Notes
Jules Lair (Dudon de Saint-Quentin, p. 115-314) prétend que Dudon ne pouvait connaître les annales majeures carolingiennes, dont celles de Flodoard. Dudon connaissait pourtant visiblement cette œuvre (voir l’allusion à la bataille de Soissons, p. 173).
Lauer, 1898, p. 521-523 ; Flodoard, p. XXXVIII-XLII. On notera que dans l’introduction de son édition des Annales de Flodoard, Philippe Lauer se réfère à son étude détaillée du manuscrit 633 du Vatican, et apporte quelques corrections à celle-ci.
Prentout, 1916, p. 26-27. Si cette étude de l’œuvre de Dudon est critiquable sur de nombreux points – à cause notamment du jugement draconien porté sur le chanoine de Saint-Quentin – reconnaissons cependant à Henri Prentout le mérite d’avoir identifié une partie des sources utilisées par Dudon pour constituer son œuvre. L’utilisation des Annales de Flodoard par Dudon fait partie des démonstrations importantes faites par cet auteur.
Flodoard, p. XLVII-XLIX et XLII.
Gazeau, 2002, p. 37-38.
« Le B. Guillaume, abbé de S. Bénigne de Dijon », in Histoire Littéraire de la France, t. VII, p. 318-325.
Gazeau, Véronique, « Guillaume de Volpiano», in Dictionnaire du Moyen-Âge, p. 643. Raoul Glaber, trad. Arnoux, p. 9. « Le B. Guillaume, abbé de S. Bénigne de Dijon », in Histoire Littéraire de la France, t. VII, p. 318-325. Depuis la réforme de l’abbaye Saint-Bénigne de Dijon jusqu’à sa mort en 1031, Guillaume de Volpiano réformera, plus ou moins directement, de trente à quarante monastères en Bourgogne, Lotharingie, Normandie et Italie. Or, Flodoard relate dans ses Annales de nombreux faits sur ces régions et pays.
Bouet, 2002 (p. 58-59 et 66) et Arnoux, 1999, p. 41, estiment que la plus grande partie du travail de Dudon a déjà été exécutée au commencement du règne de Richard II. Le ms de Berne, qui ne contient que le texte en prose sans la préface dédicatoire et les poèmes en vers, est probablement le manuscrit le plus proche de cette première version. Le ms disparu de Saint-Évroult était lui aussi dépourvu de ces pièces de vers (Prentout, 1916, p. 25). L’ajout des poèmes semble avoir eu lieu progressivement par la suite, si bien que certains manuscrits en comptent davantage que d’autres: c’est le cas notamment du ms de Berlin, qui comporte un poème final sur Fécamp et Jean de Ravenne. Dudon semble donc avoir apporté régulièrement des additions à sa version initiale, même après 1015, à l’époque où il devint doyen de Saint-Quentin et rédigea sa préface dédicatoire (Shopkow, 1989, p. 36, n° 27).
Raoul Glaber, trad. Mathieu Arnoux, p. 10, 36 n° 1 et 175 ; Raoul Glaber, éd. Prou, p. V-VII.
Même si Raoul Glaber se montre plus prolixe sur les événements contemporains concernant les années 1010-1040 (trad. Arnoux, p. 17), il indique rapporter des faits survenus entre 900 et son époque (ibid. I, 4, p. 45). La rédaction de ses cinq livres eut lieu entre 1016 – livre II – et 1047 – livre V (ibid., p. 13).
Plusieurs détails montrent que Raoul Glaber ne connaissait probablement pas les Annales et eut recours à d’autres sources pour rédiger ses Histoires : il mentionne l’exil de Louis IV outre-Rhin et non outre-mer (trad. Arnoux, I, 5, p. 51 ; Flodoard, a. 936, p. 63), l’annexion de la Lotharingie par Otton Ier, alors que son père Henri avait rallié les Lorrains au royaume de Germanie dès 925 (trad. Arnoux, I, 7, p. 53 ; Flodoard, a. 925, p. 32) et il indique que le roi Robert fut tué à Soissons par les Saxons et leur roi Otton Ier plutôt que par l’armée de Charles le Simple jointe aux Lorrains (ibid., I, 6, p. 51 et III, 39, p. 215-217 ; Flodoard, a. 923, p. 13). Par ailleurs, il rapporte de façon différente la capture de Charles le Simple par Herbert de Vermandois (ibid., I, 5, p. 49 ; Flodoard, a. 923, p. 15), la mort de ce dernier (ibid., I, 7, p. 53 ; Flodoard, a. 943, p. 86), le choix de Raoul comme roi par Hugues le Grand (ibid., I, 6, p. 51 ; Flodoard, a. 923, p. 14), ou encore l’assassinat de Guillaume Longue-Épée, imputé surtout à Thibaut le Tricheur (ibid., III, 39, p. 215-216 ; Flodoard, a. 943, p. 86).
Raoul Glaber, trad. Arnoux, p. 9 et 11; Raoul Glaber, éd. Prou, p. VI. Le fait que Guillaume de Volpiano n’ait pas eu connaissance de cette œuvre malgré les très nombreuses abbayes qu’il réforma à travers la France entre 989 et 1031 peut paraître étrange. Il en va de même pour Raoul Glaber, qui parcourut de nombreux monastères de Bourgogne dépendants de Cluny entre 1000 et 1047 (éd. Mathieu Arnoux, p. 8 et 10-11). Il semble en effet que cette œuvre de Flodoard soit arrivée tardivement dans les monastères dépendants de cet ordre : le fait que l’œuvre soit issue de Reims, dont l’école forma autour de l’an mil quelques-uns des plus vifs opposants aux clunisiens (notamment Adalbéron de Laon et probablement Gérard de Cambrai) en fut peut-être l’une des causes…
Pour identifier ces manuscrits, je reprends ici les lettres latines majuscules utilisées pour leur description par Philippe Lauer dans son édition des Annales (Flodoard, p. XXXII-XLV). J’utilise en revanche des lettres grecques pour identifier les manuscrits aujourd’hui disparus.
