pas ôter la liberté aux acheteurs et aux vendeurs de mettre eux-mêmes le prix aux billets. Je crois au contraire que le Conseil n’y doit mettre d’autre taux que le prix et le courant du marché semaine par semaine ; ce que j’ai prétendu, c’est d’ôter par autorité publique le scrupule d’un grand nombre d’acheteurs qui, sans cette autorité publique, auraient raison de ne vouloir pas se présenter comme acheteurs à un taux plus bas que celui qui est marqué par chaque billet.

§ 45

2°. Il peut bien arriver que ce taux augmentera de deux ou trois pour cent d’une semaine à l’autre selon le cours du marché ; il pourra bien arriver que dans le cours de la même semaine il sera à propos de changer le taux ; mais ce sera à la prudence du Conseil de régler toutes ces choses, non en ôtant la liberté aux vendeurs et aux acheteurs, mais au contraire en la supposant et en ne faisant que donner semaine par semaine au taux même du marché le sceau de l’autorité publique pour empêcher les fraudes et les ventes illicites.

§ 46

3°. Si le roi n’avait pas réglé l’intérêt des rentes hypothèques, les emprunteurs ne trouveraient point de prêteurs parce que, par les lois ecclésiastiques, il est défendu de prendre aucun intérêt de l’argent prêté, à moins que cet intérêt ne soit réglé et permis par autorité publique [•]11.

§ 47

4° Il est à propos qu’il y ait des affiches du taux du roi, afin que nul vendeur et nul acheteur ne craigne d’être trompé et n’espère tromper personne ; les marchés s’en font bien plus promptement ; on ne perd point de temps à marchander ; le temps est précieux pour bien des gens et le doit être pour tout le monde.

§ 48

5° il est à propos qu’il y ait un bureau où les gens de qualité puissent se rencontrer allant vendre ou acheter pour eux ou pour leurs amis, afin que tout le monde y vienne, les uns à l’exemple des autres et les uns pour chercher les autres, et que ce soit comme une espèce de bourse et de rendez-vous public, où l’on vienne vers midi en foule et avec confiance, soit par plaisir ou par curiosité d’apprendre des nouvelles, soit pour quelque utilité particulière.

§ 49

Donc cette autorité publique est nécessaire pour trouver des prêteurs à intérêt ; donc elle est nécessaire pour trouver des acheteurs de billets à moindre prix que ne porte chaque billet ; il s’en trouvera beaucoup lorsque la loi les autorisera à les acheter et leur multitude fera enchérir ces billets et les fera circuler au taux du roi qui ne fera qu’autoriser et diriger le prix journalier des acheteurs et des vendeurs.

CONCLUSION

§ 50

Un remède est bon à essayer quand il coûte peu, quand il ne saurait faire de mal et quand, selon toutes les apparences, il peut produire en peu de mois un très grand bien.

§ 51

Par l’établissement de ce bureau les billets d’État et par conséquent les rentes sur l’État augmenteront considérablement de valeur, de 42 à 75 et même à 80, sans qu’il en coûte aucun fonds à l’État si ce n’est [•] lorsqu’on voudra les porter plus loin que 75 et, ce pour le faire monter plus haut que 75 et, ce qui n’est pas moins important, ces billets circuleront en grand nombre, librement et fréquemment dans le commerce, au taux du roi, ce qui produira aux particuliers et à l’État un très grand avantage, et [•] ce sont les deux points que je m’étais proposé de démontrer [•].

§ 52

22 juin 1717 [•].

§ 53

J’ajoute une chose considérable à l’avantage de ce bureau, c’est que cet établissement s’accommodera toujours avec tout autre bon établissement sur les billet d’État, car enfin ne peut-on pas assurer en général qu’un moyen qui augmentera considérablement la valeur et la circulation de ce qui restera de ces billets ne pourra jamais nuire à ce bon établissement et pourra même [mot non déchiffré] le faire encore mieux réussir ?

§ 54

J’ai appris [•] qu’il y avait des commissaires nommés pour travailler à inventer, à examiner, à choisir et à rectifier les moyens les plus convenables soit pour donner aux billets d’État plus de valeur et plus de cours dans le commerce, ce qui n’est que suivre le premier plan du Conseil, soit pour les supprimer totalement en les convertissant ou en rentes héréditaires, ou en rentes viagères, ou en actions de compagnie sur l’État et ce sont autant de nouveaux plans qui ont leurs difficultés dans l’exécution au lieu que le bureau que je propose n’est point un nouveau plan, ce n’est qu’un moyen de perfectionner le premier plan et un moyen fort simple qui n’a aucune difficulté dans l’exécution, un moyen qui établit au centre du royaume pour deux cents millions de monnaie de papier qui aura toujours une valeur connue par rapport à la monnaie d’argent, ce qui y rétablira le commerce et l’abondance et ce qui laissera dans les provinces beaucoup plus de monnaie d’argent.