Flodoard, p. XXXII-XXXV (ms A).
Pour l’examen des différents manuscrits, cf. Flodoard, p. XLV-XLVII.
Flodoard, p. XXXV-XXXVIII (ms B).
Philippe Lauer exclut de son étude les manuscrits F et G, jugés peu intéressants car copiés respectivement sur B, et sur C, D ou E à partir du XVe siècle. N’ayant pas toutes les informations à leur sujet, nous devons nous résigner à les écarter nous aussi de notre étude, bien que G dérive lui aussi de la « branche normande ». Voyez Flodoard, p. XLIV–XLV (ms F et G).
Flodoard, p. XXXVIII-XLII (ms C). Lauer, Philippe, « Le manuscrit des Annales de Flodoard, reg. lat. 633 du Vatican », p. 491 et suiv. Ce ms porte aujourd’hui la référence Vat. Reg. lat. 994 (Sot, Michel, p. 74).
Flodoard, p. L et LXX (fac-similé C). Lauer, 1898, p. 503-504 et planche XIII (fac-similé). Pour expliquer les notes du folio 80r, Philippe Lauer pense que ce manuscrit a été apporté au monastère de Saint-Taurin d’Evreux par Guillaume de Volpiano, qui s’y serait retiré en 1028, puis y aurait été enterré en 1031. Tout d’abord, c’est à Fécamp que Guillaume est décédé (Gazeau, 2002, p. 37) et fut enterré en 1031 (Brockhaus, 2002, p. 73-74). Ensuite, c’est seulement sous Robert le Magnifique et l’abbé Jean de Ravenne, en 1034, que le monastère de Saint-Taurin fut rattaché à l’abbaye de Fécamp (Gazeau, 2002, p. 40 ; Brockhaus, 2002, p. 76). Enfin, un office dédié à Saint-Taurin fut composé à Fécamp, après la mort de Guillaume (Gazeau, 2002, p. 41) : les notes du XIIe siècle du folio 80r semblent tirées de cet office. On notera également qu’une Vita sancti Taurini figure dans le plus ancien catalogue de l’abbaye de Fécamp. Le manuscrit C a donc probablement été copié à Fécamp et n’a jamais quitté cette ville avant le XVe siècle, comme le suggère les notes du folio 80v d’une main de cette époque.
Flodoard, p. LXX (fac-similé C). Lauer, 1898, planche XIII (fac-similé).
Flodoard, p. XLII-XLIII (ms D).
Flodoard, p. XLIII-XLIV (ms E). Les Annales étaient visiblement inconnues du chroniqueur Robert de Torigni, abbé du Mont-Saint-Michel dans la seconde moitié du XIIe siècle. La première copie est donc probablement arrivée au Mont au plus tôt au XIIIe siècle et il s’agit très certainement de ce ms E.
Flodoard, p. LXX (fac-similé C). Lauer, 1898, planche XIII (fac-similé).
Duchesne, 1619, p. 49. Dudon de Saint-Quentin, p. 115. On notera qu’André Duschesne et Jules Lair ont peut-être repris le titre du manuscrit de Saint-Évroult, sur lequel ils se sont probablement basés en partie pour leur étude, et qui a aujourd’hui disparu : c’est peut-être le copiste de Saint-Évroult – et non le premier de ces deux éditeurs – qui s’inspira de la préface dédicatoire de l’œuvre pour donner un titre à son manuscrit ou pour compléter celui-ci jugé incomplet.
Huisman, 1983, p. 122-135.
Bouet, 2002, p. 58.
Le manuscrit original de Flodoard ne devait pas porter de titre, comme c’était souvent l’usage à l’époque. Richer (tome I, Prologue, p. 4-5), qui utilise les Annales pour rédiger son œuvre, les désigne dans sa préface dédicatoire simplement sous le terme Libellus (« Flodardi Presbyteri Remensis Libello »), ce qui reste plutôt vague, et conforte cette opinion. Le ms B n’ayant pas de titre, il y a de fortes probabilités pour que son ancêtre a n’en comporte pas non plus. Le ms b fut donc vraisemblablement la plus ancienne copie des Annales de Flodoard portant un titre, et celui-ci – Gesta Normannorum – est loin d’être celui qui décrit le mieux son contenu.
Ce titre peut expliquer le fait que Guillaume de Volpiano, chargé de la réforme du monastère de Fécamp, ne prêta jamais attention à cette œuvre pourtant présente dans cette abbaye dès la fin du Xe siècle : il ne se douta probablement jamais que derrière ces « actes des normands » se cachait en réalité des annales loin d’être restreintes à cette région. De plus, il connaissait sûrement sous ce même titre l’œuvre de Dudon, dont le style rhétorique, en tant que clunisien, devait le rebuter !
Dudon de Saint-Quentin, p. 119 et suiv. ; Lifshitz, Felice, préface, chap. 1.
C’est malgré tout une source capitale pour connaître certains événements de l’histoire de Normandie au Xe siècle.
Les recueils de manuscrits regroupant un même thème n’étaient pas rares aux Xe et XIe siècles. Les deux plus anciens manuscrits des Annales de Saint-Bertin nous sont précisément parvenus dans des recueils de textes historiques constitués à ces époques.
Henri Prentout (1916, p. 26-27) indique que les Annales constituent la base principale de l’œuvre de Dudon pour la narration des événements de la période 919-966 relatifs à Rollon (livre II), Guillaume Longue-Épée et Richard Ier (livre III).
Parmi les autres œuvres mentionnant des actes des Normands utilisées par Dudon, Henri Prentout (1916, p. 27) indique certaines annales carolingiennes et germaniques pour la constitution du premier livre : les Annales de Saint-Bertin, les Annales de Saint-Vaast, la Chronique de Réginon de Prüm, les Annales de Fulda, etc. Toutefois, seule l’utilisation des Annales de Saint-Bertin semble relativement évidente. La division géographique du monde s’inspire du Getica ou De Getorum sive Gothorum origine et rebus gestis de Jordanès (p. 34-35) et des Histoires contre les païens de Paul Orose (p. 34). L’Historia Langobardorum de Paul Diacre (p. 39) sert à Dudon pour justifier les invasions scandinaves. Pour les autres livres, Henri Prentout mentionne également La Complainte Latine relative à l’assassinat de Guillaume Longue-Épée (p. 31). Si l’on suit l’hypothèse de Jacques Le Maho (2001, p. 32) concernant l’existence d’une Vita Guillemi disparue d’où fut tirée cette fameuse complainte, nous pouvons suggérer que Dudon a également pu l’utiliser pour rédiger son texte relatif à Guillaume Longue-Épée. Leah Shopkow (1989, p. 34, n. 1) envisage également la possibilité de la connaissance par Dudon de l’Historia Francorum Senonensis, mais émet quelques réserves.
Albert de Vermandois étant mort en 987, Dudon n’avait dès lors plus de protecteur : cette démarche aurait pu viser à obtenir la protection du duc Richard.
Le ms A comporte deux additions que l’on ne retrouve pas dans les autres : un texte hagiographique relatant les Visions de Flothilde figure avant les Annales (Flodoard, p. 168-176). Une lettre d’un comte Renaud adressée à un duc G. d’Aquitaine, a été recopiée à la suite de l’année 966. Elle contient une généalogie des descendants de Gerberge de Saxe, sœur d’Otton Ier, qui épousa Gilbert de Lorraine (mort en 939), puis se maria avec le roi de France Louis IV d’Outremer en secondes noces (Flodoard, p. XXXIV et p. 159).
Pour ces cinq paragraphes et leur analyse, voyez surtout Flodoard, p. 160-164 et 167 ; Lot, 1891, p. 72-73 et 78-90.
Lauer, 1900, p. 259-260; Flodoard, p. 167. On peut aussi supposer que le continuateur connaissait l’abrégé de la vie de Charles le Chauve que fit rédiger Bertrade.
Sur les événements relatifs au Hainaut entre 957 et 977, voyez Sassier, 1987, p. 142, 160-161 et 162.
Sur l’évêque Adalbéron de Laon, voyez Adalbéron de Laon, p. IX-XVIII et Coolidge, 1965, p. 1 et suiv.
Voyez le terme juventus, étymologiquement proche de juvenis (Lett, Didier, « Âges de la vie », in Dictionnaire du Moyen-Âge, p. 16). Ce terme désigne généralement, à l’époque, des hommes âgés de 21 à 35 ans. On notera qu’un siècle plus tôt l’évêque Hincmar de Laon était appelé « le jeune » pour le distinguer de son oncle l’archevêque Hincmar de Reims : le procédé est ici probablement identique. Par ailleurs, le terme juvenis peut également prendre le sens de « célibataire », et donc être indépendant de l’âge de l’individu.
Sur les successions d’évêques entre 975 et 978, voyez Lot, Ferdinand, 1891, p. 89-90. En plus de Laon, Ferdinand Lot mentionne cinq autres évêchés : Amiens, Sens, Autun, Soissons et Noyon.
Flodoard et le continuateur des Annales sur la période 976-978 mentionnent des décès d’hommes importants sans avoir recours une seule fois à la rédaction de tels obits, en total décalage avec le style habituel employé dans des annales. Le continuateur des années 976-978 préfère narrer l’état physique ou psychologique des défunts peu avant leur mort, plutôt que de se lancer dans un panégyrique ou une succession d’éloges.
Flodoard ne s’est malheureusement pas montré aussi précis pour la plupart des événements décrits sur la période 919-966 : des dates précises sont fournies pour les phénomènes météorologiques et les miracles, alors que leur absence se fait souvent cruellement ressentir pour les faits historiques, tels que les batailles ou les traités (Flodoard, p. XVII).
Le nombre de lignes indiqué correspond à celui comptabilisé dans l’édition des Annales de Philippe Lauer.
Sur ces quatre pagi, voyez Sot, Michel, p. 30-32, et en particulier la carte 5, p. 30.
Géographiquement proches, la communication entre les villes de Reims, Laon et Soissons se faisait d’autant plus facilement que des voies romaines reliaient ces trois villes (Sot, Michel, carte 6, p. 40). On notera également la facilité de communication avec la ville de Saint-Quentin, elle aussi voisine : Laon était située à proximité de la voie romaine Reims/Saint-Quentin. Historiquement, le triangle Reims-Laon-Soissons apparaît à l’époque de saint Rémi, qui crée vers la fin du Ve siècle un siège épiscopal à Laon pour son neveu, dont le frère occupait déjà celui de Soissons (Sot, Michel, p. 699). Ce triangle relationnel fort apparaît de nouveau après 925, sous les épiscopats des archevêques Hugues de Vermandois et Artaud (Sot, Michel, p. 346, 706).
Cette reconstitution généalogique simplifiée a été faite à partir des sources suivantes: Parisse, 1976, p. 19-22 et 844-849 (Annexe E) ; Parisse, 1993, p. 89 ; Poull, 1991, p. 14 ; Poull, 1994, p. 7-16 et p. 66 ; Adalbéron de Laon, 1979, p. IX-XI ; Parisot, 1909, p. 6 et suiv. (notamment p. 6-20) ; Parisot, 1919, p. 189-191 ; Histoire du Luxembourg, 2002, p. 90-92 ; Le Jan, Régine, 1995, p. 37, 184, 190, 294-295, 321, 323, 407, 417-419, 456 ; Flodoard, 1906, an. 951 (p. 130-131), 954 (p. 139), 959 (p. 147) et an. 962 à 966 (p. 154-158) ; Lot, 1891, p. 13, p. 40 n° 2, p. 50 n° 1, p. 55 n° 2, p. 63-64, p. 68 n° 2, p. 80, p. 141, p. 149-150, p. 158 n° 1, p. 245 n° 4, p. 287 n° 1 et addition p. 409 ; Gerbert, 1889, p. 26-28.