§ 55

Or je demande s’il n’est pas plus honorable pour le Conseil de suivre son premier plan si l’on peut le rectifier, que d’en prendre de nouveaux dont on ne peut pas prévoir tous les inconvénients non plus que l’on ne pourrait pas prévoir les deux grands inconvénients de celui-ci, savoir la vilité du prix de ces billets et le défaut de circulation et ce sont ces deux inconvénients pour lesquels je propose un remède.

§ 56

Je demande s’il n’est pas raisonnable avant de se déterminer à rebâtir sur de nouveaux plans d’essayer pendant six mois du bureau que l’on propose pour rectifier et pour perfectionner l’ancien plan ; s’il réussit suffisamment, les autres plans seront inutiles ; s’il n’a pas assez de succès, ne sera-t-on pas alors assez à temps de mettre en usage les nouveaux plans ?

§ 57

21 juillet 1717


1.« On dit en termes de commerce, que le change est au pair, pour dire qu’il n’y a rien ni à gagner, ni à perdre » (Académie, 1740).
2.L’un portant l’autre : « Faisant compensation de ce qui est moindre avec ce qui est meilleur » (Académie, 1694).
3.Il reste trace de la réflexion de l’auteur sur les rentes, initiée en 1717, date de ce mémoire, par des écrits postérieurs : l’un daté de 1723 (Sur un dépôt public des rentes mobiles, archives départementales du Calvados, 38 F 41 (ancienne liasse 1), p. [1]-21, « 20 novembre 1723 »), l’autre, le Projet pour rendre les rentes sur l’État d’un commerce plus facile et plus fréquent, rédigé en 1732 et publié en 1733 ; voir Rentes.
4.L’un portant l’autre : « Faisant compensation de ce qui est moindre avec ce qui est meilleur » (Académie, 1694).
5.La guerre de Succession d’Espagne à laquelle mirent fin les traités d’Utrecht (1713) aux clauses commerciales favorables à la Grande-Bretagne.
6.Il s’agit des Navy Bills, obligations émises par la Royal Navy, qui ont servi à financer l’expansion de la Grande-Bretagne grâce à sa flotte.
7.Robert Harley, comte d’Oxford (1661-1724) occupe les fonctions de Lord High Treasurer de 1711 à 1714 sous le règne d’Anne Stuart. Chef du party Tory, il fonde en 1711 la South Sea Company (Compagnie des mers du Sud). Ayant obtenu le monopole sur le commerce avec les colonies espagnoles d’Amérique, la compagnie fonctionne sur des échanges d’actions contre des titres de dette publique. En 1717, au moment de la rédaction de ce mémoire, elle prend à sa charge deux millions de livres supplémentaires de dette publique contre une nouvelle émission de titres, avant que n’éclate en 1720 une bulle spéculative.
8.« On dit en termes de commerce, que le change est au pair, pour dire qu’il n’y a rien ni à gagner, ni à perdre » (Académie, 1740).
9.L’état des dettes nationales de la Grande-Bretagne, présenté annuellement devant la Chambre des Lords, était publié dans la presse, en particulier dans la Gazette d’Amsterdam lue en France.
10.Allusion à la polysynodie, ou gouvernement par conseils, mis en place par le Régent en 1715. L’expérience tournera court plus d’un an après la rédaction de ce mémoire, en septembre 1718, et après la publication par l’auteur de son Discours sur la polysynodie […] (s.l.n.d. [p. 147 : « 16 avril 1718 »], in-4o) ; voir Alexandre Dupilet, Introduction à Polysynodie.
11.Le prêt à intérêt, condamné par l’Évangile (Luc, VI, 35) et par les scolastiques se réclamant d’Aristote, était autorisé depuis le XVe siècle seulement sur la base d’une dérogation du roi (privilège donné par lettres patentes) et avec des obligations précisément réglementées ; mais cet interdit était de plus en plus difficile à maintenir devant l’intensification des échanges commerciaux ; voir Marie-Jeanne Caroline, « L’interdiction du prêt à intérêt : principes et actualité », Revue d’économie financière, nº 109, 2013, p. 265-282, en ligne.