Voyez Parisse, 1976, carte p. 22 bis ; Histoire du Luxembourg, 2002, p. 93 + carte p. 86. Cette puissante famille regroupait de hauts dignitaires laïcs et ecclésiastiques : comtes, ducs, abbés laïcs, évêques et archevêques (Le Jan, 1995, p. 417-419). Les Adalbéron étaient généralement destinés à des fonctions cléricales (Ibidem, p. 216-217 ; Histoire du Luxembourg, 2002, p. 92).
Parmi les évêques de Metz des Xe et XIe siècles appartenant à la famille d’Ardenne, notons : Wigeric ?(919-927), Adalbéron Ier (929-962), Adalbéron II (984-1005), Thierry II (1006-1047), Adalbéron III (1047-1072). Seules les périodes 927-929 et 962-984 semblent leur avoir échappé entre 919 et 1072 ! Metz était alors une ville symbole, où la mémoire et la tradition carolingienne étaient fortement implantée (Histoire du Luxembourg, 2002, p. 80 et 82) : Saint-Arnoul, ancêtre de la dynastie, fut évêque de cette ville au début du VIIe siècle.
Le premier archevêque de Reims apparenté à cette famille fut Odelric (962-969), à qui succéda Adalbéron (969-989). Le neveu homonyme de ce dernier devint évêque de Laon de 977 à 1031. Au cours des Xe et XIe siècles, la zone d’action de la « Maison d’Ardenne » s’étend de la frontière de l’Empire à l’Est, jusqu’au-delà de la Meuse à l’ouest et à la Flandre au nord. Ses membres occupent les évêchés de Metz, Reims, Laon et Verdun, et convoitent celui de Trèves ; ils dirigent de nombreuses abbayes, dont celles de Gorze, Saint-Mihiel, Saint-Hubert, Stavelot-Malmédy, Echternachet Saint-Maximin de Trèves ; leurs charges comtales s’exercent entre la Meuse et la Moselle, et ils se succèdent quasiment systématiquement à la tête des duchés de Basse et de Haute-Lorraine (Histoire du Luxembourg, p. 93 et carte p. 92).
C’est de cette branche que sont issus les comtes de Verdun (voyez Parisse, 1993, p. 89 ; Parisse, 1976, p. 846-847). Gozlin était carolingien par sa mère Cunégonde et sa grand-mère Ermentrude, fille de Louis II le Bègue. Uda était ottonienne par sa mère Uda de Saxe, fille d’Otton le Borgne et sœur d’Henri Ier l’Oiseleur (figure 1 et 2) : leurs enfants eurent donc une ascendance doublement royale (et pour ainsi dire doublement impériale).
Sur ce personnage, voyez Sassier, 1987, p. 152-227 et 273-276 ; Lot, 1891, p. 64-65 ; « Adalbéron, archevêque de Reims », in Histoire Littéraire de la France, t. VI, p. 444-450.
Il est remarquable de constater que le continuateur ne s’intéresse qu’à cette branche de la « Maison d’Ardenne ». Aucune référence n’est faite à la branche des ducs de Lorraine et des comtes de Bar, issus du duc Frédéric Ier (au moins trois enfants : voyez Poull, 1994, p. 7-66 ; Parisse, 1976, p. 844-845) ou à celle des comtes du Luxembourg, issue du comte Sigefroid (au moins dix enfants : voyez Histoire du Luxembourg, p. 98-103 ; Parisse, 1976, p. 848-849). Ces deux branches sont pourtant au moins aussi prestigieuses !
Faut-il y voir un certain égocentrisme chez cet évêque ?
Adalbéron de Laon, p. XVIII-XXI. Certes, le style de la continuation des Annales est très différent de ceux employés dans les œuvres connues d’Adalbéron. Cependant, l’évêque de Laon a montré une grande aptitude à maîtriser tous les genres littéraires (Adalbéron de Laon, p. XXXVI-XXXVIII). D’autre part, il ne serait pas le premier auteur à avoir su varier les genres et les styles : rien qu’à Reims, Hincmar et Flodoard surent le faire avant lui, en réalisant des annales, des œuvres hagiographiques et des œuvres historiques, soit en vers, soit en prose, tout en sachant adapter leur style suivant le type d’ouvrage réalisé (Shopkow, 1989, p. 24, col. 2).
Voir Adalbéron critiquer son oncle, l’archevêque de Reims, de la sorte ne semble pas surprenant. L’évêque de Laon est célèbre pour ses confrontations avec les hommes de pouvoir de son époque, ainsi que ses prises de position vives: le comte Landri de Nevers (Rythmus satiricus), le roi Robert le Pieux et l’abbé Odilon de Cluny (Carmen ad Rotbertum regem) furent des cibles de choix dans ses œuvres. Il s’opposera ouvertement à plusieurs reprises à son ancien maître, Gerbert d’Aurillac, juste avant l’An mil (Gerbert, p. XXXII-XXXIII et appendice V p. 241). Ses confrontations avec son propre petit-cousin, Gérard, évêque de Cambrai (1012-1051) – petit-fils de Godefroi le Captif par sa fille Ermentrude – furent elles aussi virulentes (Adalbéron de Laon, p. X-XI).
Dudon de Saint-Quentin, Préface dédicatoire, p. 119 et suiv. Version électronique de Dudon par Felice Lifshitz, préface dédicatoire, chap. 1.
Sot, 1993, p. 103.
Flodoard, an. 963 (p. 154). Flodoard renonce à son ministère et à ses charges en 963, soit trois ans avant son décès (« ministerium abdicavi pralaturae »).
Les dernières années des Annales sont plus sèches, comportent des erreurs et redondances inhabituelles auparavant, si bien que Philippe Lauer observe un affaiblissement des « facultés intellectuelles de l’annaliste », qui s’avoue lui-même vieillissant et touché d’infirmités (Flodoard, p. XVIII-XIX).
Sur les Triomphes du Christ et l’Histoire de l’Église de Reims, voyez Sot, 1993, p. 87-101 et 101-107.
Sassier, 1987, p. 152. L’argument de défense avancé par Roricon laisse supposer sa présence au concile d’Ingelheim de 948.
Recueil des actes de Louis IV roi de France (936-954), p. XV. Recueil des actes de Lothaire et de Louis V, rois de France (954-987), p. VII, n° 43 et acte n° XIII, p. 29. Roricon (Rorgon) fut notaire et chancelier de son demi-frère le roi Louis IV d’Outre-Mer sous plusieurs archichanceliers différents : l’archevêque de Reims Hugues de Vermandois (actes du 10 août 943 et du 11 février 945), l’archevêque de Bourges Géronce (actes du 4 mars 944, 10 juillet 944 et du 29 septembre 948) et l’archevêque de Reims Artaud (acte du 26 juin 945). Il est également mentionné dans un acte du 1er juillet 946 (on ne sait si l’archichancelier était alors l’archevêque de Reims Artaud ou l’évêque de Langres Achard). L’acte du 29 septembre 948 est le dernier où il apparaît sous ce titre, et il était évêque de Laon dès le début de l’année suivante : il est probable qu’il a abandonné sa charge de chancelier en montant sur son siège épiscopal. Toutefois, Roricon apparaît sous le règne de Lothaire à la place de l’archichancelier Artaud dans un acte du 10 décembre 960, sans toutefois porter ce titre: le remplacement exceptionnel de l’archevêque de Reims par l’évêque de Laon s’explique probablement par l’incapacité du premier à pouvoir exercer cette tâche. Artaud devait d’ailleurs mourir moins d’un an après, le 5 septembre 961.
Sur ce concile d’Ingelheim, réunissant en 948 de nombreux évêques en présence des rois Otton Ier et Louis IV, voyez Flodoard, an. 948 (p. 109 et suiv.) et Sassier, 1987, p. 117.
Roricon fut diacre, vraisemblablement de l’église de Laon, avant de devenir évêque de cette même ville en 949, après le décès de Raoul de Laon (Flodoard, an. 949 p. 121).
L’existence des Annales de Flodoard fut probablement révélée lors du concile d’Ingelheim de 948. L’archevêque Artaud s’appuya fortement sur elles pour rédiger son « libelle », discours qu’il prononça pour sa défense lors de ce concile (sur ce texte, voyez Sot, 1993, p. 266-267, 275-276 et 287-289). Il est probable que Roricon a connu cette œuvre de Flodoard à cette occasion, et c’est à la suite de ce concile que Flodoard fut sollicité par un certain « prélat R. » pour rédiger l’Histoire de l’Église de Reims.
Sot, 1993, p. 102; « Roricon, historien et autres écrivains », in Histoire Littéraire de la France, t. VII, p. 186 : « totius scientiae lumen ». Richer (II, 82, p. 268-269) écrit : « Rorico, omni rerum scientia inclitus ».
Flodoard, p. XIV-XV ; Recueil des actes de Louis IV roi de France (936-954), p. X et suiv.
Sot, 1993, p. 102.
Ibidem, p. 102.
Roricon apparaît en 962 (Flodoard, an. 962, p. 151 ; Sassier, 1987, p. 152) dans un synode de treize évêques des diocèses de Reims et de Sens tenu dans le Meldois, sur les bords de la Marne : il n’était donc pas très loin de Meaux et de l’abbaye royale de Faremoutiers. Serait-ce vers cette époque qu’il aurait pu prendre connaissance de l’obituaire de cette abbaye ou/et de l’abrégé de la vie de Charles le Chauve ?
Régine Le Jan (1995, p. 35, 43-44 et 57) indique qu’à l’époque carolingienne, sous l’influence du christianisme, « la prière pour les morts, la memoria, s’imposa comme le principal devoir des vivants à l’égard de leurs parents défunts » : « la conscience généalogique pouvait atteindre la génération des arrière-arrière-grands-parents, voire au-delà, dépassant ainsi largement la mémoire biologique. Mais elle était sélective, elle résultait d’un choix opéré au sein de la parenté. […] La mémoire se cristallisait sur la ligne de parenté "la plus noble", et d’abord sur la parenté royale. […] Elle remontait dans le passé généalogique pour se fixer sur les ancêtres les plus "utiles", ceux qui légitimaient le pouvoir et la noblesse de leurs descendants ».
Flodoard, p. XV-XX et XXIV ; Sot, Michel, p. 86-87. Si les additions faites par le copiste ont bien eu lieu en 966, l’ambiguïté du nécrologe de Reims au sujet de la date de décès de Flodoard n’existait pas alors. En effet, l’auteur des Annales était bien mort à cette époque, mais son neveu homonyme était, lui, probablement toujours en vie. Une seule date concernant « un Flodoard » devait ainsi exister dans le nécrologe en 966 : le continuateur a donc bien reporté la date exacte de la mort de l’auteur des Annales dans sa continuation, c’est-à-dire le 28 mars. Celle du 17 mai correspond probablement à celle de son neveu, décédé plus tard.
Sur Gerannus, voyez Lot, 1891 p. 76-77; Adalbéron de Laon, p. XIV. Gerannus était archidiacre et écolâtre de l’école de Reims vers 970 où il enseignait la logique (philosophie).
Sur Gerbert, voyez Gerbert, p. I-XXXVIII ; Lot, 1891, p. 76-77 ; Parisse, « Gerbert d’Aurillac », in Dictionnaire du Moyen-Âge, p. 585 ; « Sylvestre II, pape », in Histoire Littéraire de la France, t. VI, p. 559-614. D’origine modeste, Gerbert connut un destin unique pour son époque et gravit grâce à son savoir et ses connaissances, les différents échelons de l’Église, commençant simple oblat et finissant premier pape français sous le nom de Sylveste II (999-1003), après avoir été respectivement écolâtre de l’école de Reims (972-982) – où il professa un enseignement très réputé tout en étant secrétaire de l’archevêque Adalbéron –, abbé laïc de Bobbio (v. 982/983), archevêque de Reims (991-998) puis de Ravenne (998-999).
Recueil des actes de Lothaire et de Louis V, rois de France (954-987), p. VII-IX et actes n° XXXIV-XLII p. 83-100 ; Adalbéron de Laon, p. XI ; Coolidge, 1965, p. II ; Sassier, 1987, p. 161. Les actes datés, où Adalbéron de Laon apparaît comme notaire et chancelier royal de Lothaire, sont de 974 et 975 ; les autres actes non datés ont probablement été rédigés entre 972 et 979, sans que l’on puisse préciser davantage.
Sur Wigeric : Flodoard, an. 923 (p. 17 et 18) et an. 927 (p. 37). Sur Adalbéron : Flodoard, an. 929 (p. 44), an. 943 (p. 89), an. 948 (p. 107, 110, 115), an. 950 (p. 127) et an. 951 (p. 130). Wigeric, évêque de Metz de 919 à 927, était probablement un parent de la « Maison d’Ardenne », comme le suggère son nom peu répandu (voir Parisse, 1976, p. 21). Le duc Frédéric Ier indique la générosité de ce parent probable dans un acte de 959 (Parisse, 1993, p. 55). Initialement vivement opposé d’Otton Ier, Adalbéron de Metz (929-962) fut parmi les derniers évêques de Lotharingie à accepter ce roi de Germanie (Parisot, 1919, p. 187). Mais lorsque cela fut fait, son attachement pour Otton se révéla sans faille. Il intervint dans les affaires de l’Église de Reims en 948 lors de synodes débattant de la légitimité des archevêques Hugues de Vermandois et Artaud, puis dans ceux opposant le roi de France Louis IV d’Outremer au duc de France Hugues en 950-951.
Flodoard, an. 951 (p. 131), an. 954 (p. 139), an. 959 (p. 147), an. 960 (p. 148) et an. 965 (p. 157, n° 2). Frédéric (Ferry) épousa Béatrice (Béatrix), une fille d’Hugues le Grand en 954 et devint duc de Haute-Lorraine en 959.
Flodoard, an. 962 (p. 151), an. 964 (p. 155), an. 965 (p. 156) et an. 966 (p. 158). Odelric fut élevé à Metz par Adalbéron, évêque de cette ville, où il devint chanoine avant de devenir abbé laïc en 942. Il succède à Artaud à la tête de l’archevêché de Reims en 962. Ferdinand Lot (1891, p. 50, note 1) indique que la mère d’Odelric, Eva, était consanguinae avec l’évêque Adalbéron de Metz, ce qui signifie probablement « cousine ». Il nous est malheureusement impossible de déterminer à quel niveau ce lien de parenté était établi. Il est fort probable qu’Odelric soit lié aux carolingiens par son père Hugues – descendant de Saint-Arnoul, évêque de Metz – et à la « Maison d’Ardenne » par sa mère Eva (nièce de Wigeric ?). Sur le terme consanguineus, voyez Le Jan, 1995, p. 166, 173-174 et 176. On notera que les informations des Annales sur Ricuin (an. 921, p. 6, an. 923, p. 13), second époux de Cunégonde, et sur son fils Otton (an. 922, p. 7, an. 923, p. 18, an. 942, p. 85, an. 943, p. 89, an. 944, p. 91), proches de la « Maison d’Ardenne », pouvaient elles aussi intéresser Adalbéron.
Hadulfe, évêque de Noyon, avait soutenu et consacré Odelric archevêque de Reims en 962 : celui-ci fut le premier archevêque lié à la famille d’Ardenne. Cette famille accédait ainsi à un nouveau rang ecclésiastique et accroissait son prestige au-delà de la Meuse, hors de la Lotharingie, où elle n’avait pas encore d’évêché.
À cette époque, Charles avait épousé Bonne d’Ardenne, fille du comte Godefroi (voir figure 1 et 2). Celle-ci mourut avant 979. C’est probablement aussi du fait de ce mariage qu’Otton II donna le duché de Basse-Lorraine à Charles. On notera que le premier enfant issu de cette union fut prénommé Otton. Au sujet des choix de nom à cette époque, voyez Le Jan, 1995, p. 179-223, et en particulier p. 221-222.
Sassier, 1987, p. 162 ; Gerbert, p. XX. Voyez aussi la version du synode de Saint-Macre faite par Richer (III, 66, p. 80-81).
Reprenons ici les termes d’Yves Sassier (1987, p. 162) commentant le don du duché de Basse-Lorraine à Charles par Otton II : « Honorer ainsi celui qui a voulu jeter opprobre et déshonneur sur l’épouse du roi des Francs, c’est faire offense au roi des Francs lui-même ».
L’évêque Thierry de Metz (965-984) était cousin germain de l’archevêque Brunon de Cologne et de l’empereur Otton Ier (Parisse, p. 84). Il était le fils du comte Eberhard et d’Amalrade, sœur de la femme d’Henri Ier l’Oiseleur, Mathilde (Gerbert, p. 25 n. 2 ; Le Jan, 1995, p. 44-45, 83-84). Bien que couronnant Charles à Laon en 978, il aura à l’égard de celui-ci des propos très durs dans une lettre rédigée six ans plus tard (Sassier, 1987, p. 197), notamment sur son comportement à l’égard de la reine Emma et d’Adalbéron de Laon.
Sur ces événements survenus en 977-978, voyez Sassier, 1987, p. 161-165 ; Le Jan, Régine, Histoire de la France, p. 152. Voyez également Lot, 1891, p. 91-103 et 106-108 ; Poull, 1994, p. 7-16. Voir aussi la version de Richer (III, 68-77, p. 82-97).
Lothaire se rapprocha d’Otton II en juillet 980, par le traité de Margut-sur-Chiers (Sassier, 1987, p. 167). Après la mort de celui-ci en 983, les hostilités reprendront, d’abord pour la tutelle du jeune Otton III en 984 (Ibidem, p. 173-175), puis par la prise de Verdun en 985 au cours de laquelle plusieurs membres de la « Maison d’Ardenne » furent faits prisonniers par Lothaire (Ibidem, Yves, p. 179-180).
À ce sujet, voyez Ibidem, p. 231-235 et 251-255 ; Richer, IV, 97-98, p. 307-313 et IV, 41-49, p. 204-225 ; Gerbert, p. XXIV.
Le Jan, 1995, p. 291, 294-295, 302, 324. La famille d’Ardenne descendait des carolingiens par Cunégonde, fille d’Ermentrude et petite-fille de Louis le Bègue. En 954, Frédéric, comte de Verdun, épouse Béatrice, fille de Hugues le Grand, duc de France et abbé laïc de Saint-Denis. Ce mariage le fait entrer dans la famille des Robertiens – il devient beau-frère d’Hugues Capet et oncle de Robert le Pieux, futurs rois de France – mais également dans celle des Ottoniens : la mère de Béatrice est Hadwige (Hathui/Judith) de Saxe, fille d’Henri Ier l’Oiseleur, et sœur d’Otton I. Cette situation lui vaudra d’obtenir le duché de Haute-Lorraine en 959, de la part de Brunon de Cologne, frère d’Otton Ier. Liée aux Carolingiens par naissance, cette famille issue d’une région au cœur des convoitises (la Lotharingie), se retrouve par mariage plus proche des Robertiens et des Ottoniens que des rois carolingiens : en 959, Hugues Capet est le beau-frère de Frédéric, l’Empereur Otton Ier est son oncle par alliance, alors que Lothaire n’est qu’un cousin très éloigné ! D’autre part, le frère de Frédéric, Gozlin, épousa Uda de Metz, dont la mère Uda de Saxe était une sœur d’Henri Ier l’Oiseleur. Leurs enfants, Adalbéron de Reims et Godefroi le Captif, se retrouvaient ainsi rattachés aux Carolingiens par leur grand-mère paternelle Cunégonde, et aux Ottoniens par leur grand-mère maternelle, Uda de Saxe : ils étaient ainsi petits-cousins d’Otton Ier. En se mariant avec Bonne, fille du comte Godefroi le Captif, Charles deviendra lui-même plus proche de la famille d’Ardenne que son propre frère le roi Lothaire. On comprend les enjeux politiques complexes tournant autour de cette famille lors des oppositions entre ces trois dynasties (voir figure 1 et 2).
Le Jan, 1996, p. 240 ; Le Jan, 1995, p. 221 et 414-416.
Yves Sassier (p. 167) souligne que « le métropolitain de Reims et son neveu de Laon […] n’ont guère apprécié l’incartade lorraine de 978 » menée par Lothaire. De même, un peu plus loin (p. 180) : « Un Adalbéron ne peut concevoir la survie de la royauté carolingienne qu’à condition que celle-ci accepte le second rôle qui lui revient dans le cadre d’un empire chrétien dont le gouvernement appartient désormais à la dynastie saxonne ».
Pour en savoir plus à ce sujet, voyez Sassier, 1987, p. 165 et suiv. Voyez également Lot, 1891, p. 80-282 ; Lot, 1903, p. 28-90; Gerbert, p. I-XXXVIII ; Adalbéron de Laon, p. IX-XI. Pour une étude sociologique de l’époque, voyez Le Jan, 1995.
La correspondance de Gerbert d’Aurillac montre le rôle politique joué par ces trois hommes dans l’avènement de Hugues Capet et la fin du Xe siècle. En sacrant Hugues, l’archevêque Adalbéron de Reims apporta la caution religieuse au nouveau roi et à la nouvelle dynastie naissante. En livrant à Hugues Capet le dernier carolingien prétendant au trône, son neveu l’évêque Adalbéron de Laon mit irrémédiablement fin aux prétentions de cette dynastie à la couronne de France. Voyez Sassier, 1987, p. 181. Reprenons ici les termes de Michel Parisse (1976, p. VI) : « De 978 à 987, les dernières années des rois carolingiens de France, la fin d´Otton II et le début du règne d´Otton III permettent de ressentir mieux qu’à toute autre période la position originale de la Lorraine. Ce pays est alors un enjeu entre le Royaume et l’Empire. Le roi français Lothaire entend reprendre la Francia media à son cousin germain, qui est aussi son beau-frère. C’est à Metz et à Verdun que s’organise la défense au profit de l’Empire; c’est avec les évêques, une duchesse d’origine française [Béatrice, fille d’Hugues le Grand] qui la conduit. À côté d’eux, il faut aussi compter Adalbéron, l’archevêque de Reims et le savant Gerbert. »
Lot, 1891, p. 70 et suiv. ; Sassier, 1987, p. 188-189 ; Gerbert, lettre n° 97 p. 89 ; Richer, IV, 16-17, p. 168-175.
Saint-Denis, « Laon », in Dictionnaire du Moyen-Âge, p. 816.
Sassier, 1987, p. 212-221 ; Richer, IV, 18-23, p. 174-181 ; Gerbert, 121 p. 110, 124-125 p. 113, 131 p. 118, 135 p. 122 et 137 p. 123.
Sur cette école de Laon, voyez Sot, 1993, p. 58-60.
Henri Prentout (1916, p. 17-19) déduit implicitement de la préface dédicatoire du De moribus qu’Adalbéron de Laon fut sans doute le protecteur et maître de Dudon, sans véritable démonstration ; nombre d’historiens l’ont suivi depuis. Mathieu Arnoux (Raoul Glaber, p. 16) souligne que Dudon n’a gardé de son maître, l’évêque Adalbéron de Laon, qu’une langue d’une infinie préciosité.
Pierre Bouet (« Dudon de Saint-Quentin », in Dictionnaire du Moyen-Âge, p. 452-453) indique qu’il fut formé en pays Vermandois sous l’influence intellectuelle de ces deux écoles.
Partant du principe que Dudon ne put recevoir l’étendue de ses connaissances uniquement à Saint-Quentin, B. Vopelius-Holtzmann a supposé que Dudon aurait étudié à Reims lorsque Gerbert d’Aurillac fut écolâtre de l’école cathédrale (voyez Shopkow, 1989, p. 21, col. 2).
Ibidem, p. 22-27. Pour plus d’informations sur Liège à cette époque, voyez Histoire de la principauté de Liège (p.17-23 ; 63-64) et surtout Kupper, 1981.
Dudon devait avoir entre vingt et vingt-cinq ans lorsqu’il fut envoyé en Normandie par Albert de Vermandois en 987 (Shopkow, 1989, p. 36 n° 24): il avait donc entre dix et quinze ans en 977. Dans l’hypothèse d’une éducation et d’une formation à l’école cathédrale de Laon, celles-ci lui auraient donc été inculquées sous Adalbéron de Laon (977-1031) peu de temps après son accession,et peut-être même initialement sous Roricon (949-976). À l’époque de ce dernier, Laon était encore un centre carolingien traditionnel proche de la cour royale. L’enseignement fut ensuite peu à peu réformé sous l’influence d’Adalbéron, qui avait été formé par Gerbert d’Aurillac à Reims suivant de nouvelles méthodes d’étude (Ibidem, p. 21, col. 2 p. 22, col. 2). Or on retrouve chez Dudon cette double influence: la première, classique, au travers des œuvres utilisées mises en avant par Leah Shopkow ; la seconde, où l’usage de la rhétorique était de rigueur, apparaît en permanence tout au long du récit, par l’emploi d’un langage très travaillé, souvent pompeux, où la recherche d’effets de style et les hyperboles sont omniprésentes.
Lot, 1891, p. 215-216 ; Dudon de Saint-Quentin, p. 295 ; Sassier, 1987, p. 208. Version électronique de Dudon par Felice Lifshitz, chap. 59.
Dudon de Saint-Quentin, p. 119 et suiv. Version électronique de Dudon par Felice Lifshitz, préface dédicatoire, chap. 1.
Dudon de Saint-Quentin, p. 119 et suiv. Version électronique de Dudon par Felice Lifshitz, préface dédicatoire, chap. 1.
Bouet, 2002, p. 63-65 ; Sassier, 1987, p. 208-209. Régine Le Jan (1995, p. 41) souligne le fait que Dudon a rédigé son œuvre dans le contexte de crise qui suivit la mort de Richard Ier, et que son histoire – l’une des premières histoires généalogiques princières – avait pour but de légitimer et conforter le pouvoir de Richard II.
Le manuscrit a est-il différent de celui apporté en Normandie par Dudon (ms b) ? Il peut s’agir en effet du même manuscrit si l’on considère que Dudon a pu amener en Normandie le manuscrit de Laon sans en faire une copie préalable. Il aurait alors simplement ajouté le titre Gesta Normannorum sur celui-ci. En effet, il s’agit de la seule différence certaine existant entre ces deux manuscrits dans l’état actuel de nos connaissances: nous sommes dans l’incapacité de pouvoir affirmer qu’il s’agit de deux manuscrits distincts ou d’un manuscrit unique. Pour trancher, un réexamen du manuscrit B, issu d’a s’avérerait nécessaire.
Ce graphe s’inspire de celui réalisé par Philippe Lauer à la suite de son analyse (Flodoard, p. XLV-XLVII).
Flodoard, p. LVII ; Lauer, 1898, p. 522-523.
Raoul Glaber, trad. Arnoux, p. 8-11 et 13-14. Raoul Glaber acheva son œuvre vers 1047 après être passé dans plusieurs abbayes dont Saint-Léger de Champaux, Saint-Germain d’Auxerre (v. 1002 ?, puis entre 1036 et 1047), La Réôme (entre 1003 et 1010?), Saint-Bénigne de Dijon (entre 1016 et 1030?), Cluny (v. 1031-1033), Saint-Pierre de Bèze (v. 1035-1036) : malgré tous ces déplacements dans des monastères réformés pour la plupart selon l’ordre de Cluny, aucun fait présent dans son récit ne semble tiré directement des Annales de Flodoard.
Dans son Carmen ad Rotbertum regem, Adalbéron met nommément en cause le « roi » Odilon, qui n’est autre que l’abbé de Cluny, et présente une tripartition de l’église et de la société nettement différente de celle exposée par les clunisiens ou le défenseur du monachisme qu’est l’abbé Abbon deFleury (Apologeticus). Sur ce sujet, voir : Adalbéron de Laon, p. CXIX-CXXXV ; Morelle, Laurent,« Abbon de Fleury », in Dictionnaire du Moyen-Âge, p. 1 ; Barthélemy, Dominique, « Trois ordres (Théorie des) », in Dictionnaire du Moyen-Âge, p. 1411-1412 ; Sassier, 1987, p. 203, 251 et 268-276.
Sassier, 1987, p. 12 et 157 ; Flodoard, p. XVIII.
Sur cette vision de l’école positiviste : « Adalbéron, évêque de Laon », Histoire Littéraire de la France, 1865, T. 7, p 290-297 ; Lot, 1891, p. 237-242, 272-277 et 281-282 ; Lot, 1903, p. 28-30 et 89-90 ; Prentout, 1916, p. 2-4 et 17-20. Dudon n’est pas mentionné dans leur Recueil des Historiens de la France.
De l’œuvre de Dudon, nous ne disposons que des deux éditions d’André Duchesne et de Jules Lair, ainsi que d’une étude critique faite par Henri Prentout : de nombreux points seraient à revoir dans ces éditions (qui ne portent que sur un nombre réduit de manuscrits, alors que Gerda Huismanen a comptabilisé quinze) et dans cette étude (la vision d’Henri Prentout est très partiale) aujourd’hui dépassées du fait de recherches et découvertes apportées dans divers domaines, notamment en archéologie. Pierre Bouet travaille actuellement sur une nouvelle édition critique qui devrait permettre de faire le point sur l’état de nos connaissances, dont l’intérêt pour l’histoire de la Normandie est primordiale.
Pour plus d’information sur la ville de Laon et son église, voyez Saint-Denis, 1987, p. 63-135.
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